Une pilule. Puis deux, et une troisième. Je refermai la petite boîte orange qui m'était devenue si familière et regardai un instant ces trois médicaments, dans le creux de ma main. J'éprouvais toujours une sorte d'appréhension avant d'avaler ces cochonneries. Je restais là un certain temps, devant le miroir de la salle de bain, et je regardais ces molécules insignifiantes pendant un instant. Je réfléchissais. Des souvenirs douloureux me revenaient ; comme des flashs, ils arrivaient soudainement et repartaient tout aussi vite, sans plus d'explication. J'essayais de me reconstruire, de me battre, d'oublier, de tourner la page, de rester fort. Et pourtant, je me sentais toujours aussi faible face à ces trois petites pilules. Toujours aussi dépendant. Ma vie ne tenait qu'à cela. Parfois, je devais m'asseoir tant le poids des souvenirs se faisait dur à porter. Je me rappelais de cette soirée où tout avait changé, où j'avais basculé dans l'abîme sombre qui me tendait les bras depuis déjà trop longtemps. J'avais cédé. Je ne me souvenais pas précisément de cette nuit-là. Le visage de ma sœur était cependant clair dans mon esprit. Je l'avais vu ce soir-là, oui, je m'étais rendu chez elle. Il y avait une fête, et j'avais été dégoûté de voir tout ce monde alors que je pleurais encore ma mère. Je m'étais explosé le crâne à grands coups d'alcools et j'étais rentré. Là, je ne savais pas exactement ce que j'avais fait. Peut-être que j'avais mangé, ou dormi, ou que j'étais resté assis quelque part à contempler le vide de ma propre existence. Je me rappelais avoir ingéré toutes ces pilules, et cette fois-ci, il n'y en avait pas que trois. Il y en avait assez pour tuer un homme. Alors oui, parfois je devais m'asseoir, parce que les souvenirs pouvaient se montrer impitoyables. Je pris une grande inspiration et portai ma main à ma bouche. Je tâtai les médicaments du bout de ma langue, et les avalai d'un coup sec. La sensation était particulièrement désagréable. J'enfilai ensuite ma veste et claquai la porte de l'appartement, sûrement plus fort que je ne l'aurais voulu, car j'entendis Blake grommeler depuis sa chambre que je faisais trop de bruit.

J'avais rendez-vous chez mon psychiatre à quinze heures, et ce tous les trois jours. C'était ce que l'on avait convenu lors de ma sortie de l'hôpital. Il était actuellement treize heures, mais j'avais pour habitude de me balader un peu avant ces séances douloureuses. Je n'avais jamais aimé me rendre chez cet illustre inconnu à qui j'étais sensé confier les détails les plus intimes de mon existence. Les psys en tout genre me dégoûtaient. Comment étaient-ils sensés nous aider ? En quoi consistait réellement leur métier, franchement ? Chaque jour, les personnes défilaient dans leurs cabinets. Ils déballaient leurs histoires, leurs tristesses et leurs joies, leurs désespoirs. Des êtres humains se mettaient à nu devant eux et payaient une poignée de dollars pour simplement avoir une oreille attentive. Je n'aimais pas cela. Ce n'était pas pour moi. Mais j'y étais obligé. Si je voulais un jour devenir prof, il y avait intérêt à ce que je guérisse, et ce le plus rapidement possible. Je décidai de passer par le lac, un lien que je trouvais particulièrement joli. Je n'étais pas un grand sensible -disons que je n'étais pas du genre à être fan d'art ou de m'extasier devant des paysages. Mais je trouvais l'endroit reposant. Les