Il était là, dans ce foutu quartier qu'il ne connaissait pratiquement pas, le souffle court et avec le besoin terriblement urgent d'être quelque part où il serait en sécurité. Son appartement était à l'autre bout de la ville, les quelques proches qu'il avait... eux non plus n'étaient pas dans le coin. Et puis, il y avait la scène qui venait de se passer qui n'arrêtait pas de tourner dans sa tête, n'arrangeant en rien la panique qui le prenait violemment depuis que c'était arrivé. Très rapidement, trop rapidement, d'où sa réaction. Parce qu'il ne s'y était pas attendu, parce qu'il n'avait pas été préparé à ça. Ca faisait plus de trois ans. Il avait cru que c'était derrière lui, complètement abandonné dans le passé. Que ce genre de chose n'arriverait plus, et pourtant la réalité était venue ce soir lui rappeler qu'il était loin d'être guéri. Il avait peut-être survécu, oui, ça c'était certain, mais il ne s'en était pas encore sorti. Et là, ce qui venait d'arriver il y a quelques minutes, c'était encore flou, parce qu'il paniquait et que sa seule préoccupation était de trouver un abri. Bientôt, il prendrait conscience. De ce qui était arrivé. De ce qu'il avait fait. Dans sa panique, il n'avait pas non plus remarqué que son t-shirt était un peu déchiré, au niveau du col. Là où une main s'était accrochée. Tout ce qu'il savait, c'était qu'il y avait quelque chose d'humide sous ses ongles. Du sang. Juste un peu. Parce qu'il avait griffé, dans la panique, toujours. Puis il avait pris la fuite. Et là, il traversait la rue, sans réfléchir, parce que le seul endroit qu'il connaissait dans le coin, c'était chez Reid. A cinq minutes de marche. Et pour couronner le tout, il se mit à pleuvoir. Ce n'était pas une mauvaise chose, ça lui donnait subitement moins l'impression d'être un déchet, avec ses cheveux décoiffés et son air de mort sur le visage. Peut-être que ça nettoierait ses ongles. Ou pas. Il fit le trajet en total auto-pilote, et il arriva devant l'immeuble, puis sonna. Il annonça son identité sans perdre de temps et monta dès que la porte fut ouverte pour aller toquer chez son ami. Quand on lui ouvrit, il se glissa de suite à l'intérieur et avança un peu dans l'appartement, comme si là, dans le salon, il était définitivement plus en sécurité que près de la porte d'entrée. « Désolé » il articula malgré les tremblements de son corps. Il ne savait certainement pas pourquoi il s'excusait, mais il avait l'impression que c'était nécessaire. Désolé de débarquer comme ça. Désolé d'être un cas psychiatrique.

Ce sont des coups de feu qu'il entendait. Il les percevait avec une telle netteté qu'il avait l'impression que l'arme se trouvait au bout de son bras, tenue fermement dans sa main. L'odeur de la poudre fraîche venait lui chatouiller les narines. Chaque coup le faisait sursauter, jouant sans ménagement avec le rythme de son coeur déjà bien trop surmené. Il pouvait sentir la sueur dégoulinant sur son front et la peur qui lui tiraillait sadiquement les entrailles. C'était à la fois douloureux et exaltant. Éprouvant mais libérateur. Le temps s'était envolé, s'arrêtant comme on appuierait sur le bouton pause d'une télécommande. Il se voyait courir jusqu'à perdre haleine, son souffle était haché et ses poumons le brûlaient. Pourtant, il lui était impossible de s'arrêter. Il continuait, encore et encore, avec cette impression qu'il s’effondrerait à la seconde suivante. Mais la lumière qu'il pouvait entrevoir au loin était bien plus forte que la fatigue qui consumait son corps. Il était là son but. Il était proche, si proche qu'il tendit son bras, les doigts en extension jusqu'à ce que.... Driiing. Sa sonnette retentit dans son appartement, le ramenant violemment à la réalité et lui faisant reprendre tout doucement ses esprit. Rapidement, il distingua le son de la télévision encore en marche et la respiration bruyante d'Iggy qui s'était endormie à côté de lui. Il était incapable de dire combien de temps il s'était assoupi sur son sofa, assez longtemps pour que son esprit se mette à divaguer semble-t-il. Tout à coup, il se releva, se rappelant que c'était sa sonnette qui l'avait sorti de son sommeil et que quelqu'un demandait à le voir. Il se frotta les yeux, se précipitant vers l'interphone pour y découvrir la voix d'Andrea. Encore un peu sonné par ses rêveries et l'arrivée inattendue de son ami, Reid se dirigea vers la porte qu'il ouvrit instinctivement. « Désolé » Son ton n'était pas rassurant. Andrea s'était précipité dans son salon, ne lui laissant pas le temps de le saluer ou même de le questionner sur la raison de sa soudaine visite. Reid ferma la porte et se retourna vers lui. Ses yeux parcoururent instantanément le jeune homme de tout son long, confirmant les craintes de Reid quant à l'état de son ami. « Hey, ça ne va pas ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? » Évidemment que ça n'allait pas. Son regard ne manqua pas de louper ses tremblements, ni l'expression grave et apeurée que son visage affichait. Naturellement, Parks fit un pas en avant, se rapprochant de lui comme si il était prêt à le rattraper s'il venait à s'effondrer. Parce-qu'il ne le laisserait certainement pas tomber devant ses yeux, ni ce soir, ni jamais.

