Anteynara n'avait rien à faire de sa soirée. Elle était à présent installée sur son canapé, les doigts de pieds en éventails, à regarder un film pourri et particulièrement peu réaliste, la main gauche dans un paquet de chips, et l'autre caressant la fourrure de Pégase qui était couché à côté d'elle. En somme, elle avait prévu de se faire royalement chier. Heureusement, elle avait son chien, et si tout ce qui passait à la télé était inintéressant, il lui restait son ami touffu. Elle avait échangé quelques textos avec Arielle durant la journée, mais celle-ci devait être occupée, contrairement à Antey. Finalement, son portable vibra et elle reçut un sms de son amie qui lui proposait de venir la rejoindre au parc pour passer la soirée avec elle. Anteynara sauta littéralement du canapé et monta dans sa chambre pour sortir de son pyjama et enfiler quelque chose qui la rendait présentable aux yeux de la société. Soit un jean, un t-shirt, des baskets. Elle prit un sac un peu au hasard et y fourra tout ce dont elle avait besoin. Téléphone, argent, papiers, cigarettes, son flingue. Elle attacha ses cheveux en un chignon fait à la va-vite, puis elle quitta sa maison, se mettant en route pour rejoindre Arielle.

Anteynara arriva par l'arrière du parc, sachant où elle devait retrouver son amie. Elle entendit sa voix, la reconnut immédiatement, mais ce n'était pas la couleur de la voix mais plutôt le ton qui la dérangea et lui fit accélérer le pas. Il y avait de la surprise, de l'incompréhension, de la panique, et Antey avait tendance à démarrer au quart de tour quand le peu d'amis qu'elle avait était en danger. Anteynara quitta le chemin de gravier et traversa les espaces couverts de gazon, jusqu'à avoir la scène sous les yeux. Arielle était là, mais pas seule. Il y avait un homme avec elle, qui semblait déterminé mais un peu tremblant, comme s'il avait pris quelque chose avant de venir. Ca craignait franchement pour Arielle, qui avait une arme pointée sur elle. « File moi ton blé Arielle. Et la drogue que t'as sur toi! » lui dit le mec, ou du moins c'est ce que Antey crut entendre. Elle n'était pas assez proche pour en être sûre. Anteynara savait que son amie n'était pas idiote. Au contraire, elle était futée, brillante même, et prudente. Alors elle lui faisait confiance pour prendre les bonnes décisions, pour ne pas jouer avec le feu, pour analyser la situation et faire ce qu'il fallait. Cependant, elle la vit secouer la tête lentement. « Oublie ça, t'auras rien du tout. » répondit Arielle, et peut-être qu'Anteynara avait mal jugé la situation, peut-être que ce mec n'était pas si dangereux, peut-être qu'il n'allait pas lui coller une balle entre les deux yeux. Elle avait l'air d'avoir confiance en elle, elle donnait l'impression de contrôler parfaitement la situation, avec ses bras croisés sur sa poitrine. Mais l'autre tira, et automatiquement, la main d'Anteynara alla plonger dans son sac pour agripper son arme, sans quitter la scène des yeux. C'était une menace, rien qu'une menace, et elle réussit à conserver son calme. Arielle n'était pas touchée, elle n'était pas blessée, elle n'avait rien, mais le mec avait été clair... et il fallait faire quelque chose. Anteynara n'hésita pas pendant trente ans, elle sortit son flingue, avança vers eux silencieusement, d'un pas décidé, comme elle avait pris l'habitude de le faire. Elle colla son arme contre la tempe du type, sans hésiter, prête à lui faire sauter la cervelle s'il tentait quoique ce soit. « Tu vas baisser ton arme, lentement, et la poser parterre, et la faire glisser vers Arielle » elle lui expliqua, lentement, clairement, pour qu'il comprenne bien que c'était comme ça, et pas autrement. « Sinon je redécore le parc avec les morceaux de ta cervelle explosée avant même que t'ais le temps de bouger » ajouta Anteynara, le doigt sur la gâchette. Ce gars s'était permis de jouer au con avec Arielle, il avait pointé une arme sur elle et avait menacé de lui faire du mal, il avait tiré près d'elle pour l'effrayer. Anteynara n'était pas encore certaine de lui laisser une chance de s'en tirer, même après qu'il ait baissé son arme.

