Une semaine entière était passé depuis le malaise cardiaque de ma mère. On m’avait appelé en urgence sans trop me dire ce qui se passait pour finalement me rendre compte qu’elle se retrouvait dans un état stable. Ce n’était toutefois pas sans peur que je passais le plus clair de mon temps à l’hôpital. Entre le boulot et les visites à ma maman, je n’avais plus grand temps pour autre chose. Je ne voyais pas d’amies, ni même Nathaniel. Ma mère était ma priorité et je m’en voulais de ne pas avoir été la voir assez souvent depuis que j’étais réellement en couple. Je m’étais un peu perdu dans cette relation toute nouvelle et toute belle et même si ça m’avait rendu plus qu’heureuse, il était temps pour moi de reprendre mes responsabilités.

C’était la première fois depuis plusieurs jours maintenant que je passais une journée à l’appartement. J’avais beaucoup de chose à faire en commençant par le ménage et le lavage. Clarke était là la moitié du temps et l’autre moitié, j’ignorais où elle pouvait être. C’était l’histoire de ma vie ça : m’inquiéter pour elle. J’arrêtais pas de me dire que si un jour elle se faisait kidnapper, je n’allais même pas le savoir avant un méchant bout. Mais bon, j’avais beau lui demander de me dire quand elle ne venait pas coucher, elle oubliait ou elle s’en moquait complètement. Eh oui, ma sœur avait beaucoup de considération à mon égard. J’étais assise à la table de la cuisine, les pieds redressé sur la chaise en face de moi tout en buvant un café. Je devais attendre une bonne demi-heure avant de pouvoir faire une deuxième brassé de linge donc j’en profitais pour regarder des appartements en ligne. J’y pensais depuis longtemps maintenant et depuis que j’en avais parlé avec Nate, il ne cessait que de me pousser à déménager le plus rapidement possible. Il n’aimait pas le quartier dans lequel que vivais et je pouvais comprendre, c’était assez intense entre les échanges de drogues, les coups de feu et les disputes au beau milieu de la nuit.

La tête plongée dans mon ordinateur, je fus un peu le saut en attendant la porte de la maison se fermer. Ma sœur passa devant moi dans la cuisine pour aussitôt ouvrir la porte du frigo.

« Tiens, une revenante. Ça va? »

Je baissai le dessus de mon ordinateur portable. Je savais bien que je devais lui parler du fait que je comptais bouger d’ici… et possible sans elle aussi mais j’étais incapable de trouver les bons mots pour le faire puisque j’appréhendais beaucoup sa réaction.

« T’es passée voir maman à l’hôpital? Elle m’a dit qu’elle s’ennuyait beaucoup de toi… »  

J'avais passé la nuit chez une amie qui faisait un party. La fête s'était terminée vers 5h le matin, mais ce n'est que vers 7h30 que je retournai chez moi. Tout le trajet en autobus, je ne pouvais arrêter de penser à ce que j'allais manger en arrivant à l'appartement. J'avais tellement faim! C'est pourquoi, en entrant, j'allai directement vers le frigo, remarquant à peine ma soeur qui était assise sur la table de la cuisine. Ma mission première était de manger, ensuite, je pourrais peut-être bien faire la conversation. Peut-être.

- Tiens, une revenante. Ça va?

- Mhhm.

Moment de silence. Ok, je n'étais pas très bavarde, mais il faut dire que j'étais complètement déshydratée, j'avais un sérieux mal de tête, et tout tournait encore un peu. J'avais l'impression d'être encore un peu saoule, ce qui n'était pas impossible. J'avais tellement consommé cette nuit, que j'étais surprise de ne pas être tombée dans un coma éthylique. Ou pas. Je connaissais relativement mes limites. Ma soeur baissa le dessus de son ordinateur portable, ce qui m'intrigua un tout petit peu. Mais bon, elle faisait ce qu'elle voulait. Elle pouvait bien écouter de la porno en plein milieu de la cuisine que je m'en foutais.

- T’es passée voir maman à l’hôpital? Elle m’a dit qu’elle s’ennuyait beaucoup de toi…

- Je suis passée hier matin, elle te l'a pas dit? Ça vaut la peine que j'aille la voir!!