Il était frigorifié, même si on était à Miami en début d'été, même s'il faisait chaud. C'était la pluie, ça avait déversé quelques flots glacials sur son corps. Pourtant, il avait l'impression de bouillir de l'intérieur, comme s'il avait de la fièvre. Ca n'avait pas de sens. Ca devait être l'adrénaline, ou la peur, une réaction chimique, biologique... quelque chose comme ça. Un truc mécanique et naturel, indépendant de sa volonté. Comme tout ce qui était arrivé ce soir, ou  plutôt ces dernières minutes. Car il n'en avait pas perdu une, et il avait directement, comme par réflexe, pris le chemin de l'immeuble où vivait Reid. Il avait besoin d'un ami, de quelqu'un avec qui il pourrait à peu près être en sécurité. Il ne connaissait pas grand monde, et surtout pas dans ce coin de la ville... à part l'adresse de son ami. Une fois arrivé, il sonna, et monta pour aller toquer à la porte. A peine celle-ci fut-elle ouverte qu'il entra et avança dans l'appartement. Il était trempé, tremblant, et n'avait pas l'air entièrement stable psycharriologiquement parlant. Il en avait conscience, au moins, de son état lamentable. Il s'excusa de suite. Pour ça, et pour la flotte qu'il venait de mettre partout. Il regarda le sol, le chemin qu'il avait parcouru, les empreintes de ses chaussures. Il s'en voulait doublement maintenant. « Hey, ça ne va pas ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? » Il ne répondit pas, pas de suite en tous cas. Il ferma les yeux un instant pour essayer de se recentrer, de se calmer. Il n'y parvenait pas et ça l'énervait, le rendant encore moins capable d'arrivear à ses fins. C'était terriblement frustrant. « Je... je sais pas » il lâcha, énervé contre lui-même et ne cherchant même pas à expliquer quoique ce soit. Il serra les poings, les paupières, s'efforçant de se calmer. « J'ai pas vu, c'est arrivé vite, c'était un réflexe » donna-t-il en guise d'explications, avant de se mettre à inspecter sa main et à retirer le rouge sous ses ongles. Griffer quelqu'un jusqu'au sang, au point d'arracher des bouts de peau, il n'aurait jamais cru finir dingue à ce point-là. Et c'était inquiétant, parce que ça, ça ne lui était jamais arrivé. Ou du moins, ça ne lui était pas arrivé depuis bien longtemps, des années même. Il ne savait pas pourquoi, là, ce soir. « Euh, j'vais me laver les mains » il annonça en tenant ses doigts devant lui, un peu hypnotisé par l'aspect rougeâtre de certains d'entre eux. Il alla dans la cuisine pour ouvrir le robinet et se laver les mains, regardant l'eau se colorer juste un peu, et disparaître aussitôt.