Anteynara n'avait pas énormément de monde dans sa vie. C'était un peu un choix, mais aussi un simple résultat de son mode de vie. Au final, elle préférait ne pas s'encombrer de tout un tas de gens qui risquaient de lui apporter plus d'ennuis qu'autre chose. Et pourtant, ces derniers temps elle s'était plus ou moins découvert un coeur, ou en tous cas le désir d'appartenir à une famille, de retrouver ceux qui auraient pu être ses frères et soeurs, de faire partie de quelque chose. Alors il y avait Aloysia et James, même si pour l'instant leurs relations étaient toutes jeunes. Il y avait Pégase, son chien, l'amour de sa vie. Quelques autres personnes, et Arielle. Arielle qui était au final sa plus vieille connaissance, celle pour qui elle n'avait pas de secrets, en qui elle avait une confiance aveugle. La seule. Antey était de nature protectrice et possessive, et la simple idée que quelqu'un s'approche de son amie pouvait la rendre dingue. Et là, voir que cet imbécile avait osé... elle en perdait presque son sang-froid. Elle se retenait comme elle le pouvait, à chaque seconde, de presser la gâchette et de lui trouer le crâne. Ou peut-être que ce serait trop gentil. Peut-être qu'elle ferait mieux d'y aller doucement, de prendre son temps avec lui. Elle ne quittait pas le type du regard, voyait Arielle dans un coin de son champ de vision alors qu'elle ramassait l'arme et la pointait sur lui, un peu maladroite. Ca aurait fait rire Anteynara si elle n'était pas concentrée pour éviter que sa rage ne prenne le dessus. « Je pense que j'ai jamais été aussi heureuse de te voir. » dit Arielle, et pour seule réponse, Antey lui offrit un petit sourire. Arielle n'avait pas l'air très à l'aise, le poids de l'arme dans sa main lui étant étranger, sans doute secouée par ce qui venait de se passer. Ce qui aurait pu se passer. Anteynara s'inquièterait pour elle plus tard, parce que là, pour le moment, elle cherchait à trouver une solution pour mettre ce connard hors d'état de nuire. « Franchement, je vote pour redécorer le parc quand même. » proposa Arielle, et Anteynara n'avait rien contre cette idée. S'il fallait lui coller une balle dans la tête, elle le ferait. Ce n'était pas comme si c'était la première fois. Et peut-être qu'elle aurait pu, dans d'autres circonstances, hésiter ou être contre. Mais elle ne cessait de penser que si elle n'avait pas été là, il aurait certainement tué Arielle. Anteynara colla son arme contre la tempe du mec, s'alignant, prête à l'exécuter. Mais Arielle s'avança vers eux pour poser l'arme qu'elle tenait contre le front de son agresseur. « Hum, et là, t'en dis quoi? » Et là, Antey était un peu paumée, parce que clairement Arielle n'était pas une tueuse. Ce n'était pas à elle de faire ça, Anteynara se démerdait très bien. Elle lui jeta un regard, sachant au fond que c'était plus du jeu qu'autre chose. Et si Arielle voulait avoir cette petite satisfaction, Anteynara n'allait certainement pas lui en vouloir, au contraire. Au final, elle baissa son arme, et Anteynara qui tenait encore le mec au bout de son propre flingue le sentit se détendre un peu. Mais à peine, car sa propre arme était encore braquée sur lui. Arielle lui lança un regard interrogateur, et Anteynara était décidée. Il fallait se débarrasser de ce type et il n'y avait pas cent cinquante solutions.

