Il avait réellement envie de passer tout le temps possible avec son enfant. Il avait perdu une année de sa vie. Une année qu'ils ne récupéreraient jamais. Et même avant ça, il avait été trop absent dans bien des moments importants de l'existence d'Anastasia et il ne voulait plus vivre une minute avec cette idée d'avoir manqué quelque-chose d'important. Alors, pour Blake, ce retour sur le devant de la scène d'Aloysia était un moment important qu'il devait partager avec elles. Pour être un bon père et un bon ami.

Pour l'instant, le jeune homme ne voulait pas traiter avec l'information que la blonde était en couple. Il s'occuperait de ça plus tard, seul, quand il n'aurait ni témoin, ni justification à donner à ce qu'il pourrait ressentir. Pour le moment, il ne traitait que l'information qu'une autre personne allait s'occuper de sa fille dans un moment important et il ne voulait pas ça. D'ailleurs, Aloysia alla dans son sens, ajoutant qu'il pourrait la prendre un après-midi s'il le voulait. Il sourit de toutes ses dents et hocha la tête. « Je vais m'atteler à trouver une date très rapidement », promit-il, tant pour elle que pour lui-même. Il avait réellement envie de passer du temps avec Anastasia, alors tout ce que la jeune maman voulait bien lui donner était à prendre avec joie.

Il encouragea ensuite Aloysia. Elle n'avait aucune raison de stresser. Du moins, à ses yeux à lui. Il avait toujours admiré la jeune femme. Elle était douée. Naturellement douée et bosseuse. Elle avait un véritable don pour le patinage et il savait parfaitement qu'une fois sa carrière de sportive de haut niveau terminé, elle croulerait sous les propositions pour continuer à pratiquer et peut-être transmettre son savoir et son talent. En attendant, elle n'en était pas encore là. Elle avait une compétition à gagner et comme à chaque fois, elle stressait. Il n'avait nullement besoin de la voir sur la glace ou de connaître son programme pour avoir une confiance aveugle en ses capacités à gagner. Il la connaissait par cœur. Ils avaient trop travaillé ensemble, même si la dernière fois remontait à longtemps maintenant. Il était toujours son ancien et plus long partenaire. « Toujours », dit-il doucement quand elle le remercia. « Chaque fois que tu auras besoin que quelqu'un te le rappelle. »

Anastasia s'accorda finalement avec lui, quelques minutes plus tard, alors qu'ils regardaient une série de photos centrée sur sa première sortie à la plage. Oui, sa mère était belle. La plus belle, même, qu'elle disait. Blake n'était pas certain d'avoir des arguments en faveur d'une contre-opinion. Le livreur Uber leur sauva la mise en sonnant et Blake se leva pour aller chercher leurs menus, suivi de près par la blondinette miniature apparemment prête à dévorer un éléphant. Sa mère lui intima d'aller d'abord se laver les mains et il pointa la direction de la salle de bain, les laissant s'y rendre pour se rendre présentable pour le repas. « Désolé, j'ai commandé du bœuf dans les hamburger. Pas d'éléphant ce soir ! »

Quand elles revinrent, il avait tout installé, mais il manquait quelque-chose d'essentiel : un moyen de sur-élever Anastasia. Les chaises de la table de Blake n'étaient clairement pas adaptées pour une enfant et il se nota qu'il devrait y remédier rapidement. « Non. Il va falloir que je répare ce manquement rapidement. » En attendant, il fallait qu'il trouve une solution. Il regarda autour de lui, un peu perplexe et eu, soudainement, l'illumination. « Oh attend ! Ne bouges pas ! » Il se dirigea rapidement dans sa chambre et revint avec un gros coussin décoratif. Il était haut de plusieurs centimètres, rond et plat, avec un léger creux au centre. Il avait trouvé cette chose très moche, pour être honnête et l'avait rapidement planqué dans un placard pour oublier que c'était là, mais finalement, cela pouvait s'avérer utile aujourd'hui. « Bon, c'est pas parfait, mais ça peut faire l'affaire pour aujourd'hui, non ? »

Blake était heureux qu'elle lui donne une véritable chance et qu'elle le laisse même prendre Anastasia toute une après-midi, sans surveillance. Elle aurait pu être beaucoup plus réticente que cela et rien qu'une demi-journée devait déjà être un gros effort pour elle et le meilleur deal qui soit pour eux trois. Il avait besoin de passer du temps avec son enfant et elle devait voir s'il était capable de tenir sa parole d'être là et de ne plus fuir. Il allait tout faire pour.

