Elle était de retour dans le bain, Anteynara. Elle avait assez flemmardé dans ce lit pendant deux mois, assez passé de temps chez elle à se faire chier. La veille, elle était retournée dans l'entrepôt, son entrepôt à elle qui était resté pendant 2 mois dans l'état dans lequel elle l'avait laissé, ce jour-là, avec Clyde et sa meuf. Ce qui voulait dire, du sang un peu partout, sous les chaînes qui pendaient, sur les instruments abandonnés sur la table, puis une flaque au sol, là où elle avait du tomber. Ca avait séché, évidemment, et elle soupira rien qu'en voyant les dégâts. Son matériel méritait peut-être d'être changé, certains objets étant vraiment inutilisables avec toute la crasse séchée. Elle ne savait pas si elle en voulait à Noah de ne pas avoir pris l'initiative de faire le ménage, ou si elle lui était reconnaissante d'avoir laissé ses affaires en place sans chercher à mettre le bordel. Probablement un peu des deux, suivant ses humeurs. Elle fit un peu de rangement, réussit à ravoir la majorité des ustensiles, et passa un bon coup de karcher sur le sol. Le plus gros était donc parti, mais il restait la tâche sur le béton, celui-ci ayant pris une couleur brune. La voiture avec laquelle elle avait emmené Clyde ici était toujours stationnée dans la pièce voisine, et du frigo elle dut sortir quelques trucs périmés, évidemment. Mais en majorité, tout était en état, prêt à reprendre du service. Alors ce matin, elle s'y rendait avec un type duquel elle devait s'occuper, et même si ça faisait deux mois, elle était satisfaite de voir qu'elle n'avait pas perdu la main. Elle déjeuna -un bol de cornflakes dans du lait- tout en lui posant ses questions, auxquelles elle obtint les réponses sans trop de difficulté, puis elle se débarrassa du type. Une balle dans le crâne et c'était réglé. Avant de le démembrer et de dissoudre le tout dans une baignoire d'acide. C'était presque satisfaisant, de reprendre du service et de réussir avec brio. Avant, elle n'aurait jamais douté de ses capacités, mais clairement, depuis l'incident de la dernière fois, elle s'était posée quelques questions. Evidemment, elle avait merdé et elle le savait, alors là, voir que tout fonctionnait encore parfaitement, c'était rassurant. Elle termina donc, le sourire aux lèvres, se débarrassa des dernières traces du type, et rentra chez elle. Pégase, son chien, l'attendait derrière la porte, toujours fidèle au poste, et elle ne put résister et se baissa pour le caresser un long moment avant d'enfin aller dans la cuisine pour mettre au four le gâteau qu'elle avait préparé avant de partir. C'était en fin d'après-midi, alors qu'elle avait commencé à dévorer le moelleux au chocolat sortant du four, qu'on toqua à sa porte. Une fois, deux fois, okay elle allait se lever, ce n'était pas vraiment la peine de s'exciter. Elle ouvrit et se retrouva face à Rhys, qui vu l'état de nervosité dans lequel il était, avait besoin de vider son sac, et elle se décala donc spontanément, juste un peu, pour qu'il entre. Putain tu sais pas ce qui vient de m'arriver ! Un espèce d'enculé de drogué m'a foutu une droite parce qu'il avait pas les tunes et qu'il était en pleine crise et que j'ai refusé de lui filer le sachet, je te jure, je l'ai pas vu venir ! qu'il expliqua en allant dans la cuisine, alors qu'Anteynara refermait la porte derrière lui et allait le rejoindre, sans trop se presser, parce que contrairement à lui, elle était totalement détendue et passait une journée particulièrement plaisante. Elle retourna donc s'installer au bar pour continuer de manger sa part de moelleux, alors que son pote se nettoyait la face au robinet. J'te jure que j'vais lui faire sa peau à c'connard, il m'a piqué le sachet après ça et il s'est barré à la course, je t'avoue, j'avais la flemme de courir, mais il m'a baisé 75 balles ! Mais je compte pas le laisser s'en sortir aussi facilement j'te le dis moi ! T'as pas un petit truc en réserve là pour lui expliquer la vie ? Elle ne put se retenir de rire un peu, un rire amusé, amical. Elle l'aimait bien, Rhys. Ils avaient