Elle hocha un peu la tête pour faire signe à son amie qu'elle s'en chargeait, puis se tourna vers le mec, plaça son doigt sur la gâchette. Mais Arielle secouait la tête, et si ça n'avait pas été elle, Anteynara lui aurait sans doute reproché de prendre des décisions idiotes, mais c'était elle, et Antey respectait ses choix. Elle semblait avoir pris une décision, et Anteynara la suivrait sans hésiter. Elle lui faisait confiance. Arielle saisit l'arme, et envoya un coup plutôt impressionnant dans la face du type, dont le nez explosa au moment où il s'écroula au sol, sonné par le coup. Antey le regarda s'effondrer en haussant un sourcil. « On devrait se sauver, avant qu'il ne se réveille.. » proposa Arielle, ne laissant pas le temps à Anteynara de la complimenter sur le coup. Mais elle avait raison, et c'était elle la plus prudente, la plus posée. Antey hocha la tête, serrant un peu sa main autour de son arme, alors que son bras tombait le long de son corps. Elle détestait cette situation, l'idée de laisser ce mec ici lui faisait horreur, mais peut-être qu'il avait eu la peur de sa vie et que ça suffirait. Elle avait eu le temps de l'observer rapidement, et il avait l'air plus désespéré qu'autre chose. Il y avait peu de chances qu'il revienne à la charge. Mais Anteynara ne pouvait pas être certaine. Elle se tourna vers Arielle. « On va aller chez moi, au cas où il est pas seul, comme ça si quelqu'un nous suit... » Si quelqu'un les suivait, la villa d'Antey était plus sécurisée, et il y avait là-bas des armes. De plus, elle savait qu'Arielle ne voudrait certainement pas attirer qui que ce soit vers sa famille. Elles se mirent en marche, Anteynara ne rangeant son arme que lorsqu'elles furent sorties du parc, la gardant cependant à portée de main, juste au cas où. Elle était venue à pied, et heureusement que son chez-elle n'était pas si loin. Un quart d'heure, si on marchait d'un bon pas. Elle se tourna vers Arielle, une main effleurant son épaule, juste pour se rassurer elle-même et soutenir son amie par la même occasion. « Ca va toi ? » elle demanda en fronçant un peu les sourcils. Elle aurait du lui poser la question bien plus tôt. Au final, elle était arrivée en plein milieu de l'échange, elle ne savait pas du tout qu'est-ce qui s'était passé avant. Quelque chose se serra dans son ventre, elle repensa à ce qui s'était passé, au fait que si elle était arrivée cinq minutes plus tard, les choses auraient pu tourner bien différemment. Qu'elle aurait pu trouver le cadavre d'Arielle, juste là. Ca lui donnait envie de dégueuler. « Il t'a rien fait au moins ? » elle pressa, soudain inquiète.

Le type gisait au sol, et Arielle proposa de se tirer sans attendre. Anteynara n'était franchement pas convaincue que le laisser en vie était une bonne idée. Ou peut-être que la solution n'aurait pas été de le tuer, mais plutôt de lui faire regretter son geste et de faire en sorte que ce genre d'idée ne lui traverse plus jamais l'esprit. Elle se serait fait un plaisir de le démonter comme elle savait le faire, mais elle respectait la volonté d'Arielle. Et si elle voulait partir et le laisser comme ça, elles partiraient. Elle proposa à son amie d'aller dans sa villa, plutôt que chez Arielle, pour des raisons assez simples. C'était plus sûr, et plus confortable. Elle regarda Arielle essuyer l'arme avec son t-shirt, et la balancer près du corps inanimé. Anteynara lança un dernier regard vers celui-ci observant le sang qui coulait de son nez sur les cailloux, et elle dut se retenir de lui balancer un coup de pied bien violent en plein ventre. Enfin bref, elle suivit Arielle hors du parc parce qu'au final, même si elle adorait décider de tout, elle se pliait aux volontés de son amie. De toute façon, ce qui venait de se passer n'était pas directement le problème d'Anteynara. C'était celui d'Arielle et c'était donc normal qu'elle l'écoute, dans la limite du raisonnable. Il ne leur était encore jamais arrivé d'être en complet désaccord, d'aller jusqu'à la dispute. En général, il y en avait toujours une qui finissait par suivre l'autre. Mais elles ne s'étaient encore jamais retrouvé dans une telle situation, et même si ce qui s'était passé n'avait rien d'anormal pour Antey, le fait qu'Arielle soit impliquée rendait la situation plus compliquée, moins confortable. Elle finit par lui demander si elle allait bien, si ce mec ne lui avait rien fait. Une part d'elle était prête à y retourner pour lui faire payer ses erreurs, si jamais Arielle lui disait qu'il avait touché à un de ses cheveux. Ca la rendait malade. « Hum hum, ça va. Ça aurait pu être pire, hein ? » répondit la jeune femme, s'essayant à l'humour. Antey la regarda un instant, sachant très bien que c'était plus une façade qu'autre chose. Mais elle comprenait, elle aussi elle détestait avouer ses faiblesses. Elle connaissait bien Arielle, elle n'avait pas besoin d'une réponse honnête pour voir la vérité. « Ouais » elle répondit simplement en lâchant un petit rire un peu nerveux, mais à la fois soulagé. Elle n'était pas trop rassurée, mais si Arielle était en état de se soucier de sa fierté plus que du reste, c'était bon signe. « Non, il m'a rien fait, t'inquiètes pas. » elle ajouta en passant son bras dans celui d'Antey, l'approchant d'elle-même. Et ça, c'était rassurant, au moins. Le bras d'Arielle accroché au sien l'empêchait définitivement de faire demi-tour pour régler son compte à ce bâtard, et c'était tant mieux. « T'es ma sauveuse. » déclara Arielle avec un rire, et Antey lui jeta un petit regard accompagné d'un sourire. Il y avait pire comme titre.