saules pleureurs se couchaient langoureusement sur la surface de l'eau. Jamais je n'avais trouvé qu'élément portât mieux son nom que cet arbre. Il y avait quelque chose d'absolument majestueux et splendide dans cet édifice de la nature. Un peu plus loin, les cerisiers fleurissaient. Les couleurs étaient sublimes. Alors que je marchai les yeux rivés sur les alentours, je bousculai quelqu'un. Instantanément, je me mis à rougir. Il fallait vraiment que ce genre de choses m'arrivent, à moi ! J'étais très gêné. Tout ce que je demandais, en ce bas monde, était de faire mon chemin sans jamais croiser la route de quelqu'un. Je supportais extrêmement mal le regard des autres. Voyant que la personne ne continuait pas son chemin, je levai un peu les yeux. Et d'un seul coup, je me détendis. C'était Nessa. Je n'aurais pas cru la croiser par ici. Ses cheveux blonds et son regard bleu achevaient de compléter le somptueux paysage qui se déroulait derrière elle. Elle me regardait, sans rien dire, une expression indescriptible sur le visage. Je ne savais pas ce qu'elle pensait. Cela faisait tellement, tellement longtemps. Je me souvenais encore de notre voyage à Macon, où tout allait tellement bien, jusqu'à ce qu'elle me fasse comprendre qu'il n'y aurait plus rien entre nous. Elle s'était soudainement montrée froide à mon égard, et je n'avais pas trop compris. Nessa n'avait plus donné de nouvelles, depuis. Je comprenais bien qu'elle était occupée, avec son groupe et tout, mais bon... Je levai un sourcil interrogateur. « Tiens, Nessa Tate... Revenue d'entre les morts » fis-je d'un ton neutre. Et voilà comment je saluai cette fille que bon sang, j'avais aimé fut un temps. Dans une autre vie, dans d'autres circonstances, peut-être que la situation aurait été différente.

depuis le début de la tournée de pretty storm, je n'avais plus une minute à moi. je passais mes arpès-midi à bosser pour le concert du soir et la matinée à récupérer pour le soir suivant. on changeais de salle presque tout les soirs, c'était crevant. autant dire que je n'avais jamais été aussi épuisée de toute ma vie que depuis ses dernières semaines. mais eh, c'était le prix à payer pour cette vie, je suppose. je vivais mon rêve, je vivais de ma voix, de ma danse, je m'éclatais sur une scène chaque soir avec mes meilleures amies et j'étais payée pour ça. de plus, je bougeais. depuis que j'étais arrivée à miami il y a un peu plus d'un an j'étais restée au même endroit, je n'aimais pas spécialement ça. même si j'avais détester faire partie du système, le truc bien là-dedans c'est qu'on y voyage beaucoup. j'avais fait le tour du pays, et j'aimais cette vie là. je suis le genre de fille à me lasser vite, que ce soit des endroits, des gens, de mon quotidien. j'aime quand tout est chamboulé, quand tout est nouveau, faire de nouvelles connaissance, découvrir de nouvelles villes. avec la tournée, j'étais gâtée. en plus de beaucoup bouger, il y avait tellement de gens pour s'occuper de la musique, de la déco, de mes fringues, mes cheveux, mon maquillage que je rencontrais de nouveaux employés de ace pratiquement chaque jour. autant dire qu'on ne s'ennuyait pas en ce moment dans la vie de nessa tate. j'avais un peu laisser les histoires de coeurs, qui avaient été la grande prioriété de ma vie l'an dernier, derrière moi. désormais je me concentrais sur le job. je sais, avec moi ça n'allait