«- C’est tout sauf raisonnable, monsieur. J’y serais dans une grosse demi-heure.» répond Aline.

Raccrochant le téléphone, la rouquine a un instant avant de réagir. D’un bond, elle se lève pour gagner la salle de bain, retirer ses vêtements, courir à moitié nue au milieu de son appartement, pour choisir une nouvelle tenue. Et elle hésite, elle ne sait pas quoi mettre. Quelque chose de sage, peut-être ? Ils vont déjà boire un café ensemble, elle ne devrait peut-être pas trop enfoncer le clou. Si ? Peut-être. Elle ne sait plus, elle est perdue. La jeune femme se mord la lèvre inférieure. Une fois de plus, note-t-elle. Avant d’attraper une robe blanche légère, estivale sans trop en faire. Non, il vaux mieux ne pas pousser le bouchon trop loin.

Rapidement habillée, la jeune femme prend le temps de se maquiller. Elle ne devrait peut-être pas, peut-être qu’elle devrait simplement y aller au naturel, ne pas sembler trop apprêtée. Mais elle n’a pas envie qu’il voit ses potentielles cernes. Alors elle met le fond de teint. Le fond de teint appelle les fards. Les fards convoquent le mascara. Qui lui-même ordonne au rouge à lèvre de venir parer de rose les lèvres délicates de la jeune femme.

Et puis cela fait, ses cheveux laissés libres au vent, la demoiselle s’empresse de prendre son sac, de quitter sa demeure et de foncer vers leur lieu de rendez-vous, espérant ne pas arriver trop en retard. Son téléphone en main, en entrant dans le Seven Devil Bar, elle vérifie qu’il ne lui ai pas envoyé un sms pour annuler, sait-on jamais, des fois qu’il regrette. Mais il ne l’a pas fait et son cœur s’emballe alors qu’elle le cherche dans l’assemblée, à l’idée de le revoir après «tout ce temps».  Mais il ne semble pas être encore arrivé. Ou il lui a posé un lapin ?

La jeune femme sursaute en entendant la voix de son professeur comme ce dernier se rapproche d’elle et elle lui sourit comme il la salut de nouveau. Elle se sent bien, heureuse de le voir et dans un même temps évidemment soulagée alors qu’elle a eut peur qu’il ne se présente finalement pas au rendez-vous, comme elle l’a cherché sans succès en arrivant. Et maintenant qu’il est là, devant elle, le cœur de la demoiselle bat encore plus vite alors qu’elle se sent tout chose, tout intimidée. La rousse ne sait plus quoi dire, quoi faire et une seconde, elle pense à prendre ses jambes à son cou alors qu’elle ne devrait tout simplement pas être ici, pas prendre ce genre de rendez-vous avec lui.

«- Rebonjour monsieur ! Merci d’être venu.»

Aline lui adresse un sourire, sans pouvoir employer le titre de professeur. Cela lui permet de se détacher, un peu, de la situation, de ne pas avoir trop mauvaise conscience de l’avoir rejoint ici, pas trop mauvaise conscience de vouloir passer du temps en sa compagnie et, clairement, jouer avec le feu. Son sourire est plus charmeur qu’elle ne le voudrait, alors qu’elle est déjà inconsciemment décidée à séduire cet homme si elle le peut.

«- Oh je comprend ! Un instant j’ai eut peur que vous ne veniez pas !»

La jeune femme lui adresse un nouveau sourire et s’installe à une table qu’il lui propose, le regardant s’installer à son tour, face à elle et elle frissonne en remarquant qu’il est encore plus sexy que dans son souvenir. Et même si elle se morigène, même si elle essaie de se dire qu’elle ne doit rien espérer, rien imaginer, rien tenter, elle sait aussi que, la partie étant lancée, elle ne partira pas, maintenant qu’il est là devant elle. Même si elle devrait fuir, rester raisonnable… Elle n’a aucune envie de le faire, alors que son regard la clou sur place.

«- Pas terrible. Mais parlons plutôt du vôtre ?»

Aline lui adresse un sourire comme le jeune homme dit être venu. Elle en est satisfaite, naturellement et se demande comment elle aurait prit le fait qu’il lui pose un lapin. Mal probablement, mais dans un même temps peut-être que cela l’aurait aussi ramené à la raison, elle ne saurait pas le dire. Peut-être que le lapin lui aurait remis les idées en places et qu’à la rentré elle lui en aurait voulu, ce qui les aurait éloigné l’un de l’autre. Ils ne se seraient plus parlés, n’auraient pas prit de café ensemble, ne se seraient plus appelés, n’auraient plus discuté ensemble après les cours en aimant cela. Peut-être que s’il avait posé un lapin aujourd’hui, il aurait fait le seul acte sensé et raisonnable à faire et que cela aurait changé le cours de leurs deux vies. Mais il avait autant envie de la voir qu’elle souhaitait le retrouver. Et il s’était présenté au rendez-vous.

«- J’imagine mais en ne vous voyant pas… Enfin vous comprenez, je me disais que vous auriez put regretter d’avoir accepter. Comme vous disiez que ce n’était peut-être pas très raisonnable.» répond la rouquine. «Mais il n’y a rien de mal à prendre un simple café… n’est-ce pas ?» demande la jeune femme en sentant son cœur battre la chamade.