Et cela commençait par faire les bonnes choses pour assurer le bien-être de leur fille. Outre le fait de la nourrir (et pas seulement avec de la malbouffe comme exceptionnellement aujourd'hui), il fallait aussi assurer sa sécurité et son bien être physique. Il allait falloir qu'il achète tout un tas de choses pour pourvoir aux besoins de sa fille. Bon sang, il n'était même pas certain de pouvoir penser à tout. Est-ce qu'il y avait des bouquins sur la manière de s'occuper d'une enfant de trois ans ? Oui, cela devait bien exister.

Blake observa alors Aloysia dans son rôle de maman. Elle se plaça tout proche de leur fille pour pouvoir l'aider et la surveiller. Il souriait un peu bêtement, s'installant de l'autre côté d'Anastasia. « Bon appétit à vous aussi, mesdemoiselles », souffla-t-il avant de croquer dans son hamburger. « Hey, princesse, tu ne voulais pas du ketchup ? », demanda-t-il en tirant une dosette du condiment pour en mettre la moitié sur le bord de l'assiette de la petite. Une demi-dosette, c'était déjà bien pour une petite de son âge, n'est-ce pas ?

Blake manqua de s'étouffer lorsqu'Aloysia lui parla de son frère. Toussant pour libérer ses voies respiratoires, le brun posa ensuite les yeux sur la blondinette. « Ouais, c'est arrivé. » Et comme il n'avait eu aucune envie de parler avec lui d'Aloysia et Anastasia, il n'avait aucune envie parler du jumeau de la blonde à cette dernière. « Mais je crois toujours qu'il n'a pas son mot à dire de ma présence dans vos vies. Qu'il l'accepte ou non, c'est à toi de décider. A toi et à Ania. » Il se doutait que James avait dû tenter (et allait encore tout faire) pour qu'Aloysia le rejette et ne lui laisse aucune chance, mais il refusait de lui donner ce droit ou cette importance. C'était à elle de choisir. Pas à lui.

On pouvait presque croire à la parfaite image de la parfaite petite famille. La chose que Blake Harmon n'avait jamais eu avant et qu'il avait eu peur d'avoir avec elles. Mais l'étaient-ils vraiment avec lui, incapable de rester dans la vie des gens qui comptaient sur lui et elle, incapable de se souvenir des dernières années ? Pouvaient-ils même seulement être une famille ? Il allait bien falloir. Anastasia avait besoin d'eux et même s'ils ne seraient jamais plus ensemble comme ils avaient pu l'être par le passé (comme ils avaient eu l'espoir de l'être), elle avait besoin de sa mère et de son père. Alors oui, la parfaite petite famille, aussi imparfaite soit-elle, devait exister, d'une manière ou d'une autre.

Comme toute enfant incapable de se canaliser, Anastasia mangea quelques frites au ketchup (ou plutôt du ketchup avec quelques frites) avant de ne plus avoir de sauce dans son assiette. Sa mère lui démontra vite qu'elle n'aurait pas de sauce supplémentaire. Elle ne sembla pas s'en formaliser et continua de manger.

Aloysia enchaîna ensuite, lui parlant de son frère. Mais si le jeune brun avait eu envie de couper court, la blondinette ne semblait pas aussi disposé que lui à parler d'autre chose. Bien évidemment. De ce qu'il avait rapidement compris, Blake savait que James avait évité de mentionner certaines choses et pour Aloysia, le changement dans la relation entre les deux hommes restait en partie mystérieuse. C'était donc à lui de combler les blancs, une chose qui ne l'aidait évidemment pas à reconstruire sa relation avec elle, mais qui, en plus, ne l'aidait pas lui, avec ses propres émotions.

« Les choses sont bien plus simples que tu ne peux l'imaginer, Lysia », dit-il doucement, soupirant avant de fermer les yeux et inspirer lentement. Il posa ensuite les yeux sur son ex-petite-amie. « Je t'ai blessé et je suis parti. Je suis revenu et je suis parti. Je t'ai séduite et je suis parti. Pour être honnête, si les rôles avaient été inversé, je lui aurais probablement cassé la figure dès la première fois. Mais James m'a toléré jusqu'à ce que je parte pour Sunrise et vous laisse Ania' et toi. » En fait, la dernière fois, alors qu'il l'avait plaqué contre le mur, James avait agi de manière approprié pour la première fois. A sa place, il aurait déjà refait le portrait du mec, au moins une fois. Jusqu'à présent, James c'était seulement contenté d'afficher son mépris et sa colère sans s'en prendre physiquement au brun.