pas durer, j'suis un coeur fragile qui a besoin de l'attention d'un garçon, mais pour l'instant je m'amusait et ne m'était pas encore laisser avoir par la connerie qu'est l'amour une fois de plus. bien sûr, j'espérais un jour rencontrer un garçon en qui je pourrais avoir complètement confiance, quelqu'un avec qui je me sentirais bien et qui m'aimerait autant que moi je pourrais l'aimer. mais en attendant le prince charmant, je profitais de ma vie et laissait les drames de côtés. nous avions parfois quelques jours de repos entre deux shows, mais alors que je pensait me reposer, ace nous avait à toutes demander de bosser sur le prochain album. ouais, dingue non ? la tournée du premier venait à peine de commencer que notre maison de disque nous demandait déjà de nous pencher sur des textes et des mélodies pour le prochain cd. la preuve que ça marchait, j'étais contente. mais j'étais aussi crevée et à l'appart, essayer de se concentrer avec les autres filles ne marchait pas pour moi. pour composer, j'avais besoin d'être au calme, seule, couper du monde. sinon, je pondait rien de super. alors, j'avais pris mon sac, mon carnet de chansons presque terminé d'ailleurs, un crayon et j'étais sortie. j'avais beaucoup marcher, cherchant un endroit qui m'inspirerait à écrire, la plage était mon endroit préféré mais pour une fois j'avais envie de changer. c'est ainsi que je m'étais retrouvée au parc. c'était calme, magnifique, l'endroit parfait pour quelqu'un en recherche d'inspiration. je marchais tête baissée en fouillant dans mon sac quand je percutais maloncontreusement quelqu'un, je relevait immédiatement la tête pour m'excuser de ma maladresse, et c'est là que je le reconnu. charlie. tellement il m'avait manqué. tellement c'était étrange de le revoir de cette manière, au hasard.. si nous nous étions éloignés, c'était ma faute et j'en étais pleinement consciente, bien que cela n'avait jamais été ce que je voulait. j'avais beaucoup aimer charlie, il avait été un repère, il m'avait beaucoup aider à un moment de ma vie où personne d'autre ne le faisait. il avait pris soins de moi quand personne d'autre ne le faisait. et quand il avait été temps pour moi de rendre l'appareil.. j'avais été entraînée dans le groupe et n'avait pas eu le temps de l'aider à mon tour. je m'en voulait. vous pouvez pas savoir comment. la façon dont il me saluait me faisait monter les larmes aux yeux, mais je pris une inspiration et tentais de me calmer. alors voilà, nous étions réduits à ça. même plus un sourire, alors qu'avant je participait à ce grand sourire enfantin qu'il affichait en permanence. je me pinçais les lèvres, puis finalement je lui sourit légèrement. « charlie. je..  » qu'étais-je censée dire ? tu m'a manqué ? comment tu va ? je suis désolée ? c'est dingue comme une personne peut être une part de vous puis ensuite se trouver devant vous sans que vous ne sachiez comment lui parler... quoi lui dire. je relâchais mon sac, puis j'inspirais de nouveau. « c'est un peu étrange de se croiser comme ça.  » constatais-je. « je.. je voulais t'appeler ! mais j'ai plus vraiment une minute à moi avec la tournée et..  » putain. c'est pas une excuse, ça, nessa. je soupirais, puis m'approchais de lui pour me pendre finalement à son cou, mes bras glissés autour de se dernier je le serrais fort contre moi. « je suis désolée. tu m'a manqué.  » enfin, c'était finalement sortis.

