Il ne voulait plus parler de ça. Il savait bien que jamais ils ne seraient d'accord, que continuer comme ça ne pourrait que les conduire vers la dispute, et ça, Erwan ne le voulait surtout pas. Il était peut-être doux et compréhensif, mais il savait affirmer ses positions lorsque c'était nécessaire, comme là, par exemple. Il n'aimait pas être traité comme un enfant, il n'aimaitpas qu'on se mêle de sa vie personnelle, qu'on prenne des décisions le concernant sans respecter ses voeux. Comment pouvait-on lui parler de liberté si ces mêmes  personnes étaient incapables de suivre ses demandes ? Orel avait été le premier à agir ainsi, en reprochant à Erwan la façon dont il avait géré le chantage que lui avait fait subir son producteur, il y a déjà plus d'un an... Et là, maintenant qu'il avait Chris, c'était lui qui se mettait à vouloir décider de la vie d'Erwan. Il préférait éviter, repousser à plus tard la prise de tête ou des énièmes explications qui ne mèneraient peut-être à rien. Il fut clair, coupant cours à la discussion, et lorsque le médecin arriva, le silence plana dans la pièce, brisé uniquement par ce docteur et les quelques réponses d'Erwan. Puis, ils furent seuls, à rêver. Et on ira se balader et je t'apprendrais le surf, on se mangera un gros pot de glace en regardant des dessins animées et après avoir baisé, on s'endormira dans les bras l'un de l'autre. Il n'était pas du tout certain pour le surf, mais tout ça lui donnait envie et le fit sourire. C'était beau et simple d'imaginer cette vie-là, dans un avenir relativement proche. Tout ça, c'était possible, ce n'était pas des rêves hors de portée, alors c'était d'autant plus plaisant de se dire que dans quelques semaines, ils y seraient. Je te ferais parvenir quelque chose la semaine prochaine d'accord! J'ai déjà ma petite idée, t'as oublié une de tes chemises la dernière fois. Ils n'y verront que du feu. lui expliqua ensuite Chris, et Erwan fronça de suite les sourcils, perturbé par cette proposition et n'ayant pas extrêmement confiance, étant donné que Chris restait mystérieux sur ce fameux objet. « Quelle chose ? Pas un truc qui va m'attirer des ennuis hein... ? » il questionna, un peu anxieux, parce que jusque là Chris ne mesurait pas les risques, il n'avait pas conscience de tout ça, de ce qui pourrait arriver à Erwan si telle ou telle chose arrivait, si les règles n'étaient pas respectées. Erwan devait être prudent, lui. Il devait être l'adulte ici. Le médecin t'a dit que tu serais remis dans combien de temps à peu près? questionna Chris. Erwan fit une petite moue, ne sachant pas trop. Ca voulait dire quoi, remis ? Si Chris parlait de guérison totale, il ne pouvait vraiment pas répondre. « Je sais pas trop... Ils veulent que je puisse retravailler au plus vite... c'pour ça que je dois vraiment me reposer là, dans genre cinq jours je reprends des clients, même si ce sera un peu spécial parce que... faudra éviter les fesses... mais ouais... je vais juste déjà essayer de bien prendre mes médicaments et tout » il termina, reposant sa tête sur l'oreiller. Il était fatigué, ces fameux cachets l'ayant un peu assomé, et il marqua à nouveau un silence. Erwan bougea un peu, tentant de trouver une position où il souffrait moins, mais il avait bien du mal. Ses yeux se perdirent à nouveau dans le néant. « J'ai assez souffert j'crois. Je veux que ça s'arrête maintenant, je l'ai mérité... j'ai assez eu mal, j'ai le droit que ça s'arrête » il dit, le regard dans le vide, braqué à nouveau sur le mur face à lui. Et ses paroles étaient entièrement sensées et normale, et Chris le comprendrait certainement dans ce sens-là. Mais au fond, Erwan était perdu, il ne voyait pas de solution, ne voyait pas de porte de sortie. Ca ne s'arrêterait pas, il le savait. Alors le sens véritable de ce qu'il disait, c'était bien plus obscur. Tout au fond. Le sens caché, ce qui le hantait depuis des jours, depuis que la dépression s'installait en lui.