Anteynara referma la porte derrière elles, laissant Arielle se diriger vers la cuisine. A peine était-elle seule dans le hall que Pégase débarqua et vint se précipiter vers elle, comme si ça faisait une semaine qu'il ne l'avait pas vue. Incroyable, ce chien. Elle lui fit quelques câlins avant de le contourner et de rejoindre Arielle dans la cuisine. Elle la trouva devant le frigo, un verre d'eau en main. « Oh mon dieu quelle soirée! Moi qui pensait relaxer, c'est à peine si je vais être capable de fermer l'oeil. » plaisanta Arielle. Antey lui sourit et s'appuya contre l'îlot qui se trouvait au centre de la pièce. Elle connaissait ça, l'adrénaline et l'impression que si on baisse ses gardes cinq secondes, quelque chose pourrait arriver. Mais elle savait aussi que sa maison était sûre, qu'Arielle était en sécurité ici, et qu'une fois ce sentiment assimilé, l'épuisement provoqué par les évènements de ce soir aurait raison d'elle. « Ça te dérange si je dors ici? » demanda Arielle, même si c'était une évidence. Il y avait presque son nom écrit sur la porte de la chambre d'ami qui se trouvait à l'étage, à côté de celle d'Antey. « Bien sûr que non, fais comme chez toi » elle lui répondit tout en ouvrant le congélateur et en sortant un pot de glace. Elle prit deux cuillères et les planta dans la glace, avant de se diriger vers le bar et de s'installer, faisant signe à Arielle de la rejoindre. « Le lit est prêt, t'auras juste à te mettre dedans » elle ajouta. Anteynara jeta un regard en direction de son amie, essayant de voir si la fatigue la gagnait, ou si au contraire elles risquaient de passer une longue soirée toutes les deux. « Tu veux mater un film ou quelque chose ? » elle lui demanda, la cuillère pleine de glace enfouie dans sa bouche, sans réaliser de suite qu'un peu de chocolat coulait sur son menton. Elle retira la cuillère et passa un doigt pour attraper le chocolat qui s'échappait, et lécher son doigt ni vu ni connu.

Depuis que Anteynara s'était installée à Miami, c'était bien plus facile de voir Arielle, de passer du temps avec elle. C'était moins chaotique, comparé à sa vie d'avant, quand elle se baladait constamment aux quatre coins du monde. Elle se souvenait des fois où elle passait en coup de vent pour passer un moment avec Arielle, avant de s'envoler pour l'Europe. Maintenant, les choses étaient plus simples, elles pouvaient se voir quand elles le voulaient et c'était encore un gain pour Anteynara. Encore quelque chose qui s'était amélioré depuis son arrivée. En plus de sa famille, il y avait Arielle. Elles se connaissaient depuis plusieurs années, elles savaient tout l'une de l'autre, se disaient absolument tout, ne se cachaient rien. Arielle savait ce que faisait Anteynara de sa vie, et Antey savait comment Arielle gagnait sa vie. Et bien évidemment, lorsqu'Arielle lui demanda si elle pouvait passer la nuit chez elle, Anteynara accepta sans même réfléchir, tellement c'était devenu une habitude. La chambre d'amis voisine à la sienne était devenue la chambre d'Arielle, tout simplement. « Cool, merci. » lui répondit Arielle, à quoi Anteynara haussa les épaules avec un petit sourire. C'était normal. Après cela, Antey sortit de la glace chocolat-menthe et deux cuillières, dont une qu'elle passa à Arielle. Même Anteynara qui était habituée aux armes et aux situations dangereuses se sentait encore un peu nerveuse après ce qui était arrivé ce soir, et surtout ce qui aurait pu arriver. Son cerveau tournait encore à deux cent à l'heure, même si ses mouvements étaient contrôlés et son corps détendu. Et de toute façon, elles n'avaient pas prévu de dormir de suite, mais plutôt de profiter un peu. « J'veux bien regarder un film, ouais. Pas trop d'action c'est bon? » dit Arielle en riant, alors