Reid & Kath'

Entendre mon frère me dire que j’étais courageuse ne me laissait pas indifférente. Pour moi c’était important qu’il me voit comme une femme forte et accomplie. Ça me touchait de l’entendre dire cela alors que je venais d’avouer que parler de mon passé au psychologue me rendait faible. Il me dit que lui, il n’était pas prêt à en parler à quelqu’un comme moi je le faisais, qu’il pouvait se satisfaire de notre duo. Lorsque j’avais commencé les séances, je n’avais personne à qui parler, pour lui c’était certain, c’était différent car j’étais là. Tout comme moi, le passé avait laissé des traces dans le cœur et l’âme de mon frère. Sa faiblesse à lui c’était Nora. Je savais à quel point il l’avait aimé et que sa perte avait été douloureux pour lui comme pour moi, certes à un degré différent, mais quand même. Je m’excusai pour ma fuite précipitée du complexe qui m’avait fait défaillir au rôle de soutien que j’avais toujours eu jusque là pour mon frère ainé. « Je pensais que toi et moi, on se dirait toujours tout, qu'on ne s'abandonnerait pas même dans les pires circonstances. » Il marqua une pause et je ne savais pas quoi lui répondre. Rien de ce que je ne pourrais dire ne pourrait réparer ce que j’avais fait. Reid repris, avec des propos presque plus bienveillants à mon égard. « Tu as fait ce qu'il te semblait juste, tu as saisi l'opportunité de ta vie, je peux pas te blâmer pour ça. » Je baissai le regard pour fixer mes pieds un instant. Il était trop gentil. Pourquoi agissait-il de la sorte avec moi ? Je ne comprenais pas comment il arrivait à passer outre toutes les choses que je pouvais faire et qui pouvaient l’atteindre. J’avais de la chance d’avoir un Reid dans ma vie. Je relevai mon visage pour croiser son regard, lui disant que j’espérais acquérir son pardon un jour. Je savais que j’aurais été complètement anéantie s’il avait préféré s’échapper de notre vie sans moi. Je pense que j’aurais même été en colère contre lui. Il avait toujours été mon pilier dans ma vie et s’il était partis, clairement je me serais effondrée, mais pas lui. Lui il était fort et avait été de l’avant. Cette conversation commençait à peser sur mon cœur. Je sentais à nouveau ma gorge se nouer et mon estomac se mit à se tordre en boule. Heureusement, malheureusement, je ne sais pas trop, Reid changea subitement de sujet comme s’il avait sentis qu’il était temps de laisser le passé derrière nous. « T'as l'air de... bien t'entendre avec ton médecin, je me trompe ? » Je le regardai un instant, surprise avant de me mettre à rougir. Mon dieu, il fallait que je cesse de piquer un fard à chaque fois que mon frère abordait le sujet. Je me mis à balbutier très rapidement quelques mots pleins d’hésitation. « Non … enfin si … disons que c’est … un ami ! » Je m’éloignai de mon frère pour attraper les deux tasses vides et les mettre dans l’évier. Je ne savais pas si je pouvais aborder ce sujet-là. Je savais qu’il n’était pas idiot et qu’il avait dû comprendre que William n’était pas seulement le docteur très amical, mais est-ce qu’il allait accepter cela ? Je n’avais pas vraiment envie qu’il s’immisce dans ma vie sentimentale ni même sexuelle … J’avais toujours mit un point d’honneur au complexe à éviter le sujet, d’une part parce que techniquement le flirt n’était pas très autorisé en dehors d’un mariage – et oui ca faisait mauvais genre – d’autre part parce que sa façon hyper-protectrice envers moi me faisait redouter le moment où il devrait faire la connaissance d’un potentiel petit-ami. « Dis-moi, j'sais pas toi mais moi je suis affamé, on se commande quelque chose ? » Je soufflai discrètement de soulagement puis me retourna vers mon frère. J’étais bien content qu’il n’insiste pas plus que ça. De toute manière, un jour ou l’autre il faudrait bien que je lui parle de William. Il n’était pas personne et les chances pour qu’ils ne se croisent jamais tous les deux étaient presque nulles. Autant que je fasse les présentations avant que le hasard le fasse pour moi. « Compte pas sur moi pour que je te fasse à diner. Je suis fatiguée par le travail donc ce sera … » Je décrochai un papier d’un restaurant asiatique où l’on pouvait se faire livrer et qui était vachement bon. «  … Sushis ! » Je lui montrai le petit fascicule des commandes avec un grand sourire. Depuis ma fuite du complexe, j’avais mis un point d’honneur à essayer de goûter aux diverses cuisines du monde. Pour l’instant la meilleure avait été celle-ci. « T’as déjà goûté ? » Je ne savais pas trop ce qu’il avait déjà mangé ou non depuis cinq mois qu’il avait été à l’extérieur. Sans aucun doute la cuisine européenne et les fast-foods mais était-ce le cas pour tous ce qui était poissons crus ? Je pris mon téléphone et commanda diverses petites choses pour qu’il y en ait pour tous les goûts. S’il en restait ce n’était pas bien grave, on pourrait toujours les conserver pour le lendemain. Une fois cela fait je fis signe à mon frère d’aller dans le salon. « Tu sais Alec est aussi mécanicien et il vient lui aussi d’un endroit comme le nôtre. » lui dis-je en m’asseyant lourdement sur le canapé. « Mis à part ces points communs, vous êtes très différents l’un de l’autre. Son histoire est terrible, la secte dans laquelle il était, elle était vraiment sordide et ca lui a laissé pas mal de traces. Quand tu le verras, soit indulgent avec lui. Il peut paraitre un peu bizarre mais dans le fond c’est un gentil garçon. » Je savais qu’Alec était un chouette type, même s’il était assez introverti c’était quelqu’un d’intéressant qui essayait de se reconstruire tout comme moi. Sa maladresse et sa peur constante de tout et de tout le monde m’avait fait le prendre en quelque sorte sous mon aile. Il était toujours là pour moi si j’en avais besoin et j’étais toujours à pour lui. C’était un ami très important et j’espérais que Reid et Alec s’entendraient bien aussi.
 

