L'air de rien, entre leurs souvenirs de première rencontre et leurs échanges de regards amoureux, Reid avait lâché cette question, comme ça, comme une bombe. C'était sympa de jouer la chandelle, mais disons qu'il préférait passer aux choses sérieuses maintenant. Bien sûr que ce n'était pas du tout adéquate à l'ambiance du repas, c'était même carrément déplacé. Et il le savait. Mais il voulait voir ce que valait William, creuser un peu plus loin, un brin plus profond, gratter derrière cette première façade qui semblerait avoir l'air parfaite pour quiconque. Juste pour voir. A croire que lorsqu'il s'agissait de Kathelyn, Reid ne mettait pas de filtre. D'ailleurs, il l'admettait volontiers. Sa soeur était la personne la plus importante de sa vie, jamais il ne permettrait à quelqu'un de venir troubler le bonheur qu'elle avait trouvé ici. Il était capable de bien des choses pour elle, Kath le savait certainement aussi bien que lui. « Non, non… absolument pas. » Il prit cet air faussement rassuré, souriant à tour de rôle à William puis à sa sœur, haussant légèrement les épaules. « Tant mieux. » Il reporta son attention sur le jeune médecin, évitant de croiser le regard de Kath qu'il savait noir comme du charbon, faisant comme si cette conversation était tout à fait normale et avait parfaitement sa place. « Kathelyn n’est techniquement pas ma patiente. Elle avait prise rendez-vous en trauma alors que je suis cardio, j’aidais un collègue qui avait un horaire chargé et au final, je l’ai transféré dans le bon département. Je suis professionnel avec mes patientes, en tout temps donc non, je suis jamais sortie avec l’une d’entre elles. » Il hocha la tête à la fin de son monologue, presque rassuré par le professionnalisme dont semblait faire preuve William. Honnêtement, il n'en attendait pas moins de lui. Même s'il lui était encore délicat de se l'avouer, Reid avait bien compris que le jeune homme était quelqu'un de bien, de respectable et de respectueux. « Puis si tu veux tout savoir, je n’ai eu qu’une copine dans le passé. Je préfère la qualité à la quantité. » Il sourit à cette énième réplique, tournant la tête vers sa sœur avant de se re-concentrer sur lui. « Sur ce point-là, on se ressemble. » Ajouta-t-il simplement, ayant une pensée émue pour Nora l'espace de quelques secondes avant de retrouver le regard de sa sœur, un sourire aux lèvres. « Et puis, question qualité, tu ne pouvais pas trouver mieux. » Il rit, ne loupant jamais le coche pour complimenter sa sœur, rehausser son égo, jugeant qu'elle ne le faisait pas assez souvent par elle-même. Pour le coup, Reid était rassuré et plutôt content que Kath sorte avec un type comme William. D'ailleurs, il était presque trop parfait pour être vrai. « Ouf, crois-moi, j’en ai ! Mais ça serait pas intelligent de te les exposer dès notre première rencontre, pas vrai ? Disons simplement que je suis compétitif et assez mauvais perdant. Il m’arrive bien souvent d’être très surprotecteur… moi aussi ! » Rien de bien méchant, pensa-t-il. En terme de défauts, on pouvait faire pire, c'était certain. Il releva le "moi aussi" qui faisait bien évidemment référence à son propre caractère, mais ne jugea pas nécessaire de débattre dessus. Alors qu'il s'apprêtait à lui répondre, Kathelyn reprit la parole, le devançant. « Tu sais la question à poser à William, c’est pas s’il a des défauts, mais comment il fait pour supporter les miens. » Il haussa les sourcils, pointant sa sœur du doigt avant de regarder William. « Elle marque un point. Comment tu t'en sors ? » Ajouta-t-il à la blague, cet air amusé toujours présent sur son visage. N'empêche que Kath avait toujours cette manie de donner plus d'importance à ses défauts qu'à ses qualités, ne se rendant parfois pas compte de la femme exceptionnelle qu'elle pouvait être. « Bon, je vais chercher les lasagnes. Je sais pas vous, mais moi j’ai faim ! Vous entretuez-pas avec vos couverts. » Il hocha la tête de gauche à droite, amusé par la dernière réplique de sa sœur. Ça serait dommage d'en venir à là, surtout qu'il commençait à bien l'apprécier ce William au fond. Le plat arriva, une véritable merveille qui avait déjà parfumé la pièce, ouvrant d'ores-et-déjà l'appétit de Reid. « Mon dieu c'que tu m'as manqué... » Dit-il en regardant sa sœur poser le tout sur la table. « Et je ne dis pas ça que pour tes petits plats ! » Finit-il par ajouter, suivi d'un rire amusé. Il s'occupa du service, s'emparant dans un premier temps de l'assiette de sa sœur pour la remplir, puis de celle de William avant de finir par la sienne avant de la reposer devant lui. « Bon appétit ! » Ni une ni deux, il attaqua son assiette, les papilles rapidement comblées. « C'est délicieux »Lâcha-t-il, entre deux bouchées. « Du coup, ça fait longtemps que vous êtes... officiellement ensemble ? » Dit-il, histoire de faire la conversation et de se rendre compte du sérieux de leur relation.