« Je comprends qu'il puisse me détester. » Je me déteste aussi et je me détesterais aussi si j'étais à sa place. « Mais je m'en fiche comme de ma première couche de ce qu'il peut penser de moi. » Elle avait raison sur un point. James et Blake n'avaient jamais été les meilleurs amis du monde. Ils n'avaient été amis que parce qu'elle était entrée dans sa vie et qu'il avait voulu lui faire plaisir à elle. Il avait été amical avec son jumeau parce qu'il voulait faire les choses bien, pour elle. Il avait royalement merdé avec Aloysia et James n'était qu'un dommage collatéral qui n'avait qu'une faible importance à ses yeux. Il avait déjà bien du mal à gérer et à être à la hauteur pour les quelques personnes qui comptaient totalement dans sa vie, ça n'était pas pour se préoccuper de ce que pouvaient penser les autres gravitant autour de lui.

Automatiquement, Aloysia chercha à défendre son frère et Blake ne chercha pas à argumenter plus sur le sujet. Elle n'était pas impartiale. Pas plus que lui. Elle le défendrait jusqu'au bout quoi qu'il arrive, parce qu'il était sa famille. Malgré tout, il était touché que la jeune femme tente de le rassurer. Il savait qu'elle mentait. James n'aurait pas autant détesté une autre personne. Ce type était littéralement incapable d'être un tant soit peu mesquin, pour ce qu'il en savait. Non. James avait des raisons de le détester et de le lui faire sentir et il ne pouvait qu'accuser les coups. Elle le savait, même si elle ne s'en souvenait pas.

« Tu ne me détestes pas uniquement parce que tu ne t'en souviens pas », murmura Blake doucement, agrémentant sa phrase d'un petit sourire désolé. Elle le détesterait si elle se souvenait. Probablement, même, qu'elle ne le laisserait pas approcher Anastasia. D'un côté, lui était chanceux qu'elle ne s'en souvienne pas. Cela ne rendait pas sa conscience plus tranquille pour autant, bien au contraire. Elle ne méritait pas d'être ainsi exploité dans sa faiblesse, mais il devait l'avouer, cela l'arrangeait et même s'il ne voulait pas en jouer, d'une certaine façon, il en jouait. La seule différence est qu'il avait promis de répondre honnêtement à toutes ses questions pour ne jamais abuser de la situation.

Évitant les pensées sombres, Blake se concentra sur l'histoire que lui racontait sa fille, souriant et riant quand elle disait des choses amusantes, comme le fait qu'un certain Sasha n'était pas vraiment drôle puisqu'il ne faisait que dormir et pleurer. Sa mère argumenta qu'il n'était encore qu'un bébé et alors qu'Anastasia lui demandait s'il aimait les bébés, Aloysia tendit une main pour attraper une dosette de ketchup et Blake se figea. Elle avait parlé de son compagnon, mais n'avait pas précisé qu'il était un peu plus que cela. Elle vit où il avait posé les yeux et confirma ce qu'il avait deviné, avant de commencer à rapidement se justifier. Il aurait voulu avoir l'air cool, montrer qu'il s'en fichait totalement... Mais il avait bugé en voyant son doigt et maintenant, il devait juste rattraper le coup. « Félicitations », dit-il, simplement, lui accordant un sourire et un haussement d'épaules signifiant que ça n'était rien pour lui et certainement pas une chose qu'il allait juger.

Il se tourna de nouveau vers Anastasia ensuite. « Et bien, princesse... Je ne suis pas vraiment fan des bébés. Il n'y en a qu'un que j'ai adoré. » Il se pencha vers elle, comme pour lui divulguer un secret et chatouilla son bidon. « Toi ! »

Heureusement pour lui (et il croyait sérieusement ce qu'elle lui disait), Aloysia avait toujours su faire la part des choses. Il avait pu l'expérimenter, chaque fois qu'il avait merdé sur le plan personnel, mais qu'il était resté pour assurer le professionnel. Elle pouvait lui en vouloir à mort pour un truc qu'il lui avait fait, elle ne le lui faisait pas ressentir quand ils bossaient. Et il avait le sentiment qu'elle croyait réellement qu'Anastasia serait plus heureuse avec que sans lui s'il décidait de réellement être là pour toujours. Elle saurait donc mettre leurs propres problèmes de côté pour que leur fille puisse avoir le meilleur de leur relation.