Kath' & Reid

Ce serait mentir d'affirmer que Reid n'était pas rancunier. Il l'était et ça le poussait parfois même à agir de manière complètement insensée et déraisonnable. Quitte à éprouver des regrets bien plus conséquents que sa rancune initiale. La plupart du temps, Reid utilisait son cerveau et son intelligence à bon escient, mais il était humain avant tout et parfois, dieu savait que l'homme pouvait être con. Cela dit, il savait également faire la part des choses. Et c'était exactement ce qu'il faisait avec sa sœur, il faisait la part des choses. A quoi bon lui cracher tout ce qu'il avait sur le cœur, toute cette rancœur qu'il ressentait lorsqu'il repensait à sa fuite du complexe ? Reid était persuadé que ça ne les mènerait à rien. Ce qui était fait était fait. Le jeune homme pouvait se montrer patient, sa rancœur se dissiperait, il le savait. Un an s'était écoulé depuis que Kathelyn avait quitté le Texas, et tout ce que Reid avait pu tirer de cette expérience, c'était que les regrets n'égaleraient jamais le manque qu'il avait ressenti et qui s'était épris de chaque parcelle de son corps. Alors elle était là sa conclusion : il ne prendrait plus jamais le risque de perdre sa sœur, quoiqu'il puisse arriver. De toute façon, Reid savait qu'il ne pourrait pas supporter une nouvelle séparation. Bon, c'est peut-être sorti tout droit d'un mantra à l'absurdité et la niaiserie sans fond, mais il avait enfin ressenti l'impact de Kathelyn sur sa vie lorsqu'il avait cru l'avoir perdu. Alors clairement, l'heure n'était pas au déballage de ressentiments. Ce soir, il avait retrouvé cette part de lui, et étrangement, il avait l'impression que plus rien ne pouvait désormais l'atteindre. Revoir sa petite sœur l'avait revigoré et il commençait enfin à se sentir lui à nouveau. Reid s'empressa alors de ne pas s'éterniser sur le sujet "Nora", parfaitement conscient qu'il s'agissait d'une corde sensible pour Kath comme pour lui. Bon, évidemment il aurait pu trouver une thématique moins embarrassante pour sa sœur, mais que voulez-vous, Reid était protecteur et curieux, le combo parfait pour évoquer la carte du petit-ami. « Non … enfin si … disons que c’est … un ami ! » Kath ne savait pas mentir, et intérieurement, Reid était tordu de rire. Il fit mine de comprendre, suivant sa sœur du regard lorsqu'elle s'éloigna de lui. « Tu me fileras sa carte ? Les médecins proches de leurs patients, on en trouve pas à tous les coins de rue. » Ça puait le sarcasme à plein nez, et Reid savait y jouer. Le but n'était pas d'installer un malaise entre sa sœur et lui, il voulait lui montrer que même après un an sans la voir, il restait toujours ce même protecteur invétéré. Parks confia finalement à sa sœur qu'il avait une faim de loup, ce à quoi elle répondit : « Compte pas sur moi pour que je te fasse à diner. Je suis fatiguée par le travail donc ce sera … Sushis ! » Il sourit devant l'exaltation de sa sœur, avant qu'elle n'ajoute : « T’as déjà goûté ? » Il hocha négativement la tête, parcourant le fascicule des yeux. « J'ai entendu que les gens en raffolaient. C'est l'occasion de goûter. » Dit-il, avec un entrain certain. Reid n'était pas difficile niveau alimentation -faut dire qu'au complexe, personne ne pouvait se permettre de l'être-. Une fois la commande passée, le brunet suivit sa sœur dans le salon, prenant place à ses côtés dans le canapé. « Tu sais Alec est aussi mécanicien et il vient lui aussi d’un endroit comme le nôtre. » Alec, c'était le colocataire dont elle lui avait parlé précédemment. « Mis à part ces points communs, vous êtes très différents l’un de l’autre. Son histoire est terrible, la secte dans laquelle il était, elle était vraiment sordide et ça lui a laissé pas mal de traces. Quand tu le verras, soit indulgent avec lui. Il peut paraitre un peu bizarre mais dans le fond c’est un gentil garçon. » Reid pouvait paraître froid au premier abord, mais lorsqu'on creusait, on découvrait son caractère tendre et attentionné. « Je suis certain qu'on va bien s'entendre lui et moi... il est comme nous. » Et c'était une chance que Kath soit tombée sur une personne telle que cet Alec, et vice-versa pour lui. « Et puis, pour accepter de dormir sur le canapé, il ne peut être qu'un mec cool. » Ajouta le jeune homme sur le ton de la plaisanterie. Reid laissa son regard parcourir la pièce dans sa globalité avant de le reposer sur sa sœur. « C'est sympa chez toi, on s'y sent bien. J'ai commencé à regarder les offres d'appartement dans la ville, j'étais ambitieux de penser que je pouvais en avoir un à moi seul. Va falloir que je me cherche un colocataire qui me trouve pas trop bizarre, et je sais d'avance que c'est pas gagné. » Avoua-t-il à sa sœur, d'une voix mi-sérieuse, mi-amusée. Clairement, les revenus de Reid ne lui permettraient pas de payer un loyer tout seul, les prix ici étant clairement exorbitants pour le salaire qu'il touchait.

