(#)Sujet: Il était une fois... (Kayla & Jude) | Jeu 5 Juil - 11:02
Il était une fois…
Kayla & Jude
Il était une fois moi : un homme qui approchait tranquillement de la quarantaine et qui commettait l’erreur apparemment impardonnable d’être toujours célibataire. Ce problème était à mes yeux loin d’en être un et rien ne m’aurait poussé à vouloir le solutionner, si seulement je n’avais pas ressenti la pression quasi-constante de presque tout mon entourage. Cela avait commencé il y a quelques années, à l’approche de mes trente ans, j’avais d’abord eu quelques questions curieuses sur mes éventuelles – et presque inexistantes – relations amoureuses. Puis la trentaine passée, ma sœur, ma mère et mes amies ont commencé à me demander si je cherchais réellement quelqu’un. Et mon cas s’est aggravé lorsque mes potes ont commencé à me prendre à part lors des soirées pour me demander s’il y avait un souci. Il n’y en avait pas, du moins pas selon moi. Mais les mois sont passés et la pression s’est amplifiée ; à chaque repas de famille, à chaque sortie entre amis, on me parlait de mon célibat. C’en devenait tellement agaçant que je n’avais même plus envie de sortir de chez moi, je me focalisais d’autant plus sur le travail. Et c’est ainsi qu’ont commencé les apparitions fortuites dans ma vie de filles envoyées par ma mère et ma sœur, voulant à tout prix me caser. Ces speed-datings dont je ne voulais pas n’ont bien sûr jamais mené nulle part, cependant ils ont contribué à me convaincre qu’il était temps de faire quelque chose.
Et c’est ainsi que je me suis retrouvée un soir à taper une petite annonce sur un site de rencontre. Le but n’étant pas de trouver l’amour, mais de recruter quelqu’un qui jouerait le rôle de ma petite amie aux yeux de mes proches. Ce jeu de rôle durerait juste le temps que mon entourage calme ses ardeurs. Au moment où j’ai posté cette annonce, je ne m’étais pas imaginé obtenir une réponse, et dans la journée qui a suivi, j’ai hésité plusieurs fois à la supprimer. Mais quelques temps plus tard, j’ai reçu une réponse venant d’une certaine Kayla, intéressée par l’offre que je proposais. Un peu sous le choc, il me fallut plusieurs jours pour lui répondre et convenir d’un rendez-vous.
Et c’est ainsi que je me retrouvai aujourd’hui attablé à la terrasse d’un Starbucks de la ville, attendant celle qui ne viendrait peut-être jamais, et buvant nerveusement un premier café. J’étais arrivé avec quinze minutes d’avance et, après avoir répondu à quelques mails pour le travail, je commençai à dévisager chaque femme passant dans la rue, me disant que l’une d’elle était peut-être celle qui ferait parti de ma vie dans quelques jours. Cette perspective qui ne me plaisait pas plus que ça sonnait totalement faux à mes oreilles, si bien qu’au moment où Kayla apparût devant moi, j’étais en train de me préparer psychologiquement à m’en aller d’ici. Ce que je ne fis bien sûr pas. J’avais vu sa photo sur le site ce qui me permit de la reconnaître immédiatement ; elle était assez jolie et correspondait à mes goûts, cela m’arrangeait car elle pourrait être crédible aux yeux de mes proches. Je me levai de ma chaise et lui tendis une main à serrer, très professionnellement. Trop, peut-être.
Bonjour Kayla, dis-je avec un sourire qui se voulait détendu. Jude, enchanté, assieds-toi je t’en prie !
Vraiment trop professionnel. Heureusement que nous étions à l’extérieur et à la terrasse d’un café, sinon on aurait presque pu croire à un entretien d’embauche lambda. Il allait vraiment falloir détendre un peu l’atmosphère.
Tu veux boire quelque chose ? questionnais-je d’un ton plus tranquille.
Nous étions à peine en milieu de matinée, les rues se désengorgeaient petit à petit à mesure que les gens prenaient leur travail, le temps était au beau fixe et j’étais peut-être en passe de solutionner mon problème ; à priori c’était l’occasion idéale pour être détendu. De plus, j’avais hâte d’en savoir plus sur cette jeune femme en face de moi. Quel genre de personne pouvait être assez folle pour accepter une telle offre ? Sûrement quelqu’un d’aussi bizarre que moi, qui la proposait. On devrait bien s’entendre.