pas mal de choses en commun mais étaient pourtant bien différents. Lui, il était plus dans le genre boule de nerfs, quand elle était plutôt bloc de glace. Ils s'équilibraient un peu, en quelque sorte. Puis, il était intelligent, malgré les apparences, et il n'y a rien de plus intéressant que quelqu'un qui cache bien son jeu. Il n'était pas non plus très impressionnant physiquement, mais Anteynara non plus, en tant que femme, et pourtant... cela ne les empêchait pas d'être des gens à craindre. Alors voilà, en clair, elle l'aimait bien. « Tu veux que j'tue quelqu'un pour 75 dollars ? » elle fit, dans un sourire amusé, parce que c'était tout ce qu'elle avait retenu, que la raison de toute cette agitation, c'était 75 pauvres dollars. S'il y tenait tant, elle pouvait les lui donner, elle n'était pas à ça près. Mais bon, elle se douait bien que ce n'était pas l'entièreté du problème, et que la fierté de Rhys avait quelque chose à voir avec ça. Puis elle pouvait comprendre, il devait se faire respecter, c'était important, vital peut-être même. « Mmmh j'imagine qu'on peut lui couper un doigt ou deux ? » elle proposa en mâchant du moelleux au chocolat, et poussant le plat vers Rhys. « Du gâteau ? » elle lui fit, levant un sourcil. « Tu le connais le type ? » elle demanda ensuite, parce que clairement s'il voulait faire quelque chose, il allait falloir un nom et une adresse. La seconde était trouvable s'ils disposaient au moins de l'identité de ce type. « J'veux bien t'aider mais c'est toi qui fait le ménage après » elle décida en reprenant un bout de moelleux au chocolat. Putain, elle l'avait réussi.

Peut-être que gratter son propre sang du béton aurait du provoquer quelque chose en elle, lui faire ressentir un malaise, des nausées, quelque chose. Passer le karcher, frotter avec un balai brosse, encore et encore jusqu'à ce que la couche de sang disparaisse pour ne plus laisser là que la couleur imbibée à jamais dans le béton. Mais non, pas spécialement. C'était pourtant assez bizarre, d'être debout là, avec le sentiment que tout ça était arrivé quelques jours plus tôt, alors que deux mois s'étaient écoulés. Regarder le résultat de cette journée là, la flaque de sang séché dans laquelle elle avait baigné... elle ne savait combien de temps. Noah avait du arriver quelques minutes à peine après que Savannah ait tiré, il avait surement croisé Clyde et la jeune femme, sans se douter de quoique ce soit, sans faire attention. Ou alors ils s'étaient ratés de près. Mais en tous cas, elle n'avait pas pu être restée là longtemps, sinon elle n'aurait pas survécu. C'était impossible. Enfin, bref, tout était nettoyé, à nouveau propre et en état d'être utilisé. Cet entrepôt, c'était un peu sa deuxième maison, un endroit plus simple, à l'écart, qui n'avait rien à voir avec sa villa, mais où parfois elle aimait se rendre, juste comme ça. Il y avait de quoi vivre, s'il le fallait. Un frigo et des placards avec des boîtes de conserves, l'eau courante, l'électricité. Si elle voulait se planquer ici pendant plusieurs jours, c'était totalement possible. C'était comme une sécurité, en quelque sorte. Et évidemment, cet endroit lui servait pour d'autres activités, de par sa localisation assez stratégique, l'absence de voisins, tout ça. Et d'ailleurs, elle en fit bon usage dès qu'il fut à nouveau en l'état, avant de se débarrasser du corps, et de retourner en ville. Le nettoyage, c'était rapidement bouclé à condition d'être précis dès le début, et de s'en charger de suite. En fin d'après-midi, alors qu'elle se goinfrait d'un moelleux au chocolat qu'elle venait de cuire et qui était étonnamment réussi, on sonna à sa porte, et elle ne fut pas vraiment surprise de trouver Rhys de l'autre côté. Il entra sans se poser de questions, et elle le laissa faire parce que... à quoi bon tenter de l'arrêter. De toute façon, il était inoffensif. Il lui narra alors l'histoire qui lui était arrivée et qui l'avait mis dans un tel état, et la première réaction d'Anteynara fut de souligner la disproportionnalité de sa colère comparée à ce qui était