Bon ok, c'était un peu déplacée comme phrase, mais déjà que je n'avais pas d'inhibition quand j'étais à jeun, là c'était impossible que je ne dises pas quelque chose de trop. Je savais bien que j'étais une fille indigne puisque je n'allais pas voir ma mère à l'hôpital si souvent. La vérité c'était que ça me faisait vraiment peur, de la voir là, dans son petit lit d'hôpital. Il était maintenant impossible d'ignorer qu'elle allait vraiment mal, et je ne pouvais tout simplement pas m'imaginer ce que je ferais si elle nous quittait. J'en étais rendu à un point où je faisais des cauchemars à ce sujet chaque nuit, et une crise de panique au moins une fois par semaine. Résultat: je sortais, encore plus que d'habitude, pour ne pas y penser.

- Tu faisais quoi? dis-je la bouche à moitié pleine alors que j'avais déniché un restant de salade de pâtes que je mangeais à même l'immense récipient.

Je fermai la porte du frigo et déposai le plat et ma fourchette sur la table, tandis que j'allai me servir un verre d'eau. J'échappai le verre que j'avais pris dans l'armoire. Celui-ci, en plastique au moins, roula sur le comptoir et tomba dans l'évier, ce qui me fit bien rire, puisque c'est justement là que j'en avais besoin. Cela n'amusa pas ma soeur toutefois, qui était une grognonne, alors je n'y pouvais rien. Je finis par remplir mon verre et retourner m'asseoir à la table. Pendant plusieurs minutes, je m'empiffrai en silence. Quand j'eus terminé, je poussai le plat et mon verre plus loin sur la table, ne comptant pas nettoyer ça tout de suite. Je jetai un regard au café de ma soeur.

- Dis, tu voudrais pas me faire un café? Je sais pas trop comment en faire avec notre machine...

C’était assez surprenant de tomber sur ma sœur ici. Oui, on vivait ensemble mais j’avais souvent l’impression d’être seule ici et c’était l’une des raisons pourquoi je souhaitais partir. On allait quand même continuer à vivre ici avec trois chambres alors qu’il fallait être réaliste sur le fait que notre mère n’allait pas revenir vivre ici. Je voulais avoir ma petite place à moi sans avoir à ramasser les cochonneries de ma chère sœur qui avait un peu trop l’habitude de me prendre pour une femme de ménage – et/ou une servante. Si elle voulait jouer les petites princesses, c’était dans le gros château de vieux riche de notre très cher père qui fallait qu’elle se retrouve, pas ici dans notre appartement au quartier un peu trop louche. J’avais l’impression que Clarke n’avait pas réellement conscience de l’état de santé de notre mère car elle passait rarement la voir. C’était peut-être sa manière de prendre la chose : s’éloigner. J’étais pas persuadée que c’était la meilleure chose à faire car on ne savait pas quand notre maman n’allait plus être présente, il fallait donc passer le plus de temps avec elle à mon avis. J’étais d’ailleurs soulagée qu’elle soit passée la voir pas plus tard que la veille.

« Ah? Je suis passée hier matin aussi… t’as dû passé juste après moi alors! »

J’étais persuadée que ça avait bien faire plaisir à notre mère tout ça. Elle l’aimait sa petite Clarke mais elle triste de voir le chemin qu’elle avait décidé de prendre. Je pensais bien qu’elle n’allait jamais juger, ne jamais parler mais qu’elle aurait espéré mieux. Après tout c’est une mère et toute bonne mère souhaite le mieux pour ses enfants. Dieu sait que nous avons la meilleure mère de l’univers en plus. Je regardais ma sœur qui s’empiffrait comme si elle n’avait pas mangé depuis deux jours. C’est avec une grande classe : la bouche pleine, qu’elle me demanda ce que je faisais. Je haussai les épaules en faisant mine que ce n’était pas si important. Je capotais un peu en fait, je sais pas trop comment aborder le sujet.

« Des petites recherches là… »

Autant resté vague pour le moment. Je ne savais pas trop si elle était de bonne humeur ou pas. En tout cas, elle avait l’air bien fatiguée donc c’était peut-être pas le meilleure moment pour en parler, va savoir. Clarke s’installa devant moi à la table et je remarquai bien qu’elle fixait un peu trop mon café. Et comme si je la connaissais comme si l’avais tricoté : elle me demanda de lui en faire un. Je levai les yeux au ciel en secouant négativement la tête.