C'était étrange de revoir Nessa ici et maintenant. Après tout ce temps. Je restai planté devant elle, sans savoir quoi dire ou quoi faire. Je ne ressentais aucune colère envers elle, loin de là. J'étais juste... perdu. Où en étions-nous, et quelle était la nature de notre relation désormais ? Est-ce que nous étions simplement des... amis ? Est-ce qu'au fond nous l'avions déjà été, des amis ? J'en savais trop rien. Nous avions grillé toutes les étapes, avec Nessa. Quand j'y repensais, nous avions vécu une folle aventure, tous les deux. C'était bien. Génial même. Cette période de l'année passée où je voyais Nessa pratiquement tous les jours avait été à la fois la plus dure et la plus magnifique de ma vie. Nous étions sur la même longueur d'onde, et dans ce monde qui nous semblait si hostile, nous avions réussi à nous trouver. Nessa était ma bulle, mon échappatoire pendant un temps. Et ensuite... J'avais merdé avec ma vie, j'avais tout foutu en l'air et je l'avais perdu. C'était vrai, tout avait changé depuis cette sombre nuit d'août 2015. Il ne fallait pas se voiler la face, notre relation avait été complètement bouleversée par ces évènements malencontreux. Il y avait eu Joana, aussi, j'avais passé mes journées avec elle. J'en avais fait ma priorité, et maintenant, elle était partie. Franchement, y'avait quelque chose qui tournait pas rond dans ma tête. J'arrivais jamais à garder quelqu'un dans ma vie. Tout le monde s'en allait, tout le temps. Me retrouver face à Nessa, aujourd'hui, me faisait un petit choc. Comme si le passé faisait irruption dans le présent. Nessa était une manifestation surnaturelle de ce passé révolu. J'aurais tout donné pour que les choses redeviennent comme avant entre nous, mais était-ce réellement envisageable ? Je ne savais même pas ce qu'il se passait dans sa vie. De ce que j'en savais, elle avait du succès avec son groupe. Elle avait une véritable carrière désormais, pendant que moi j'étais toujours en train de patauger lamentablement dans mes problèmes. Elle avait réussi à s'en sortir. Et puis, je ne savais pas non plus ce qu'il en était avec Wayne. C'était bien ça, aussi, l'obstacle qui revenait sans cesse entre nous. Wayne Everden et l'amour fou que lui portait Nessa malgré tout le mal qu'il avait pu lui faire.

Nessa paraissait également surprise de se trouver face à moi. Elle avait changé. Elle faisait beaucoup plus femme qu'avant, et beaucoup plus... assagie. Je me rendis soudainement compte que ce n'était plus la même que j'avais devant les yeux. La nouvelle Nessa était... impressionnante. Aucun de nous deux n'osait ouvrir la bouche. Ça me rendait malade. Ce petit bout de femme qui se tenait devant moi avait été ma priorité, pendant un moment. J'aurais tout, absolument tout fait pour elle. J'avais été intimement persuadé que quelque chose de fort, d'indestructible nous reliait. Que cela durerait toujours. Et maintenant, nous n'étions plus capables de trouver les mots. Qu'est-ce qui nous était arrivé, bon sang ? C'était insupportable. J'aurais voulu la serrer contre moi et lui dire que tout irait bien, comme autrefois. Malheureusement, je n'étais plus certain qu'elle ait besoin de ma protection désormais. Les rôles s'étaient inversés ; aujourd'hui, elle était la personne forte, et moi la faible. « c'est un peu étrange de se croiser comme ça. je.. je voulais t'appeler ! mais j'ai plus vraiment une minute à moi avec la tournée et..  » Me dit-elle, hésitante. Je la regardais, toujours sans rien dire. Je n'arrivais à rien dire, rien. Je me contentais de la regarder, à la fois un peu perdu et ravi de voir qu'elle allait mieux. Et puis, elle finit par passer ses bras autour de mon cou et se fut comme un soulagement. La sentir contre moi, pouvoir la serrer dans mes bras, oui, c'était une bouffée d'oxygène. Savoir que malgré tout ce qu'on avait pu affronter, on était toujours là, tous les deux. Peut-être que les choses n'étaient pas comme avant, mais en tout cas, les sentiments étaient toujours présents. « je suis désolée. tu m'a manqué.  » fit-elle à voix basse. Je la serrais un peu plus fort, puis notre étreinte prit fin. Je plantai mon regard dans le sien et soupirai légèrement. « Tu n'as pas à t'excuser, Nessa. Moi non plus, j'ai pas... j'ai pas donné énormément de nouvelles » Un sourire fin se dessina sur mes lèvres. « Et puis, t'es une star maintenant, pas vrai ? » ris-je doucement. Ça me faisait tout drôle de penser que Nessa, ma Nessa, puisse être ce que l'on appelait une célébrité. « C'est génial que tu aies réussi. J'suis fier de toi et de ce que t'as fait. T'es une femme forte, Nessa, très forte, j'espère que tu n'en doutes plus maintenant » souris-je. Nessa ne m'avait jamais cru quand je lui répétais, quand j'essayais de la convaincre de cela.  

