Oui, j’aurais apprécié être averti de sa venue. C’était apparemment le rôle de ma mère et mon beau-père. « Ouais, enfin t’es assez grande pour prendre ton téléphone et me contacter toute seule non ? » Bon okay, je n’aurais peut-être pas répondu à son premier appel, mais j’aurais fini par décrocher ! Puis elle devait savoir pour son boulot depuis quelques jours déjà, non ? Bref, elle était fautive dans l’histoire, voilà tout.

Je soupirai face à ses propos suivants. J’était bien trop fatigué pour me prendre la tête ce soir. Pourtant, c’est exactement ce qui était en train de se passer. J’y étais peut-être aussi pour quelque chose… « Arrête Abi’, on ne s’est jamais apprécié l’un comme l’autre. Tu pensais quoi ? Que j’allais sauter de joie à l’idée que tu débarques ici ? beh non désolé ! Et je sais très bien que tu n’es pas plus ravie que moi de cette situation. » dis-je simplement. De son côté aussi, elle n’avait sûrement pas dû avoir le choix. Me mère devait y être pour quelque chose. Je l’attendais lui dire : oh mais va chez Gaby’, il va être content de passer du temps avec toi. Puis ça fait tellement longtemps. Depuis toujours elle voulait une parfaite petite famille, mais nous étions loin de l’être. « Tant mieux pour toi. » dis-je simplement. La vie d’Abi’ n’avait pas été simple. Elle avait perdu sa mère très jeune et avait dû s’occuper de sa petite sœur. Je pouvais la taquiner sur tout un tas de sujets mais certainement pas sur celui de sa mère. Quand c’était comme ça, je préférais passer, tout simplement.

Je lui laisser alors mon bureau qui servait aussi de chambre d’amis. Cette pièce n’était pas très bien rangée et me servait aussi de débarras et forcément ça ne plaisait pas à Abi’ qui ne voyait là que du désordre. Seulement voilà, je détestais qu’on touche à mes affaires personnelles puis à 2h du matin j’avais tout sauf envie de parler rangement. Elle pouvait le comprendre non ? Je soupirai « Ca va, je t’ai pas foutu à la porte non plus ! J’ai eu une dure journée, il est 2 heures du matin et j’ai juste envie de dormir. » me défendis-je. Bon je l’avais un peu cherchée aussi… Mais il faut dire qu’habituellement, elle avait plus de répondant que ça !

La suite, je ne m’y attendais pas du tout. J’avais rarement vu Abigail comme ça. La mort de sa mère l’avait endurcie et pourtant là, je ne m’y trompais pas, ses yeux étaient bien humides et brillants.  Voilà, je me sentais bête maintenant. M’excuser ? Avec n’importe qu’elle autre personne, j’aurais pu le faire mais avec Abi’, c’était bien plus dur ! Je mis alors quelques secondes avant de répondre ne voulant pas envenimer la situation, mais ça, c’était bien mon genre, même quand je n’en avais pas l’intention. « Parce que je l’ai toujours été. » Et que c’était bien mieux ici. « Tu devrais dormir et moi aussi. Bonne nuit. » dis-je simplement avant de fermer la porte de la pseudo chambre avant de retourner dans la mienne.

Je ris, mais d’un rire jaune. « Ouais, ouais, t’as raison, c’est ma faute… » lâchais-je. Certes, je n’avais pas été très tendre avec elle par le passé mais elle me l’avait bien rendu. On va pas se mentir, elle comme moi nous avions adoré nous faire la misère ! Ca mettait de l’animation il faut dire. Je ne dis pas plus suite à ses propos. Autant lui montrer sa chambre et aller me recoucher de suite.

« Oui, on est tous les deux fatigués, donc on va se coucher et arrêter de se prendre la tête. » soupirais-je avant de me rendre compte que je l’avais vexée ou plutôt même blessée. Et ça c’était rare. J’avais plutôt été « cool » avec elle comparé au passé… Elle ne pouvait pas s’attendre à ce que tout à coup nous devenions les meilleurs amis du monde. Je voulais bien l’aider à s’installer à Miami, à lui montrer les coins sympas mais… ça n’irait pas plus loin. J’avais déjà merdé avec elle et je n’avais pas envie que ça recommence d’une façon ou d’une autre. Plus loin j’étais d’elle et mieux c’était ! Je lui souhaitai simplement bonne nuit avant de retourner dans ma chambre.