réellement arrivé. C'est pas tant les 75 dollars en soit, c'est surtout le fait de m'être fait baiser la gueule sans que je ne me doute de quoi que ce soit ! Prévisible. C'était un souci de fierté, donc. Anteynara était pareil, elle aussi avec trop de fierté, trop d'égo, mais ça ne l'empêchait pas de rire intérieurement de la réaction du jeune homme. Il se plaignait alors de s'être fait défoncer le visage par les poings de l'autre type, et tandis qu'elle mâchait, elle lui proposa de couper un ou deux doigts à celui-ci. Ca lui semblait être un châtiment suffisant, et cela le dissuaderait de recommencer. On pourrait même lui couper les deux mains, ça lui apprendra à voler à ce connard ! il fit. Toujours plus, Rhys, toujours plus. Elle ne put se retenir de lever les yeux au ciel. « Les lui plonger dans un broyeur tant qu'on y est » qu'elle fit, sarcastique et amusée à la fois, parce que l'idée n'était pas si mauvaise, à garder en mémoire en tous cas. Elle avait assez d'expérience pour savoir que les objets les plus terrifiants, c'était ceux qui faisaient beaucoup de bruit. Et elle lui proposait en même temps du gâteau. T'as pas mis un peu de weed dedans ? Non parce qu'il paraît que c'est de la tuerie, mais bon, vu que j'aime pas cuisiner, j'ai jamais essayé, commenta Rhys, et autant il pouvait être distrayant, autant il parlait beaucoup pour ne rien dire. « J'ai une tête à faire de la pâtisserie ? C'est une préparation, je l'ai juste mise dans le moule et au four. Donc non, pas de weed dedans » elle répliqua simplement. C'était déjà un exploit d'avoir réussi la cuisson, elle n'allait certainement pas risquer de mettre de l'herbe dedans et de flinguer le tout. Elle dégusta son morceau de gâteau, avant de relancer la conversation sur le sujet qui avait amené le jeune homme ici. S'il était sérieux au sujet de cette histoire de vengeance, il allait falloir trouver ce mec, et pour cela elle avait besoin d'un nom au moins. Rhys lui expliquait donc que c'était un client régulier, un type qui n'avait jamais posé de problèmes, et qui avait simplement pété un câble. La drogue, ça n'avait jamais été son domaine à Anteynara. Le vol, l'escroquerie, l'assassinat, la manipulation, tout ça... mais la drogue non. Certes, dans son milieu, tout se cotoyait, et elle connaissait donc du monde là-dedans, mais pour elle, c'était un business bien à part et très différent de ce qu'elle faisait, elle. Rhys était enragé, elle haussait les épaules. Pas parce qu'elle s'en fichait, mais parce qu'elle n'avait rien à lui répondre, elle n'avait pas d'avis à ce sujet. Il se démerdait comme il le voulait avec ses clients, ça n'était pas son problème. Au final, elle acceptait de l'aider, à condition qu'il se charge de nettoyer derrière lui. T'es entrain de me dire que tu veux bien me prêter ton entrepôt ? Ton entrepôt avec tous tes ustensiles, n'est-ce pas, et non pas exactement, ce n'était pas ce qu'elle entendait par là, parce que c'était son entrepôt, et rien que l'idée que d'autres personnes aient connaissance de l'existence de cet endroit l'agaçait profondément. Puis Rhys comptait aller foutre le bordel chez elle pour 75 dollars, c'était assez ridicule, pitoyable même. D'ailleurs j'espère que t'as nettoyé le Bronx dont tu m'as parlé la dernière fois, parce que je veux bien le nettoyer à condition de nettoyer ma merde, pas celles des autres. ajoutait Rhys et franchement, il était plus agaçant qu'autre chose à lui faire des leçons de morale quand ils parlaient de l'entrepôt d'Antey. Son entrepôt à elle. Le sien. Pas celui de Rhys, celui qu'il voulait qu'elle lui prête bien gentiment. Elle lui adressa un regard, sans répondre, n'étant pas trop d'humeur à se prendre la tête, étant donné qu'elle avait eu sa dose de négativité le matin même en mettant en pièce l'autre mec. D'ailleurs, en parlant de ça, tu l'as fini le type ? Ha. Clyde, c'était bien le seul de toute façon qu'elle avait commencé sans le finir. Et elle avait fait l'erreur d'en parler à Rhys, de mentionner vaguement cette histoire et de se défouler un peu. Elle aurait