« J’ai l’air de quoi? Ta petite bitch? C’est en le faisant que tu vas savoir comment ça marche. » Je soutenais son regard pendant un petit instant et elle sortit son petit regard, le petit regard de fille qui faisait pitié, qui n’a pas dormi de la nuit. Je me trouvais tellement conne à être aussi faible. Je soupirai. « Juste si tu vas te laver en attendant, tu sens la vieille ivrogne. »

On aurait cru qu’elle avait passé la nuit dans un baril de bière. Est-ce qu’elle avait simplement dormi? J’en doutais. Les grosses cernes sous ses yeux en étaient de bons indices d’ailleurs. Ma petite sœur se leva pour aller à la salle de bain en trainant un peu les pieds. J’ouvris la page internet pour envoyer mon courriel au propriétaire d’un appartement qui m’intéressait. Je me permis un peu dans mes recherches et c’est lorsque je n’entendis plus l’eau couler que je me levai en vitesse pour partir son café. J’étais sur mon téléphone, dos à la table et lorsque je me tournai finalement, le café prêt que je remarquai ma sœur regarde mon écran d’ordinateur. Je m’approchai à toute vitesse en baissant le dessus. MERDE.

«  Clarke… c’est mon ordi, tu ne regardes pas ça comme ça! C’est personnel! »

- J’ai l’air de quoi? Ta petite bitch? C’est en le faisant que tu vas savoir comment ça marche... dit-elle, avant d'ajouter: Juste si tu vas te laver en attendant, tu sens la vieille ivrogne.

J'eus un petit sourire triomphant. Yes! Mes petits yeux de chaton fonctionnaient toujours avec ma soeur. J'allais enfin avoir mon café, dont j'avais tellement besoin présentement. Bon, il fallait que j'aille prendre ma douche, mais c'était un mal nécessaire. Je me levai péniblement de ma chaise et me trainai les pieds jusqu'à la salle de bain. Rapidement, je pris une douche, puis allai dans ma chambre pour prendre et enfiler des vêtements propres. Beaucoup mieux! Mais je me sentais encore totalement épuisée. Lorsque je revins dans la cuisine, l'ordinateur de ma soeur était grand ouvert dans ma direction, et mes yeux se posèrent sur l'écran.

- Clarke… c’est mon ordi, tu ne regardes pas ça comme ça! C’est personnel!

- Tu l'as laissé grand ouvert, dans ma direction! Je ne fais pas exprès moi!

N'empêche, j'avais eu le temps de voir ce qu'elle regardait. Des appartements. Qu'est-ce que ça voulait dire?!! Je savais bien qu'il ne s'agissait pas d'appartements pour nous deux. Elle m'en aurait parlé sinon. Elle déménageait déjà avec Nate alors?!! Ça me semblait bien tôt pour une relation aussi instable. Je ne pouvais pas croire que ma soeur regardait des appartements!! Peu importe la raison, il était évident qu'elle ne voulait pas que je vois, car elle avait fermé sont ordinateur à la vitesse grand v. Je nous connaissais, Rose et moi, et la conversation pouvait vite dégénérer. C'est pourquoi je commençai lentement.

- Je suis contente d'avoir vu par contre, sinon je n'aurais peut-être jamais su que tu comptes déménager...

Voilà, la conversation était lancée. Mon ton était plein de reproches, mais au moins j'étais calme. Pour l'instant... En même temps, j'étais tellement hangover, que je n'avais pas trop envie de me disputer avec ma soeur aujourd'hui. Même si je me sentais trahie. Je pris le café que ma soeur avait fait et qui m'attendait sur le comptoir. C'était impossible à quel point j'avais mal à la tête. J'en avais du mal à penser, et je ne pouvais comprendre pourquoi ma soeur voulait m'abandonner. À moins que j'interprétais mal la situation?

- Avec qui? demandai-je un peu froidement.

