Blake avait bien senti qu'Aloysia n'avait pas bien pris sa réaction à l'annonce de son mariage. Il n'avait réellement aucune envie de parler de ce nouvel homme dans sa vie, mais il avait réfléchi toute la fin du repas et compris qu'elle, elle avait besoin d'en parler. Mais le moment était passé, alors il n'avait rien rajouté. Maintenant qu'Anastasia était couchée, il pouvait ré-aborder le sujet, car il savait qu'elle allait avoir des griefs contre elle et sa mère lui avait bien dit de ne pas parler des sujets qui peuvent faire monter le ton devant leur enfant. Oui, il avait un peu demandé conseil à sa mère. Elle n'était probablement pas la mieux placée, étant donné que lui-même n'avait même jamais eu la moindre idée de l'identité de son géniteur, mais elle avait l'expérience des enfants qu'il n'avait pas et puis, elle restait sa mère. Elle était toujours la personne qu'il admirait le plus au monde.

Il hocha la tête quand elle lui dit qu'elle préférait regarder les images de leur passé amoureux seule. Il pouvait le comprendre. Lui non plus, à sa place, n'aurait pas aimé les regarder devant qui que ce soit. Encore moins devant elle. Déjà qu'à sa propre place, le brun n'aurait pas aimé qu'on le regarde en train de regarder les traces de leur passé.

Et puis il sourit. Il ne put s'en empêcher. La véhémence caché derrière son ton contrôlé, alors qu'elle lui disait qu'il n'avait pas à parler de son mari s'il ne le voulait pas. Il n'y pouvait rien. Aloysia en colère lui avait toujours fait un petit quelque-chose, comme la facilité avec laquelle ils pouvaient se dire les choses de façon crue. Ils n'arrivaient pas à se souvenir d'un grand nombre de fois où ils se seraient menti. Ils s'étaient cachés des choses, bien sûr, lui en premier lieu, avait souvent fuit sans vraiment expliquer pourquoi ou sans donner les détails de ses craintes, mais il n'avait que peu mentit et il n'était pas persuadé qu'elle l'eut fait beaucoup plus. Ils savaient déjà très bien se faire du mal en se disant la vérité...

« Bon sang... » Blake se passa une main dans les cheveux, fermant les yeux une seconde pour réfléchir. « Je vais pas sauter de joie, Aloysia, oui. Et j'vais pas te dire que tu fais une connerie parce que même si je pouvais y penser, j'ai juste le droit de me taire sur ce que je pense que tu fais de ta vie amoureuse et honnêtement... » Il n'avait pas envie d'en parler, mais il devait se souvenir qu'elle, elle en avait envie ou besoin... En tout cas, elle était blessée qu'il ''ne soit pas intéressé'' « Je sais même pas ce que je ressens à propos de cette information. »

Le jeune homme soupira une fois de plus, avant de s'asseoir, le plus loin possible d'elle sur le canapé. « La seule chose que je sais. La seule chose que je me répète, encore et encore, c'est que je veux faire les choses bien pour Anastasia. Je veux être son père et je veux être un bon père. » Il tourna la tête vers Aloysia. « Et je sais que je merde continuellement avec toi... Malgré tous mes efforts. Alors aussi fort que j'aimerais reconstruire une relation solide avec toi... Je sais pas comment faire... » Il baissa les yeux. S'il avait été un an en arrière, il aurait fui, dès qu'elle lui aurait dit être marié. Il aurait prétexté devoir aller voir sa boite aux lettres et aurait quitté son propre appartement pendant deux jours, pour être sûr qu'elle soit partis quand il serait revenu faire son sac pour disparaître. Tout plutôt que d'avoir à affronter la vérité et avoir à traiter avec ses propres sentiments à ce sujet. Oui, clairement, ses muscles entiers étaient tendus depuis qu'il avait vu la bague, lui hurlant qu'il devait prendre ses jambes à son coup, que tout ça devenait trop compliqué... Mais il y avait Anastasia et son tatouage de rappel. Doucement, il passa son pouce sur les traits indélébiles. « Qu'est-ce que tu attends de moi, Aloysia ? Comment je suis censé réagir ?  Qu'est-ce que je suis censé te demander et te dire ? » Ce n'était pas une question rhétorique et encore moins une question accusatrice, mais une vraie demande. Elle devait le guider sur le chemin de leur reconstruction, parce que toute son énergie à lui allait dans la lutte contre ses besoins de fuir les difficultés.