C’était bizarre quand même d’avoir l’attention en plein sur moi mais après tout, cette rencontre se faisait surtout pour que Reid, le frère de Kathelyn, apprenne à me connaître et vice versa. La différence entre lui et moi, c’était que j’avais un peu plus l’impression de passer un test, qu’il essayait de voir si je faisais l’affaire pour être avec sa soeur. Je pouvais comprendre qu’il était protecteur, il voulait ce qu’il y avait de mieux pour elle et je voulais vraiment l’être. Je ne pensais pas faire mauvaise impression, bien que ses questions pouvaient être très pointilleuses et très curieuses de temps à autre, je me montrais parfaitement honnête avec lui. De toute façon, je n’avais rien à lui cacher. Kathelyn avait mit son petit grain de sel en disant que le la vraie question était de savoir comme je faisais pour la supporter. « Je m’en sors très bien, mieux que je pensais! » déclarais-je, moqueur pour entrer un peu dans leur blague. En fait, elle était plutôt facile à vivre Kathelyn… peut-être n’avais-je pas encore vu son vrai visage? Qui sait! La principale concernée ne mentionna sa faim et son intention de ramener le repas principal à l’instant. J’étais bien content de tout ça car je partageais pas mal son envie de manger là! Sa dernière petite réplique m’arracha un sourire. « On va essayer, promis! » En fait, c’était pas bien difficile d’apprécier Reid. Malgré le fait qu’il jouait les frères protecteurs, je le trouvais sympathique. Le genre de mec avec qui je pourrais être ami sans problème à mon avis. En un rien de temps, ma copine revint de la cuisine avec le plat, ça sentait bon et ça avait l’air aussi! Je regardai même le tout en salivant un peu. On s’installa tous ensemble pendant que Reid se moquait gentiment de sa soeur. En les voyant ainsi, complice, ça me faisait me rappeler que j’aurais tant aimé ça ne pas être enfant unique. J’avais mes meilleurs amis que je considérais comme mes frères mais c’était jamais pareil qu’un vrai lien de sang quoi! « Bon appétit à vous! » Et dans le temps de le dire, j’avais pris une bouchée. Ça goûtait littéralement le paradis! « Bien d’accord! C’est réussi! Une vraie chef! » lui dis-je, suivit d’un clin d’oeil. C’était pas pour rien que je lui avais proposé de se lancer dans un projet de resto avec moi… d’ailleurs, je ne savais toujours pas ce qu’elle pensait vraiment de cette idée. Je savais qu’elle aimait bien son travail actuel au snack mais pour combien de temps?

Puis, alors que je faisais passer mes nombreuses bouchées avec de l’eau, Reid jugea bon de nous demander nous étions officiellement ensemble depuis combien de temps. Je m’étouffai quelque peu en redéposant mon verre. Ok, c’était une question surprise ça! « Euh… haha. » dis-je en tournant la tête vers Kathelyn qui semblait tout aussi mal à l’aise que moi. Reid ne devait pas comprendre cette petite réaction de nous deux. Je me grattai la nuque en lâchant un petit rire. « En fait, on a pas encore eu réellement cette conversation. Bien que ce soit évident qu’on ne voit que l’un l’autre… » Je me considérais dans une relation… parce que je n’avais pas envie d’être avec une autre fille qu’elle et que j’avais des sentiments pour elle mais je voulais pas trop avancer l’affaire en disant que nous étions un couple, peut-être parce que je ne voulais pas lui faire peur ou bien qu’elle pense que ce soit trop précipité? Même si ce l’était pas vraiment puisqu’on se fréquentait depuis longtemps maintenant. « En fait, je crois qu’on peut dire qu’on est bel et bien ensemble… sans avoir un moment en particulier pour déterminer le truc. Ça s’est fait progressivement! » Je tournai la tête vers Kathelyn. « T’en penses quoi? » déclarais-je en riant un peu, c’était bizarre d’établir ça devant son frère. En même temps, probablement que ça avait été plus clair lorsqu’on avait couché ensemble pour la première fois… mais ça, j’étais pas trop à l’aise de le dire devant le fraternel.