Parce que c'était certain qu'elle déménageait avec un ou une colocataire, ou bien Nate. Après tout, pourquoi m'abandonner si ce n'était pas pour habiter avec quelqu'un d'autre? Je savais bien que je n'étais pas la colocataire parfaite, loin de là. Et puis notre appartement n'était pas dans le meilleur quartier. Mais quand même! Alexie ne s'était pas plaint plus que d'habitude. Est-ce que ça faisait longtemps qu'elle y pensait? Je pris une gorgée de café et me brûlai la langue. Je déposai immédiatement ma tasse sur la table et échappai du café au passage.

- Fuck! Il ne manquait que ça!!

Bon, j’avais un peu capoté en voyant ma sœur regarder mon écran d’ordinateur car je ne voulais pas qu’elle soit au courant dès maintenant. Maintenant, je me doutais bien qu’elle avait eu le temps de jeter un coup d’œil et qu’elle avait bien vu tous les onglets d’appartements ouverts. Je poussai un soupire lorsque ma sœur engagea finalement la conversation après un petit silence entre nous deux. Je savais bien que c’était une question de temps avant que ça ne commence et déjà, la suite m’inquiétait.

« Clarke, c’est pas ce que tu crois. » commençais-je en secouant la tête.

Je n’aimais pas quand elle jouait les victimes comme ça. J’osais au moins espérer qu’elle ne pensait pas que je lui jouais dans le dos non plus. Je n’aurais quand même pas déménagé du jour au lendemain en la foutant à la porte. J’étais pas un monstre. J’étais juste en train de voir mes possibilités pour le moment. Je voyais bien que ma sœur se frustrait et je ne voulais pas ça, je ne voulais pas que les choses se passent comme ça et voilà que j’avais plus le choix de me lancer dans cette situation un peu trop précaire. Elle voulait savoir qui, avec qui j’allais emménager, je secouai la tête négativement.

« Je sais même pas encore! Je faisais juste regarder ça comme ça… »

Et j’avais beau vouloir m’expliquer, elle était en train de se fâcher et elle venait de même renverser du café sur la table, bon… voilà, ça commençait. Quand elle commençait à perdre le contrôle, ça ne tardait pas que ça soit mon cas aussi. On était vraiment des bombes à retardement toutes les deux.

« Ok on se calme là… ça sert à rien de virer folle non plus. »

Je me tournai pour prendre un linge et essuyer le café sur la table. C’était juste un petit dégât, elle ne venait pas de s’ébouillanter le corps au passage non plus. Je lançai le linge dans l’évier pour regarder ma sœur de nouveau. Elle avait son petit regard pas content de princesse capricieuse, ça m’énervait mais notre conversation n’était pas terminée et je devais essayer de garder mon calme. Je me sentais déjà mal de lui faire ça mais comme j’en avais parlé avec Nate : c’était la meilleure chose à faire, qu’elle m’en veule ou pas.

« Il faut venir à la conclusion que maman ne reviendra jamais ici. Ça sert à rien de bouffer son argent et le mien dans un appartement trois chambres alors que je suis seule ici la moitié du temps parce que t’es chez ton père ou je ne sais pas où ailleurs. »

Elle dormait chez notre père, pour ne pas dire son père parce que moi, j’avais décidé depuis des années déjà de couper les ponts avec lui. Bref, je ne pouvais pas continuer à vivre ici, d’autant plus que notre quartier n’était pas sécuritaire. Il y avait de la drogue qui se vendait à chaque coin de rue et il y a quelques mois déjà, notre voisine s’était fait poignarder. Je soutenais le regard de ma sœur en levant finalement les épaules.

« Je me suis donc dit que ça ne te dérangerais pas que je trouve autre chose de mon côté. J’ai assez payé pour toi Clarke et tu ne peux pas dire le contraire. »

Je travaillais comme une folle depuis mes 14 ans pour essayer d’aider à ma mère à rejoindre les deux bouts pendant que Clarke, vivait sa petite vie tranquille sans se bouger le cul. Ça m’avait fait plaisir de lui donner la chance de vivre sa jeunesse sans tracas mais là, ma mère allait partir bientôt et elle devait, elle aussi, apprendre à vivre par elle-même enfin.

- Ok on se calme là… ça sert à rien de virer folle non plus.