Son esprit était encore bien trop troublé et embrouillé pour se rendre compte qu'Andrea était à l'entrée de son bâtiment, à deux doigts de faire son apparition dans son appartement. Il fallait qu'il se reprenne, qu'il redescende sur terre, et aussi rapidement qu'il le pouvait. Car ce qu'il avait perçu dans la voix de son ami, c'était bien plus grave que les rêveries qui avaient emporté son âme quelques minutes auparavant. Il n'était pas question de faire passer sa petite personne avant Andrea. Il le refusait, catégoriquement. Alors, il enfouit ses pensées dans une partie de son esprit, se faisant la réflexion qu'il les ressortirait lorsque la situation serait moins urgente. Et là clairement, il avait l'intime impression que c'était urgent. Il se tenait devant Andrea, le regardant avec cet air d'incompréhension sur le visage, comme s'il l'implorait de parler, de lui expliquer ce qu'il se passait. Parce-qu'il pouvait encore deviner que ça n'allait pas, clairement pas. Mais l'envie de connaître le pourquoi du comment ne cessait de lui tirailler les entrailles, avec une hardeur sans nom. « Je... je sais pas » Ça allait être plus compliqué qu'il ne l'avait initialement prévu. Néanmoins, Reid ne lâcha pas son ami du regard, tentant de soutirer des informations là où ses paroles refusaient de le faire. « J'ai pas vu, c'est arrivé vite, c'était un réflexe » Il fronça les sourcils, une voix intérieure se répétant en boucle les mots d'Andrea, persuadé de pouvoir y comprendre quelque chose. « De quoi tu parles ? » Il comprenait qu'il était sous le choc puisque tout semblait le trahir : ses gestes, ses mots, ses expressions. Absolument tout. « Euh, j'vais me laver les mains » Il avait remarqué que l'état de ses mains le préoccupait, que ses yeux ne pouvaient s'empêcher toutes les cinq secondes de dériver pour les observer. Alors, pourquoi cette fixette ? Reid voulait savoir, et même si les mots d'Andrea restaient vagues, il finirait par comprendre la situation, il s'en donnait la mission. D'un pas pressé, Reid suivit de près son ami qui s'était dirigé vers la cuisine, l'observant nettoyer ses mains sous une eau dont la couleur ne manqua pas d'attirer son attention. « Andrea, c'est du sang ? » Dit-il, d'un ton plus grave et inquiet, ne retenant pas sa surprise. Il posa une main sur son épaule, le forçant à lui faire face. « Faut que tu m'expliques. S'il-te-plaît. » La fin de sa phrase sonna presque comme une supplication, ou quelque chose qui s'en apparentait. Parce-qu'il se devait d'être en mesure de l'aider. Et sans confidences, il n'était même pas pensable de l'envisager.

Ici, chez Reid, il était en sécurité. Ou du moins, c'était l'impression qu'il avait, comparée à cette sensation de danger constant qui lui avait serré l'estomac sur tout le chemin. Il était trempé de la tête aux pieds, le souffle court, mais il irait mieux, bientôt. Juste le temps de se calmer. Evidemment, son ami lui demanda de suite des explications, et lui était incapable de les fournir. C'était encore trop confus, et trop peu clair dans sa tête. Et puis, il avait honte. Il aurait encore plus honte après, une fois calmé, une fois qu'il prendrait conscience de ce qui était arrivé exactement. De sa réaction idiote, stupide, et des conséquences possibles de celle-ci. C'était comme un retour dans le passé, comme une marche-arrière dans sa vie et les progrès qu'il avait fait. « De quoi tu parles ? » interrogea Reid lorsqu'Andrea tenta de se justifier, sans pour autant être clair dans ce qu'il disait, et sans offrir la moindre information utile. Andrea ne répondit pas cette fois-ci. Trop occupé à regarder ses mains, ses doigts plus exactement, le bout de ceux-ci. L'image était choquante, parce qu'elle représentait beaucoup de choses pour lui, dans sa tête. Parce que voir ses propres doigts tachés de sang, ce n'était pas plaisant. En tous cas, pas pour lui. Il alla se laver les mains sans attendre le feu vert de la part de son ami, et passa ses mains sous le filet d'eau. Celle-ci se colora doucement, un léger ton rosé, des volutes plus foncées à certains endroits qui allaient directement s'entortiller dans le trou au fond de l'évier. « Andrea, c'est du sang ? » Il se contenta de se pincer les lèvres, fort, en grattant un peu sous un de ses ongles, et ne se détacha de l'évier que lorsque Reid mit une main sur son épaule pour attirer son attention et le faire tourner vers lui. « Faut que tu m'expliques. S'il-te-plaît. » supplia presque Reid. C'était logique, après tout, Andrea venait de débarquer chez lui, comme ça, il lui devait bien des explications. Mais il avait trop honte et n'osait même pas en parler. « Oui » il fit simplement, pour répondre à la question posée précédemment. « Je l'ai pas blessée gravement. Je crois pas. Juste des griffures » Juste des griffures, qui avaient quand même été assez profondes pour qu'elles saignent. Il était pathétique. Si pendant l'espace d'un instant il avait pu se calmer, les souvenirs lui revenaient soudain et plus rien n'allait. Il s'agrippa les cheveux d'une main, alla se laisser tomber dans un siège. « J'suis parti et je l'ai laissée là sans me poser de questions, je suis trop con putain » il jura en s'arrachant presque les cheveux. Ce qui était arrivé ce soir, ça ne le rassurait pas, au contraire. Ca sonnait comme une mise en garde ou un rappel, une sonnette d'alarme qui venait lui dire que non, tout n'allait pas bien et que le passé n'avait pas pour habitude de rester enfoui sans que plus jamais on n'y touche. Andrea, il n'avait besoin de personne pour y toucher. Son inconscient s'en chargeait très bien tout seul.

