C'était une des règles d'or, non ? On n'abandonne personne, on ne laisse personne derrière soi. Anteynara avait assez fréquenté diverses organisations et groupes armés plus ou moins officiels pour en connaître les codes. Mais la CIA, visiblement, ils s'en foutaient pas mal de ces codes-là, ils oeuvraient pour leur propre succès et le reste ne leur importait pas. Et tant pis s'il fallait piétiner un véritable charnier pour obtenir ce qu'ils voulaient. Antey était peut-être une tueuse, une espionne, une criminelle, une personne terrible capable du pire, mais elle était aussi peut-être capable du meilleur. Travailler pour des gens se prétendant être du bon côté lui avait appris ce qu'elle savait déjà, que son monde était parsemé de zones troubles, qu'il n'y avait pas de gentils ou de méchants, et que les organisations quelles qu'elles soient étaient toutes pourries de l'intérieur. Ca la mettait hors d'elle, et visiblement Clyde l'avait bien compris, puisqu'il avait fini par s'éclipser pendant son petit échange avec l'autre con. Quand elle se fit à l'idée qu'elle n'obtiendrait rien de cet homme, elle refusa son offre et lui fit comprendre qu'il n'était plus le bienvenu. Il s'en alla, laissant un papier avec son numéro, l'informant qu'il lui laissait une heure pour changer d'avis. Et Anteynara n'était pas de tempérament colérique, mais si on la poussait un peu trop, elle explosait littéralement. Le saladier de riz en fit les frais. Quant à Anteynara, elle alla s'asseoir sur le lit, pour se remettre de sa colère, et tenter de trouver une solution. Vas-y. Rappelles-le. La voix de Clyde la tira de ses pensées. Elle leva le regard vers lui, planté là, tranquillement, dans l'encadrement de la porte. T'as l'opportunité de te débarrasser de moi, fais le tant qu'il est encore temps. Il essayait d'être drôle mais ça ne prenait pas, Anteynara n'était pas d'humeur à rire. Peut-être qu'il ne se rendait pas compte de la gravité de la situation. Plus sérieusement, ne fais pas le con Anteynara. T'as rien qui te retiens ici. Elle ne comprenait pas trop pourquoi il cherchait à la convaincre, ça ne l'avancerait à rien. Elle ne comptait de toute façon pas rappeler. J'vais me démerder, t'en fais pas pour moi. Et là, pour le coup, cette déclaration la fit tout de même réagir. Il était vraiment... frustrant. Tout semblait lui passer au-dessus. « Te démerder ? Clyde. » fit-elle simplement, sur un ton qui voulait dire qu'ils savaient tous deux qu'il ne se démerderait pas du tout. « Tu penses que ça lui fera plaisir, à ton amie de t'à l'heure, que tu crèves ici ? Tu connais pas ce pays, comment tu veux te démerder ? Raconte pas des conneries s'te plait » elle dit simplement, sans animosité, une simple constatation. Elle n'avait pas besoin qu'il lui assure qu'il allait s'en tirer seul, tout ça juste pour qu'elle puisse s'en aller la conscience tranquille. Elle n'était pas idiote, elle savait très bien qu'il n'y croyait pas plus qu'elle. C'était bien gentil de sa part, de ne pas vouloir être le boulet de service, mais si Antey voulait se débarrasser de lui, elle l'aurait fait sans l'excuse de l'exfiltration. Elle ne savait pas quoi faire. Pas pour l'instant. Ils étaient blessés, en plus de ça. Sa main gauche était presque inutilisable, et Clyde allait en baver avec ses côtes. Ils n'étaient pas dans le meilleur des états, et elle ne savait pas combien de temps ils tiendraient, à quoi ils auraient à faire face. Elle sortit une cigarette et l'alluma, ne se gênant pas pour fumer dans la pièce, contrairement à Clyde qui était sorti pour ça quelques minutes avant. Elle se leva, la clope entre deux doigts et marcha jusqu'à la table pour attraper le bout de papier et l'observer longuement tout en continuant à fumer. Puis, doucement, elle glissa le bout brûlant de sa