Je ne virais pas folle, j'étais juste un peu énervée, et ma brosse d'hier ne m'aidait pas trop à y voir clair. Alexie disait qu'elle faisait juste regarder, qu'elle n'avait personne en tête pour habiter avec elle. Je ne comprenais tout de même pas pourquoi elle ne m'en avait parlé! Ma soeur alla chercher un linge pour essuyer le café sur la table. Comme une vrai petite mère, elle essuya le dégât que j'avais fait, puis lança le linge dans l'évier.

- Il faut venir à la conclusion que maman ne reviendra jamais ici. Ça sert à rien de bouffer son argent et le mien dans un appartement trois chambres alors que je suis seule ici la moitié du temps parce que t’es chez ton père ou je ne sais pas où ailleurs.

- Ne dis pas ça ok?! On sait jamais... dis-je à propos de notre mère. Et puis je suis rarement chez notre père tu sauras. Je ne l'ai pas plus pardonné que toi.

Mais ça, c'était une autre histoire. Nous ne parlions jamais de notre père, et c'est pourquoi ma soeur avait dû déduire que j'étais tout le temps chez lui et que je lui pardonnais le fait qu'il nous avait abandonné. Ce n'était pas du tout le cas. J'allais le voir de temps en temps, oui, mais seulement pour lui donner des nouvelles de la famille. Et récolter de l'argent, puisque mon paternel se sentait coupable. Alexie soutenait mon regard et nous gardâmes le silence pendant un instant.

- Je me suis donc dit que ça ne te dérangerais pas que je trouve autre chose de mon côté. J’ai assez payé pour toi Clarke et tu ne peux pas dire le contraire.

- Oh ça y est! Tu me blâmes pour ton gros malheur! Je te ferai remarquer que ni toi ni maman ne m'avez demandé de payer quoi que ce soit! Si vous l'aviez fait, j'aurais aidé!

Je n'avais pas d'emploi, pas d'argent, mais si on me demandait de participer pour payer le loyer, ou l'épicerie, je pouvais le faire. Je pouvais me débrouiller. On ne m'avait jamais rien demandé, et voilà qu'on me blâmait. Il aurait fallu en plus que je propose d'aider? J'étais juste une fille de 20 ans, qui avait de la difficulté à prendre ses responsabilités. Il ne fallait pas trop m'en demander. Bon ok, c'était pas fort de ma part, je le savais bien.

- En fait, vas-y, déménage! Ta vie sera bien mieux sans moi, pas vrai?!

J'allai mettre ma tasse dans l'évier puis allai dans ma chambre. J'avais un de ces mal de tête, mais je ne voulais pas rester ici, avec ma soeur, qui me trahissait. Je ramassai quelques affaires que je mis rapidement dans un sac, puis sortis de ma chambre telle une tornade. J'allai prendre une bouteille d'eau dans la cuisine, sans parler à Alexie. J'avais peut-être une réaction immature, mais je me sentais blessée et trahie. Je ne l'avais pas du tout vu venir. Pas même les reproches par rapport au loyer.

- Je sors. Bonne chance dans tes recherches!

Je quittai l'appartement, puis marchai dans une direction au hasard. Je ne savais pas où j'allais, mais je trouverais probablement un endroit où dormir au cours de la journée. Alors que je marchais d'un pas rapide, mon coeur se mit à battre rapidement, et je commençais à avoir de la difficulté à respirer. Je me sentais stressée et j'avais l'impression que je commençais à hyper-ventiler. Je ne me sentais vraiment pas bien. Je finis par m'asseoir par terre, le dos contre le mur d'un immeuble, à respirer fort et rapidement. Une crise de panique. Encore. Je me recroquevillai et tentai de calmer ma respiration et de penser à autre chose.

C’était quand même assez surprenant d’apprendre que Clarke n’était pas si souvent chez notre père que je pouvais le penser. Elle découchait de l’appartement aussi souvent pour aller où exactement? C’était inquiétant mais la connaissant, c’était pas le bon moment pour discuter de tout ça, surtout que je venais de lui lancer la bombe que je comptais déménager et… pas avec elle. Je jugeais que j’avais assez payé pour elle dans sa vie et aussitôt, Clarke attaqua. C’était laçant avec elle car on ne pouvait jamais avec une conversation d’adulte à adulte, elle voulait jamais rien comprendre, elle se sentait continuellement attaquée comme si elle n’avait pas cette capacité de pouvoir se projeter à ma place. C’était épuisant.