il était difficile pour moi de lui parler, de lui expliquer ce que je pouvait bien ressentir. vous savez pourquoi ? parce qu'avant je n'avait jamais eu besoin de le faire. parce qu'avant, charlie et moi on avait pas besoin de parler, on se comprenait en un regard. je croit ne pas mentir en disant que charlie est certainement la personne à qui je pouvait me livrer le plus, celle à qui je m'était livrer le plus. je sais pas trop pourquoi, c'était simple d'être avec lui. il n'y avait pas de problèmes, jamais de disputes, parce que charlie est ce genre de personne qui ne veut que mon bien. sans contre-parti, il ne me demandait rien. il n'y avait pas d'échange, il ne me demandait pas de sentiments, pas de sexe, rien. c'était mon ami, mon véritable ami. j'avais très peu d'amis, peut être parce que j'avais beaucoup de mal à accorder ma confiance, peut être parce qu'avoir des gens proche de toi veut dire que tu a des gens à décevoir, et j'en avait marre de décevoir les autres, mais pas lui. pas mon charlie. il m'avait vu dans le pire des états, j'avais été horriblement cruelle avec lui et pourtant il m'avait aider, protéger, il le ferait toujours, je le savait. j'aurais pu tomber amoureuse de ce garçon, j'aurais probablement dû. il était tout ce dont une fille pouvait rêver, un véritable prince charmant. mais mon coeur à moi il marche à l'envers, au lieu d'aimer un gars comme lui qui m'aurait rendue heureuse et aurait pris soins de moi, je craquais pour des gars pour qui je n'étais qu'une fille de plus sur une centaines d'autres. l'histoire de ma vie. et puis je m'étais jetée à son cou, parce qu'il m'avait manqué et que je n'avait pas pu faire autrement. je l'avait serrer très fort, par peur que d'un instant à l'autre il ne disparaisse et je ne le voit plus durant des mois, comme cela c'était produit. je voulait pas, je voulait plus. l'idée même qu'il aurait pu réussir sa tentative de suicide et ne plus exister me brisait le coeur. je me serais sentie fautive, je l'aurais probablement été un peu, je l'avait abandonner alors que lui ne m'avait jamais laisser tomber. et puis on se détachais malgré moi, je le regardait avec des yeux tristes, les magnifiques traits de son visage.. il sourit et je vous jure que ma journée s'illuminait alors. c'était un petit sourire, mais c'était mieux que rien. mes mains venaient se placer autour de son visage, et bien que je soit plus petite que lui je ne le lâchait pas des yeux. un petit sourire en coin s'affichait sur mon visage à mon tour quand il me dit que j'étais désormais une "star", t'en fait pas bébé, c'est aussi étrange pour moi de l'entendre que pour toi de le dire. j'avais encore du mal parfois à me faire à ce statut. les gens qui te reconnaissent dans la rue, te demandent des photos, les paparazzis, tout ça était épuisant. mais c'est ce que j'avais voulu, en quelque sortes. ce que j'avais désormais. je caressait sa joue avec tendresse. « tu a cru en moi même quand tu m'a vu au plus bas. c'est grâce à toi tout ça.  » si charlie n'avait pas été là, je me serait détruite, j'étais sûr la bonne voie. il m'avait trouver dans la rue droguée, saoule et m'avait fait interné, j'en avait alors eu besoin. je lui en avait voulu, mais je comprenais désormais que cela avait été pour mon bien. en me replongeant dans ces souvenirs, je repensait au fait que je devrait prendre rendez-vous avec mon docteur et cesser d'ignorer ses appels. je devait encore augmenter mes médicaments, je n'en avait pas envie. plus le traitement était fort et moins je ressentais... quoique ce soit. le traitement existe pour effacer la peine, la tristesse, la colère, mais à long terme et à des doses aussi fortes, il effaçait également la joie, le bonheur.. l'amour. on ne ressent plus rien, on est plus qu'une coquille vide, sans aucun sentiments suceptibles de nous faire perdre les pédales. mais au final, est-ce que ne plus rien ressentir du tout n'allait pas me rendre dingue également ? je baissait les yeux un instant, tentant de chasser ses pensées, j'attrapais sa main et le guidait vers un banc là où je m'installais. « parle moi de toi, ça va mieux ? tu a recommencer à bosser ?  »