Reid & Kath'

J’étais bien contente de faire découvrir quelque chose à mon frère malgré ces cinq mois déjà passés à l’extérieur du complexe. Même si cette découverte se limitait à des sushis cela me faisait plaisir quelque part de pouvoir lui apporter cette nouveauté dans sa vie. Malgré notre différence d’âge assez minime, c’était lui qui m’avait souvent appris les choses de la vie et j’étais ravie de changer cela pour une fois. Alors que nous étions installés confortablement sur le canapé, je me suis dit qu’il serait bien que je lui parle un peu de mon colocataire afin qu’il sache à quoi s’attendre avec Alec. Il était un peu spécial mais il était très gentil et j’espérais que malgré toutes ses bizarreries, mon frère allait également l’appréciait. Je ne rentrai pas dans les détails de sa vie passé car je trouvais que cela lui appartenait. Même si Reid était une personne de confiance je me disais qu’Alec lui en parlerait comme il l’avait fait avec toi quand il le souhaiterait. « Je suis certain qu'on va bien s'entendre lui et moi... il est comme nous. » Je souris à mon frère, ravie d’entendre ce genre de paroles. Je ne doutais pas qu’il puisse dire autre chose mais ça me faisait du bien de l’entendre dire ça. C’était important pour moi qu’il s’entende avec Alec car celui-ci représentait beaucoup pour moi, malgré tout. Même s’il n’avait pas vécu les mêmes choses que moi et inversement, il pouvait me comprendre plus que n’importe qui hormis mon frère maintenant. « Et puis, pour accepter de dormir sur le canapé, il ne peut être qu'un mec cool. » ajouta Reid. Un petit rire s’échappa de mes lèvres et j’hochai la tête positivement. « C’est vrai … Mais c’est provisoire de toute manière. » Le provisoire commençait tout de même à s’étendre un peu dans le temps maintenant. On espérait changer d’appartement prochainement pour prendre quelque chose de plus grand, mais Lina étant absente nos projets étaient restaient en suspens. « C'est sympa chez toi, on s'y sent bien. J'ai commencé à regarder les offres d'appartement dans la ville, j'étais ambitieux de penser que je pouvais en avoir un à moi seul. Va falloir que je me cherche un colocataire qui me trouve pas trop bizarre, et je sais d'avance que c'est pas gagné. » Je levais les yeux au ciel en entendant ces dernières paroles. Lui bizarre ? Bon mon jugement était peut-être un peu altéré par notre lien de sang et notre histoire commune, mais je ne le trouvais pas plus bizarre qu’un autre. Il fallait bien avouer qu’Alec était beaucoup plus étrange … « Si j’ai réussi à m’intégrer tu vas y arriver aussi. Avec ta belle bouille, personne ne pourra te résister. » lui dis-je en lui attrapant le visage d’une main. Mes yeux s’attardèrent sur sa cicatrice que je touchai du bout des doigts délicatement. Son visage m’avait manqué pendant toute cette année qui s’était écoulée. Je me rendais compte que j’avais commencé à oublier certains détails de lui au fil du temps. Je lâchai son visage, me mit accroupie sur le canapé et l’enlaça sans aucune explication. Il était bien là. Ce n’était pas un rêve. Il était sorti du complexe et m’avait retrouvée. « Je t’aime... » chuchotai-je. Je ne lui disais pas très souvent habituellement car il n’avait pas besoin de l’entendre pour le savoir et parce que je n’étais pas de ce genre de fille à exprimer à haute voix ses sentiments. Mais cette fois je le faisais. D’une part parce que j’en avais besoin et d’autre part parce qu’il me semblait important de le lui dire. Je le serrai un peu plus fort. Sa barbe vit chatouiller le bas de mes joues et le début de mon cou. Après quelques secondes d’étreinte je me reculai et le regarda. « Avec Lina et Alec on va déménager pour prendre quelque chose de plus grand. Je t’aurais bien proposé de te joindre à nous, mais … » Je laissai un sourire se glisser sur mes lèvres. « … je suis pas réellement sûre de te vouloir dans mes jambes tous les jours. » Je me mis à rire de bon cœur. Je savais que mon frère ne le prendrait pas. J’avais besoin de mon intimité et il avait besoin de la sienne. Nous avions beau être très proches, il était hors de question de vivre sur du long terme ensemble. Je savais que j’étoufferais avec Reid sur le dos. C’était un homme protecteur qui ne pourrait s’empêcher de mettre son nez dans mes affaires, en autre dans ma relation avec Will. Je le savais, je le connaissais. « Mais sache que si vraiment tu trouves rien, je peux sacrifier ma tranquillité pour t’accueillir. Pour le moment, tu es ici chez toi autant que tu en auras besoin. » Je n’allais pas le mettre à la porte. Il avait tant fait dans ma vie que ce ne serait qu’agir égoïstement que de ne pas l’héberger. Et puis même, ma conscience n’aurait pas été tranquille à le savoir seul, dehors, sans domicile. L’interphone de l’appartement sonna et je me levai d’un bond. « Sushis ! » m’écriai-je excitée par la venue de notre repas. J’allais ouvrir et attendis que le livreur nous monte notre diner. Une fois la commande réceptionnée, je posa le tout sur la table du salon et me posa sur le sol pour ouvrir tout ce qu’il y avait de bon à manger.
 