cigarette sur le bord du papier, jusqu'à ce qu'il se mette à brûler, se consumer, disparaître. « Fuck la CIA. J'ai pas besoin d'eux. Toi, tu te reposes. J'vais me doucher » elle fit simplement, avec autorité, avant d'écraser sa clope dans le cendrier et de se diriger vers la salle de bain, passant en chemin par le placard pour prendre de quoi se vêtir ensuite. Une fois dans la salle de bain, elle se débrouilla pour enrouler sa main dans un film plastique pour éviter de mouiller les bandages, se déshabilla, et alla se glisser sous l'eau chaude. C'était un bonheur inespéré, et ce moment de répit lui donna le calme nécessaire pour se concentrer. Pour chercher une solution, tout en profitant de l'instant. Ils avaient les passeports, qui leurs permettraient de passer les douanes sans problèmes, et elle était plutôt certaine que ce n'était pas les autorités qu'il fallait craindre. Mais se rendre dans un aéroport relevait du suicide, on les y chercherait évidemment. Rester ici encore longtemps devenait dangereux. Anteynara savait qu'il fallait partir avant la nuit. Si les aéroports n'étaient pas une option, peut-être qu'il y avait un autre moyen de quitter la Thaïlande. Par bateau, ou autre chose. Elle ne pouvait pas perdre plus de temps à se morfondre, une fois sortie de la douche, elle trouverait une solution et mettrait tout en oeuvre pour se tirer de ce pays maudit. Elle termina son shampooing, se rinça, profita encore de deux petites minutes dans sa bulle, pour souffler. Puis elle sortit pour se sécher rapidement, enfiler une culotte et un t-shirt trop large. Elle essora ses cheveux comme elle put à l'aide d'une serviette, et sortit de la salle de bain, aucunement gênée de sa tenue, pour attraper son macbook qui traînait sous le lit. S'installant à l'aise sur le côté de lit qui n'était pas squatté par son invité mal en point, elle commença ses recherches en partant des vagues idées qu'elle avait eues dans la douche, creusant dans cette direction. Il fallait quelque chose de plutôt discret, mais d'original, une façon insolite de quitter le pays. Quelque chose d'assez inattendu pour être sûr que pas une seule seconde leur poursuivants ne puissent imaginer qu'ils les trouveraient là. Et enfin, elle tomba sur la bonne opportunité, son idée se développa rapidement, germant dans ses pensées à une vitesse impressionnante, un sourire s'étira sur ses lèvres. Bon, il ne fallait pas s'enjailler trop tôt, rien n'était encore fait. Et ce ne serait pas forcément facile non plus. « Bon. Je sais comment nous sortir d'ici. C'est une petite compagnie privée qui fait des voyages vers le Sri Lanka, pour les riches et les touristes qui veulent un jet... J'vais organiser ça » elle expliqua brièvement. Elle espérait pouvoir faire une réservation de dernière minute pour un départ le soir-même. Heureusement, la Thaïlande était connue pour son tourisme, et ce genre d'attraction se pliait aux clients, surtout quand elles s'adressaient à des gens prêts à dépenser de grosses sommes. Il y avait un formulaire rapide à remplir en ligne, puis un coup de fil à passer pour régler les détails. Anteynara n'avait pas de problème pour couvrir le coût de tout ça. « Va falloir que tu apprennes ton identité » fit-elle sans quitter l'écran des yeux, lui filant le passeport qui était le sien et sur lequel il portait un tout autre nom. « Que tu puisses répondre sans réfléchir et que tu saches un peu qui tu es. Trouve-toi un métier, des infos personnelles qu'on pourrait peut-être te demander. » elle expliqua rapidement, en remplissant le formulaire, qu'elle envoya avant de se munir du téléphone dont elle avait donné le numéro. Quelques minutes plus tard, il sonna, et la femme au bout du fil avait un fort accent thaïlandais, mais un bon anglais et un ton on ne peut plus