Voir son ami dans cette été^t retournait Chris. Il le cacha pour ne pas inquiéter son ami, mais il avait envie d'égorger les types qui avaient fait cela et de foutre une bonne raclé à son patron pour avoir laissé faire tout ce bordel. Mais il ne pouvait pas agir. Du moins pas pour le moment. S'il le faisait, il ne pourrait plus voir Erwan. Il devait donc attendre que celui-ci lui dise qu'il voulait quitter ce merdier et là, il pourrait agir. Pour l'instant, il voulait juste réconforter Erwan, essayer de lui faire passer un bon moment. Il avait réussi à pouvoir avoir quelques petites heures avec lui et il ne voulait pas les gaspiller en se prenant la tête avec le jeune homme. Alors, il suivit Erwan sur le sujet de la prochaine fois où il pourrait se voir. Il prévint ensuite ce dernier qu'il lui ferait parvenir quelque chose ce qui l'inquiéta. Il se leva alors et sortit son Iphone. Il retira la puce et tendit l'objet au jeune homme. "Non, t'inquiète pas, tu ne fera pas chopé, je planquerais la puce dans une des couture de ta chemise, t'inquiète, enfant j'étais doué pour planquer les trucs. Je peux te mettre ça ou pour que tu n'es pas de soucis?" Demanda-t-il alors. Il suivit les instructions de son ami et planqua l'Iphone. Il revint ensuite vers lui et lui demanda ce que le médecins lui avait dit pour sa guérison. « Je sais pas trop... Ils veulent que je puisse retravailler au plus vite... c'pour ça que je dois vraiment me reposer là, dans genre cinq jours je reprends des clients, même si ce sera un peu spécial parce que... faudra éviter les fesses... mais ouais... je vais juste déjà essayer de bien prendre mes médicaments et tout » il termina, reposant sa tête sur l'oreiller. Chris se rapprocha alors du jeune homme en serrant les dents. Il ne voulait pas créer de dispute, mais il avait envie de hurler. Il recommença alors à jouer doucement avec les cheveux bouclés d'Erwan et prit sa main valide dans la sienne. « J'ai assez souffert j'crois. Je veux que ça s'arrête maintenant, je l'ai mérité... j'ai assez eu mal, j'ai le droit que ça s'arrête » il dit, le regard dans le vide. Il se plaça alors de façon à ce que son visage soit en face du sien et déposa un chaste baiser sur ses lèvres. "Chut, cela va aller bébé, je suis là. Il ne faut pas que tu penses à tout cela. Je sais que c'est dur, mais pour le moment c'est toi et toi." Dit-il avec un petit sourire. Il pensait ce qu'il disait, mais il avait une putain de grosse envie de prendre Erwan dans ses bras et de l'emmener loin d'ici. Qu'il quitte se milieu et puisse vivre une vie pleine de joie. " Quoi qu'il arrive, quoi que tu veuilles, je suis là. J'ai agi comme un con la dernière fois mais c'est parce que je ne comprends pas sûrement. Mais pour le moment, il faut que tu te reposes, pense plutôt à tout ce que l'on va faire quand on sera tous les deux! Vois la plage et le soleil qui chauffe ton visage, Max qui fait du skate, et nous deux dans les bras l'un de l'autre." Il caressa alors du pouce sa joue en souriant. "Ferme les yeux et repose toi un peu, je suis là pour une bonne heure encore, il ne t'arrivera rien avec moi." Dit-il avant de l'embrasser doucement.

Erwan avait peur que Chris fasse une bêtise, alors que son ami lui parlait d'un cadeau qui devait être discret. Si c'était discret, c'était forcément interdit, et ça... Erwan avait tellement peur de prendre ce genre de risque ! Il savait les conséquences, pour eux deux, mais aussi pour lui. L'idée d'être puni l'effrayait, surtout après sa toute récente expérience, quand on l'avait donné en pâture à Sawyer pour lui faire payer sa soirée désastreuse. Chris retira la puce de son téléphone. Non, t'inquiète pas, tu ne fera pas chopé, je planquerais la puce dans une des couture de ta chemise, t'inquiète, enfant j'étais doué pour planquer les trucs. Je peux te mettre ça ou pour que tu n'es pas de soucis? Erwan ne voulait se battre, et peut-être qu'il y croyait un petit peu, peut-être qu'il avait