Moi qui avais dormi d’un sommeil de plomb auparavant, je mis une bonne heure avant de me rendormir. Mais j’étais tellement fatiguée que je tombai finalement dans le bras de morphée. Lorsque je me réveillai, j’étais incroyablement de bonne humeur. Bien reposé, j’étais près à aller courir. J’enfilai un tee-shirt, un short et des baskets et c’est lorsque je sortis de ma chambre et que j’entendis du bruit dans la cuisine, que je me rappelai que je n’étais pas seul. Abigail. Bizarrement, une partie de ma bonne humeur s’envola subitement. J’avais comme une mauvaise impression que ça n’allait pas forcément bien se passer. Je pris une grande respiration, prêt à faire un effort. Je passai au milieu du salon et fus heureux qu’elle n’ait rien rangé. Elle était attablée au bar et prenais son petit déjeuné. Elle avait de la chance. J’avais fait les courses deux jours plus tôt. « Salut. » dis-je simplement avant de me faire couler un café. « Tiens » dis-je en posant devant elle les clés de mon appartement. « C’est le double des clés. Au moins tu peux bouger librement. »

La nuit avait été reposante et le retour à la réalité était bien plus dur. J’avais presque oublié la présence d’Abigail. Comme à notre habitude nous nous étions pris la tête. Manque de chance, elle n’avait pas eu autant de répondant que par le passé. A croire qu’elle avait vraiment muri… Moi en revanche… Sans mentir, je pouvais être quelqu’un de tout à fait sympa, tout comme elle bien sûr, mais entre nous, être sympa, ça n’avait jamais fonctionné. Je me rappelai de nos premiers mois de cohabitations. Au début ce n’était que des mots, puis au fil du temps, nous avions pris la confiance et nous pouvions nous faire vivre l’enfer. En y repensant maintenant, c’était plutôt drôle. Je me voyais encore me lever volontairement plus tôt pour couper l’eau chaude lorsqu’Abi allait se coucher. Je pouvais faire ça tous les jours sans m’en lasser.

Quoi qu’il en soit, je pris sur moi et lui laissa le double des clés de mon appartement. J’espérai qu’elle trouve un appartement rapidement. Il ne fallait pas non qu’elle reste trop longtemps ici. « Oui, enfin pas trois mois non plus. » ne pus-je m’empêcher de rajouter. Par chance, elle avait déjà deux visites d’appartement dans la journée. Du coup, nous n’aurions pas longtemps à nous supporter. Je bus mon café tranquillement, sans rien manger. Ce n’était pas recommandé, surtout quand on allait faire du sport, mais le matin tout aliment solide avait du mal à passer. « Le centre ville est sympa, puis la plage bien évidemment. » dis-je simplement.

Elle s’excusa, ce qui n’était clairement pas dans son genre. Personnellement, je détestais les excuses. Je trouvais ça surfait. Quoi qu’il se passe, ce qui est fait est fait et s’excuser ne changeait rien. « Arrête de t’excuser. Je déteste pas. Je suis pas quelqu’un d’ordonné et tu le sais. Donc tu savais d’avance que t’as réflexion n’allait pas me plaire. Il ne fallait simplement pas la faire. » Sauf qu’elle était franche. Parfois trop. « Et non, tu n’aurais pas dû. »