commercial. Ces gens avaient l'habitude de traiter avec des personnes blindées de thunes et d'égo. Anteynara s'éloigna pour converser avec elle et fixer les détails, se postant dans la cuisine, devant la fenêtre. Le soleil commençait à se coucher, et dans d'autres circonstances, elle aurait aimé pouvoir en profiter comme elle l'avait fait tant de fois déjà ici. Son dernier coucher de soleil dans cet endroit qu'elle avait tant aimé et tant haï. Ce n'était pas le sujet. Elle raccrocha après avoir obtenu ce qu'elle voulait et revint vers Clyde. « C'est bon, on a un jet privé qui décolle ce soir pour Colombo au Sri Lanka. De là on pourra prendre un vol pour le Qatar... puis Miami. Tu peux te doucher si tu veux, je vais préparer deux valises. Faut plus qu'on traîne trop, si on peut partir dans une heure, c'est bien » elle expliqua rapidement. « Ah et j'oubliais. Va falloir qu'on s'épouse » conclut Antey en sortant un jean d'un tiroir, avant de s'habiller rapidement. Cette fuite allait être toute une aventure, et elle ne savait pas du tout comment Clyde s'en sortirait. Mais elle avait confiance en lui sur ce coup, elle se disait que connaissant les risques et l'importance de ce qu'ils faisaient, il saurait être bon. Quant à elle, c'était un retour aux sources, à sa débrouillardise et au travail en solitaire. Pas d'agence, pas de supérieurs ou de hiérarchie, juste elle et sa façon de procéder. C'était libérateur. Ils joueraient le couple de jeunes mariés en plein voyage en Asie, décidant sur un coup de tête de partir en jet privé en direction du Sri Lanka, profitant des offres luxueuses et très plaisantes de ces vols réservés aux touristes blindés. Et une fois là-bas, le petit jeu prendrait fin et ils embarqueraient pour leur pays natal. Easy.
Et voilà, vous étiez à la limite, mais vraiment à la limite de vous en sortir tous les deux. Les passeports étaient là, ils étaient fins prêt, vous n'aviez plus qu'à embarquer dans un avion, et goodbye Thaïlande, Miami here we come. Mais... Voilà que le contact de Anteynara vous faisait redescendre sur Terre. Il était absolument hors de questions que tu suives Anteynara. Ses contacts refusaient catégoriquement de te venir en aide. Ramener Anteynara en Amérique oui, par contre toi, non. Tu étais définitivement voué à rester ici. La ténébreuse ne l'entendait pas de cette oreille. Et quand quelque chose ne lui convenait pas, elle ne passait pas par quatre chemins pour le faire comprendre. Tourner sa langue sept fois dans sa bouche, elle ne connaissait pas. Au contraire, elle fonçait dans le tas, tête baissée. Tu étais intervenu, juste pour faire comprendre que ça allait aller pour toi, mais tes mots n'avaient guère été entendu. Anteynara était comme fermée à toute discussion. Pour elle, c'était catégorique. Elle repartirait avec toi. S'il n'était pas possible de t'embarquer avec elle, alors, elle se sacrifierait. Quelque part, tu avais du mal à la cerner, tu ne comprenais pas pourquoi, pourquoi elle agissait ainsi avec toi. Après tout, elle avait la chance de pouvoir se casser d'ici et retrouver un semblant de vie normale, mais non, au lieu de ça, elle préférait se coltiner le boulet portant ton nom. Votre relation était tellement particulière. Tu avais clairement l'impression de la faire littéralement chier, t'en venais même à te dire qu'elle ne te supportait clairement pas, et pourtant, envers et contre tout, elle refusait de se débarrasser de toi. Au fond,ça ne te laissais pas indifférent, dans la mesure où ça te faisait clairement chier qu'elle perde la chance qui lui était offerte, par ta faute. Tu t'en voudrais si elle venait à le regretter pour x ou y raisons. C'est pour cette raison que tu regagnais l'intérieur pour aller lui en toucher deux mots, mais à peine avais-tu regagné la pièce principale