envie d'y croire. Alors il indiqua un recoin sous son matelas. « Là dessous, dans la petite fente » Une doublure cousue sous le matelas, tout discrètement, pour créer une petite poche. Erwan ne l'avait pas fait lui-même, non, c'était déjà là. Il l'avait découvert un mois après être arrivé, se disait que ça avait son prédécesseur qui avait cousu ça... le garçon qui avait habité cette chambre avant lui. Il n'avait pas trop envie de penser à ce que ce garçon avait pu devenir. Et puis... Chris lui demanda combien de temps sa guérison prendrait. Question à laquelle il était incapable de répondre. Après ça, un silence se posa, et doucement, Erwan se replongea dans ses pensées, dans ses démons et ses idées noires. Il laissa son coeur parler, les yeux dans le vide, et même si ses mots restaient simples et évidents. Mais derrière tout ça, derrière des phrases qui semblaient vouloir dire qu'il voulait s'en sortir, ses pensées étaient bien plus obscures. Il voulait simplement que ça s'arrête. Pas simplement la douleur actuelle, mais tout le reste. Il en avait assez, il voulait cesser de souffrir et être heureux, mais il savait cependant que c'était impossible. Il n'y avait pas ce genre d'avenir disponible pour lui, même si ses proches, comme Chris, en étaient persuadés. Lui, il savait ce qu'il en était, il connaissait la vraie vie, pour les gens comme lui en tous cas. Son ami déposa un doux baiser sur ses lèvres. Chut, cela va aller bébé, je suis là. Il ne faut pas que tu penses à tout cela. Je sais que c'est dur, mais pour le moment c'est toi et moi. lui souffla Chris. C'était beau à entendre, apaisant, mais ça ne changeait rien à l'état d'esprit d'Erwan et aux choses qui se promenaient dans sa tête. Il était en chute libre, il se noyait complètement, et personne ne pouvait l'aider. D'ailleurs, dans la bulle où il se trouvait, les mots de Chris lui passaient au-dessus. Il ne réagit pas. Quoi qu'il arrive, quoi que tu veuilles, je suis là. J'ai agi comme un con la dernière fois mais c'est parce que je ne comprends pas sûrement. Mais pour le moment, il faut que tu te reposes, pense plutôt à tout ce que l'on va faire quand on sera tous les deux! Vois la plage et le soleil qui chauffe ton visage, Max qui fait du skate, et nous deux dans les bras l'un de l'autre. Ferme les yeux et repose toi un peu, je suis là pour une bonne heure encore, il ne t'arrivera rien avec moi. lui dit encore Chris, caressant sa joue, puis déposant un baiser sur ses lèvres. Erwan écoutait d'une oreille, sans réagir encore une fois. C'était doux, c'était beau, et il avait envie de rester comme ça longtemps, à ne rien faire, juste écouter la belle voix de Chris lui dire des choses agréables. Lui promettre une vie différente, des choses positives, lui donner de l'espoir. Mais c'était si loin, c'était comme un conte, des histoires de princesses et de forêts enchantées. De belles histoires qu'il ne pouvait pas croire. « Merci Chris... d'être là depuis tous ces mois... tu es tellement important dans ma vie » lui dit-il doucement. Il fallait remercier Chris, il fallait qu'il sache à quel point Erwan était heureux de l'avoir. « T'es le positif dans ma vie. Et... quand j'irai mieux... on se verra. On continuera comme avant » Au fond, dans sa tête, ça sonnait faux, parce qu'il avait l'impression que jamais ça n'irait mieux. Qu'il tombait, s'enfouissait dans sa tristesse sans fond. « On baisera... d'amour » il marmonna, tandis que les médicaments faisaient doucement effet, et qu'il commençait à planer un peu. Parler d'amour, ça n'avait pas eu de sens pour lui depuis si longtemps. Mais Chris, son ami adoré, c'était certain qu'Erwan avait de l'amour pour lui. Quel genre d'amour... c'était impossible à dire. Il n'en savait rien. Mais leur lien était fort et rempli de quelque chose de bon. « J'ai envie de m'envoler d'ici » ajouta Erwan, l'air absent, se perdant lentement dans sa propre tête, anesthésié par les médicaments qu'on lui avait donnés.