Kath' & Reid

Reid était de nature méfiant, et en même temps avec son vécu, ce n'était pas ce qu'il y avait de plus étonnant. Sa liberté, il la chérissait depuis le premier jour où il avait mis les pieds en dehors du complexe. Il se l'était imaginé un nombre incalculable de fois pendant vingt-huit ans, il l'avait rêvé tous les soirs et l'avait même touché du bout des doigts. Il avait lutté pour l'avoir, il s'était battu bec et ongles, explorant même les parties les plus sombres de son âme pour l'atteindre. Alors aujourd'hui, il savait qu'il ne laisserait personne entraver son chemin. Et cela, même si sa famille le suppliait de rentrer, il ne plierait pas. Plus jamais. Elle était là sa vie, dans cette nouvelle ville où il s'imaginait déjà avoir une routine comme le plus commun des mortels, aux côtés de sa sœur, celle qui avait toujours partagé ses principes. Il savait que son intégration n'était pas encore acquise, mais il ferait tous les efforts du monde pour qu'elle puisse se passer dans les meilleures conditions possibles. Et cela commençait probablement par connaître l'entourage de Kathelyn, par appréhender ces visages qu'il croisera sûrement de nombreuses fois. Sa jeune sœur avait mentionné le nom d'Alec, lui expliquant que son histoire n'avait rien d'un conte de fées et qu'elle était similaire à la leur sur certains points. « C’est vrai … Mais c’est provisoire de toute manière. » Reid avait déjà hâte d'apprendre à connaître cet Alec, curieux de l'histoire qu'il traînait derrière lui. Il doutait bien que ce genre de passé n'avait rien d'anodin et que ce n'était pas le genre de sujet dont on parlait à table. Reid comprenait ce point là. Depuis sa sortie du complexe, on pouvait compter sur les doigts d'une main les fois où il avait réussi à aborder le sujet de la secte. C'était encore trop frais, trop douloureux pour lui. « Si j’ai réussi à m’intégrer tu vas y arriver aussi. Avec ta belle bouille, personne ne pourra te résister. » Reid posa un regard tendre sur sa sœur, sentant ses doigts glisser le long de sa cicatrice. Une pensée traversa son esprit, se demandant si elle se souvenait du soir où l'accident était arrivé. Reid, lui, s'en rappelait comme si c'était hier. C'était une soirée d'été, ce genre de nuit qu'ils avaient l'habitude de trouver idéale pour enfreindre le couvre-feu et s'installer sous les étoiles le temps d'une heure ou deux. Ils étaient jeunes, insouciants et bien trop rêveurs pour que quiconque ne les en empêche. Ils avaient toujours réussir à rentrer discrètement de leur escapade nocturne, à s'arranger pour que personne ne remarque leur absence. Mais cette nuit-là, la garde avait décidé de prolonger son tour et était finalement tombée nez-à-nez avec les jeunes rebelles. Avant qu'ils ne les attrapent, Reid avait ordonné à Kath de courir aussi vite qu'elle le pouvait pour leur échapper. Pour empêcher Reid de faire de même, l'un des gardes lui coupa la route et le projeta sur un grillage qui lui râpa littéralement la moitié du visage, le laissant en sang. Il avait voulu protéger sa sœur au dépens de sa propre sécurité. Et quand on enfreignait les règles du complexe, on payait. Que l'on ait 8 ou 20 ans, c'était ainsi. « J'aimerais être aussi convaincu que toi. » Finit-il par lui dire, un sourire aux lèvres. Soudainement, sa sœur se réfugia dans ses bras et il se rendit compte que c'était tout ce dont il avait réellement besoin. « Je t’aime... » Il n'avait pas entendu ces mots depuis une éternité, il en avait oublié la sensation qu'ils pouvaient lui procurer. « Je t’aime aussi. » Il avait chuchoté à son tour, maintenant Kathelyn contre lui, s'imprégnant de son odeur qui lui rappelait qu'il était désormais chez lui. « Avec Lina et Alec on va déménager pour prendre quelque chose de plus grand. Je t’aurais bien proposé de te joindre à nous, mais … je suis pas réellement sûre de te vouloir dans mes jambes tous les jours. » Reid laissa un rire s'échapper de ses lèvres, hochant la tête à son tour. « Crois-moi, si j'étais à ta place je serais pas certain de vouloir vivre avec moi non plus. » Ils avaient fini par vivre séparément au complexe, il était bien évidemment hors de question que cela change à l'extérieur. Reid avait beau être protecteur et possessif envers sa sœur, il ne se permettrait jamais d'empiéter sur sa vie privée. « Mais sache que si vraiment tu trouves rien, je peux sacrifier ma tranquillité pour t’accueillir. Pour le moment, tu es ici chez toi autant que tu en auras besoin. » Il offrit un sourire reconnaissant à sa sœur, posant sa main sur la sienne. « Je te remercie. J'me ferais aussi petit que possible pour ces quelques temps et... je ferais en sorte de disparaître le plus vite possible d'ici. » Déjà qu'elle était bien gentille de l'héberger pour quelques nuits, il n'allait pas non plus s'imposer et se faire remarquer à tout va. « Sushis ! » Reid sourit à la réaction de sa sœur, s'installant à son tour tandis que sa sœur déballait la commande. « Bon appétit ! » Il attrapa une paire de baguettes et s'empara du tout premier sushi de sa vie. Il fit les gros yeux lors de la dégustation, surpris par le goût fabuleux de cette nourriture. « Ok, c'est décidé, je veux manger ça jusqu'à mon dernier souffle ! » S'exclama-t-il, enjoué par ce qu'il avait sous les yeux et dans la bouche. Il piocha une autre spécialité, s'empressant de la goûter. « On a vraiment été privés de tout ça trop longtemps... »

Reid & Kath'