que d'un violent revers de la main, Anteynara envoya valser la salade de riz de part et d'autre de cette dernière. Tu la regardais, et n'eus pas de mal à comprendre qu'il était préférable de la laisser seule un petit moment. Tu avais pu lire toute la colère dans son regard, il était si froid, si noir. C'est alors qu'en ramassant les grains de riz, tu tombais sur un bout de papier sur lequel était inscrit un numéro de téléphone. Le rapprochement n'était pas bien compliqué. C'était celui du type qui s'était ramené toute à l'heure. Tu avais seulement entendu qu'il lui donnait une heure. Une heure pour réfléchir, pour revenir sur sa décision, le contacter, et se casser d'ici. Ne souhaitant pas lui faire perdre plus de temps que ça, tu te rendais jusque dans la pièce où elle se trouvait, et voilà que tu lui disais de manière assez subtile que tu ne voulais pas qu'elle fasse ça pour toi. Bien au contraire, tu la poussais à rappeler cet homme et à partir. C'était la meilleure chose qu'elle puisse faire. Tu ne relevais pas quand elle te reprit sur le fait que tu serais capable de te démerder. En même temps, il est clair que tu t'en sortirais jamais aussi bien qu'elle. Mais c'était le seul moyen pour qu'elle fonce. Mais bon, visiblement, quoi que tu puisses dire, tu ne parviendrais pas non plus à la faire changer d'avis. Tu tournais le dos, et quittais la pièce, inutile d'insister, son choix était tout tracé. Et ça te faisais chier à toi. Tu voulais qu'elle se casse, parce que tu voulais qu'elle s'en sorte. Si elle était dans la merde c'était en parti de ta faute. A cause de ce qu'il s'était passé. Encore une fois, tu étais le principal responsable, c'est aussi pour ça que tu voulais qu'elle accepte. Mais quand elle regagnait la pièce principale, depuis l'extérieur, tu pouvais l'entendre râler contre la CIA, tout en s'adressant à toi. Te reposer, ce n'est pas vraiment ce que tu avais le plus envie de faire, à croire que la petite sieste d'une petite demi heure, quelques heures auparavant t'avais suffis. Tu restais alors tranquillement posé sur le balcon. Tu irais surement te prendre une petite douche une fois que Anteynara aurait terminé à faire ce qu'elle avait à faire. Lorsque tu entendis du bruit à l'intérieur, tu re-rentrais pour la rejoindre, et voir ce qu'elle comptait faire. Elle était simplement vêtue d'un long tee-shirt, et s'était emparée de son ordinateur portable. Tu te posais tranquillement, non loin d'elle. Sans dire un mot, c'est alors qu'elle ne tarda pas à trouver une solution. Cette fille avait le don de te surprendre. Elle était capable de se sortir toute seule de n'importe quelle merde. Tu l'admirais vraiment pour ça. Après, il faut dire qu'elle en avait les moyens, contrairement au pauvre type que tu étais. Vos situations ne rivalisaient pas. Elle ajoutait que tu devrais apprendre ta nouvelle identité, soit celle dont les informations principales étaient recensées sur ton passeport. Passeport dont tu t'emparais rapidement, pour prendre connaissance de ton nom et ton prénom. D'accord, tu n'ajoutais rien de plus, puisque Anteynara avait les yeux rivés sur son écran. Elle était entrain de gérer la chose à sa manière, et de ce côté là, tu lui faisais entièrement confiance. Quant à toi, tu prenais connaissance de ton nouveau nom, ainsi que de ton nouveau prénom, et au passage tu prenais connaissance de celui de Anteynara, histoire de ne pas te retrouver comme un con à l'aéroport à l'appeler par son vrai prénom et vous trahir. J'veux pas dire, mais t'as vraiment un nom de merde là. Anteynara ça en jette un peu plus quand même. Oui, elle était occupée. Mais il faut dire que vous aviez tout deux des noms à coucher dehors. A croire que c'était fait exprès. Fallait ben que tu l'ouvres un peu, ça faisait un petit moment