Il ne pouvait pas laisser sa puce de téléphone à Erwan car il y avait dedans tous ses numéros professionnels. Il devrait lui acheter une puce en sortant d'ici et la lui faire parvenir. Il savait déjà comment il procéderait et demandait à son ami ou il pouvait planquer le téléphone en attendant. Il voulait qu'il puisse l'appeler lui ou même Elizabeth en cas de problème mais pas qu'il se fasse punir si ses patrons découvraient qu'il avait un objet interdit. Erwan lui indiqua alors une patte cacheter très astucieuse et Chris y planqua le téléphone. Il revint ensuite se placer à ses côtés et écouta les paroles un peu sombres du jeune homme. Il essaya alors de le rassurer au maximum de façon à ce que le jeune homme puisse tenir jusqu'à sa guérison. Le fait qu'il reprenne le travail en fin de semaine révoltait le jeune homme. Il se demandait ce qu'avaient ses patrons dans la tête. Tout ce dont avait besoin Erwan, c'était de repos. Il lui caressa doucement les cheveux, lui conseillant de profiter de sa présence pour qu'il se repose. Il ne lui arriverait rien temps qu'il serait avec lui, il lui en faisait la promesse. « Merci Chris... d'être là depuis tous ces mois... tu es tellement important dans ma vie » lui dit-il doucement avant d'enchainer : « T'es le positif dans ma vie. Et... quand j'irai mieux... on se verra. On continuera comme avant » dit-il en reprenant sa respiration « On baisera... d'amour » il marmonna, faisant sourire Chris. Il entortilla alors ses doigts dans ses cheveux puis caressa de sa main libre sa joue. " On baisera d'amour et je ferais en sorte de te faire sourire tout le temps que tu seras là!" Dit-il rêveur. Il imaginait bien la journée parfaite et savait déjà comment le faire sourire. Mille idées fusaient dans sa tête et il savait qu'il devrait faire un tri car tout ne rentrait pas dans leur fourchette de 24 heures. « J'ai envie de m'envoler d'ici » ajouta Erwan quelque peu dans le vague. Chris le regarda alors et vit qu'il avait de plus en plus les paupières lourdes. "Alors ferme les yeux bébé et envole toi. Tu es aussi léger qu'une plume, tu n'a plus mal." Dit-il en continuant de caresser ses cheveux. "On est tout les deux dans le ciel, on voit les nuages juste en dessous de nous. On tend nos mains et peux sentir leur douceur. " Dit-il en caressant doucement l'interieur de la main valide du jeune homme. " On voit le soleil au loin qui se lève sur une mer si calme qu'on ne voit pas les bateaux bouger." Dit-il en fermant les yeux a son tour pour rendre la scène encore plus réel.  Il savait très bien que cette échappatoire était pour Erwan une façon de ne plus penser à tout ce qu'il avait vécu. Il faisait de même petit quand il ne supportait plus ce que son père adoptif lui faisait. Il imaginait alors qu'il était superman et qu'il volait vite et loin. " On vole loin de la ville, on va vers une île déserte ou y'aura que nous deux. L'eau est clair et l'île est très verte, on peu même voir les dessins du vent sur le sable fin!" Dit-il en prenant la main de son ami dans la sienne.

Le médecin était parti depuis plusieurs minutes déjà, mais c'était seulement maintenant qu'il sentait les effets des médicaments. La douleur n'était plus aussi violente, ressemblait plus à quelque chose de lointain, de sourd, et qui même si elle n'était plus aussi perçante, n'avait pas l'air de vouloir s'en aller. Il pensait être habitué à la douleur, mais peut-être que cette nouvelle couche de mal était encore trop intense pour lui... peut-être que pour cette douleur-là il lui faudrait encore un peu de temps avant de s'habituer. Les maux de sa vie toute entière étaient inscrits en lui, et c'était juste une nouvelle couche à ajouter, ça avec les nouvelles cicatrices qui ornaient son corps désormais. Il était défiguré, de partout, et plus rien ne serait exactement pareil qu'avant. Peut-être que des clients, il aurait du mal à en trouver, après ça. Peut-être qu'il allait devenir une pute cheap, condamné à brader son propre corps car celui-ci était devenu trop monstrueux pour plaire. Jusqu'à présent, il avait eu de la chance, malgré les marques sur sa peau. Mais même ça, cette petite chance, il était certain qu'elle avait tourné. On baisera d'amour et je ferais en sorte de te faire sourire tout le temps que tu seras là! fut la réponse de Chris à ses paroles à peine sensées. Et oui, la chance avait encore tourné, mais au moins, il pouvait se dire que Chris était là, qu'il ne l'avait pas oublié, qu'il n'était pas dégoûté ou qu'il