Sur le plan de travail, mon portable se mit à vibrer. Je ne fus pas surpris de découvrir le nom de ma mère. Elle devait s’inquiéter de savoir si on s’était entre tuer ou non. J’émis un léger rien avant de montrer l’écran de mon téléphone à Abigail. Finalement je décrochai. « Salut m’man… oui, oui ça va… Abigail ? Pourquoi elle serait là ? » oui, oui j’adorai faire marcher ma mère et elle avait beau me connaitre, ça marchait à chaque fois ! « Je te dis que non… » Voilà, elle commençait à paniquer et affirmer qu’il fallait appeler la police. J’explosai de rire et m’a mère m’insulta de l’autre bout du téléphone. Je parlai quelques minutes avec elle avant qu’elle ne me demande à parler à Abi’. « Tiens, ma mère veut s’assurer que je ne t’ai pas découpé dans la nuit. Mais je ne fais ça que les soirs de pleine lune !» dis-je en tendant mon téléphone à Abigail et en haussant volontairement ma voix pour que ma mère m’entende. Okay, je n’appréciais pas Abi’ mais quand même !

Bien que je ne m’entendais pas avec Abigail, je me voyais mal lui demandais de trouver un autre toit pour les prochaines nuits.  Je n’étais pas un monstre, même si elle devait probablement penser le contraire. Voilà pourquoi, même si cela ne m’enchantait pas, je lui donnai le double de mes clés. Elle serait plus libre et ça serait bien plus simple. « Peut-être parce que t’avais pas d’autre choix ?! » Enfin plutôt parce que nous n’avions pas d’autre choix. Puis on savait tout deux comment on réagissait face à la cohabitation : mal. Autant faire en sorte que cela dure le moins possible. Par chance, elle avait déjà programmé quelques visites cet après-midi.

Abigail, s’excusa pour ses remarques de la veille. Les excuses, j’avais toujours trouvé ça bidon et pas seulement venant d’elle.  Ce n’était que des mensonges de toute façon. « Désolé de t’avoir dit ça hier alors que je savais que ça allait t’énerver. » Si tu savais, pourquoi l’avoir fait ? Bref, c’était hypocrite de s’excuser. Mon père avait été le roi pour ça ! Après le jugement, lorsqu’on se voyait en visite médiatisée, il ne cessait de s’excuser pour ce qu’il m’avait fait subir à moi et ma mère. A cette époque, il voulait sûrement montrer à l’assistance social qu’il allait mieux, mais moi, je savais que c’était faux ! « Ecoute, si t’arrête avec tes remarques, je peux faire comme si tu n’étais pas là et ça devrait à peu près bien se passer. De toute façon, je bosse donc on se verra quasiment pas. » Très utile de faire des journées de 12h ! Pour aujourd’hui, entre son emploi du temps et le mien, on ne devrait se croiser que peu. Bref, pour quelques jours ça pouvait passer.

C’est à ce moment là que mon portable se mit à sonner. Je ne fus pas étonné que cela soit ma mère. Elle voulait discrètement savoir comment ça c’était passé. Je fis semblant de ne pas avoir vu Abigail ce qui stressa ma mère immédiatement. Elle devait déjà avoir un autre téléphone dans la main qui composait le numéro de la police. Lorsqu’elle comprit la blague, elle voulu parler à Abi’, histoire de savoir si je n’avais pas été odieux. Ce qu’elle ne saurait pas, c’est que c’est elle, en premier, qui avait été odieuse avec moi… Je n’avais fait que me défendre… Ma mère tenait à Abigail et Jasmine autant qu’à moi, je le savais. Ce n’était pas ses filles, mais c’était tout comme, alors forcément elle s’inquiétait de voir débarquer Abigail ici, dans une si grande ville, avec nul autre que repaire, que moi. En tout objectivité, oui, je n’étais pas le meilleur repaire qu’il soit, du moins pas pour elle.