que le bon vieux Clyde qui est en toi ne l'avait pas ouverte. Et la situation était on ne peut trop sérieuse à ton goût. Bien que tu avais pleinement conscience de la situation. Tu étais loin d'être aussi con que tu n'y parais. Alors que l'effet du médicament qu'elle t'avait donné à votre arrivée aussi commencé à s'estomper, tu ne tardais pas à te lever pour chopper la trousse de secours et prendre de nouveau un cachet. Tu l'avalais en un rien de temps et te retournais vers Anteynara. Tu veux un cachet ? Tu lui proposais, car elle était dans le même état que toi. A ce moment là, elle ne calculait pas vraiment ce que tu venais de lui dire, t'informant qu'elle venait de terminer la paperasse, et t'expliquais ce qui vous attendez ce soir. Elle était réactive, il n'y avait pas une minute à perdre. Rapide et efficace, lançais-tu à cette dernière avant de tourner les talons pour aller dans la salle de bain. Seulement, sa dernière phrase te stoppais dans ton élan. Pardon ? Ca avait échappé tes lèvres, ce "pardon" incontrôlable. Tu avais très bien compris ce qu'elle venait de te dire. C'était par réflexe que tu avais laissé échappé ce mot. Attends, mais, pourquoi ? T'étais un peu perdu. Pourquoi il était ... nécessaire que vous deveniez époux. Tu passais ta main dans tes cheveux. C'est du délire. Si un jour on t'avait dit que tu te retrouverais à devoir te marier pour sauver ta peau, tu n'aurais jamais voulu y croire. Et puis toi, te marier, c'était un comble. Quoi qu'il en soit, si c'était la seule solution, tu ne t'y opposerais pas. Et puis, une fois en Amérique, il vous serait possible de rompre votre union en un claquement de doigt. Je vais à la douche. Puis tu te rendais sous cette dernière. Tu ne tardais pas, mais tu prenais quand même le temps d'apprécier ce moment tant attendu. Ca t'aidais à te détendre un peu. Toutefois, tu sortais de cette dernière et enroulais une serviette autour de ta taille. Ton regard se posait sur ton tas de fringues, complètement déchiquetées. Tu soupirais. T'allais alors voir Anteynara, vêtu de ta simple serviette. Tu crois que ça le fait si j'y vais comme ça ? C'était sorti si naturellement ta connerie. Non sérieux. Si je veux éviter de me faire doublement remarquer, déjà qu'avec ma gueule je passe pas inaperçu, t'aurais pas des fringues de mecs dans tes placards ? Tu ne serais même pas étonné si elle venait à te pondre des fringues de mecs. Et au passage, ça t'arrangerais. De toutes les façons, tu n'avais aucunement envie de porter ces vêtements qui en avaient vécu des vertes et des pas mûres. Et le principe de se doucher, c'était d'enfiler des vêtements tout propre.
Anteynara était en colère, elle était révoltée, furieuse, offusquée. Elle se sentait trahie, d'une certaine façon. Et évidemment qu'avec tout ce bordel, elle considérait Clyde comme sa responsabilité. Il voulait se définir comme un boulet peut-être, et il l'avait été à certains moments, il le serait à nouveau pour sûr, mais il n'était pas que ça. Clyde était aussi utile et déterminé quand il le fallait. Il savait mettre de côté son égo pour que les plans fonctionnent, et c'était en partie grâce à ça qu'ils s'étaient sortis de leur cellule. Il avait su faire confiance à Antey, et ça, ça comptait beaucoup pour elle. Elle était loyale à en crever, fidèle jusqu'au bout à ses propres principes, alors il était hors de questions de laisser Clyde dans la merde. Heureusement, une fois sous la douche, elle parvint à développer un semblant de plan, qu'elle confirma une fois sortie et installée devant son ordinateur. Elle expliqua très rapidement à Clyde ce qui allait se passer et ce qu'il devait faire, à commencer par apprendre son identité. J'veux pas dire, mais t'as vraiment un nom de merde là. Anteynara ça en jette un peu plus quand même. Elle