n'avait pas pris peur. Que  tout resterait comme avant entre eux. Et peut-être que c'était normal, que plus un lien était fort, plus la peur était grande. Parce que plus il y avait d'espoir à détruire. Et Erwan craignait tellement que tout s'écroule, qu'il perde Chris pour une raison ou une autre. Mais il ne pouvait que continuer de prendre les risques, ça en valait la peine. Il divaguait maintenant, les paupières lourdes, la fatigue le gagnant. Ses mots n'avaient plus énormément de sens, et ses yeux se perdaient dans le vide. Les quelques paroles qui passèrent la barrière de ses lèvres sortaient du fond de son coeur. Un simple appel au secours, l'envie de s'échapper, ou de disparaître, de sortir d'ici par n'importe quel moyen et de ne plus souffrir. D'être libre, juste quelques secondes. Il voulait flotter, et il se surprit même à repenser à ces quelques fois où Leo l'avait drogué... une seringue dans le bras pour le calmer quand la douleur était trop intense. Il se surprit à regretter ces moments-là, malgré la terreur qu'il ressentait face à toute forme de drogue. Parce qu'au moins, dans ces instants, il avait eu la chance de tout oublier et d'être bien, juste un peu, de ne rien sentir. Alors ferme les yeux bébé et envole toi. Tu es aussi léger qu'une plume, tu n'a plus mal. On est tout les deux dans le ciel, on voit les nuages juste en dessous de nous. On tend nos mains et peux sentir leur douceur. On voit le soleil au loin qui se lève sur une mer si calme qu'on ne voit pas les bateaux bouger. Les mots de Chris n'avaient absolument aucun sens, et si au début, Erwan resta les yeux mi-clos et tenta de se concentrer sur ce qui était dit, il finit par lever les paupières et se poser quelques questions quand même. On vole loin de la ville, on va vers une île déserte ou y'aura que nous deux. L'eau est clair et l'île est très verte, on peu même voir les dessins du vent sur le sable fin! C'était très beau, mais Erwan n'était plus un enfant, et ce n'était pas un conte de fées ou un récit sur le pays imaginaire qui allait arranger quoique ce soit. Il eut un petit rire, tournant la tête comme il le pouvait pour regarder Chris. Il lui adressa un petit sourire. « Wow... tu dis beaucoup de conneries » fit-il avec un sourire et un air attendri. C'était mignon de sa part, même si ce genre de trucs ne fonctionnait absolument pas avec Erwan. « Même si l'idée de passer quelques jours avec toi sur une île déserte... ça doit pas être si mal... j'ai toujours rêvé de manger des noix de coco que j'aurais cueillies... m'enfin j'ai un peu peur des bestioles qu'on peut trouver... » il marmonna, perdant à nouveau lentement contact avec le monde réel. Ce qu'il sentait de plus concret maintenant, c'était la main de Chris dans la sienne, et il tentait de se raccrocher à ça uniquement... de sentir la douceur de ses doigts, à quel point cette main ne le laisserait pas tomber, pas de sitôt. Son regard était fixé sur le mur, ses yeux se fermèrent une fois... pour se rouvrir, comme s'il se battait contre la fatigue. Un silence se prolongea encore. « Reste avec moi jusqu'à ce que je m'endorme » il demanda, un léger sourire sur ses lèvres, parce qu'il savait que ce ne serait plus bien long, et que s'il s'endormait, Chris partirait et ne serait certainement pas là à son réveil. Il serra sa main, un peu plus fort, une pression pour exprimer son affection. Et il relâcha, lentement, tandis que ses paupières tombaient et que ses yeux se fermaient. Le sommeil était le bienvenu, et avec lui le néant qu'il avait appris à tant affectionner. Quelques heures de répit.

Il essayait d'emmener Erwan loin de sa douleur et de ce qu'il avait vécu en imaginant des scènes pas franchement réaliste. Il faisait beaucoup cela quand son beau-père venait le voir pour lui faire ces horribles choses et espérait que cela marche avec Erwan. S'il pouvait ne seraient-ce que le soulager par ses paroles, cela ferait sa journée. Ce dont il ne s'attendait pas en revanche, ce fut ce rire, même bref, qu'il n'avait pas entendue depuis un moment. « Wow... tu dis beaucoup de conneries » fit-il avec un sourire et un air attendri qui déclencha un franc sourire de la part de Chris. « Même si l'idée de passer quelques jours avec toi sur une île déserte... ça doit pas être si mal... j'ai toujours rêvé de manger des noix de coco que j'aurais cueillies... m'enfin j'ai un peu peur des bestioles qu'on peut trouver... » il marmonna doucement. " Ho ça c'est pas le problème, tu grimpes tu cueilles je