Cette cicatrice sur le visage de Reid était un souvenir que nous avions en commun. Le souvenir d’une vie passée, d’une vie sans liberté. Une liberté qui ne pouvait être acquise qu’en échange de sacrifice. Reid m’avait toujours protégé, toute notre vie. Pourtant je n’étais pas beaucoup plus jeune que lui, mais il avait toujours fait passer ma sécurité et mon bien-être au détriment du sien. Son cœur était immense et parfois je ne me sentais pas à la hauteur de l’amour qu’il me portait. Je le rassurai sur sa capacité à s’adapter à cette nouvelle vie qu’il allait se construire à mes côtés. J’étais une fille bien plus introvertie et bien plus craintive que lui, si j’avais réussi à prendre mes marques il y arriverait également. Je ne me faisais pas de soucis pour mon frère. Je lui volai une étreinte en lui ouvrant mon cœur. La réponse reçue en retour se logea au creux de son cœur avec force, comme si les mots s’y gravaient. Je lui expliquai mon projet de déménagement avec Lina et Alec, lui offrant un logement sur une durée indéterminée. Il était mon frère, jamais je ne le laisserai à la rue, c’était juste impensable pour moi. « Je te remercie. J'me ferais aussi petit que possible pour ces quelques temps et... je ferais en sorte de disparaître le plus vite possible d'ici. » Je lui souris, amusée par ces mots. L’interphone annonça l’arrivée de notre diner. Je me précipitai pour réceptionner la commande. Finalement, moi qui pensait ne pas avoir si faim que ça, ce petit festin improvisé m’avait bien ouvert l’appétit. Mon frère me souhaita bon appétit. Je le regarda manger un sushis avant qu’il ne s’extasie sur ce qu’il avait en bouche. « Ok, c'est décidé, je veux manger ça jusqu'à mon dernier souffle ! » Je me mis à rire et mangea à mon tour. C’est vrai que c’était bien bon. Ca me faisait plaisir de partager un repas avec mon frère. « On pourra s’instaurer de manger des sushis une fois par mois si tu veux ! » Un rituel entre frère et sœur ca pouvait être sympa à mettre en place, histoire de se voir régulièrement malgré nos emplois du temps et nos diverses occupations personnelles. Je trouverais ça bien en tout cas. « On a vraiment été privés de tout ça trop longtemps... » Je soupirais en laissant une petite grimace apparaitre sur mon visage. « Et de bien plus encore … Je me suis toujours demandé pourquoi nos parents avaient choisis cette vie. Qu’est-ce qui les avaient poussés à s’enfermer au complexe. » La communication n’étant pas vraiment mon fort avec mon père, j’avais plutôt questionné ma mère à ce sujet. Seulement, mes questions étaient restées sans réponses. Ma mère évinçait toujours le sujet comme s’il était trop douloureux. La seule chose qu’elle ne cessait de me dire c’était que le monde extérieur était dangereux. « Hey ! On n’a pas fait le benedicite ! » m’exclamai-je avec beaucoup de sérieux et en reposant mes baguettes sur la table. A l’expression qu’affichait le visage de mon frère, je su qu’il avait marché dans ce que je venais de dire. Je donnais un coup de coude à mon frère en riant de bon cœur. Je savais qu’il détestait dire les grâces ou même les écouter être prononcées au repas. Reid, contrairement à moi, avait un peu perdu la foi après la mort de Nora. Il n’était pas aussi impliqué que moi dans la religion. Je respectais cela même s’il m’arrivait de temps à autre de vouloir l’aider à faire la paix avec Dieu. « Je ne les fait plus depuis que je suis sortie. J’ai peur qu’on me prenne pour quelqu’un que je ne suis pas si je commence à réciter les grâces à tout bout de champ. » Je levais les yeux au ciel avec un petit sourire. J’avais appris que la religion n’avait pas la même place, la même importance dans cette société à l’extérieur. La majorité des gens que je fréquentais n’était pas croyant ou ne serait-ce que pratiquant, j’avais alors choisi de faire de ma religion une discrétion. « Je fréquente la paroisse du quartier tous les dimanches, je vais à la messe. Je n’en loupe pas une. Tu pourrais m’y accompagner, je te présenterais à la communauté. Le pasteur connait notre histoire, mais il garde le secret. » Je me doutais de la réponse qui allait suivre mais je tentais tout de même ma chance en essayant de le faire venir avec moi à la messe dominicale.  