l'entendit mais n'avait pas de temps à perdre avec ses bêtises, décidant de faire la sourde sur ce coup-là. Ils n'étaient pas dans une cour de récréation, du moins, elle n'y était pas. Clyde était peut-être encore un peu coincé à ce stade-là. Une fois au téléphone et en pleine discussion, elle ne fit plus attention à ce que faisait Clyde. Elle trouvait qu'il gesticulait beaucoup pour un type avec une côte fêlée. Elle espérait qu'il continuerait comme ça et qu'il n'allait pas finir en PLS avant qu'ils montent dans leur dernier avion. Il n'était probablement pas prêt, autant physiquement que moralement, pour le périple qui les attendait et à quel point enchaîner trois vols allait être épuisant. Elle ne le connaissait pas, ne savait pas s'il avait l'habitude de voyager, s'il savait ce que c'était, d'être en transit. Ca, additionné au stress de leur situation. Elle ne voulait pas qu'il lui claque entre les doigts, surtout après tout ce bordel et les nombreux efforts. Elle revint vers lui pour lui expliquer comment ils allaient procéder à partir de maintenant. Rapide et efficace, répliqua-t-il en se dirigeant vers la salle de bain, mais elle n'avait pas fini et lui annonça finalement qu'ils allaient devoir se marier. Pardon ? Sa réaction était franchement drôle, mais elle ne laissa rien paraître. Attends, mais, pourquoi ? Parce que. Il fallait mettre le paquet pour passer inaperçu. C'est du délire. Il exagérait, à peine. Heureusement, Anteynara ne le prenait pas personnellement. Elle leva tout de même les yeux au ciel. Si après tout ce bordel, le délire c'était de devoir se marier... elle se demandait où se trouvait la norme dans leurs vies bizarres. Je vais à la douche. Bien, il avait fini par s'y faire rapidement, et c'était tant mieux, elle n'avait pas de temps à perdre avec ça. Pendant qu'il se douchait, elle remplit rapidement deux sacs de tout ce dont elle aurait besoin. Elle savait qu'elle ne reviendrait jamais ici et devait emporter ce qu'elle voulait garder. Elle s'absenta cinq minutes pour aller voir son voisin, un ami désormais, et lui emprunter un jean et un t-shirt d'homme. De retour dans la maison, elle termina d'organiser leur départ. Tu crois que ça le fait si j'y vais comme ça ? Anteynara leva les yeux vers lui... et le trouva en quasi-tenue d'Adam, une simple serviette autour de la taille. Elle le fixa un instant, le visage froid. « Non » elle claqua. « Sans la serviette, pour voir ? » demanda-t-elle sérieusement sans le quitter des yeux. Une seconde, deux, puis un sourire en coin se dessina sur ses lèvres et elle secoua doucement la tête en retournant à son macbook. Non sérieux. Si je veux éviter de me faire doublement remarquer, déjà qu'avec ma gueule je passe pas inaperçu, t'aurais pas des fringues de mecs dans tes placards ? Dans ses placards, non. Mais elle attrapa le sac en plastique dans lequel le voisin avait mis les fringues, et le lui balança. « Tiens, c'est cadeau. Ca devrait être ta taille » Elle n'avait pas observé en détail comment il était foutu, mais elle avait fréquenté deux mecs dans sa vie de façon sérieuse, et la carrure de Clyde était similaire à celle de Jay. Antey se leva à nouveau pour finir de rassembler quelques affaires pendant que lui s'habillait, et en remballant la boîte de comprimés, elle remarqua qu'il en manquait un de plus. Il ne lui fallut pas plus d'une seconde pour se souvenir vaguement des déambulations de Clyde pendant son coup de fil. « Hey. C'est toutes les quatre heures ces trucs, ok ? C'est pas des M&M's. J'veux pas me taper 24h de vol avec un boulet qui se vide par le haut et le bas simultanément, c'est clair ? » elle lui lança, sans s'énerver mais avec fermeté. Au-delà de ça, ces comprimés pouvaient être salement addictifs. La boîte termina dans sa poche et n'en sortirait