Oui c’est un simple café mais c’est plus que ça en même temps. Elle ne veut seulement pas l’admettre ou elle cherche à adoucir les potentielles inquiétudes de son enseignant, de sorte qu’il ne prenne pas ses jambes à son cou. Dire que c’est un innocent café, pour qu’il ne remarque pas le léger décolleté de cette robe. Petit, mais présent tout de même.

«- J’ai pensé cela aussi, plusieurs fois. Les cours, le fait d’être occupé… Revoir les amis» répond la demoiselle.

Mais dans ses propos, c’est tout son manque de lui qui se manifeste, surtout, sans qu’elle ne puisse le dire et sans qu’elle ne remarque qu’il avait sensiblement voulu dire la même chose de son côté. Comme le serveur arrive, elle attrape son sac pour y chercher son porte feuille en demandant un Viennois, prête à payer sa part en songeant qu’il ne serait pas correct qu’il l’invite lui-même, alors qu’il était son professeur. Mais il la devance.

«- Vous… n’étiez pas obligé… Merci»

Elle hoche la tête comme le professeur répète ce qu’elle a dit elle même en raccrochant : c’est tout sauf raisonnable. Cette rencontre ne devrait pas avoir lieu, tout simplement. Ils devraient se contenter de la relation que la morale leur impose et rester donc un professeur et son élève, sans chercher à devenir plus que ça. Mais la rousse doit bien avouer qu’elle n’a pas envie de cesser de le voir, de discuter avec lui, voire même de courir parfois. Ok, elle n’est pas sexy quand elle court ; Elle transpire, ce n’est pas le moment de sa vie où elle est le plus glamour. Mais peu importe car elle avait adoré courir avec lui la dernière fois qu’ils en avaient eut l’occasion.

«- Mais… c’est plaisant.» répond la jeune femme non sans avoir une petite hésitation en ayant peur que l’homme ne prenne mal son propos.

Comme il paye leurs consommations, la jeune femme le luit reproche en songeant qu’elle aurait parfaitement put payer sa part et elle sourit en remarquant qu’il fait ainsi très gentleman, jusque dans la réponse qu’il lui fait. Cependant d’un point de vu purement pratique, au vu de leur situation, ce n’était pas forcément une excellent idée.

«- Oh !? Je l’avais presque oublié celui-là, avec tout ça ! Et qu’en avez-vous pensé alors ?» demande la jeune femme en sentant qu’à la nouvelle perspective de son ressenti vis-à-vis de lui, la question a encore plus d’intérêt pour elle aujourd’hui.

La jeune femme hoche la tête comme l’homme qui lui fait face dit qu’ils doivent rester vigilants, bien que lui-même trouve leur rencontre du jour fort plaisante. La demoiselle lui adresse finalement un sourire, légèrement charmeur, en passant une main dans ses cheveux afin de remettre ces derniers en place, derrière son oreille. Se mordant la lèvre inférieure, la jeune femme ne sait que dire, pendant quelques secondes. Et puis, elle a un petit rire nerveux en le regardant. Oui, ils doivent être prudents elle le sait, mais la folie de cette rencontre lui fait le plus grand bien. Le voir, simplement, lui fait du bien.

«- Nous ferrons attention monsieur. Mais nous ne faisons rien de mal, n’est-ce pas ? Ce n’est qu’un café...» répond la rouquine.

La demoiselle porte sa tasse à ses lèvres alors qu’on vient leur porter leurs commandes. Elle soufflent un peu dessus ce chocolat viennois pour ne pas se brûler, en l’observant. Puis elle en prend une gorgée, en regardant toujours le professeur Walker. Elle ne dit rien, mais manque de s’étrangler quand elle entend l’interrogation de ce dernier, alors même qu’elle pensait, une fois de plus, qu’il est vraiment trop sexy. La demoiselle rougit un peu, alors. Mais pourquoi parler de Gabriel maintenant, doux Jésus ?

«- C’est que cela fait quelques semaines maintenant monsieur. Et je pense que d’une certaine façon, même si c’est triste, de le dire et de le penser ainsi, je m’étais faites dans le fond à l’idée qu’il puisse partir. Alors… tout simplement, je suppose que ça a joué.» répond la demoiselle en baissant la tête sur son café, comme pour se cacher dans ce dernier.

Ou simplement, elle avait désormais la tête ailleurs, bien malgré elle, tournée vers un professeur qu’elle n’aurait pas dût regarder. Un professeur assis juste face à elle et qui, en faisant la critique positive du livre qu’elle lui a recommandé, en avouant ses propres pensées, lui donne quelques espoirs, qu’elle ne devrait pas entretenir.

«- Je partage cette vision… Mais je crois vous avoir déjà dis que Gabriel était quatorze ans plus vieux que moi, alors cela n’a rien de surprenant… L’ennuie dans ce genre de situation c’est que les deux n’attendent pas forcément les mêmes… choses de la vie, malheureusement.» lance la rouquine.