« Non, parce qu’on voulait que tu vives comme une jeune fille de ton âge, on voulait que tu te tiennes loin des tracas. Arrête de voir ça comme un reproche, c’est juste que t’es rendu un adulte et c’est le temps de prendre tes responsabilités. »

J’essayais pas de jouer à la mère avec elle mais il fallait que quelqu’un lui fasse comprendre que les choses ne seraient plus jamais comme avant. Il fallait qu’elle s’ouvre les yeux et qu’elle commence à prendre sa vie en main car maman n’était plus là pour longtemps et qui sait ce qui pouvait m’arriver du jour au lendemain? C’était une sécurité pour elle aussi d’avoir son propre boulot, sa propre argent. Encore une fois, cette dernière ne comprit pas où je voulais en venir. Je levai les bras en l’air, signe d’exaspération pendant qu’elle se levait pour aller porter sa tasse à l’évier.

« Tu exagères là. J’ai jamais dit ça! Arrête de faire ta drama queen! »

Elle commençait à m’énerver là. C’était clairement pas comme ça que je voulais que les choses se passent mais en même temps, de tous les scénarios que j’avais pu me faire de cette situation, aucun d’eux en résultait d’une réaction positive de ma soeur. Je me retrouvai seule dans la cuisine pendant quelques minutes à peine avant que cette dernière ne passe vers moi avec un sac à dos. Bon, ça y est, elle foutait le camp.

« CLARKE… »

Je la suivis jusqu’à la porte, je voulais pas que la conversation se termine comme ça mais elle me ferma la porte au visage. Je poussai un juron en balançant la tête vers l’arrière. Qu’est-ce que je pouvais bien faire maintenant? Je décidai que j’allais être la plus entêtée des deux cette fois. Je regardai mes pantoufles, fuck it! Je quittai l’appartement et c’est une fois sur le trottoir que je regardai à gauche puis à droite pour voir ma jeune soeur marcher plus loin. Elle pensait qu’elle allait où comment ça exactement? On avait pas le quartier le plus sécuritaire en plus. Je retournai sur mes pas pour attraper mon vélo et quitter le stationnement pour partir à sa recherches - parce que oui, pendant le cours laps de temps que j’avais pris à embarquer sur mon vélo, je l’avais perdu de vu. Je devais être franchement belle à voir à pédaler avec mes pantoufles en petit chien mais pour la peine, je m’en foutais. L’important était de retrouvé ma soeur que je trouvai après quelques minutes, assise au sol d’une petite ruelle fort bien louche.

« T’ES CONNE, T’AS PAS LE DROIT DE PARTIR COMME ÇA. »

Aussitôt dit, aussitôt regrettée car en m’approchant d’elle, je remarquai bien qu’elle avait de la difficulté à respirer. Je laissai ma bicyclette tomber au sol et je me penchai vers elle doucement pour lui frotter un peu le dos. J’ignorais si elle allait me crier de partir. Disons qu’on avait beau être soeurs, Clarke n’aimait pas se montrer en situation de vulnérabilité. On était un peu pareil à ce niveau mais ayant un caractère beaucoup plus fort que le mien, je ne savais jamais comment elle allait réagir.

« Calme-toi, ça va bien aller… je voulais pas te faire de la peine ni te troubler à ce point, je m’excuse. » On pouvait bien dire ce qu’on voulait, elle restait ma soeur et elle restait ma plus grande faiblesse même si je me doutais bien qu’il pensait souvent que je me fichais bien d’elle, c’était pas le cas, ça ne l’avait jamais été et ça ne le sera jamais. « Je t'abandonnerai jamais malgré tout, tu le sais ça j’espère? »

- T’ES CONNE, T’AS PAS LE DROIT DE PARTIR COMME ÇA.

Je relevai la tête d'un coup pour voir ma soeur devant moi. Elle m'avait suivi à vélo, avec ses pantoufles encore dans les pieds. Je la fusillai du regard. Je n'avais pas le droit de partir comme ça?!! Et c'est elle qui me disait cela! Elle qui partait, justement. Je reportai mon attention sur mes grandes respirations, essayant de me calmer. La présence de ma soeur ne m'aidait pas trop, disons le. Je n'aimais pas qu'elle me voit comme ça. Elle lâcha son vélo et vint vers moi.