du garder tout ça pour elle, mais la rage du jeune homme et sa façon d'être étaient déclencheurs pour Anteynara, qui du coup se laissait emporter à son tour et vidait son sac sans trop de retenue. C'était une erreur, elle le savait. « Non, j'y réfléchis » elle grogna simplement, mettant fin à la discussion, parce qu'elle ne voulait pas parler de Clyde, de l'échec qu'il représentait. Pas seulement l'échec d'ailleurs, mais aussi l'impulsivité d'Anteynara, son incapacité à agir intelligemment lorsqu'il s'agissait de problèmes un peu trop personnels. Elle reprit une part de gâteau, et décida de revenir à la conversation de base, celle qui concernait Rhys et son client qui avait osé le baiser. « Puis pour l'entrepôt, c'est non. T'as pas besoin de tout ça pour un type qui t'as niqué 75 balles, détends-toi un peu, si tu veux j'te prête des pinces » elle proposa, parce que ça suffirait amplement. Quelques pinces coupantes, un ou deux couteaux, éventuellement, ou une petite scie, pour les os. Puis, il ferait ce qu'il voudrait avec, elle n'était pas sa mère. Tant qu'il lui rendait le tout, bien propre et en excellent état. En tous cas, hors de question de laisser Rhys faire mumuse avec le reste de son matériel. Elle en avait besoin pour son travail, ce n'était donc pas là pour servir à l'amusement d'un gosse avec un penchant psychopathe. « Après faut savoir s'en servir, c'est encore autre chose » elle commenta, haussant un sourcil, sarcastique à souhait, hautaine, presque dédaigneuse, se concentrant sur sa part de gâteau qu'elle séparait doucement avec ses doigts en deux bouts, avant de croquer dans l'un d'eux.

Rhys ne devait surement pas avoir conscience du juste milieu, ou de la proportionnalité des choses, puisqu'il semblait sans cesse exagérer sur tout et pour tout, en faire des tonnes et des tonnes, ne jamais s'arrêter. Antey, ça la faisait rire un peu, parce que ce type était un spectacle à lui tout seul. Mais à force, il avait aussi le don de la faire chier et de provoquer chez elle une perte de patience assez considérable. Déjà qu'elle n'était pas la fille la plus patiente de base, ni la plus tolérante vis à vis de ceux qui racontaient de la merde. En somme, elle l'écoutait à moitié et tentait simplement de ne pas faire trop attention à ce qu'il disait, quitte à prendre soin de bloquer la fréquence sur laquelle il parlait, ou plutôt d'essayer. Et puisque Rhys, comme toujours, en rajoutait encore et encore, suggérant de couper les mains au type qui lui avait arnaqué 75 dollars, Antey lui répondit avec sarcasme qu'il pourrait aussi essayer de les lui broyer, ces mains. Je suppose que tu as tout ce qu'il faut pour broyer les membres de tes victimes, il lui sortit. Et à vrai dire, non. Elle n'était pas équipée d'un broyeur, parce que c'était beaucoup de bruit et de saleté pour peu de résultat. Contrairement à ce que pouvait penser Rhys, elle n'avait pas besoin de broyer une partie du corps pour faire parler un type. Et heureusement, ça lui évitait pas mal de ménage. Enfin, si vraiment le broyage avait été indispensable, elle disposait toujours d'un espèce de hachoir à viande qui aurait pu faire l'affaire. « Non » elle répondit simplement, dégustant sa part de gâteau, se contentant de réponses monosyllabiques, comme elle en avait l'habitude, parce qu'il n'y avait rien de plus à dire et que parler pour rien ne l'intéressait pas. Et voilà que la conversation partait sur le moelleux, justement, et Anteynara n'hésita pas pour lui faire savoir que ce n'était pas elle qui l'avait fait. Ou du moins, elle avait simplement versé la préparation dans le moule et l'avait foutu au four. Elle avait au moins réussi la cuisson. Putain tu m'déçois Carlson, moi qui pensais que tu savais un minimum cuisiner, lui sortit Rhys, et franchement, qu'est-ce que ça pouvait bien lui faire. Déjà qu'elle l'accueillait gentiment et chaleureusement dans sa maison, qu'elle le laissait bouffer de SON gâteau, il pouvait aussi éventuellement fermer sa gueule et faire comme si tout lui convenait parfaitement. Elle attrapa le couteau