Voir Andrea dans cet état n'était pas plaisant pour lui, il fallait être aveugle pour ne pas remarquer ce que pouvait exprimer ses yeux, une crainte aussi profonde que les ténèbres et que ses traits étaient tirés par l'incompréhension. Et c'était cette même incompréhension que le visage de Reid arborait également à cet instant précis. Parce-qu'il était perdu dans le peu d'informations que son ami voulait bien lui donner. Et Dieu savait que Parks faisait tout en son pouvoir pour y comprendre quelque chose, pour tenter de lire à travers ces mots assemblés les uns avec les autres qui n'avaient que trop peu de sens lorsque sortis de leur contexte. Alors, il tentait de faire parler Andrea, encore. Quitte à ce qu'il continue dans sa lancée de paroles trop vagues, parce-que Reid était convaincu qu'il finirait par saisir quelque chose en rassemblant l'intégralité de ce qu'il acceptait de lui confier. Dans tous les cas, il n'abandonnerait pas. Andrea ne l'aurait pas fait si il avait été à sa place. Il voulait l'aider, il devait le faire. Ce n'était plus une option. « Oui » ajouta Andrea, ce qui ne rassura pas davantage Reid. Du sang, ce n'était jamais bon signe. « Je l'ai pas blessée gravement. Je crois pas. Juste des griffures » Reid le laissa parler, tant qu'il acceptait de le faire, il était préférable de ne pas l'interrompre. Il avait compris que quelqu'un d'autre était impliqué, ce qui expliquait sans doute pourquoi ses ongles étaient ensanglantés et le col de son t-shit déchiré. Andrea s'était-il débattu ? Pourquoi aurait-il eu à le faire ? De quelque manière que ce soit, Reid comptait bien arriver à éclaircir ses questionnements. « J'suis parti et je l'ai laissée là sans me poser de questions, je suis trop con putain » Il fronça les sourcils, avalant difficilement sa salive après cette nouvelle révélation. Ça commençait à être trop grave pour que Reid ne stoppe cet interrogatoire qui ne faisait semble-t-il que décupler l'angoisse de son ami. Il en était désolé, du plus profond de son âme, mais le risque était trop grand. Trop important. Sans rien dire, il alla chercher une serviette dans sa salle de bain, revenant vers Andrea qui n'avait pas bougé d'un poil et lui tendit, histoire qu'il puisse se débarrasser de cette eau qui lui dégoulinait sur le visage. C'était aussi une manière de lui faire comprendre qu'il était maintenant temps de se reprendre, même si les traits de son visage semblaient affirmer qu'il en était impossible. « Ce sang... à qui il appartient ? » Demanda-t-il, sur un ton un peu plus ferme, voulant être fixé sur la gravité de la situation. « Dis-moi ce que je peux faire. Ce qu'on doit faire. » Les pires scénarios possibles défilèrent tour à tour dans son esprit, certains lui glaçant littéralement le sang sans qu'il n'ait besoin de s'y attarder trop longtemps et pourtant, l'idée de venir en aide à Andrea n'était toujours pas une situation qu'il envisageait d'abandonner.  