Kath' & Reid

Le point positif qu'il retenait de cette cicatrice, c'était sûrement le fait qu'au moins avec elle, il n'oublierait jamais d'où il venait. Sait-on jamais qu'il se mette à vouloir être une autre personne ou à s'inventer une autre vie, cette marque de son passé finirait toujours par le rattraper et le faire redescendre sur terre. Parce-que cette cicatrice était là, comme une partie intégrante de lui, et elle serait là toute sa vie, gravée sur son visage jusqu'à son dernier souffle. C'était quelque part quelque chose de triste mais de rassurant. Avec le temps, il avait appris à s'habituer à ce qu'elle soit là, dans le reflet du miroir, comme si elle faisait désormais partie de son identité. Après l'étreinte pleine d'émotions partagée avec sa sœur, le repas finit par arriver, marquant le début de leur festin japonais. Même si l'idée de manger du poisson cru pour la première fois en aurait repoussé plus d'un, Reid était pour sa part complètement excité à l'idée de goûter à une nouvelle cuisine. C'était probablement son côté très curieux qui refaisait surface. « On pourra s’instaurer de manger des sushis une fois par mois si tu veux ! » Il hocha la tête, la bouche pleine de ces délices asiatiques. « C'est une bonne idée, ça te permettra de t'assurer une fois par mois que je suis encore en vie. » Dit-il, sur le ton de l'amusement. Pas que Reid était du genre à jouer au mort, mais il lui arrivait parfois d'oublier de donner des nouvelles pendant quelques temps. Bon, les choses étaient un peu différentes maintenant, il venait de retrouver sa sœur et il était clair qu'il avait envie de rattraper le temps perdu. Et puis, elle était aussi son seul repère pour l'instant dans cette ville et puisqu'il vivait chez elle pour un petit moment, elle n'aurait pas trop à s'en faire pour lui. « Et de bien plus encore … Je me suis toujours demandé pourquoi nos parents avaient choisis cette vie. Qu’est-ce qui les avaient poussés à s’enfermer au complexe. » Reid posa un instant ses yeux sur sa soeur, haussant légèrement les épaules. Il avait tenté un millier de fois d'avoir des conversations de ce genre avec ses parents, qui étaient plutôt très fermés sur le sujet. Reid savait au plus profond de lui que ses parents avaient eu une raison de s'exiler du monde extérieur, parce-qu'il était clair qu'on ne choisissait pas ce mode de vie par hasard. Certaines personnes avaient accepté sans broncher de se conformer à cette vie, d'autres comme Kath' et Reid en avaient décidé autrement. Ils avaient choisi de vivre plutôt que de subir. « Ils ont toujours refusé d'en parler, tu le sais autant que moi. Mais je t'avoue que je ne comprendrai jamais... ce qu'ils ont là-bas, ça n'est pas une vie et ça ne s'en n'est jamais rapprochée, même pas un peu. » Ajouta-t-il, d'un ton beaucoup plus sérieux, presque à la limite de l'agacement. Reid ne pouvait pas assimiler le fait que ses parents avaient privé leur famille de ce que l'extérieur avait à offrir. Et aujourd'hui, maintenant qu'il avait goûté à la liberté, c'était encore plus difficile pour lui de le comprendre. « Hey ! On n’a pas fait le benedicite ! » Il avait arrêté de mâcher ce qu'il avait dans la bouche d'un coup, regardant sa sœur avec un air complètement blasé. Il ne pouvait pas croire qu'elle se pliait encore à cette formalité débile qu'on leur avait inculqué au complexe. « Tu blagues j'espère... » Il souffla un bon coup lorsqu'il comprit qu'elle le taquinait. Pas qu'il ne respectait pas ses croyances certainement plus profondes que les siennes, mais disons qu'après tout ce qu'ils avaient vécu, la religion n'était plus vraiment au centre de ses attentions. « Je ne les fait plus depuis que je suis sortie. J’ai peur qu’on me prenne pour quelqu’un que je ne suis pas si je commence à réciter les grâces à tout bout de champ. » Il écouta attentivement sa sœur, comprenant qu'elle puisse être apeurée du jugement des autres. « Je sais bien... mais si tu en as besoin, tu ne devrais pas te priver à cause du regard des autres. » C'était tout ce qu'il pouvait lui conseiller. Il ne pratiquait plus la religion, et ça l'arrangeait pas mal que la société actuelle partageait cette vision des choses. Mais Reid savait que Kath' avait toujours été très impliquée, et ce changement radical avait sûrement du la chambouler. « Je fréquente la paroisse du quartier tous les dimanches, je vais à la messe. Je n’en loupe pas une. Tu pourrais m’y accompagner, je te présenterais à la communauté. Le pasteur connait notre histoire, mais il garde le secret. » Il acquiesça, silencieusement, pas franchement rassuré que sa sœur puisse se confier à un inconnu simplement parce-qu'il était homme d'église. « Je sais pas Kath', je ne suis plus à l'aise avec tout ça, je ne l'ai jamais vraiment été. Tu devrais quand même faire gaffe avec notre histoire, c'est pas quelque chose qu'on prend à la légère. Certains feront semblant de nous comprendre et tu sais aussi bien que moi que ça peut être dangereux. » Sa méfiance atteignait toujours son apogée dés qu'il s'agissait de se confier sur le complexe et cette vie antérieure. Il perçut l'expression sur le visage de sa sœur, quelque chose s'apparentant à de la déception et il reprit rapidement la parole avant qu'elle puisse ne le faire. « ... Mais je peux essayer de faire un effort... Je t'accompagnerai un de ces quatre. » Il lui adressa un sourire se voulant tendre et rassurant à la fois, comme pour lui montrer qu'il lui faisait confiance. Sa sœur était une femme très intelligente, si elle ne se sentait pas en sécurité, elle ne se permettrait sûrement pas de dévoiler leur passé.

Reid & Kath'

Le repas commandé n’avait rien avoir avec ce que nous avions l’habitude de manger au complexe. Il était bien rare de consommer du poisson déjà, mais encore plus des plats qui n’étaient pas traditionnels. Ce que j’avais aimé en sortant du complexe c’était la diversité de cuisine auxquelles ont pouvait manger. Il y en avait pour tous les goûts et cela permettait aussi de varier beaucoup plus souvent. Je me mis à me questionner sur ce que nos parents avaient bien pu vivre à l’extérieur pour vouloir s’enfermer ainsi. Pourquoi sacrifier toutes ces bonnes choses que la vie nous offrait pour si peu ? Est-ce que cela leur avait apporté quelque chose ? Reid n’en savait pas plus que moi et ne comprenais pas non plus. J’osais espérer que mes parents l’avaient fait après une grande réflexion mais quelque chose me disait aussi qu’on les avait peut-être manipulés. Je changeai de sujet subitement en faisant mine d’être offusqué par l’absence du benedicite. Mon frère tomba dans le panneau à mon plus grand plaisir. C’était mal de se moquer ainsi de lui … Non en faite c’était vraiment très drôle. Je lui expliquai que cela faisait bien longtemps que je n’avais pas dit les grâces à un repas. Pour noël nous l’avions fait Alec et moi mais sinon je ne me rappelle pas de quand datait la dernière fois. « Je sais bien... mais si tu en as besoin, tu ne devrais pas te priver à cause du regard des autres. » Je haussai les épaules comme réponse. Je n’en éprouvais pas vraiment le besoin en réalité. C’était certainement plutôt par habitude que je le faisais, parce que l’on m’avait toujours appris à le faire. Contrairement à Reid, j’avais beaucoup plus de mal à me détacher de toute mon éducation religieuse. D’ailleurs je l’informai que je fréquentais la paroisse du quartier tous les dimanches et que j’aurais aimé qu’il m’y accompagne, ajoutant même que le pasteur était au courant pour notre histoire, espérant faire peser la balance en ma faveur. « Je sais pas Kath', je ne suis plus à l'aise avec tout ça, je ne l'ai jamais vraiment été. Tu devrais quand même faire gaffe avec notre histoire, c'est pas quelque chose qu'on prend à la légère. Certains feront semblant de nous comprendre et tu sais aussi bien que moi que ça peut être dangereux. » Je voulais croire que ce qu’il disait n’était pas totalement vrai. Je savais que je devais me méfier des répercussions que pouvait avoir mon histoire, mais j’osais espérer qu’un homme de foi ne serait pas mauvais. J’étais peut-être naïve mais jusque là il avait gardé mon secret. J’étais un peu déçue également de l’entendre dire qu’il n’était pas prêt à renouer avec Dieu. Sur ce point là nous étions bien différents et je doutais que cela ne change prochainement. Pour moi la religion avait toujours eu une place centrale et je n’osais pas imaginer comment faire si je perdais un jour la foi comme mon frère. « ... Mais je peux essayer de faire un effort... Je t'accompagnerai un de ces quatre. » Je souris largement à mon frère avant de me rendre compte que ce serait bien trop égoïste que de lui demander de faire une telle chose. C’était comme s’il me demandait d’aller à l’encontre de mes croyances. Non je ne pouvais pas l’inciter à faire cela même pour moi, ce n’était pas bien. Je réduis mon sourire, attrapa avec mes baguettes un sushi avant de le tremper dans la sauce. « Je ne veux pas que tu te sentes forcé d’y aller. J’y vais avec Alec de temps en temps de toute manière. » Je souris à mon frère avant de mettre mon sushi dans ma bouche et de l’engloutir avidement. Alec aussi ne croyait pas tellement en l’existence de Dieu, mais il cherchait un moyen de se remettre de son douloureux passé et j’avais l’impression que l’église l’aidait parfois. Il m’arrivait de me sentir bien seule avec mes croyances que les autres trouvaient absurdes. « Reid tu penses qu’Il n’existe pas ? Que je crois en des choses qui sont fausses ? » Ma question était sérieuse. Je n’avais aucune preuve que Dieu existe mis à part les écrits religieux et encore … qui sait si cela n’avait pas été inventé comme un roman ? Mais quelque part cela me rassurait de croire que quelque chose de plus puissant que nous pouvait contrôler nos vies, nous dirigeaient, même si on restait quand même majoritairement maître de notre destin. Et j’avais besoin de croire que quelque chose existait pour l’après notre vie. Je soupirais et continuai à manger. « Et sinon, l’Europe … » Je laissais un petit temps de pause avant de reprendre. « … tu as fait des rencontres ? Ou même à Miami tu as croisé des gens intéressants ? » Je le regardai avec un sourire malicieux et amusé. Je ne parlais pas forcément de gens en général mais peut-être de femmes … J’aimerais tellement que Reid puisse refaire sa vie avec une femme qui le rendrait heureux. Il méritait de pouvoir tourner la page.