Blake aurait sans doute dû comprendre le point de vue de la blonde, mais toutes ses accusations faisaient ressortir en lui son propre malaise. Vis-à-vis d'elle, de la situation, mais aussi du sentiment général face à tous ça. Les sentiments qu'il avait tant tenté de fuir et qui ressurgissaient, encore et encore... Mais il ne voulait pas ça. Il ne voulait pas affronter des vérités qui font mal. Il ne voulait pas avoir à réfléchir. Ni à ses sentiments, ni à leurs conséquences. Il voulait juste faire les choses bien et visiblement, pour Aloysia, ça n'était pas assez. Elle ne considérait pas les efforts qu'il faisait sur son ancien lui. Il n'en faisait juste pas assez. Il savait qu'il ne pouvait pas vraiment le lui reprocher. N'importe quel mec normal n'aurait pas eu à produire d'efforts pour être un bon père. Mais il partait de loin, de très loin et visiblement, tant qu'il ne serait pas parfait, ça ne serait pas bon.

Il ne lui restait donc qu'une solution : être parfait là où il pouvait l'être et abandonner l'idée d'être reconnu là où il n'y parvenait pas. Il allait donc être le père parfait pour Anastasia et garder une relation purement liée à leur fille avec Aloysia. Il semblait que de toute manière, il n'avait nul autre choix. Elle ne voulait pas de lui dans sa vie. Pas comme ça. Ils étaient liés par leur enfant, mais il était fort probable qu'elle regrettait de lui avoir demandé d'être le père... Enfin, techniquement, elle ne se souvenait même pas de l'avoir fait. Peut-être même qu'elle ne comprenait même pas pourquoi elle l'avait fait. Mais sur ça, il ne pouvait rien. Il ne savait même pas lui-même. Il n'avait jamais vraiment compris pourquoi elle avait voulu s'attacher à lui de la sorte. Il était le seul, à l'époque, qui avait mis les freins à sa pleine implication dans la création et l'existence d'Anastasia. S'il l'avait voulu, elle l'aurait laissé être un père et pas juste un géniteur. C'était toujours lui qui avait freiné les choses jusqu'alors... Mais aujourd'hui qu'il voulait s'impliquer pleinement, elle ne voulait pas de lui dans sa vie et malgré ce qu'elle disait, elle devait quand même le détester... même un peu.

« Un truc super important dont tu as visiblement complètement oublié de me parler », cracha-t-il amer. « Me l'aurais-tu seulement dit si j'avais continué à ne pas remarquer la bague ? » Pour quelqu'un qui vivait quelque-chose de très important et qui voulait reconstruire une amitié, elle avait, elle aussi, de drôle de façons de faire.

Blake se gratta derrière l'oreille en se mordant la joue, avant de soupirer, fermant les yeux en secouant légèrement la tête de gauche à droite. « Oublie ça ! Tu as raison, on devrait se contenter d'être les parents d'Anastasia. » Il se leva et retourna près de la table pour débarrasser ce qu'ils avaient laissé sur la table. Il avait surtout besoin de s'éloigner d'elle et son étouffante présence, de s'occuper les mains et de ne surtout plus la regarder. « De toute manière, il est évident que ton nouveau toi regrette de m'avoir demandé d'être son père, alors... » Il allait juste se contenter de tout faire pour qu'Anastasia, elle, ne regrette jamais. Pourquoi essayer de changer à tes yeux, hein ?