Lorsque Reid avait laché sa question plus que déplacée de mon point de vue, je m’étais sentie extrêmement mal à l’aise pour William. Mais ce dernier ne s’était pas laissé démonté par mon frère et avait répondu à sa question avec beaucoup d’habilité. J’étais assez rassurée par ses propos et la façon dont mon frère réagissait à cela. Mais Reid aurait pu s’abstenir quand même … Franchement, il ne pouvait pas garder sa langue dans sa poche, non il fallait qu’il plonge les deux pieds dans le plat. Heureusement que j’aimais mon frère. Celui-ci demanda ensuite à mon petit-ami quels défauts il pouvait bien avoir. J’écouta d’une oreille attentive avant de placer une petite blague au milieu de la conversation dont les garçons se saisir immédiatement pour rebondir. « Elle marque un point. Comment tu t'en sors ? » demanda mon frère à William. Je tournai la tête vers lui pour entendre sa réponse. Un sourire se glissa sur mes lèvres tandis qu’il répondait. « Je m’en sors très bien, mieux que je pensais ! » Je le regardai avec un petit « Oh » de surprise. « Je dois en comprendre quoi ? » Je me mis à rire doucement avant d’annoncer que je commençais à avoir faim et que j’allais rapporter les lasagnes. Une fois le plat sur la table, mon frère s’occupa du service avant de nous mettre à déguster ce que nous avions dans nos assiettes. Reid m’annonça que je lui avais manqué, ajoutant que ce n’était pas seulement à cause de mes plats, mais je savais que dans le fond il n’en pensait pas moins. On avait l’habitude manger au moins une fois par semaine en famille et souvent, ma mère me laissait la cuisine pour remplir les estomacs de chacun. J’étais contente de voir que les garçons se régalaient. Ça me faisait toujours plaisir de recevoir des compliments sur ma cuisine et de voir que ça plaisait. « Merci, c’est gentil » Les remerciai-je avec un petit sourire un peu gêné. Je pris une bouchée des lasagnes. C’est vrai que j’avais pas trop mal réussis mon plat, j’étais assez fière de moi.
 
Alors que je commençais tout juste à me détendre de sa question précédente, mon frère repris son interrogatoire en nous interrogeant sur notre histoire. Il voulait savoir depuis quand nous étions officiellement ensemble. William toussota légèrement. Je me tassai sur ma chaise instinctivement et tourna le regard vers le jeune homme vers qui je cherchais un peu de soutien. Que répondre à cette question ? « En fait, on a pas encore eu réellement cette conversation. Bien que ce soit évident qu’on ne voit que l’un l’autre… »Je hochai la tête positivement pour appuyer ses propos. J’avais un peu abordé la question avec Will mais cela était resté un peu vague. Je ne connaissais rien à ces choses là alors je m’étais calqué sur ce qu’il disait. Mais pour moi, il était clair qu’il n’y avait eu que lui depuis le début. « En fait, je crois qu’on peut dire qu’on est bel et bien ensemble… sans avoir un moment en particulier pour déterminer le truc. Ça s’est fait progressivement ! T’en penses quoi ? » Je fus un peu surprise que William me fasse prendre part à cette réponse. Je posai mes couverts sur le bord de mon assiette et m’éclairci un peu la gorge avant de répondre. Reid savait que je n’étais vraiment pas à l’aise avec mes sentiments, pourquoi s’amusait-il à nous embarquer dans ce genre de questions ? « Euh … Oui oui je suis d’accord avec ça. » Je jetai un coup d’œil à mon frère puis à William. Je devais tellement pas être convaincante dans ce que je disais. Il fallait que j’argumente un peu. « On s’est pas mis la pression et c’est pas plus mal je trouve. Et puis j’ai eu un peu de mal à … euh … comment dire … à me décider à lui faire comprendre ce que je voulais. » dis-je à mon frère en jetant d’œil furtif à l’autre jeune homme. La première fois qu’il avait essayé de m’embrasser il s’était pris un petit détournement de la tête bien malaisant comme il le fallait. Je m’étais sentie bien gênée pour lui d’avoir agis de la sorte, j’avais même regretté après-coup. Mais finalement la deuxième fois c’était mieux passé. J’avais toujours eu du mal à comprendre ce que je pouvais ressentir. Ma hantise c’était de faire du mal à l’autre en me trompant. Je ne voulais faire souffrir personne et des fois ça me faisait pas mal flipper. Je repris mes couverts en main, un peu nerveuse. Quand je l’étais, j’avais besoin de tenir quelque chose, n’importe quoi, mais quelque chose sur lequel reportait pas nervosité. « C’est bien beau de nous poser des questions, mais et toi ? » questionnai-je mon frère. « Qu’en est-il de ta vie sentimentale ? Tu m’as pas ramené une jolie européenne dans ta valise prête à me faire devenir tata ? » Je me mis à rire à la suite de ma plaisanterie. J’osais espérer que Reid comprendrait que je n’étais pas sérieuse. Du moins … j’avais toujours rêvé que Reid me fasse des neveux et nièces mais les choses en avaient été tout autre. Ils auraient fait de beaux parents avec Nora et auraient eu de beaux bébés. La vie était assez cruelle quelque fois.