Je n'aurais jamais dû m'attacher à Nessa Tate comme je l'avais fait. Alors que nous nous tenions face à face, au beau milieu du parc, j'en étais convaincu. Elle m'avait prévenue, pourtant. Que les choses ne duraient pas avec elle et que de toute façon elle n'en valait pas la peine... Et j'avais bien été d'accord avec ça, parce que j'avais le même avis sur moi. Je n'en valais pas la peine non plus, je n'étais qu'un autre fou à lier dans la nature qui ne méritait vraiment pas qu'on s'attarde sur lui. Et puis le temps avait passé et j'avais oublié mes promesses. J'avais oublié que je ne devais pas m'attacher à elle. De toute façon, j'aurais été un menteur si je disais que j'avais cru une seule seconde à ses paroles. Pour moi, Nessa en avait toujours valu la peine. Jamais je n'avais regretté ce que j'avais fait pour elle, jamais, même quand j'avais poussé Dawson à l'hospitaliser. Je m'en étais voulu de lui infliger cela, certes, mais je n'avais pas regretté. Elle était ressortie de tout cela plus brillante et heureuse que je ne l'avais jamais vu. Non, en fait, en la regardant, je ne parvenais qu'à éprouver une sorte de mélancolie doucereuse. Nessa était ma madeleine de Proust, un doux visage du passé qui me revenait et me rappelait cette période où j'avais été infiniment plus heureux à ses côtés. J'étais presque un brin triste quand je voyais ce qu'elle était devenue, parce qu'elle s'en était tirée. Elle était devenue une jeune femme exceptionnelle. Je ne reconnaissais plus la Nessa perdue avec qui je m'étais tiré au Mexique l'espace d'un week-end, il y a un an. Car oui, cela faisait une année qu'elle était entrée dans ma vie. Une putain d'année. Et quelle année ç'avait été, mon dieu... Pendant ce temps, Nessa avait réussi à devenir quelqu'un, elle vivait son rêve et je ne pouvais me sentir qu'heureux pour elle. Et je l'étais, vraiment. Simplement, son succès mettait impitoyablement en avant ma déchéance. Elle avait avancé, moi pas. J'étais toujours coincé dans mes problèmes, toujours étouffé par mes démons. J'étais toujours aussi seul. Bien qu'entouré, je me sentais terriblement isolé. Peut-être parce que Joana était partie, peut-être parce que ma vie amoureuse était complètement chaotique. Ma vie tout court était un pur désastre et je peinais à repartir sur le bon pied. Et malgré toutes les épreuves qu'on avait traversé, j'avais toujours cru en elle, et l'espace de quelques temps, je devais l'admettre, j'avais cru en la possibilité d'un nous. J'avais été naïf, imbécile, un trait de caractère qui me suivrait probablement toute ma vie. Pendant longtemps et jusqu'à trop récemment. Maintenant il fallait que je tourne la page, que j'arrive à rentrer dans ma tête qui décidément ne tournerait jamais rond que Nessa ferait son chemin seule. Maintenant, elle n'avait plus besoin de moi. Ces mots me brûlaient comme de la lave en fusion mais c'était ainsi. Nous étions amis et cela me suffisait. J'essayais de m'en convaincre mais ce n'était pas toujours facile. De toute façon, elle n'en savait rien, n'est-ce pas ? Elle avait Wayne dans sa vie. Et c'était peut-être mieux ainsi.