m'occupe des bestioles!" Dit-il en souriant et en caressant doucement la joue du jeune homme. Il se voyait très bien sur cette île déserte avec lui. Rien qu'eux deux sans le reste du monde! Ils pourraient tout faire, n'importe quand, sans contrainte! Le rêve absolu! « Reste avec moi jusqu'à ce que je m'endorme » il demanda, un léger sourire sur ses lèvres en donnant une pression sur la main de Chris. Ce dernier lui souris alors et lui promis d'un, vois chaude en souriant : "Je reste avec toi jusqu'à ce que tu sois vraiment bien endormi." Il lui fit alors un clin d'oeil et serra sa main intacte tout en caressant de nouveau sa douce chevelure. Il le vit fermer les paupières doucement et le contempla ainsi un bon moment. Il observa chaque trait de son visage, le voyant plisser les yeux quand il bougeait un peu trop ou bien esquisser un sourire quand il se sentait bien. Mais l'heure passa rapidement et comme Erwan dormait maintenant profondément, il était temps pour lui de quitter le navire. Il devrait faire en sorte qu'il n'était pas toucher en sortant de la chambre et devrait jouer le jeu pour son ami devant son boss. Mais une chose était sûr, cela ne resterait pas impuni. Il devrait déjà enquêter discrètement sur ce qu'il s'était passé ce soir-là pour avoir les noms de toutes les personnes impliquées. Il soupira alors et déposa un très léger baiser sur sa tête et chuchota tout bas pour ne pas le réveiller " Oublie pas bébé, je suis là pour toi, quoi qu'il arrive!"  Il le regarda encore quelques secondes puis se leva doucement et remit ses affaires en place. Il prit ensuite une grande inspiration et ouvrit doucement la porte de la chambre pour quitter la pièce. Il se rendit alors au bureau et prit un rendez-vous avec Janko tout en remerciant pour l'heure accorder avec Erwan. Il quitta ensuite les lieux et monta dans sa voiture. Il devait maintenant se rendre dans un AppleStore pour se racheter un téléphone et passer acheter une puce pour Erwan.

Il demanda à ne pas être seul, à ce que Chris reste, pour qu'il n'ait pas à le regarder partir. Il allait s'endormir doucement, dans ce petit bonheur et cette tendresse, et Chris resterait là. Puis à son réveil, il serait seul, mais rempli de l'espoir de le revoir vite. Je reste avec toi jusqu'à ce que tu sois vraiment bien endormi. Il lui adressa un sourire, même si ses yeux étaient déjà fermés, et doucement, il se laissa emporter par sa fatigue. C'était si beau et si doux, et il n'avait presque plus mal. Quand il se réveilla, sans surprise, il était seul, de nouveau en souffrance, et des pensées noires revenaient le hanter. C'était l'ennui qui les invitait, tandis qu'il n'avait rien d'autre à faire que fixer le mur face à lui et penser encore et encore. Le blues était revenu avec le départ de Chris, et celui-ci ne se faisait que grandissant en voyant les jours défiler. Une semaine passa, et Erwan reprit doucement le travail. Comme prévu, les clients entraient pour une simple fellation, car il n'était pas en état de fournir plus que ça, et il remplissait ainsi ses soirées, sa mâchoire devenant plus douloureuse qu'il ne le pensait possible. Il y avait bien eu un client qui avait tenté d'aller plus loin, d'obtenir plus que ce pour quoi il avait payé. Il avait tenté de pousser Erwan sur le lit, de le retourner, mais le jeune homme avait haussé le ton, et on était entré à ce moment pour vérifier que tout allait bien. S'il s'en était sorti, ce n'avait pas été sans se faire mal en tombant les fesses sur le lit. Il décida de ne pas en parler. Peut-être que s'il ignorait la douleur, celle-ci s'en irait. Le temps où il ne travaillait pas, il restait dans cette chambre, à attendre, laisser défiler les heures. Il ne sortait plus, ne descendait plus manger non plus. Heureusement, il y avait ce médecin, ce gentil médecin, qui s'assurait qu'il avait ce dont il avait besoin, et lui montait un peu de nourriture. Un gentil médecin qui avait aussi menti un peu sur l'état de santé d'Erwan, pour excuser son absence totale de mouvement et de motivation. Il guérissait plutôt bien, mais son cerveau ne semblait pas vouloir coopérer. Si personne ne s'était mis à prendre soin de lui, peut-être bien qu'il se serait laissé mourir là. Mais voilà, heureusement, il y avait le gentil médecin. Les jours filaient ainsi, et Erwan n'arrivait plus à chasser de sa mémoire les souvenirs de cette nuit terrible. Ca lui serrait le ventre, ça lui donnait envie de pleurer. Il avait tellement honte, de tout ce qui s'était