J'ai trouvé, dans cette ville en perpétuel mouvement, un endroit de sérénité. Un havre de paix en plein d'une ville où l'agitation est reine. Moi, qui vient d'un lieu fermé où presque tout était interdit, je me retrouve ici plongé dans un tumulte sans fin. Il me fallait donc un endroit où me recueillir et retrouver un peu de calme. Chez Kath, il y avait bien trop de monde et la petite Zoé qui ne fait pas encore bien des nuits c'est délicat. Cependant, je suis très reconnaissant envers ma meilleure amie pour m'héberger le temps que je puisse établir ma vie ici. Car oui, même si cette ville est mouvementée je pense que je pourrais me plaire ici. Si Kath a réussi je devrais bien y arriver aussi.
Ce lieu, que j'ai découvert par hasard au détour d'une de mes promenades quotidiennes, est un monastère espagnol du XIIè siècle qui a la particularité d'être baptisé avec un nom français : Saint-Bernard-de-Clairvaux. Un lieu hautement chargé en histoire d'après ce que j'ai pu lire. A l'origine, il n'était même pas ici et son nom vient bien du fait qu'il a été construit en Espagne. Des siècles plus tard, un Américain féru de vieilles pierres et de mobilier le racheta et le fit charger pour l'emmener jusqu'à New-York. Mais de là il se trouva rapidement sans le sou et dû abandonner son projet qui ne fut repris que dans les années 1950 par deux habitants de Miami qui décident de le racheter et de le faire reconstruire ici. Ils ont même ajouté quelques pièces importées directement d'Espagne comme la petite chapelle datant du XVè siècle. Moi qui aime l'histoire ce récit me passionne beaucoup et c'est donc tout naturellement que j'aime venir ici.
Je me trouve justement ce matin dans la petite chapelle. Des bancs sont installés, des cierges sont déjà allumés, signe que des fidèles sont venus plus tôt que moi. Tout au fond, bien en évidence, Jésus est là sur sa croix. Une statue de la Vierge Marie est posée sur un piédestal en marbre, sur le côté droit de la petite bâtisse. Je me place sur le banc du milieu et pose mes coudes sur le rebord du banc devant moi. Je joins mes deux mains et pose mon front dessus prêt à prier pour ma famille restée au Texas dans ce complexe qui nous a pourtant fait tant de mal. Quasiment toutes mes pensées vont à ma sœur cadette et mon frère aîné. J'aurais tant aimé les ramener avec moi mais cela aurait été trop risqué. Je ne peux faire que prier alors pour leur protection et leur âme. Je ne sais combien de temps je reste ainsi mais un bruit me sort de ma concentration. Une jeune femme blonde s'installe sur le banc du centre mais de l'autre côté de la pièce. Je relève la tête et la gratifie d'un sourire avant de reporter mon regard sur Marie pour lui adresser d'autres prières, cette fois-ci pour ma femme enfin ma future ex femme.
Toutes nos plus belles prières sont entendues. Certaines s'exaucent parfois quand le désir de celles ou ceux qui les pensent, les disent est si fort que l'inverse ne serait possible. Cela faisait quelques jours maintenant que l'esprit d'Ellie semblait ailleurs. Sa vie semblait prendre un tournant qu'elle n'avait pût contrôler, prévoir d'avance. Le destin faisait bien les choses, comme il pouvait parfois dresser sur nos routes, de véritables obstacles capables de nous anéantir. Il y avait Arlo quelque part, son illégalité, sa différence avec la sienne, puis Isaiah, frère de sang qui veillait sur elle depuis toujours et surtout, il y avait Dean. Un homme, lambda d'apparence qui lui avait saisit le cœur la ou elle ne l'attendait pas. C'était fou, complètement surréaliste, après tout, elle ne le connaissait à peine. Ellie s'attache, son cœur palpite, brûle, irradie totalement quand il ne le devrait pas. La porte est ouverte, Arlo lui a ouvert cette porte, et maintenant, c'est tout un flot de sentiments qui la submergeait sans qu'elle n'était prête à les accepter, ni les recevoir. Son corps tremblait, sa peau frissonnait alors que les échos des coups de feu lui revint en tête. Dean l'avait appelé, elle en avait été heureuse, mais avait aussi apprit, malgré elle, qu'il occupait la profession de militaire. Un homme bon, juste, protecteur du peuple, un ange gardien qui lui avait été mit sur sa route sans qu'elle ne l'ait demandé. Son ange gardien. Ange gardien malmené, brisé qui sait. Elle n'en savait véritablement rien.
