* 8 ans plus tôt *

Je tournai ma tête vers Jordan, les pommettes un peu rouge. On avait beau être à Miami, la température se rafraichissait toujours en hiver. Surtout que là, c'était le nouvel an et j'avais peut être volé deux-trois coupes de champagne à mes parents en douce. Enfin.. Jordan les avait volés plutôt. Lui, c'était le fils des amis de mes parents. On fêtait le nouvel an ensemble depuis quelques années maintenant. Il était plus vieux que moi de cinq ans, mais j'étais plutôt mature dans mon genre donc.. On s'entendait bien. Très bien même. On se balançait sur la balançoire de la véranda dehors et je souriais. Sans le savoir, il me faisait sourire et me faisait oublier les problèmes à la maison. On avait l'air d'une belle famille unie lors des jours de fêtes, mais c'était loin d'être le cas habituellement. J'avais encore un bleu sur la joue parce que mon père s'était mis en colère la semaine dernière. Heureusement que j'avais du maquillage. Je leva mes deux mains vers Jordan en gloussant. « Bouge pas. » lui dis-je. « Tu me laisses essayer un truc? » lui demandai-je ensuite avec un beau sourire angélique. J'approcha mon visage du sien et posa doucement mes lèvres sur les siennes. Tranquillement, j'y glissa ma langue et la caressa contre la sienne. Ce n'était pas la première fois que nos lèvres se touchaient, mais de la sorte, oui. C'est un peu ce que je voulais dire lorsque je disais qu'on était proches. J'éloigna mon visage du sien avec un sourire, lui pris le bras et on retourna à l'intérieur.

* Maintenant *

Suite à ce soir là, Jordan et moi passions beaucoup de temps ensemble. Il était le premier garçon pour qui je craquais, mais en même temps s'amusait plus que d'autre chose. Je m'en rappelle comme si c'était hier parce que quelques mois après, c'est là que mon viol se passa. Mon propre père. Ce n'était pas suffisant de se défouler sur moi mentalement et physiquement. Il fallait qu'il fasse cela, comme si je lui appartenait. J'étais jeune, j'avais honte. Suite à cet événement, je coupa les ponts avec Jordan. Comment pourrais-je continuer de le voir, de le rencontrer dans les réunions familiales alors que mon père avait abusé de moi? Je ne savais pas à qui en parler. Quelques mois après, j'en parla avec une amie et celle-ci le dit à sa mère. Une enquête fut ouverte, mais par manque de preuve, le temps ayant passé, ce ne fut pas suffisant pour le mettre derrière les barreaux. Les policiers avaient été discrets, je ne voulais pas que ça se sache. Moi, je fus placé dans une famille d'accueil. Ce n'est que trois ans plus tard que je tomba sur Jordan à un moment. J'avais 16 ans. Bien sûr qu'il se posait des questions, bien sûr qu'il était en colère. Je le comprenais, on était proches après tout. Cette fois là, on s'était disputé, comme jamais on ne s'était disputé auparavant. J'avais fini par tout lui avouer.

Un bruit sourd me sorti de mes pensées. Ma mère descendait sa valise dans les escaliers et elle l'avait fait tombé. « Bon ma chérie, j'ai laissé de l'argent sur le comptoir pour toi durant la semaine. Sois sage s'il te plait, ne met pas la maison en feu. Je t'aime. » me dit-elle en me serrant dans ses bras. « Oui oui, promis. Je t'aime aussi. Bon voyage. » dis-je avec un sourire. Je ferma la porte derrière elle et me jeta sur le sofa. Pffiou, c'était lourd de repenser à ces moments. Pourquoi j'y pensais justement? Ah oui... Parce que c'était arrivé aujourd'hui même, il y a 8 ans. J'y pensais à chaque année, ça ne devenait jamais moins pesant, surtout en sachant que mon cher paternel était bien libre chez lui quelque part à Miami. J'avais fini par m'y faire, du moins j'essayais. Je me mis un film afin de me changer les idées et vit qu'il commençait à faire noir. Je pris une couverture et m'étendit avant de plonger dans l'histoire.