Kath' & Reid

Reid pensait à ses deux autres sœurs, qui contrairement à Kathelyn et lui, s'étaient toujours conformées à ce qu'on leur disait de faire, sans émettre la moindre rébellion, le moindre désaccord, ou du moins en apparence. C'était aussi sûrement pour cela que Kath' et Reid étaient aussi proches. Au-delà de leur différence d'âge minime, ils avaient toujours partagé les mêmes convictions, évinçant peut-être sans s'en rendre compte leurs deux autres sœurs de par cette complicité qui les liait depuis toujours. La conversation dévia sur les questionnements autour de la raison qui avait poussé leurs parents à s'enfermer dans un complexe tel que celui-ci, et comme depuis bien longtemps maintenant, ceux-ci restèrent encore sans réponses. C'était difficile pour Reid à gérer, de concevoir que le reste de sa famille était encore en train de pourrir dans cette organisation qui leur lavait le cerveau de leurs idéologies à gerber et qu'ils acceptaient cela sans broncher. Il ne pouvait pas s'empêcher d'y penser, ça le hantait jour et nuit. Constamment. Malheureusement, Parks savait qu'il était bien trop dangereux pour lui d'essayer de remettre les pieds là-bas et que tout ce qu'il aurait fait jusque là n'aurait servi à rien s'il décidait d'y retourner. Ça serait bien trop stupide de sa part. Reid ne pouvait pas envisager que sa liberté soit de nouveau mise en péril et c'était pour cela qu'il essayait d'éviter d'y penser. Kathelyn l'arrêta soudainement dans son fil de pensées lorsqu'elle fit mine d'être paniquée à l'idée qu'ils n'aient pas prononcé les grâces avant de s'attaquer à leur repas. Pour le coup, c'était plutôt crédible et assez convaincant de sa part, assez pour que Reid tombe dans le panneau en tout cas. Un jeu de regards plus tard, le brunet lâcha un rire soulagé, hochant la tête négativement faisant comprendre à sa sœur qu'elle avait bien joué son coup. Néanmoins, Reid comprit qu'elle était aujourd'hui encore attachée à la religion, ce qui n'était plus du tout le cas pour lui. « Je ne veux pas que tu te sentes forcé d’y aller. J’y vais avec Alec de temps en temps de toute manière. » Il haussa les épaules, ne trouvant rien pour la contredire puisqu'elle n'avait pas vraiment tort sur ce point. Reid savait qu'il n'était pas à l'aise dans ce genre d'endroits avec ce genre de personnes, ce n'était pas pour lui tout ça et honnêtement, ça ne l'avait jamais été. Alors, autant qu'elle puisse y aller avec une personne qui partageait sa vision de la religion et cette personne n'était clairement pas Reid. « Reid tu penses qu’Il n’existe pas ? Que je crois en des choses qui sont fausses ? » Wow. Profond comme conversation. Pratiquer la religion était une chose que Reid avait fait en dépit de ses propres convictions, mais il n'avait jamais essayé de remettre en question ceux qui pouvaient y croire. « Kath', peu importe de ce que j'en pense. Le plus important, c'est ce que toi tu penses, et personne d'autre n'est censé t'influencer vis-à-vis de tout ça. Si tu en crois en ces choses, au plus profond de toi, c'est que tu as des raisons de le faire et jamais je ne te jugerai pour ça. » Il avait pris ce ton à la fois calme et sérieux, celui qu'il prenait lorsque Kathelyn lui demandait des conseils. Reid refusait qu'elle puisse remettre en question sa foi à cause du regard des autres. S'ils avaient tout ce chemin, c'était bien pour être libres, autant physiquement que spirituellement. « Et sinon, l’Europe … » Voilà un sujet déjà un peu plus léger, pensa-t-il silencieusement. « … tu as fait des rencontres ? Ou même à Miami tu as croisé des gens intéressants ? » Reid afficha un sourire amusé, bien conscient que la question de sa soeur n'était peut-être pas aussi innocente qu'elle en avait l'air. « Pas qu'un peu. » Dit-il, amusé, avalant un sushi juste après histoire d'éveiller la curiosité de Kath. Il repensa à l'Europe et aux belles rencontres que son voyage lui avait permis de faire. Ses pensées s'arrêtèrent sur de nombreux visages, et notamment celui d'Emma puis celui de Jaime, dont il pouvait aisément se remémorer les traits. « J'ai fait beaucoup de rencontres sur la route. Tu sais, c'est vraiment facile de bien t'entendre avec des gens qui ont le même état d'esprit que toi. » Reid avait changé depuis la mort de Nora, ce voyage lui avait fait comprendre qu'il ne pouvait pas s'arrêter de vivre, pas comme ça, même s'il souffrait à en crever de son absence. « J'ai rencontré une fille avec qui j'ai voyagé pendant ces cinq mois. » Reid vit le regard de sa sœur s'illuminer et très vite, il ressentit le besoin de nuancer ses propos. « ... c'était pas ce que tu crois. 'Fin, on s'est juste bien trouvés elle et moi. Elle avait son histoire, j'avais la mienne, on était libres et c'était bien. Vraiment bien. » Reid baissa un instant les yeux, préférant passer sous silence la partie où il avouait que la fille en question ressemblait à Nora et qu'il se pourrait qu'ils aient parfois dépassé les limites normalement autorisées entre deux compagnons de voyage.