Aloysia l'avait toujours rendu fou de bien des manières. Leurs disputes étaient épiques, depuis toujours, parce qu'aussi puissante que pouvait l'être leur communion quand ils décidaient de faire quelque chose ensemble. Passionnés ? Ils l'avaient toujours été. Ils n'auraient jamais été aussi bons sur la glace s'ils n'avaient pas eu de si forts sentiments pour les animer, en bien ou en mal. Mais parfois, ces passions dévorantes pouvaient être vraiment compliquées à gérer, surtout quand ils ne se comprenaient pas ou avaient des divergences d'opinions. Haine et amour étaient deux choses très semblables dans la symptomatique, après tout.

Il se prit l'insulte comme un coup de poêle, mais ne broncha pas, malheureusement trop habitué à entendre des mots tels que « con », « lâche » et autres douceurs. Il avait envie de comprendre, mais devait bien avouer qu'il ne comprenait rien. C'était comme si elle s'était attendue à ce qu'il réagisse d'une manière disproportionnée. Le brun commençait même à penser qu'elle aurait mieux accepté qu'il devienne dingue et lui dise qu'elle faisait la plus grosse connerie de sa vie.

Serrant les dents, Blake continua malgré tout d'écouter ce qu'elle lui balançait, serrant les poings en essayant de ne pas monter sur ses grands chevaux, lui aussi. Échec. Quand elle lui balança qu'il devait se sentir con, comme s'il devait se sentir penaud d'avoir eu une si piètre opinion d'elle, il pivota vers elle, furibond. « Attends ! » Elle en avait peut-être fini avec ses griefs, mais pas lui et il voulait tout balancer avant qu'elle n'aille chercher leur fille et ne s'en aille. « Te fous pas de ma gueule, Aloysia. T'as pas confiance en moi et tu m'as certainement pas choisi parce que tu pensais que j'étais quelqu'un de bien pour elle. » Il aurait voulu hurler, mais il se contentait de parler doucement, malgré la colère dans sa voix, pour ne pas réveiller Anastasia. « S'il y a bien une chose que j'ai appris de toi, c'est qu'à tes yeux, je serais toujours un sale con avec une peur de l'attachement. Regarde toi ! T’arrives même pas à comprendre à quel moment t'as pu vouloir une relation amoureuse avec moi, alors vient pas me faire croire que tu penses que tu aurais dit du bien de moi à notre fille si j'avais pas décidé de changer pour elle. »

Passant une main dans ses cheveux, le brun soupira, fermant les yeux une seconde avant de la regarder droit dans les yeux en s'avançant vers elle. « Je pense pas qu'un ami aurait vraiment sauté de joie. Pas en l'apprenant comme ça, par hasard, alors que c'est pas la première fois qu'on se voit depuis ton mariage. Pas alors que visiblement, t'as toi-même la trouille de le dire puisque tu ne m'as jamais parlé de lui, ni quand tu m'envoyais des nouvelles d'Ania', ni depuis ton retour. J'ai appris que t'avais un mec parce que notre fille l'a dessiné devant moi et maintenant, j'apprends ça parce que j'ai vu une putain de bague à ton doigt. Bordel Aloysia, tu crois vraiment que c'est une action normale et que J'AI une réaction anormale ??? J'ai juste essayé d'avoir une réaction respectueuse de notre statut quo actuel, parce que je pense que j'ai aucun droit de juger et que je vais certainement pas sauter de joie tant que j'aurais pas vu de mes propres yeux si ce mec est digne de tourner autour de deux des filles les plus importantes de ma vie. »

Il grogna avant d'ajouter : « Maintenant, tu as de nouvelles bonnes raisons de me détester. » Il passa à côté d'elle et alla rejoindre la petite, embrassant tendrement son front. « Bonne nuit, ma princesse. On se revoit bientôt, je te le promets », souffla-t-il tout bas pour ne pas la réveiller, avant de laisser la mère et la fille, partant sur la terrasse pour qu'Aloysia puisse à loisir s'en aller sans avoir besoin de se forcer à lui dire quoi que ce soit.