qu'Antey lui proposait un film. Anteynara lui sourit en retour, finissant de lécher ses doigts pour lui répondre. « Va pour un film chiant » elle accepta, sarcastique mais avec un sourire. « T'auras qu'à regarder si y'a un truc qui te plait, et sinon Netflix » elle ajouta, désignant les étagères où se trouvait sa collection de dvds. Elles se levèrent sans attendre, pot de glace en main, et se dirigèrent vers le salon. Arielle s'écrasa sans attendre sur le canapé, et Anteynara jeta un œil à ses dvds à la recherche de quelque chose. Elle avait quelques nouveautés qu'elle n'avait pas encore regardé, et les emmena donc vers la table basse près du canapé. Elle les étala devant Arielle qui s'était blottie sous une couverture, histoire qu'elle puisse choisir. « Tu ne te lasses jamais de.. Ton métier? J'veux dire, c'est pas épuisant? » lui demanda soudain Arielle, alors qu'elle s'installait à côté d'elle. C'était un peu inattendu, mais ça ne la gênait pas de parler de son job, pas du tout, surtout pas avec Arielle. Elle n'avait pas particulièrement honte du fait qu'elle tuait des gens pour se payer sa petite vie luxueuse. Elle justifiait ça en se disant que 90% des cadavres qu'elle laissait derrière elle étaient ceux de personnes encore plus pourries qu'elle, et pour les 10% restants, c'était dommage, mais elle ne pouvait rien y faire. C'était plus facile de prétendre que ça ne lui faisait rien. Anteynara haussa les épaules. « Non, ça va... Et en général après un job j'ai au moins deux semaines de vacances alors c'est plutôt cool en fait » elle répondit, sans entrer dans les détails. Il lui était arrivé de ne pas vouloir aller au bout, pour telle ou telle raison, mais c'était rare, et elle finissait par s'en remettre au bout de quelques jours. Ca faisait cinq ans qu'elle faisait ce boulot, elle avait fini de se poser des questions. « Enfin... j'vais peut-être arrêter bientôt. Me poser. Prendre ma retraite et tout... » elle ajouta finalement, avec un petit sourire. Elle avait trouvé sa famille, se retrouvait aujourd'hui avec une chance d'avoir une vraie vie, et c'était peut-être le moment d'arrêter les conneries. Elle ne comptait pas se ranger pour de bon, tout arrêter et devenir une fille sage, mais quelque chose d'un peu plus posé lui plairait bien. « J'vais rester à Miami, je pense » elle ajouta.

Anteynara et Arielle décidèrent sans hésiter de regarder un film. Vu le choix de base d'Arielle, soit un film avec pas trop d'action, Antey se disait qu'il y avait des chances pour qu'elle s'endorme, ou qu'elle commence une conversation par-dessus le film, sans s'inquiéter d'à quel point ça pouvait être agaçant. Ou alors, peut-être qu'elle se lèverait pour faire tout un tas de choses en même temps, tout en restant dans le coin, près d'Arielle. C'était leur soirée à elles deux, alors elle ne comptait pas s'exiler à l'autre bout de la baraque. Et puis, avec ce qui s'était passé un peu plus tôt, l'idée de ne pas avoir son amie sous ses yeux, ça la rendait malade. Antey posa les dvds sur la table, pour laisser Arielle choisir, tout en réfléchissant un peu à la question qui venait de lui être posée. Elle avait beau ne pas avoir de secrets pour Arielle, il y avait certaines choses qu'elle n'avait jamais détaillé. Certains aspects qui restaient vagues. Lorsqu'elle lui répondit après un petit moment, Arielle avait choisi un film. « Pas mal, en effet. » répondit Arielle, avant qu'Antey ne continue à propos de sa "retraite" et lui annonce doucement qu'elle comptait peut-être arrêter tout ça. Sa vie décousue, solitaire, sans attaches, un peu dangereuse sur les bords. Ca risquerait de lui faire bizarre, de se poser, de ne plus rien faire de ses journées. Ne plus avoir ce petit stress, cette montée d'adrénaline. Ne