Kath' & Reid

Reid comprenait que le regard des autres pouvait parfois pousser certaines personnes à agir différemment, ou en tout cas, pas comme ils auraient habituellement agi. Kathelyn faisait partie de ces personnes qui vouaient beaucoup trop d'importance à ce que pouvait penser les autres. Reid connaissait cette "faiblesse" puisque lui aussi l'appréhendait, à un degré différent bien évidemment, mais elle persistait, surtout depuis son arrivée à Miami. Maintenant qu'il allait s'installer pour de bon dans la ville, il savait qu'il allait se constituer un entourage auquel il devra certainement se présenter et raconter son parcours. C'était sur ce deuxième point qu'il craignait le jugement des autres. Reid ne voulait pas qu'on le prenne pour ce qu'il n'était pas. Il avait beau avoir vécu la majeure partie de sa vie dans un complexe sectaire, ce n'était pas pour autant qu'il s'y était senti comme chez lui. Il était différent des gens de là-bas, il l'avait toujours su au fond. Et même si son intégration serait lente et sûrement parsemée d'embûches, Reid savait déjà que sa place était ici, parmi toutes ces personnes libres qui l'entouraient. « Merci Reid. » Il adressa un sourire tendre à sa sœur, répondant au sien, son cœur tout à coup réchauffé à l'idée de voir que ses mots avaient toujours autant d'impact sur elle. Reid était prêt à lui rabâcher tous les jours de sa vie s'il le fallait, elle était libre de sa pensée, libre de ses convictions. Plus rien ni personne n'était en mesure de lui dire le contraire. Kath' bascula rapidement sur un sujet dont il savait qu'elle se languissait de parler... l'Europe. En réalité, Reid avait deviné que ce n'était pas seulement de l'Europe dont il était question ici, mais surtout des rencontres qu'il avait pu y faire. « Tu ne peux pas dire juste ça ! Raconte ! Allez Reid ! » Il jubila intérieurement, prenant tout son temps pour finir ce qu'il avait dans la bouche, regardant sa sœur avec un sourire malicieux. « Quand on s’appelle Reid Parks je veux bien le croire, quand on s’appelle Kathelyn Parks j’en suis moins certaine. » Reid leva à son tour les yeux au ciel, de la même manière qu'elle, comme pour lui montrer qu'il n'était pas vraiment d'accord avec elle. « Ça s'apprend Kath'. Je ne suis pas sorti du complexe en ayant une tchatche magique en un claquement de doigt, ça prend du temps... » Dit-il, se voulant rassurant. Reid connaissait sa sœur, il savait qu'elle avait parfois du mal à surmonter cette timidité poussée, la bloquant souvent sur le domaine social. Ce dont il était sûr, c'est que cette timidité n'était qu'une barrière qui finirait par s'estomper avec le temps. Pour satisfaire la curiosité de sa sœur, Reid lui relata les souvenirs qu'il avait en tête et cette rencontre qu'il n'était pas prêt d'oublier. « Il est vrai ce mensonge ? » Il aurait dû se douter que sa sœur aurait imaginé tout un scénario les concernant, un quelque chose qui s'apparenterait à une histoire digne des plus grands films romantiques. Néanmoins, il ne laissa rien transparaître, même pas la moindre expression qui aurait pu le trahir. « Juste une amie ? » Avec cet air assuré, il posa son regard sur celui de sa sœur avant de reprendre la parole. « Juste une amie. » C'était clair, net et sans la moindre bavure. Une de ses pensées s'envola pour Jaime, se demandant ce qu'elle devenait et si elle avait continué sa quête d'aventures. Il se plaisait à croire que oui même s'il savait qu'il n'en aurait sans doute jamais la confirmation, ce qui quelque part, bien qu'il pouvait sentir son cœur se serrer rien que d'y penser, était bien plus sage comme cela. « Moi qui voulait des potins. Ça me rends bien triste que tu n’es rien de plus à me raconter. » Il haussa les épaules, amusé par la mine soit disant boudeuse de Kath. « Tu veux savoir si j'ai couché avec des filles depuis la mort de Nora, c'est ça ? » Dit-il soudainement, conscient que sa rhétorique mettrait sa sœur dans l'embarras. « Positif. » Reid fit mine de rien, prenant cet air détaché qu'il gérait parfaitement, s'avançant vers la table pour piocher un autre sushi et l'engloutir dans la seconde suivante.