passé, de ce qu'il était devenu avec les années. C'était de sa faute, il s'était plongé là-dedans et maintenant, il en payait le prix. Le désespoir et la tristesse étaient si forts qu'il n'était plus capable de les exprimer, et ne faisait que se laisser submerger, le regard vide. Quel était son avenir ? Continuer à faire la pute. Eggsy avait honte de lui, ses amis avaient honte. Chris ne savait plus quoi faire de lui à part lui offrir quelques heures de répit... Mais il n'y avait pas d'avenir pour lui. Il était éternellement incapable de voir plus loin que le lendemain, alors comment pouvait-il penser qu'il serait un jour bon à autre chose que simplement survivre tant bien que mal ? Il n'était pas utile à la société, à part pour se vendre ainsi et donner du plaisir à ses clients, mais même pour ça, il n'était pas indispensable. Non, Erwan n'avait pas de futur, il n'avait rien à espérer de l'avenir, aucun cadeau à attendre de la vie. Et plus les jours passaient, et plus il réalisait lentement que son existence ne serait jamais rien de plus que ça. Etre baisé, de toutes les façons possibles, par des inconnus, et être blessé et usé. Et c'était épuisant. Voilà. Il était épuisé, vidé, complètement à bout. La vie n'avait rien à lui offrir. Alors, quand on lui apporta son planning, le jour où il était censé reprendre le travail pour de bon, il tendit la main pour prendre le papier posé sur son chevet, et parcourut des yeux la liste... jusqu'à arriver au nom de Sawyer. Son regard s'arrêta net, il dut même relire quelques fois, pour être sûr. Mais c'était bien ça. C'était Sawyer, prévu pour le soir-même, à vingt-deux heures. Et même s'il n'y avait pas eu le flot violent de souvenirs, Erwan aurait tout de même paniqué. Ce n'était pas possible. Ce n'était simplement pas possible. Il ne pouvait pas, il n'était pas capable. Il n'y arriverait jamais. C'était au-dessus de ses forces. Il n'abandonnait pas, Erwan, mais là, après tout ce qui lui était arrivé dans sa vie, c'était trop pour lui. Il n'avait pas le courage et la force de faire face à ça. Il étouffa un sanglot, et lâcha le papier avant de se lever avec difficulté. Il était nu, dépouillé maintenant depuis quelques jours de ses bandages. Il traça vers la salle de bain, si belle, si luxueuse, privée et accolée à sa chambre. Là, il ouvrit la petite armoire au-dessus du lavabo, poussa ses quelques petites affaires pour mettre la main sur une boîte de rasoirs neufs. Ses mains ne tremblaient pas. Il était sûr de ce qu'il faisait, poussé pour la première fois depuis des jours par un réel désir, par une motivation forte. Il démonta un rasoir pour en extraire les lames, et après quelques brefs instants de réflexion, il se pencha vers la baignoire pour commencer à la remplir d'eau chaude. Pendant que celle-ci coulait, il se fixa longuement dans le miroir, la tête vide. C'était décidé maintenant. Il savait ce qu'il allait faire, et pas une fois depuis ces dernières semaines il ne s'était senti si sûr de lui, si indépendant, si puissant. Il était maître de lui-même pour la première fois, il avait le contrôle et il savait ce qu'il allait faire. Il savait comment ça allait se passer et qu'enfin, il allait prendre une décision pour lui, tout seul, une décision que personne ne pourrait contredire. Alors l'eau coulait, et c'était étrange de se regarder comme ça, d'observer son propre visage, en se disant que c'était la dernière fois qu'il se voyait. Comme se dire adieu à lui-même. Il regarda longuement, se demandant s'il allait trouver une parcelle de son visage qui était en désaccord avec ce qu'il allait faire. Mais non, tout son être se sentait bien, se sentait concerné. Tout son lui savait que c'était la bonne solution. Parce que l'alternative, c'était le prénom écrit sur ce bout de papier, et tous les autres prénoms aussi. Et même s'il n'y avait pas eu Sawyer, même sans lui, la vie d'Erwan n'était pas utile, elle n'était pas intéressante. Ce n'était pas une vie à vivre. Ses lames dans la main gauche, il se glissa doucement dans l'eau chaude de la baignoire. Voilà. C'était une bonne sensation. Il ferma les yeux un peu en enfonçant son corps là-dedans. Ca faisait du bien. Désormais, il ne sentirait plus que du bien. L'eau chaude, puis plus rien. Il n'était pas idiot, savait que les rasoirs feraient mal, mais il pouvait supporter ça. C'était tellement infime, comparé à ce que la vie était capable de lui faire. Il posa sa tête sur le bord, resta comme ça quelques secondes, avant de rouvrir