plus être constamment prête à sauter dans un avion. Non, juste elle dans son immense villa, avec Pégase, puis sa famille et Arielle, et peut-être quelqu'un quelque part un jour. « Ah ouais? Prendre ta retraite à 23 ans.. Ça se prend plutôt bien. » dit Arielle, étonnée, mais un sourire trônant sur ses lèvres. Anteynara haussa un peu les épaules, ajoutant après une petite pause qu'elle se voyait bien rester à Miami. Le coin lui plaisait. Elle avait acheté la villa, elle avait son petit bout de plage privée, sa piscine, son jacuzzi et tout un tas de conneries luxueuses dont elle pourrait très bien se passer, mais non. Son yacht, ça aussi c'était sympa. Sa famille était ici, ses amis, ou plutôt sa seule amie était ici. Elle regarda un sourire énorme se dessiner sur le visage d'Arielle au moment de cette annonce. « Tu fais tellement mon bonheur en ce moment. » fit-elle avant de littéralement se jeter sur Antey, qui écarta ses bras pour laisser son amie se coller à elle. Elle ne répondit pas, parce que même avec Arielle, elle n'était pas très douée pour exprimer ce qu'elle ressentait. Elle se contenta de sourire un peu, la serrant dans ses bras. « Tu vas pouvoir me sauver la vie comme ça tous les soirs. » ajouta Arielle en riant un peu, et Anteynara ne savait pas trop si elle devait se sentir flattée, ou s'inquiéter. Elle espérait qu'Arielle n'ait pas assez d'ennemis pour que chaque soirs on cherche à la tuer. Mais bon, Antey était prête à tuer tout Miami s'il le fallait. « Je suis contente de p'tête plus avoir à te dire au revoir. » dit Arielle plus sérieusement. Anteynara la fixa quelques secondes, parce que c'était rare, ces petites discussions qui frôlaient l'émotionnel. Et aussi parce qu'elle ne voulait pas que son amie se fasse trop d'espoir pour quelque chose qui n'était pas encore tout à fait sûr. « Ouais enfin, c'est pas pour tout de suite, ... mais je vais commencer à prendre un peu plus de temps pour moi, refuser certains jobs peut-être » elle savait très bien que ses paroles devaient ôter à Arielle une part de l'espoir qu'elle s'était fait, mais elle lui devait la vérité avant tout. Avec elle au moins, c'était l'honnêteté qui passait en premier, et c'était pour ça qu'après plusieurs années, malgré la distance, elles étaient toujours si proches. Antey regarda son amie se lever et mettre le film, avant de revenir vers le canapé. « Ça te va ce film? De toute façon, t'as pas le choix. » elle demanda tout en s'installant à nouveau à sa place. Antey hocha la tête tout en marmonnant une sorte de "oui" incompréhensible. Puis, sans qu'elle ne s'y attende, Arielle lui arracha la glace des mains. « Hééé » elle râla, regardant la jeune femme plonger sa cuillère dans le pot et prendre une bouchée, avant de lui rendre le pot. Comme pour marquer son territoire, Anteynara plongea sa cuillère à son tour, soutenant le regard de son amie. « Tiens, faut j'arrête de bouffer comme ça. Éloigne là de moi. » plaisanta Arielle. Anteynara leva les yeux au ciel, avant de prendre une autre cuillère de glace, et encore une. « Tant pis pour toi » elle fit en haussant les épaules, la bouche pleine de glace. Après ça, elles se concentrèrent sur le film, malgré le fait que ce qui se passait à la télé ne passionnait pas vraiment Anteynara. Elle sortit son téléphone quelques fois, regardant ses messages, ses mails, cherchant à s'occuper. Puis, au bout d'un moment, elle en eut assez de faire comme si de rien n'était. « Le type, ce soir, c'était qui ? Il t'avait déjà menacée ? » elle demanda finalement à Arielle, sans quitter des yeux l'écran, cette fois-ci. Elle se posait un millier de questions, même si jusqu'à présent elle s'était forcée à ne pas les poser, à ne pas chercher à savoir. Au final c'était plus fort qu'elle.