Les larmes ce jour lui avait grimpées aux yeux alors qu'elle lui suppliait à l'autre bout du combiné de lui parle. Juste un son, le son de sa voix pour la rassurer sur sa sécurité avant tout. Elle voulait le savoir en vie, mais il ne lui a jamais donné cette précieuse information, ce sentiment de réconfort qui aurait pût apaiser son âme. Dès ce jour, ce triste jour, elle avait continué de s'inquiéter de son sort. Sa raison lui soufflait d'être réaliste, Dean avait périt, tandis que son cœur lui, l'en dissuader fortement. Dean était vivant, il s'en était sorti. Ses pensées en tout cas, lui étaient toutes adressées, comme cette prière qu'elle s'apprêtait à faire. Sa silhouette svelte, pâle entra dans la petite chapelle. Son divin était la, face à elle, si grand, si imposant. Il l'était Dieu, dans le cœur de tout les croyants. Il avait cette place qu'aucun être vivant ne pouvait avoir. Il était précieux son dieu. Doucement, elle s'avança, avant de prendre place sur le banc central après avoir sourit, tristement, beaucoup trop tristement à cet homme qui se trouvait la, lui aussi. Ses deux genoux flanchent, elle se prosterne, à genoux, les mains jointes, le regard rivé sur cette croix. Les paroles de Dean lui revint en tête alors qu'il se trouvait encore à ses côtés, dans cette église. Pour certains, l'image pouvait être choquante, mais pour elle, c'était l'espoir que ses prières soient exaucées.
L'émotion la submergea, son cœur s'affola et ses larmes, trop nombreuses à verser commençaient à poindre dans ses yeux. Elle les ferma quelques secondes, laissa une d'elle, de larmes, se verser sur sa joue de porcelaine. Dans son crâne, l'image du militaire, de l'asiatique avec qui elle avait aimé échangé. Ses sourires, son aide bienveillante, sa curiosité. Elle voulait se focaliser sur ça, rien que sur ça. Ce maigre échange entre eux qui lui était devenu précieux quand ses pensées noires s'imaginaient le pire. «Mon dieu.. pitié.» qu'elle murmurait la voix tremblante. C'était les derniers mots qu'il avait certainement du entendre, à moins qu'il était déjà sur le champ de bataille. Ses mains se resserrent un peu plus avec force , ses doigts s'agrippent, elle tremble une fois de plus pour relâcher la pression, cette tension finalement. Son cœur ne sait se contenir à nouveau. En un bruit sourd, elle se met à pleurer sans penser qu'elle pourrait être entendue, et non pas que par son Dieu. Ses yeux peinaient à s'ouvrir, noyés par ses larmes nouvelles. La douleur était la, poignante, trop prenante pour quelqu'un qui est habituée de croire que le monde est beau, que tout le monde est beau et que l'humanité entière n'est que bonté au final. Ce n'était pas ça la réalité finalement. La réalité pouvait parfois être fade, sans saveurs, dure, malheureuse et Dean n'avait au final fait que lui montrer la brutalité du monde, un monde en guerre, un monde ou les êtres humains ne sont pas même ne paix avec eux même, ou à défaut de se tenir la main et se serrer les coudes, préfèrent faire usage d'armes pour se détruire. Triste monde, triste réalité, fatalité qu'elle devait accepter à tout prix Ellie.
Pendant que je prie et que je pense à Kath, j'entends tout doucement mais distinctement que la jeune femme implore la pitié de Dieu. Puis, elle se met à pleurer. Ce pourquoi elle est ici doit être grave pour elle et je n'ai jamais aimé voir une femme pleurer. Cependant ma retenue me retient sur mon banc. J'essaye de continuer mes prières mais un rapide coup d'œil vers elle me fait stopper. Je me lève alors le plus en silence puis viens me placer sur le banc derrière elle. J'hésite un peu puis pose délicatement ma main sur son épaule. Je le sens sursauter. Je suis sur que vos malheurs s'atténueront et que vos prières seront entendues. Le Seigneur écoute toujours ses enfants, dit-on. J'enlève ma main de peur que cela soit mal perçu. Kath m'a dit que de nos jours il faut faire attention à tout ce que l'on fait pour que ça ne doit pas mal interprété. Cette simple main sur une épaule était dans un mon esprit un geste d'apaisement et de soutien. Son émotion me touche et je me voyais mal la laisser pleurer comme ça dans mon coin. Dieu nous a inculqué la bienveillance envers notre prochain, nos frères et sœurs. L'amour et l'entraide sont essentiels dans nos vies. Je ne me serais pas senti bien si j'étais reparti sans rien avoir tenté pour qu'elle aille mieux. Ce n'est pas dans mon tempérament ni dans ma manière de faire de laisser les gens de côté.