que sous sa surveillance à partir de maintenant. Quand Clyde fut fin prêt, elle lui passa son sac et lui expliqua encore quelques trucs, lui montrant au passage un flingue démonté, conçu spécialement pour passer avec discrétion les contrôles aux aéroports. « Ca se monte comme ça, ok, tu sauras ? Au cas où tu te retrouves seul ? C'est important, d'accord ? » fit-elle en lui montrant où allait chaque pièce. Le geste était rapide, mais elle avait de l'entraînement. Anteynara avait l'habitude de ce genre de moments, c'était comme partir en mission. Il y avait une sorte d'euphorie pour quelqu'un comme elle. Mais il fallait se préparer aux éventualités, celle que ça puisse mal tourner. La possibilité d'être séparés. Elle était dans son élément, mais pour Clyde... Elle ne le connaissait pas vraiment, mais elle se doutait que tout ça n'était pas habituel pour lui. Elle voulait qu'il ait toutes les chances de son côté. C'était peut-être beaucoup, il était peut-être un peu perdu, mais elle l'avait vu, pendant leur captivité et au moment de leur évasion. Elle savait qu'il n'était pas un incapable complet. Après ça, ils quittèrent la maison, direction le garage où elle avait une voiture passe-partout mais fiable. Elle se mit au volant, et ils prirent la route. « Y'en a pour une heure et demie. Du coup, faut qu'on se mette au point sur nos couvertures. Tu vas voir, on va arriver et ils auront organisé une sorte de cérémonie... C'est un peu genre... les mariages à Vegas. Beaucoup de show pour rien de très sérieux. Mais va falloir être bon quand même, ok ? Dis-toi que t'es dans un film et tout sera facile. » Le conseil était peut-être un peu simpliste, mais elle n'avait rien de mieux. Elle ne savait pas s'il était nerveux, si tout ça le faisait flipper. Ce serait normal. Même elle l'était, elle avait juste l'habitude et savait gérer. Ils continuèrent à échanger, à surtout se mettre d'accord sur leurs couvertures respectives et des détails idiots comme le jour de leur rencontre... « Euh... J'ai plutôt l'habitude de ce genre de trucs. J'vais pas prétendre pouvoir faire de toi un super-espion en une conversation de quinze minutes dans une bagnole au milieu de la campagne thaïlandaise. Mais y'a deux/trois trucs à savoir. Faut suivre ton instinct à partir de maintenant. Si t'as peur, tu me le dis. C'est important. C'est des signes importants, ok ? Ca sert à rien de faire le mec invincible qui a peur de rien, des types se font tuer tous les jours en essayant de jouer à ça. » Antey n'était pas trop habituée à travailler en équipe, mais c'était quelque chose qu'elle savait faire malgré tout. Elle savait que Clyde était impulsif, renfermé, que de son point de vue, elle lui en demandait beaucoup. Mais ce n'était pas personnel, c'était juste pour être efficace. La base, savoir gérer sa peur et l'écouter, en comprendre le signal. Anteynara était plutôt sûre que tout se passerait bien, qu'il n'y aurait pas de problèmes en chemin, mais il fallait être prêt malgré tout et rester sur ses gardes. « Je m'en fais pas trop, mais on sait pas. On sait que les gars qui nous ont enlevés ont le bras long, mais on sait pas jusqu'où il va. Peut-être qu'on va droit dans un piège. Ou que les gens là-bas ont été avertis que deux américains essayent de quitter le pays. On sait pas ce qui nous attend, c'est pour ça qu'il va falloir être excellents. Tu vas gérer. J'ai confiance en toi. T'as des questions ? Un truc à me dire que je devrais savoir ? » dit-elle simplement sans quitter la route des yeux. Il leur restait dix petites minutes de route avant d'arriver au lieu de rendez-vous, un petit complexe touristique où diverses activités étaient organisées, dont les vols privés en direction du Sri Lanka. Pour les derniers échanges d'informations, c'était maintenant ou jamais.