Deux-trois petits coups sur ma porte, c'est ce qui me tira de mon sommeil à peu près 1h30 plus tard. Le film tirait sur sa fin. Je sursauta et passa une main sur mon visage afin de me réveiller comme il le faut. J'alla ouvrir ma porte et tomba sur Jordan, le visage ensanglanté avec quelques blessures. Il peinait à se soutenir, j'ouvris donc la porte bien grand et pris son bras pour l'aider à entrer. « Oh mon dieu, Jordan! » dis-je en me penchant pour voir son visage. Je l'aida à s'asseoir sur le sofa et l'appuya comme il le faut. « Qu'est-ce qui s'est passé? Est-ce que tu as d'autres blessures? » demandai-je un peu sur le ton de la panique. Je n'étais pas très douée dans ce genre de situation. Je le tâta un peu, touchant ses épaules, descendant mes mains un peu. Je leva même son t-shirt pour voir s'il n'avait pas de blessures à l'abdomen.

Jordan s'était présenté à ma porte, en sang. Jordan il était... Spécial. Je ne savais même pas comment décrire notre relation, mais une chose était sûre, je ne le laisserais pas sur le pas de ma porte comme ça. Je le fis rentrer rapidement même, inquiète. « Bien sûr, tu sembles aller très bien. » lui dis-je en l'aidant à marcher. Je l'installa sur le sofa, à la recherche de d'autres blessures, mais il m'assura qu'il n'avait rien d'autre. Pourtant, tout ce sang devait bien venir de quelque part. Lorsque je leva son chandail, je me rendis vite compte qu'il mentait. Je n'aimais pas forcément le sang et resta figée durant un petit moment. « Oh mon dieu.. Pourquoi tu me dis que t'as rien? » lui demandai-je un peu en panique. Je me leva rapidement et alla chercher une serviette afin de l'appuyer fortement sur sa plaie. J'étais concentrée sur ce que je faisais, éponger le sang et nettoyer le tout un peu. Jordan me lança une bombe en plein visage et referma ses yeux ensuite. Je leva le regard un peu larmoyant vers lui. « Quoi? » demandai-je.

Mon père était un monstre. Je pense qu'il n'avait comprit ce qu'était l'amour paternel. Je ne l'avais jamais ressenti en tout cas. Chaque année, je n'en revenais pas qu'il soit toujours libre. Qu'il puisse marcher dehors, sortir de sa maison librement. Qu'il puisse passer près des écoles, rencontrer d'autres enfants sur son chemin, qu'il puisse continuer sa vie alors qu'il avait gâché la mienne durant des années. Je m'en étais remise. C'est ce que je disais, mais se remettait-on vraiment de ce genre d'expérience, de ce genre d'événements traumatisants? Je ne pense pas.

Ce n'était pas la nouvelle de l'année, je savais que Jordan avait l'habitude de le confronter. Mon père n'avait jamais été arrêté pour ses crimes et c'était sa façon de me venger. Sauf que je n'avais jamais voulu qu'il termine blessé. Surtout de cette façon, c'était plutôt grave. Jordan était une tête de mule en même temps, je n'avais jamais vraiment pu le stopper de quoi que ce soit, même si j'avais toujours insisté sur le fait que c'était une mauvaise idée. Il était dangereux comme personne, pas qu'avec moi, mais bien avec tout ceux qui osaient le défier ou se mesurer à lui. Suffisait de lui tenir tête pour le rendre fou, c'était ce qui s'était passé avec moi. Je ne l'avais pas revu depuis les années, mais de savoir qu'il était dans la même ville que moi me rendait folle.

J'appuya un peu plus sur la blessure de Jordan et lui pria d'ouvrir les yeux. « Qu'est-ce que tu veux dire par il s'en sort moins bien? » lui demandai-je doucement. C'était probablement horrible de ma part de souhaiter qu'il soit mort. Cependant, je ne voulais pas que Jordan soit responsable de ça, je ne voulais pas qu'il y soit mêlé, ça pourrait gâcher sa vie. « Tu dois arrêter de faire ça... Faut plus aller le voir. » lui dis-je ensuite. Ça pourrait vraiment mal finir un jour. Je savais bien qu'il n'entendrait pas ça de cette façon. « Je ne pourrai rien faire pour ta blessure ici. Il faudra aller à l'hôpital Jordan, ça va s'empirer sinon. » lui dis-je, mais c'était plus une demande. S'il ne s'y était pas rendu immédiatement, c'était qu'il ne voulait peut être pas y aller. Je tenta de le lever doucement, plutôt difficilement même. « S'il te plait. J'ai besoin que tu ailles bien. » dis-je en le regardant.