Oui, du sang. Pas énormément, juste quelques millimètres coincés sous ses ongles, mais c'était lourd. Il avait eu l'impression sur tout le chemin que ses doigts portaient des poids, qu'ils pesaient des tonnes. Et là, sous le flot clair, il grattait un peu pour désincruster le brun rougeâtre. L'eau en prenait une légère couleur, mais ça disparaissait aussi vite que c'était apparu. Toutes traces de sa violence allait se noyer dans les égouts. Presque toutes. Reid le questionnait, et heureusement, parce que spontanément, il n'aurait pas ouvert la bouche... alors que c'était tout ce dont il avait besoin et envie. Il fallait que ça sorte, qu'il en parle un peu, qu'il le dise à quelqu'un, et il était à la bonne adresse pour ça. Andrea essaya d'être clair, mais c'était plus difficile que prévu. Il parla des griffures, essaya de dire que ce n'était pas grave, qu'elle irait bien. Il n'avait pas les ongles longs, c'était déjà surprenant qu'il soit capable de griffer quelqu'un avec le peu de longueur qu'il avait. Et surtout, le pire et le plus difficile à avouer, c'était à quel point il avait été lâche et égoïste, en prenant la fuite au lieu de prendre ses responsabilités. Il resta là, jusqu'à ce que Reid lui tende une serviette qu'il saisit pour s'essuyer visage et cheveux. Son ami restait calme, et ça l'aidait au moins à se calmer. Qu'il était con, fragile, incapable d'être clair dans son récit, et dévasté par ses propres actions. « Ce sang... à qui il appartient ? » demanda Reid. Andrea avait la bouche remplie de trop de salive qu'il tenta d'avaler, tout en reniflant. Il s'essuya les yeux. « Dis-moi ce que je peux faire. Ce qu'on doit faire. » C'était tellement rassurant de se savoir épaulé, de pouvoir compter sur quelqu'un et de ne pas avoir à être seul. S'il l'avait été, il ne savait pas ce qu'il aurait fait. Comment il s'en serait sorti. « Une fille... elle m'a surprise et j'ai paniqué » il répondit premièrement. « Elle va bien, c'est sûr, je suis sûr qu'elle va bien... j'ai juste griffé, par réflexe, et j'suis parti sans regarder derrière moi » Ca ne pouvait pas être grave. Elle saignait, oui, et il s'en voulait terriblement, mais à part ça... Les gens étaient bizarres, ce n'était pas normal de sauter sur les gens en les surprenant ainsi. Andrea tenait un peu à se dé-responsabiliser. « On peut y retourner ? Je sais où c'était » il demanda, d'une voix un peu hésitante. « Elle y est surement plus, elle doit être partie, j't'ai dit... c'était pas grave » il ajouta rapidement, comme pour rectifier le tir. C'était sûr qu'elle n'y serait plus. « Mais quand même, pour être sûr. » Il prit un moment pour bien se sécher les cheveux avec la serviette, puis le reste du corps, ou au moins les parties les plus dégoulinantes. « Elle m'a sauté dessus par derrière... » il reprit encore, pour s'expliquer un peu mieux. Pour s'excuser.

Tout était rassemblé pour ne pas rassurer Reid. L'expression d'Andrea, le sang qu'il dissimulait sous ses ongles, l'état de son t-shirt, les mots qu'il prononçait, tout lui laissait penser qu'il s'était passé quelque chose de grave ce soir. Quelque chose qui tétanisait son ami et qui n'était pas une simple altercation. Honnêtement, Reid flippait un peu. Mais il tentait comme à son habitude de rationaliser les choses, de montrer à son ami qu'il était prêt à gérer la situation pour eux deux si lui n'en était pas capable. Prêt à les porter à bout de bras s'il le fallait. Il sentait que ses mots rassuraient Andrea, dont les paroles s'éclaircissaient peu à peu, permettant à Reid de s'imaginer le déroulement de sa soirée. « Une fille... elle m'a surprise et j'ai paniqué » ajouta le jeune homme, alors que Parks préféra se taire pour le laisser continuer. « Elle va bien, c'est sûr, je suis sûr qu'elle va bien... j'ai juste griffé, par réflexe, et j'suis parti sans regarder derrière moi » Un seul mot lui venait en tête là tout de suite et lui brûlait les lèvres ; pourquoi ? Sans doute était-ce trop tôt pour lui demander. Il lui semblait que c'était déjà un grand pas de fait d'en être arrivé jusque-là, jusque cette partie de l'histoire. « On peut y retourner ? Je sais où c'était » Reid fut surpris par sa demande, pas certain de ce qu'il cherchait à prouver en retournant sur ses pas. Mais quelque part, il voyait dans les yeux d'Andrea que ça lui tenait à cœur. « Elle y est surement plus, elle doit être partie, j't'ai dit... c'était pas grave » Finalement, il hocha la tête, continuant de regarder son ami avec ce même air rassurant et confiant. « Mais quand même, pour être sûr. » Reid se redressa, jetant un coup d’œil par la fenêtre pour se rendre compte qu'il pleuvait encore des cordes. D'un geste, il attrapa sa veste et ses clés de voiture, se retournant vers Andrea. « On revient ici après, tu peux laisser tes affaires. » Ça ressemblait presque à un ordre. Ça n'en était pas vraiment un, c'était simplement une manière de lui dire qu'il ne le laisserait pas seul ce soir. Pas dans cet état. « Elle m'a sauté dessus par derrière... » Il hocha la tête, comme pour lui montrer qu'il comprenait, que c'était aussi logique dans sa tête que dans la sienne. Parce-que pour lui, ça sonnait pour l'instant comme de la légitime défense, ou quelque chose dans le genre. « Viens, tu m'expliqueras sur le chemin. » Il l'aida à se lever et ferma la porte derrière eux. Une fois qu'ils eurent rejoint sa voiture, il prit la direction de la route sous les indications d'Andrea, ses essuie-glaces chassant le torrent d'eau qui s'abattait sur le pare-brise, faisant au passage un boucan pas possible. « C'était qui cette fille ? Qu'est-ce qu'elle te voulait ? » finit-il par dire, brisant le silence qui s'était installé et que Reid cherchait à chasser à tout prix.