- Laisse-moi.

- Calme-toi, ça va bien aller… je voulais pas te faire de la peine ni te troubler à ce point, je m’excuse. Je t'abandonnerai jamais malgré tout, tu le sais ça j’espère?

Elle se pencha vers moi pour me frotter le dos, et je me surpris moi-même à la laisser faire. Pour être honnête, ça ne me calmait pas vraiment, mais je n'avais pas non plus la tête à faire ma difficile ou ma tête de cochon comme d'habitude. C'était plutôt rare qu'Alexie et moi vivions un moment du genre, et c'était un peu étrange à vrai dire.

- Non justement, je ne le sais pas. Je ne voyais pas plus loin dans l'avenir que nous trois, dans ce foutu appartement... On ne sait pas ce qui va se passer visiblement, dis-je énervée.

Parce que tout ce qui se passait en ce moment, je ne l'avais pas prévu moi. Je vivais ma vie innocemment, trop innocemment même. Et voilà que ma mère était à l'hôpital, et qu'elle ne reviendrait pas à la maison. Il y avait très peu de chances en tout cas. Et ma soeur qui voulait partir maintenant. Je ne m'étais pas préparé à cela. J'avais été carrément stupide en fait, j'étais capable de le reconnaître. Mais jamais je ne l'avouerais à Alexie.

- Je suis sensée faire quoi moi?

Même si je me trouvais un emploi sur le champs, je n'aurais pas assez d'argent pour payer un loyer toute seule. Et qui voudrait bien emménager avec moi? Ce n'était pas comme si tout d'un coup, j'allais prendre mes responsabilités en main. Je me connaissais, j'étais un cas perdu. Mine de rien, ma respiration s'était calmée, et ma crise de panique était passée, à force de parler avec ma soeur. Ce qui voulait dire que mon petit moment de vulnérabilité était terminé. Je n'avais du coup plus trop envie de parler de mes problèmes.

- Tu crois qu'en étant prostituée j'aurais assez d'argent pour vivre dans un penthouse?

J’étais restée muette quand ma soeur m’avait informé qu’elle n’avait pas pensé à plus loin que nous trois, vivant dans notre petit appartement pour encore longtemps. Elle pensait vraiment que notre mère allait revenir à la maison? Eh bien non, c’était triste mais elle devait s’ouvrir les yeux. Il ne restait plus grand temps à notre maman. Je devrais pas trop y penser car ça m'attristait énormément mais il s’agissait de notre réalité. Tôt ou tard la vie allait nous voler notre chère maman, c’était trop tôt, c’était trop injuste mais on allait devoir se serrer les coudes à ce moment et être là l’une pour l’autre comme jamais auparavant.

« D’abord, tu vas prendre une chose à la fois. Tu dois juste te prendre en mains, tu auras pas le choix. »

Il fallait qu’elle commence à devenir une adulte et prendre ses responsabilités. Elle l’avait pas vu venir, c’était un choc mais c’était la vie et c’était comme ça. Je voulais pas avoir l’air insensible ni même détaché mais moi ce tournant dans ma vie, je l’avais pris depuis longtemps, probablement trop tôt, mais je n’avais pas eu le choix. Je disais pas que ça allait être facile mais il le fallait et j’allais être présente pour l’appuyer si elle avait besoin d’aide. Mais bon, la connaissant, elle avait beaucoup trop une tête de cochon pour demander quoi que ce soit. Espérons que ça aussi, ça allait changer. Lorsqu’elle me sortit l’idée de se prostituer, je lui ramassai une tape sur le bras.

« Franchement! Dis pas n’importe quoi! Que j’te vois faire ça… »

Je fis de gros yeux en jouant nerveusement avec mes mains. Gosh. J’avais encore le coeur qui me débattait tellement j’aimais pas parler de ce sujet. Jamais au grand jamais je voulais que ma petite soeur se rendre là et elle aurait affaire à moi si j’apprenais qu’elle avait opté pour ce moyen de faire de l’argent. Elle valait plus que ça et à défaut d’avoir fait ce mauvais choix, ça nous avait permis de garder notre appartement le temps que je me trouve quelque chose de légal et de sérieux. Est-ce que je regrettais? Possiblement mais en même temps, pas tant que ça car à ce moment-là, j’en avais eu de besoin.

