Spencer n’est pas le genre de gamin pour lequel on peut décrire une enfance facile, loin de là. Sa mère faisait les trottoirs et il ne doit sa présence qu’à un préservatif craqué d’un des nombreux clients de sa mère. En somme, ce n’est qu’un batard qui n’était pas destiné à voir le jour. Vous l’aurez compris, Spencer n’a jamais connu son père et au final il ne connaissait pas vraiment sa mère. Cela peut paraitre cliché, mais sa mère était quasiment tout le temps sous l’emprise de stupéfiants, voilà pourquoi elle se prostituait, pour pouvoir satisfaire son appétit féroce d’héroïne cocaïne ou autre substance. Bon, et aussi pour subvenir à ses besoins. Ca, elle le lui répétait bien assez souvent pour qu’il s’en souvienne ! Il n’a jamais vraiment été aimé de sa mère, du moins c’est l’impression qu’elle lui donnait. Il avait plus ou moins ruiné sa vie… enfin… si on y regarde de plus près sa vie fut ruinée bien avant sa naissance.  Cela aurait pu être simple pour les deux si elle avait avorté ou abandonné, mais elle ne l’avait pas fait, alors peut-être qu’elle tenait un peu à Spencer, non ? Peut-être qu’elle ne savait simplement pas comment faire… Oui, c’est ce que Spencer préférait se dire…

Une naissance non voulue et une enfance chaotique… Spencer et sa mère vivaient dans un hôtel miteux. Enfin hôtel… il ne portait que le non d’hôtel c’était plutôt un « refuge à putes ». C’est le nom que donna Spencer à cet endroit dès lors qu’il fut en âge de comprendre ce qu’était une prostituée : très rapidement en réalité. Il faut dire que le pauvre enfant passait ses journées dans le couloir de l’hôtel. Il voyait passer des hommes et des femmes dévêtues à longueur de journée et s’y était habitué. Le plus dur dans tout ça, c’était la solitude. Même lorsqu’il fut en âge d’aller à l’école, il restait la plupart du temps dans ce couloir miteux. Personne ne l’amenait à l’école. Enfin… parfois sa mère le faisait mais c’était très rare. Elle avait « trop  de boulot », comme elle le répétait souvent… Alors peut-on se faire des amis quand on ne va à l’école qu’une fois par semaine voir moins ? Puis il n’y avait pas que ça… le retard pris scolairement était énorme… Il ne savait pas vraiment lire, ni vraiment écrire, et plus le temps passait, plus c’était difficile… Durant son temps libre et il en avait beaucoup, il avait bien tenté d’apprendre à lire avec ses manuels d’école, mais… sans aide, c’était irréalisable. Il avait fini par lâcher l’affaire.

Au collège, alors qu’il était en âge de se rendre seul à l’établissement et heureux de pouvoir enfin apprendre, la méchanceté des enfants lui fit perdre tout espoir. Il se souvenait encore de ce mardi après-midi en cours d’histoire où le professeur lui demanda de lire un document… Spencer avait essayé. Il avait essayé de toutes ses forces, mais à part un « tu » par là et un « le », il n’était pas capable de déchiffrer bien plus. Les rires des autres enfants, les moqueries… l’avait convaincu d’abandonner totalement l’école… Pourtant Spencer était loin d’être bête, il était malin, débrouillard et habile de ses deux mains. Avec un peu d’aide, il y serait parvenu, mais personne ne lui a tendu la main, même pas ses professeurs… Ce jour-là fut le dernier où il fréquenta un établissement scolaire. Personne ne se souciait de son absence. Des gamins comme lui, il y en avait malheureusement des tas.

Par chance, oui, Spencer appelait ça de la chance, un jour, un client de sa mère oublia un appareil photo. Un très bel appareil photo.  Spencer le récupéra. C’était clairement le plus beau cadeau qu’il n’avait jamais reçu, enfin… ce n’était pas vraiment un cadeau, mais pour lui, c’était tout comme. Il apprit à s’en servir un peu plus chaque jour. Chaque matin, il partait à l’aventure en ville, découvrir le monde à travers ce petit objectif.  Il s’émerveillait d’un rien et la solitude lui paraissait moins pesante.

C’est un soir d’hiver que tout bascula. Spencer n’avait que 15 ans lorsqu’il découvrit sa mère morte, une overdose probablement. Triste ? Oui, il l’avait été. Même si sa relation avec sa mère était loin d’être des plus affectueuses, il se rappelait d’avoir passé des bons moments avec elle.  Ils étaient rares, mais Spencer avait des souvenirs qu’il chérissait énormément. Celui d’une soirée pizza devant Rocky par exemple. Ce soir-là, il prit son sac à dos, quelques affaires, l’argent que planquait sa mère dans un pot, son précieux appareil photo et une photo de lui et sa mère.  Il passa plusieurs nuits dans la rue et dépensa le peu d’argent qu’il avait en nourriture. Il préférait la rue aux foyers et échapper aux services sociaux lui semblait bien mieux. Il faisait des petits boulots pour subvenir à ses besoins, mais quand on ne sait ni lire, ni écrire les petits boulots sont restreints. Serveur ? impossible. Caissier ? Aussi. Bref, il faisait comme il pouvait et s’en sortait plutôt pas trop mal.

Un jour, un homme, M. Roc, le repéra dans la rue. Enfin il repéra surtout son goût pour la photo.  Lui, c’était son métier et il voyait du potentielle chez Spencer. Il lui enseigna tout ce qu’il savait et bien plus encore. Spencer avait trouvé sa voie, mais se faire engager quand on n’a pas de diplôme, c’était bien plus difficile qu’il ne croyait.
Spencer continua à enchainer les petits boulots et réussi même à mettre assez d’argent de côté pour s’acheter une petite caravane. Ce n’était pas bien luxueux, mais c’était chez lui !  Le premier lieu où il était enfin chez lui.

Il y a un an tout juste, il décida de prendre son sac à dos et de partir faire le tour du monde. Enfin, pas vraiment un tout du monde, mais un tour des Etats-Unis et c’était déjà pas mal pour lui. A son retour, M. Roc fut encore là pour lui et lui trouva même un boulot chez un photographe. C’était un vrai boulot ! Certes, prendre en photo des enfants pour leur photo de classe ou des jeunes mariés, ce n’était pas vraiment ce qui le faisait vibrer, mais au moins, il faisait ce qu’il aimait.

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