pour attaquer le moelleux et en couper, un peu violemment, de nouvelles parts. « J'me débrouille. J'fais des pâtés en croûte à la viande humaine » elle lui dit tout en s'acharnant sur son gâteau. C'était faux, évidemment. Elle était tueuse professionnelle, pas sociopathe cannibale. La conversation se poursuivait, ils en arrivaient à évoquer l'entrepôt d'Antey, son petit QG à elle, son endroit. C'était chez elle, là-bas, et personne n'y mettait les pieds aussi facilement. La seule personne qu'elle ait autorisée à y venir jusqu'à présent avait été Noah, et heureusement d'ailleurs, car sans cela, elle y serait morte, dans son entrepôt. Mais Rhys, elle était loin de lui faire assez confiance, ou même de l'apprécier assez, ou de le tolérer assez, pour l'autoriser à s'y rendre. Ils s'entendaient bien sur certaines choses, mais il fallait garder une certaine distance. Et à vrai dire, elle aurait même du garder une distance plus grande avec lui, car elle lui disait parfois certaines choses qu'elle aurait mieux fait de ne pas partager. Comme peut-être ce qui s'était passé avec Clyde. Ca ne regardait pas Rhys, et lui, parce que visiblement il croyait qu'ils étaient potes ou quelque chose du genre, et que cette petite conversation était la bienvenue, il ne s'était pas gêné pour lancer le sujet. Moi qui m'attendais à ce que tu me dises que tu en avais fini avec lui, que t'arrive-t-il ? il demanda, visiblement amusé. Quel con. S'il pouvait se mêler de ce qui le regardait, ce serait déjà un bon début. Il était venu pour avoir de l'aide à propos de son problème ridicule (75 dollars... pathétique) et non pas pour converser avec Anteynara de sa vie qui ne regardait qu'elle. De toute façon, elle savait bien que l'espèce d'accord qu'elle avait avec Rhys ne tenait que vaguement. Ce n'était rien de très solide non plus. Elle le trouvait un peu insignifiant, tout compte fait. Comme s'ils ne jouaient pas dans la même cour. Elle, elle voyageait dans le monde entier pour tuer des gens, se faisait payer des millions pour éliminer quelqu'un, ou lui voler des informations, ou n'importe quoi d'autre encore qui rentrait dans son champ d'expertise. Lui, il vendait de la drogue et faisait mumuse avec des ordinateurs. Il avait du potentiel à n'en plus finir, elle le voyait très bien, mais il n'en avait peut-être pas conscience... et ce n'était pas Antey qui allait le lui faire remarquer. « Occupe-toi de ton cul. Tu peux pas comprendre les problèmes des grandes personnes » elle lui répondit, parce qu'il l'avait cherchée en fouillant dans ses histoires à elle, là où il n'avait pas été convié. Tout ça l'amusait peut-être, lui, mais elle, c'était une professionnelle, et elle était sérieuse dans ce qu'elle faisait. Elle ne prenait pas ça à la légère et n'en rigolait pas comme lui pouvait le faire. Elle avait dépassé ce stade là il y a quelques années déjà. Alors elle revenait sur le sujet principal, à savoir l'histoire des 75 balles de Rhys et sa vengeance future, et lui conseilla de se détendre un peu, qu'il n'aurait certainement pas besoin de son entrepôt pour faire payer ce type, et que éventuellement elle pouvait lui prêter des pinces. Tout cela, avant de marquer une pause et de suggérer avec sarcasme qu'il ne saurait pas s'en servir, de toute façon. Tu veux peut être que je te montre ce que je sais faire avec des pinces ? Je pourrais même m'exercer sur toi, il répliqua. Grosse blague. Comme s'il pouvait faire le poids contre elle. Il n'était pas plus costaud qu'elle, et elle doutait fortement qu'il ait l'entraînement et les capacités qu'elle avait elle. Ca la fit rire, ou presque, un rire léger, pour ne pas lui faire trop plaisir non plus, pas qu'il finisse par se croire drôle alors qu'en réalité elle était plutôt en train de se foutre de lui. « T'es tout frêle, arrête de te faire des films, j'ai tué des types qui faisaient le triple de toi » elle lui dit en haussant un peu les épaules, sans malice. C'était la vérité, il en ferait ce qu'il voudrait. A l'époque où Jay était encore en vie, il l'avait entraînée et préparée à