« Crois-le ou non », dit-il en reflet, « Je préférerais que tu retrouves la mémoire aussi. » Qu'importe si elle devait le détester pour toujours ou pas. Il préférait qu'elle le déteste en toute connaissance de cause, plutôt qu'elle ne le déteste pas, uniquement parce qu'elle ne s'en souvenait pas. Et puis, comme il le lui avait dit, ils avaient eu de bons moments, aussi et il aurait aimé qu'elle se souvienne de chaque minute de leur bonheur, comme de ses erreurs à lui. Leurs multiples retrouvailles, malgré toutes les difficultés, leur première nuit ensemble, la demande qu'elle lui avait faite de devenir le géniteur de son enfant, son courage quand il l'avait retrouvé pour lui dire qu'il voulait une relation avec elle, qu'il ne voulait plus fuir ses sentiments, leurs quelques mois heureux pendant sa grossesse et les premiers jours d'Anastasia... Tout n'avait pas été rose, il avait fait beaucoup d'erreurs, mais ils avaient aussi eu des moments de joies et Aloysia avait eu neuf mois avec sa fille dans son ventre et bientôt trois ans d'une vie de maman. Il détestait l'idée qu'elle ne se souvienne pas de cela. Que peut-être, jamais elle ne pourrait se souvenir, alors qu'elle ne pourrait peut-être jamais plus l'expérimenter.

Le repas fini par se terminer et Blake renvoya la mère et la fille sur le canapé pour lancer les images qu'il pouvait avoir d'elle sur la clé USB pendant qu'il débarrassait. Il argua qu'il jouait les gentlemen et qu'en tant qu'invités, les filles n'avaient pas à bouger le petit doigt chez lui. Il les rejoignit une fois qu'il eut fini, commentant çà et là les images d'Anastasia ou d'Aloysia qui pouvait passer. Essentiellement, la clé contenait beaucoup de séquences de la mère et la fille, souvent d'eux trois, mais très peu d'images de la blonde et lui uniquement. Que des choses sur la glace, des entraînements et des préparations aux compétitions. Il avait longtemps hésité, mais décidé de réserver les images de tous les deux amoureux pour une autre clé, à voir loin du regard de leur enfant qui devait déjà comprendre pourquoi papa et maman n'étaient pas ensemble avec elle dans une maison.

Après un moment, Anastasia commença à bâiller et Blake proposa sa chambre pour qu'elle puisse se reposer. « Je pense que mon lit est assez grand pour qu'elle ne risque rien », dit-il à Aloysia, « mais si elle bouge, j'ai un matelas que je peux mettre directement sur le sol. »

Ils couchèrent l'enfant ensemble et Blake pu lui faire vraiment un bisou de bonne nuit, pour sa plus grande joie. Comme promis, il avait appelé pratiquement tous les soirs depuis sa première visite pour dire bonne nuit à sa fille ou avait demandé à la jeune femme de faire passer le message quand il ne pouvait pas se libérer à l'heure du coucher. Il était heureux de pouvoir enfin l'embrasser en direct.

Quand ils revinrent dans la pièce de vie, quelques minutes plus tard, Blake sorti une clé USB de sa poche et la tendit à Aloysia. « Tu n'as pas encore fini l'autre, mais celle-ci contient plus de choses sur nous deux. Sur notre relation. J'ai pensé que tu n'avais pas forcément envie de devoir expliquer à Ania' pourquoi papa et maman ne sont plus amoureux. Tu n'es pas... Tu n'es pas obligée de la regarder tout de suite. Ni même de la regarder tout court. C'est comme tu veux, mais je t'avais dit que je te donnerais tout alors, voilà... » Il devait l'avouer, il évitait son regard tout en parlant. Parler de ses sentiments n'avait jamais été quelque-chose qu'il savait faire et là... C'était encore plus compliqué.

« Alors hum... Ton compa... Ton mari sait que vous êtes ici ? », demanda-t-il finalement. Même s'il avait fait en sorte d'occulter la chose, il devait bien avouer qu'il faisait aussi parti du paysage et qu'il avait certainement un rôle dans la vie d'Anastasia. Il devait donc savoir exactement contre qui il se battait pour l'affection de l'enfant. « Il vous attend à la maison ? » Il ne savait pas comment demander, quoi dire, pour ne pas avoir l'air trop impliqué ou trop détaché. Il avait bien senti qu'elle avait été blessée par son manque de réaction plus tôt, mais il avait besoin de temps pour traiter l'information. Pour traiter ses propres sentiments.