Il n'avait pas été énormément violent, il n'avait pas cherché à attaquer ou à blesser. Son geste avait simplement été un mécanisme de défense, pour se dégager au plus vite et prendre la fuite. Il n'avait pas regardé derrière lui non plus, trop paniqué et obsédé par son besoin de quitter cette ruelle. C'était une fille, il avait entendu la voix, rien de plus. C'était tout ce qu'il savait. Et Andrea n'était pas spécialement grand ou imposant, il n'avait pas une force surhumaine, alors il se disait que c'était impossible qu'involontairement, il ait blessé cette fille gravement. Seulement, avec le recul, il angoissait à l'idée d'avoir fait quelque chose d'horrible. Il voulait simplement s'assurer que ce n'était pas le cas. Il voulait retourner sur les lieux, juste pour confirmer ce qu'il pensait, et pour se tirer de la tête toute possibilité que cette fille soit allongée là, blessée et incapable de se relever. Reid finit par hocher la tête. « On revient ici après, tu peux laisser tes affaires. » Ce fut au tour d'Andrea qu'acquiescer d'un simple signe de tête, prenant sa veste et rien de plus. Il ne cessait de repenser à la scène, se repassant les évènements, comme un film visionné en boucle. Elle était vraiment arrivée de nulle part, ça l'avait plongé dans un état de panique totale. « Viens, tu m'expliqueras sur le chemin. » Il se leva, aidé de Reid, et ils sortirent pour se presser vers la voiture, dans laquelle ils montèrent rapidement non sans se prendre une douche au passage. Le trajet se fit dans un silence de mort, les seuls mots échangés concernant le chemin à prendre, tandis qu'Andrea se remémorait avec grande clarté les rues qu'il avait traversées pour venir de la scène jusqu'à l'appartement de Reid. « C'était qui cette fille ? Qu'est-ce qu'elle te voulait ? » interrogea son ami, et Andrea était encore plus mal tout à coup. Il venait d'emmerder Reid, d'envahir sa soirée, de le traîner hors de chez lui, et il n'était même pas capable de répondre à ses questions. « Sais pas » il lâcha, le regard fixé sur l'extérieur, les trottoirs déserts, les bars pleins à craquer, les lumières de la ville qui se reflétaient de partout dans les flaques qui inondaient la chaussée. « Elle a agrippé mes épaules, avec ses bras autour de mon cou, ça m'a surpris et j'ai réagi sans réfléchir » Pour Reid, ça devait être complètement insensé, parce qu'il ne connaissait pas l'histoire, ou les antécédents d'Andrea. Il n'était pas sûr qu'il voulait en parler. De tout, certainement pas, mais son ami allait avoir des questions, et il allait bien devoir lui fournir quelques réponses. Ils arrivèrent devant un club, et Andrea se racla la gorge. « C'est là, dans la petite rue à côté » dit-il, indiquant la ruelle en question qui jonchait la boîte. La voiture s'arrêta, et il regarda par la fenêtre. « C'est désert » Alors la fille n'était plus là, elle était rentrée chez elle, elle allait bien et tout allait bien. Il n'y avait personne, et c'était comme si rien ne s'était passé ici ce soir. Rien du tout. Il expira longuement.