Nessa avait enroulé son corps frêle contre le mien et c'était un soulagement que de la sentir dans mes bras. Elle était encore là, c'était encore Charlie et Nessa contre le reste du monde. Rien ne serait plus comme avant, je le savais, mais nous serions toujours là l'un pour l'autre. Du moins, c'était ce que je ressentais. En tout cas, moi, je serais toujours là pour elle. C'était comme ça, j'étais fidèle, sûrement trop fidèle. J'attendais toujours derrière ceux qui ne se retournaient pas. Nessa me dit qu'elle était désolée et que je lui manquais, et je ne pouvais rien faire d'autre qu'approuver. Lui répondre que c'était pareil pour moi. Que je le veuille ou non, Nessa aurait toujours une place spéciale dans mon cœur. Elle aurait pu me faire tout le mal du monde et une phrase d'elle aurait quand même tout résolu. C'était ma compagne de galère, en quelque sorte. À nous deux nous avions affronté bien plus que beaucoup d'autres et je trouvais ça étonnamment splendide. C'était splendide parce que nous avions réussi à bâtir de l'or sur toutes les merdes qui nous arrivaient. Ouais, c'était magnifique. Je regardais Nessa un instant. C'était devenue une vraie femme maintenant, forte et avec de la poigne. J'admirais sincèrement ce qu'elle était devenue. Ça m'aurait plu qu'elle puisse me regarder et se dire la même chose, mais contrairement à elle, ma vie était restée merdique. « tu a cru en moi même quand tu m'a vu au plus bas. c'est grâce à toi tout ça.  » Me dit-elle doucement. Ce qu'elle me disait faisait chaud au cœur, vraiment. « C'est pas grâce à moi. Si tu es devenue ce que tu es aujourd'hui c'est parce que c'était en toi. C'est ce que tu es. Je t'ai toujours vu comme ça, ce que j'ai fait n'a été que de te le faire voir à toi aussi » dis-je doucement. C'était vrai. Mais après toutes ces semaines sans elle, cela me faisait du bien de l'entendre dire ce genre de choses. « Promets-moi que tu n'oublieras plus qui tu es, Nessa ? Que plus jamais tu ne douteras de toi, de ta force, de ton talent. De toute façon je suppose que tu as des tas et des tas de fans hystériques qui te rappellent à longueur de temps à quel point tu es incroyable à leurs yeux, non ? » dis-je avec un petit sourire. « Sans rire, si tu as le pouvoir d'émouvoir les gens... c'est pas donné à tout le monde. Tu crois que j'émouvrais les gens si je me mettais à danser sur scène ? » plaisantai-je. J'étais connu pour être probablement le pire danseur du monde. Je disais tout cela sur un ton léger mais je ne le pensais pas moins. Nessa était douée. J'avais vu les vidéos de son groupe sur internet et, bien que ça m'ait fait tout drôle de la voir comme ça, je l'avais trouvé très bonne danseuse et chanteuse par dessus le marché. Elle était faite pour ça. « parle moi de toi, ça va mieux ? tu a recommencer à bosser ?  » me demanda-t-elle, changeant un peu de sujet. J'haussai les épaules. Ma vie paraissait bien terne à côté de la sienne. « Je termine mon stage au collège, là. J'suis en train de passer une formation pour devenir prof, parce que mon ancien taf, c'était vraiment plus possible » dis-je. J'avais des frissons rien qu'à repenser aux infâmes journées que je passais enfermé dans un bureau. « Non mais imagine, moi prof ?! J'crois qu'il va neiger demain, vraiment » plaisantai-je. Je ne m'aurais jamais imaginé finir comme ça, mais j'avais fini par aimer ce job. « Et sinon, comment se passe la vie de Nessa Tate derrière les strass et les paillettes ? » fis-je plus sérieusement. «... Avec Wayne ? ».