ça, à l'éventualité qu'un jour elle se retrouve seule et doive faire ce job sans personne. Comme s'il l'avait préparée à ce qu'un jour il disparaisse. C'était arrivé plus tôt que prévu, d'un coup, comme ça. Mais il avait assuré, parce que si Anteynara savait faire une chose, c'était faire mal. Précisément, nettement, brutalement, rapidement, en un seul coup provoquer des douleurs intenses et mettre un type de deux mètres de haut à terre. Alors Rhys... il la faisait sourire. Ca va, même avec un doigt en moins tu serais toujours une biatch ! il dit en riant, et elle lui sourit un peu, sans y mettre le coeur. Qu'il reste dans ses délires de gamin, ça avait l'air de lui convenir. Qu'il continue à vendre sa poudre blanche et à avoir des problèmes simples comme 75 pauvres petits billets manquants. C'était bien comme ça, ça lui évitait les emmerdes dont on avait du mal à sortir, et ça faisait une personne de moins dans l'entourage d'Anteynara qui risquait de se noyer dans sa merde. Qu'il reste naïf, elle se disait en le regardant se rouler un joint. T'en veux un ? il proposa, et elle secoua la tête. Parce qu'elle avait sa propre herbe rangée dans une tiroir, la meilleure du monde, celle pour les pets qu'elle se fumait parfois le soir seule sur sa terrasse. Elle n'avait pas vraiment envie de toucher à celle de Rhys. « Euh par contre tu fumes à la fenêtre » elle lui dit, principalement pour le faire chier, parce que ça lui arrivait de fumer ses clopes dans sa cuisine. Mais elle ne tolérait l'odeur du tabac froid que si elle en était la responsable. Puis elle sortit une bouteille de whisky du bar, ainsi qu'un verre, et se servit de l'alcool sans en proposer à Rhys, levant le verre à ses lèvres pour boire quelques gorgées. « Bon, à propos de ton affaire » elle reprit en observant la couleur ambrée du whisky, revenant sur le sujet principal. « J'veux bien te prêter une pince coupante, et autre chose, j'sais pas, faut voir... que tu me rends propre, mais genre vraiment propre, demain soir 22h au plus tard » elle expliqua, exposant les termes du contrat, en quelque sorte. « Et en échange... mmmh, t'as quoi à proposer ? » elle lui demanda, un sourire sur les lèvres et un sourcil levé, intéressée par ce que Rhys trouverait à lui proposer en contrepartie.

Il était vrai qu'elle ne supportait pas grand monde, voire personne en fait. Beaucoup de gens lui tapaient sur le système, en particulier les mecs, en fait. A toujours se croire supérieur, ça devait être dans leur nature, et il fallait donc les recadrer parfois brutalement et bien efficacement. Rhys faisait donc partie de ceux qu'elle avait tendance à vouloir assommer, mais elle se retenait, parce que malgré tout, il pouvait être utile, parfois. C'était une relation qui allait dans les deux sens, lui venait vers elle lorsqu'il avait besoin de quelque chose qu'elle était en mesure de lui donner, et elle lui demandait ses services quand elle en avait besoin. Au-delà de ça, cette relation plus professionnelle qu'autre chose, ils n'étaient pas amis et ne se fréquentaient pas vraiment. Certes, ils étaient dans un milieu dans lequel le travail finissait par devenir la vie personnelle. Anteynara ne rentrait pas chez elle le soir pour couper tout lien avec ce qu'elle faisait en journée, avait des horaires bizarres, et n'avait pratiquement pas de vie en-dehors de son job. Elle supposait qu'il en était un peu de même pour Rhys. Que lorsqu'il sortait faire la fête, il avait toujours un peu d'herbe à vendre. Que les vacances n'existaient pas. Mais malgré tout ça, elle pouvait clairement dire qu'eux deux ne mélangeaient pas le travail et le reste, ne se voyaient pas pour s'amuser, uniquement pour les affaires. Ils n'étaient pas potes, et ça convenait très bien à Antey. Trop d'amis, ce n'était pas bon, elle en avait à peu près deux, ça lui allait très bien. Puis Rhys n'était pas quelqu'un qu'elle pourrait vraiment apprécier, en fait. Ce ne serait juste pas possible. Pour elle, les amis et les quelques personnes importantes qu'elle avait, ça comptait énormément. C'était