les yeux. Il ne devait pas trop trainer, de peur qu'on le trouve. Il arrêta le robinet lorsque l'eau fut quelques centimètres sous le rebord, et ouvrit sous ses yeux sa main qui tenait les lames. Quatre lames. Juste au cas où. Il les posa sur le bord en marbre, et en prit une entre deux doigts. Il ne tremblait pas, toujours pas, il savait ce qu'il faisait. Il était déterminé. Il avait assez souffert, et maintenant, il avait le droit de mourir. Il avait gagné son droit d'être mort, tout simplement. Il avait assez fait, donné tout ce qu'il avait pu donné, alors c'était son droit maintenant de tout arrêter. Il ne voulait plus vivre, il voulait s'arrêter là, ne plus continuer. Et si la vie n'avait pas encore décidé d'en finir avec lui, alors il allait lui-même en finir avec elle. Lame dans la main gauche, avant-bras droit tourné vers le haut, il enfonça le rasoir au niveau de son poignet, fort, et remonta vers le coude. La douleur était horrible, et de ses lèvres s'échappa un petit gémissement. Le sang s'était mis à couler immédiatement. Il ne fallait pas perdre de temps, au risque d'être trop faible pour se charger de son autre bras. C'était sa pire crainte, de ne pas y arriver, de ne pas mourir maintenant. Au moment de changer de main, la lame glissa, à cause du sang, et tomba dans l'eau. Il ne perdit pas plus de temps et en prit une autre, sur le bord de la baignoire. Cette fois-ci, sa main tremblait. C'était sa droite, celle qui se vidait de son sang, et l'entaille qu'il fit sur son avant-bras gauche était beaucoup moins nette, beaucoup moins assurée. Tant pis. Il laissa glisser la lame qui alla rejoindre l'autre dans l'eau rosée, et il respira un coup, son coeur battant fort sous le coup de la douleur. C'était tant mieux, il se viderait plus vite de son sang, ainsi. Il laissa son corps reposer à nouveau contre le bord de la baignoire, fixa le plafond en attendant que la mort vienne le cueillir. Les entailles étaient terriblement douloureuses, mais au fur et à mesure des secondes, ça allait mieux, ça s'oubliait. Tout ce à quoi il pensait, c'était au fait que dans quelques minutes, tout serait terminé. Plus de Birdcage, plus de Sawyer. Plus de clients, plus de Chris. Plus de Chris. Chris. Son seul regret, peut-être, comme un électro-choc. Mais non, même pas. Penser à Chris le rendait heureux, lui donna un petit sourire. Chris trouverait une autre pute, un autre garçon comme lui qui saurait le faire sourire. Et Erwan était reconnaissant, bien sûr, il était reconnaissant que Chris lui ait donné un peu de bonheur, qu'il ait apporté quelques journées de joies dans les derniers mois de sa vie. Mais Erwan serait bientôt mort, et dans la mort il n'y avait que le néant, alors pas de regrets, pas de douleur, pas de souvenirs, rien du tout. Il avait tellement hâte d'être rien, de ne plus exister, de ne plus être. C'était tout ce qu'il voulait. Et là, ce moment transitoire entre la vie et l'inexistence, il savait que ce serait bref, et que ce n'était pas très important. Est-ce qu'il aurait du laisser un mot à Chris ? Non, non, il n'était pas là pour faire passer des messages, il voulait juste être mort. Il avait assez vécu, assez eu d'années qu'il n'avait pas demandées, pas désirées. Ca devait se finir. Il se sentait partir, doucement. Ses paupières devenaient lourdes, et c'était bon, c'était beau, ça voulait dire que c'était pour bientôt. Qu'il ne lui restait que quelques minutes de vie. Après, tout serait terminé. Et peut-être que oui, tout un tas d'images et de souvenirs lui venaient tout à coup, comme un film, des choses bêtes, d'autres moins bêtes, et aucune d'elle qui ne puisse le faire dévier de son but. Sa famille, Leo, des épisodes brefs. Le Birdcage, Sawyer. Chris, encore. Etre allongé sur un lit et se faire baiser pour la première fois, avec une voix chuchotant dans l'oreille que c'est parfait, que c'est bon, que tu es bon pour ça Erwan. Et être allongé encore et voir des visages différents au-dessus de lui, et en reconnaître un, doux, un visage amical, qui se tord de plaisir et de bonheur, celui de Chris. Et le premier visage de nouveau. Regarde toi, docile, baisable, un paquet de fric. Et d'autres visages, planant sans cesse au-dessus de lui, celui de Chris encore. Leo. Chris. Orel... Leo. Chris. Et avec ça, il ferma doucement les yeux, se sentant emporté dans une mélodie étrange. Une voix lointaine, comme un chant, celle du gentil médecin. Les visages. Leo. Chris. Sawyer. Orel. Leo. Chris. Chris. Et le noir absolu.