« Je peux essayer de contacter mon ancien patron à l’animalerie. J’ai longtemps travaillé là-bas, je suis certaine qu’il serait prêt à te prendre. Bon, je sais que c’est peut-être pas la job de rêve mais ça peut très bien dépanner. » Je ne savais pas quoi faire d’autre, c’était bien tout ce que je pouvais faire pour elle. « … Je… peux toujours t’aider à payer ton premier mois de loyer… »

C’était plus fort que moi, même si je n’avais pas énormément d’argent, je pouvais pas la laisser comme ça car malgré tout, je me sentais responsable. Je poussai un long soupir en me laissant tomber sur les fesses pour m’asseoir à côté d’elle.

« Clarke, c’est pas parce qu’on ne va plus vivre ensemble que je vais arrêter d’être là pour toi… » ajoutais-je en penchant la tête, comme pour essayer de croiser son regard.  

Alexie me dit clairement que j'étais mieux de ne pas me prostituer. Elle me fit même de gros yeux en prime. En fait, j'avais dit cela simplement pour l'énerver, puisque je ne ferais jamais cela. J'avais beau ne pas trop avoir d'ambition ni savoir ce que je ferais de ma vie, je me respectais quand même! Et jamais je m'abaisserais à cela. On ne me payait pas pour avoir du sexe, j'étais partante de toute façon! Ah ah! C'était une blague, mais ce n'était pas loin de la réalité.

- Je peux essayer de contacter mon ancien patron à l’animalerie. J’ai longtemps travaillé là-bas, je suis certaine qu’il serait prêt à te prendre. Bon, je sais que c’est peut-être pas la job de rêve mais ça peut très bien dépanner. … Je… peux toujours t’aider à payer ton premier mois de loyer…

- Je suis allergique aux chats Rose... Et puis je n'ai pas besoin de ton argent, je vais me débrouiller ne t'inquiètes pas.

Je me voyais bien être barmaid. Je venais à peine d'avoir 21 ans, alors je ne savais pas si ce serait un problème. Il faudrait voir. Je ne partageai pas mon idée avec ma soeur toutefois, puisque j'imagine que ce n'était pas le genre d'emploi qu'elle souhaitait que je me trouve. N'empêche que ça fonctionnerait parfaitement. J'étais déjà habituée à fêter la nuit, me lever tard, et ensuite aller à mes cours en après-midi. Quand cela me tentait. J'avais un peu relâché niveau étude vers la fin de l'année dernière. Il fallait espérer que cette année cela irait mieux, mais j'avais rarement la tête à aller à mes cours. Lorsque j'y allais, ça me laissait trop de temps pour penser à tous mes problèmes.

- Clarke, c’est pas parce qu’on ne va plus vivre ensemble que je vais arrêter d’être là pour toi…

- Ok, ok.

Je ne savais pas si je devais la croire, puisque ma soeur était une fille occupée. N'empêche, elle était assez protectrice envers moi, alors j'imagine qu'elle disait vrai. L'avenir nous le dirait. Et qui sait où je me retrouverais. Je fis quand même un petit sourire en coin à ma soeur. Je me relevai, et Alexie se redressa elle aussi, prenant son vélo au passage. Je ne manquai pas de faire une remarque sur ses pantoufles. Ça me faisait bien rire qu'elle soit venue ainsi. J'aurais préféré qu'elle ne parte pas à ma recherche, mais cela avait néanmoins bien fini pour une fois. Je refusais son aide, mais je n'étais plus vraiment fâchée. Juste un peu triste d'être abandonnée, et anxieuse pour la suite.

- J'espère au moins tu vas choisir un meilleur quartier pour ton prochain appartement.

Nous commençâmes à marcher vers notre appartement. Il allait probablement falloir que je déménage moi aussi. Je ne pouvais pas payer un appartement 5 1/2 à moi tout de seule. Même si c'était un tout petit 5 1/2, et même s'il était dans un quartier pourri. D'ailleurs, ce n'était pas vraiment recommandé d'habiter toute seule dans notre coin. Un autre changement à faire. J'imagine qu'à ce point, c'était inévitable. Nous rentrâmes donc et j'allai à mon ordi pour voir quelles étaient mes options.

THE END.