des gens pour qui elle serait prête à faire n'importe quoi, et pour Rhys... non, certainement pas. C'était presque drôle de même imaginer ça. Cet imbécile évoquait Clyde, et elle décidait finalement de lui dire très clairement de s'occuper de son cul. Ca va détends toi, tu veux un joint peut-être ? il lui fit, en sortant feuilles, tabac et tout le reste. Sa main la démangeait, en fait. Elle aurait eu envie de lui éclater son poing dans la figure, et l'aurait fait si elle avait laissé parler ses pulsions. Mais un peu de retenue, c'était pas trop mal non plus. « Non, ça a pas l'air d'être de la bonne, comparée à la mienne » elle répliqua tout simplement, l'air de s'en foutre complètement, et elle n'avait pas tort sur ce qu'elle disait. Elle avec ses moyens et ses goûts de luxe, ce n'était pas la beuh de Rhys et de ses petits clients drogués qu'elle fumait. C'était la meilleure de Miami, qu'elle se procurait. La conversation se poursuivait, avec Rhys qui faisait des espèces de menaces sans le moindre sens, et Anteynara n'hésita pas à le lui balancer en pleine figure. Méfies toi des apparences vas! Je pourrais te surprendre, il n'y croyait pas lui-même, ça se sentait et ça se voyait à l'air qu'il se donnait, et au moins sur ce point il semblait être un peu connecté à la réalité. Elle se contenta de lâcher un vague rire, parce qu'il était loin d'être crédible, et ne répondit même pas. Il s'installa donc, commença à préparer son pet, et elle l'avertit de suite qu'il irait à la fenêtre pour fumer. Pas que ça la dérange réellement qu'on fume à l'intérieur (elle le faisait elle-même) mais rien que pour l'emmerder un peu. Il avait presque l'air concentré dans ce qu'il faisait, et elle s'amusait un peu à le faire chier, lui volant son tonc pour jouer avec, puis le lui rendant pour faire de même avec le grinder. Elle finit par se lasser, et alors qu'il allait vers la fenêtre, elle poursuivit la discussion qu'ils avaient commencée à propos de la vengeance de Rhys sur ce pauvre type et de ce qu'elle allait faire pour lui. Lui prêter une pince coupante, qu'il devrait lui rendre le lendemain, propre, avant 22h. C'était le deal qu'elle proposait. C'était carré, précis, mais entre eux, ça marchait ce genre de trucs. Au moins, tout était clair. Demain 22h ça risque être chaud. Mais faisable. J'accepte. il dit, et elle s'en fichait de savoir si c'était chaud ou pas, tant qu'il respectait l'accord. Elle demanda ensuite ce qu'elle aurait en échange. Mon corps, il lui sortit, ce à quoi elle le fixa du regard avant de lentement monter sa main à sa bouche pour se foutre deux doigts dans la gorge et mimer le vomissement. Non je déconne, ne t'emballes, je sais que tu vas me recaler direct mais c'était justement pour te faire chier que je t'ai dis ça. Plus sérieusement, je n'y ai pas réfléchi, mais je dirais bien ce que tu veux. Ca lui convenait, à Anteynara. Elle savait bien que même s'ils n'avaient pas vraiment confiance l'un en l'autre, ils savaient que les accords comme celui-ci étaient précieux, la base de tout, en fait. Alors elle était tranquille et savait qu'elle aurait ce qu'elle voudrait quand l'occasion se présenterait. « Reste là. J'reviens » elle fit en se levant, se dirigeant vers un long couloir, s'enfonçant dans la villa, pour ouvrir la porte qui donnait sur une pièce où elle rangeait une partie de son matériel. Tout était parfaitement bien organisé, et elle mit la main sur la pince qu'elle cherchait sans problème, avant de revenir dans la cuisine pour la poser sur la table, à côté du paquet de tabac de Rhys. « Prends-en soin » elle lui dit tout de même, alors qu'il termine son joint. « J'ai une soirée très intéressante qui m'attend alors si tu pouvais bouger ce serait cool » déclara-t-elle ensuite pour lui faire comprendre qu'il devait se casser et la laisser tranquille. Et lorsqu'il eut terminé de fumer et qu'il eut rassemblé ses affaires, elle le poussa presque vers la porte pour qu'il sorte, lui balançant un « Salut » avant de claquer la porte et de retourner bouffer son moelleux au chocolat en paix.