Je prends une grande inspiration et je me place maintenant à côté d'elle. Est-ce que vous voulez que je prie avec vous ? demandais-je innocemment avec un doux sourire. Bien loin de moi l'idée de la déranger ou d'insister si elle me dit non je repartirais de mon côté et prierai pour les miens de nouveau avant de sûrement refaire un tour en ville et de rentrer quand la faim se fera sentir.
Cette prière la. Elle lui était entièrement réservée, comme toutes celles qu'elle avait pût faire jusqu'à ce maudit coup de téléphone. Les mains jointes, pressées le plus fort possible l'une à l'autre, les yeux clos, des reniflements lourds, la détresse était clairement maîtresse en ses lieux. Une détresse qu'elle espérait au plus profond de son être combler par la présence de son seigneur. Dieu miséricordieux présent pour ses fidèles, prêt à leur accorder le pardon divin, les guider dans sa foi, les guider vers ce chemin de lumière précieux qui les conduira jusqu'à la félicité la plus pure et la plus sereine. Ellie. Elle priait fort, de tout son cœur, de toute son âme. Elle priait le retour d'un militaire, que l'éternelle protection du Christ soit un bouclier contre les tirs et les grenades dégoupillées qui voleraient jusqu'à lui. Elle priait Ellie, pendant que lui de son côté luttait pour sa survie. Dans son malheur, une main lui fut tendue. Posée d'un seul coup sur son épaule pour la soutenir dans sa tristesse. Son cœur en fit un bond et ses yeux, clos depuis un moment, s'étaient réouvert sur la triste réalité. Sur cette croix face à elle, sur cette chapelle, sur cet endroit ou elle n'était pas seule.
Une voix d'homme lui parvint à l'oreille. Son ouïe la distingue de derrière. Je suis sur que vos malheurs s'atténueront et que vos prières seront entendues. Le Seigneur écoute toujours ses enfants. La bonté anime souvent le cœur des fidèles, entre eux ils s'entraident mais pas que. Ils tendent la main vers ceux qui en ont besoin, apportent un peu de gaieté et de bonne humeur, de l'amour aussi à ceux qui en manques. Doucement, sa tête se tourne, cherche à capter un regard avec le sien, humide mais elle n'a pas le temps. L'homme finit par s'installer à ses côtés, seul moment ou elle peut croiser son regard alors qu'il se propose de prier avec elle, un sourire aux lèvres. Il se propose d'atténuer son chagrin, de partager son fardeau, de l'élever vers la lumière quand les ténèbres cherchent à la détruire. «Je-.. Je ne veux pas vous prendre vôtre temps. Si vous êtes ici, je supposes que c'est parce, que vous aussi quelque part, vous cherchez des réponses auprès de nôtre seigneur.» Sa voix fine est encore prise par l'émotion, et elle tente pourtant, de la canaliser au maximum, de la détendre pour éviter de craquer la, devant cet inconnu qui s'est, gentiment présenter à elle, qui s'est installé auprès d'elle. «Certains de nos fardeaux sont plus durs à porter que d'autres.. Je suis venue ici juste pour être entendue. Je n'attends pas de réponses. Je veux juste que quelqu'un m'écoute, m'aide.» Elle porte un regard vers cette croix, retient un trémolo, renifle un peu plus bruyamment mais tente de ne pas lâcher d'autres larmes. Essayer d'être forte. Il fallait qu'elle le soit un minimum pour elle, pour ses proches, pour Dean aussi. «J'ai foi en beaucoup de choses.. En l'espoir , en la lumière, au soleil et les beaux jours après l'orage. J'ai toujours crus de toute façon que les ténèbres ne pouvaient demeurer sans la lumière..» Elle était bienveillante Ellie, toujours garder la tête haute et le sourire étaient maîtres dans son vocabulaire. «Et pourtant aujourd'hui.. Je l'ai perdue. Ma tête est pleine d'images toutes des plus obscures les unes que les autres.Les rires ont étaient remplacés par les cris, la vie par la mort. Et j'ai peur.. Je suis tétanisée à l'idée qu'il ne me revient pas et que ses images deviennent réelles.» Il. Dean. Nerveusement, elle revint jouer avec ses doigts, n'ose pas lever les yeux sur ceux de l'individu à ses côtés. Elle voulait être écoutée et entendue, conseillée peut-être, et même si elle ne le connaissait de nulle part, elle avait besoin que tout cela sortes d'elle, quand en temps normal, elle tente de faire le bien autour d'elle, de redonner foi et espoir à tous ceux qu'elle croise. Aujourd'hui et plus que tout, c'était elle qui avait besoin d'espoir.