Alors que je posais ma tasse sale dans l’évier, sans la laver, (ce qui, je savais, aller énerver Abi’), cette dernière raccrocha et m’informa que ma mère et son père allait débarquer le week-end prochain. « Pardon ?! » J’avais très bien entendu et très bien compris, mais j’espérais que ce soit une blague. J’étais toujours partagé à l’idée de voir ma mère. Jusqu’à mon départ, nous avions été très proche et puis… à cause de tout ce qu’il s’était passé avec Abigail, je m’étais éloigné volontairement d’elle. Si elle savait, elle serait incroyablement déçue. J’étais donc content de voir ma mère, que je n’avais pas vu depuis plusieurs mois, mais je détestais l’idée de lui mentir encore … Puis je n’allais pas pouvoir profiter d’elle, je savais qu’elle prévoirait des activités « en famille »… M’apitoyer sur mon sort, ne changerait à présent rien. Si ma mère avait décidé de venir, elle viendrait. Je pris donc mon téléphone pour vérifier mon planning. Par « chance », je ne travaillais pas le week-end prochain, je faisais seulement la nuit de vendredi à samedi. Ce qui m’embêtait le plus, c’est que j’avais un concert prévu samedi soir.  Je soupirai . « Faudra que tu t’occupes d’eux samedi soir, je ne suis pas dispo. »

A l’époque nous n’avions pas le choix alors nous nous étions accommodé de cette situation. Puis personnellement, je ne gardais pas que des mauvais souvenirs de cette époque. Avec le recul, il y avait eu des moments drôles ! Enfin, sur le moment, je ne les avais pas vécus ainsi, mais avec le recul je trouvais ça marrant. « mort ? Je dois prévoir un couteau sous mon oreiller au cas où tu m’attaques dans la nuit ? » plaisantais-je dans un léger rire. Malgré nos enfantillages durant notre adolescence, nous n’étions jamais arrivés à de la violence physique. Elle m’avait bien giflé deux ou trois fois, mais même si je refusais de l’admettre devant elle, c’était mérité.

Notre cohabitation ne devrait durer éternellement. Elle prévoyait de trouver un appartement rapidement et de toute façon j’étais rarement à l’appartement. Sois je travaillais, sois j’étais dehors. Bref, on ne se croiserait que rarement. Puis maintenant que je la savais ici, je ferais en sorte de ne faire que la croiser. « J’ai fait les courses il y a deux jours, le frigo est plein. Sers-toi. Te sens pas obligée de faire les courses sauf si t’es dans un lubie végétarienne ou sans gluten ! » Bien que j’en doutais.

Comme c’était prévisible, ma mère m’appela pour savoir si Abi’ était bien arrivée et surtout pour savoir si je l’avais bien accueillie. Ma mère me connaissait et savait que je ne laisserai pas Abi’ à la porte, mais elle savait aussi que je n’étais pas très agréable non plus envers elle. Elle n’avait d’ailleurs jamais compris pourquoi. D’ailleurs, est-ce que je le savais moi-même ? Au final tout ça n’était parti que d’un râteau que je n’avais pas géré. Enfin, je ne l’avais pas géré parce qu’on avait été amené a habité sous le même toit et trop rapidement à mon goût. Bref, tout cela n’était parti que d’une broutille ! Les choses auraient pu être bien différentes ! Comme on disait souvent, avec des si, on pourrait refaire le monde. Les choses étaient telles qu’elles étaient et nous devions faire avec. C’était comme pour le fait que ma mère et son père allait débarquer. Il fallait s’en accommoder tout simplement. Un week-end tous les quatre, le rêve… Par chance, ou malchance, je ne travaillais pas, j’avais juste un concert de prévu le soir. Je ne pouvais pas annuler et de toute façon ma mère me l’aurait interdit. Elle savait que la musique était ma passion, une échappatoire. « Me regarde pas comme ça, on a un concert de prévu. Je vais pas l’annuler pour nos parents. » dis-je simplement. Quant à elle c’était apparemment le matin qu’elle avait quelque chose de prévu. « Et on peut savoir quoi ? Pas que ça m’intéresse, mais si c’est quelque chose de non indispensable, ton père, poussé par ma mère va te faire annuler, histoire qu’on passe un « merveilleux week-end en famille. » Donc autant que t’annule de suite.» Connaissant ma mère, elle devait déjà être en train de nous concocter un week-end rempli d’activité en tout genre. Elle voudrait sûrement visiter encore plus Miami et faire au moins une randonnée. « J’espère que t’as ramené tes chaussures de marche parce qu’il y a peu de chance qu’on reste ici. » Tant mieux, je n’aimais pas rester enfermé.