Si on m'avait dit il y a deux mois de cela que je serais en salle de rééducation avec Lily et que c'était presque mon rôle de la motiver pour se remettre à marcher, je n'y aurais pas cru. Les choses n'avaient pourtant pas si mal commencées entre elle et moi vu que je l'avais sauvé d'un accident de voiture qu'elle avait causé par manque de sommeil.
Le problème s'est présenté lorsque j'avais tenté de reprendre contact avec elle quelques semaines après sa sortie de l'hôpital vu que je n'avais pas été reçu à bras ouverts, bien au contraire. Elle avait dans l'idée que j'aurais du la laisser mourir et ne sauver que son amie et le vieil homme qui avait perdu la vie dans l'accident. Je comprenais qu'elle s'en veuille et que porter la mort de quelqu'un sur la conscience n'est pas chose facile et qu'on ne s'en remet jamais ; mais j'avais tenté de la raisonner. Je ne sais pas si c'est mes mots qui avaient porté leurs fruits mais j'avais eu la surprise de recevoir un appel de Lily quelques semaines après et depuis, on avait commencé à se lier d'une forme d'amitié. J'essayais de la motiver pour qu'elle se remette sur pied et mon travail avait fini par payer bien que sa rééducation soit très complexe, fatigante et longue pour elle.
Aujourd'hui, nous avions rendez-vous à la salle donc j'étais passé la chercher chez elle puis on s'était rendu sur les lieux. Une fois arrivés, je le laissais un instant pour aller nous chercher de l'eau car lors de ses efforts, il fallait impérativement qu'elle s'hydrate bien. Je revenais donc vers elle avec deux petites bouteilles que je posais pour le moment au sol.
Tu veux commencer par le tapis roulant ? lui demandais-je. Cette machine était un tapis roulant classique sur lequel avaient été montées des barres afin qu'elle puisse se tenir et rester le plus droit possible. Le tapis avançait à son rythme et je me mettais toujours à côté d'elle pour la maintenir, tout en essayant de la faire se tenir droite.

En lui rapportant une bouteille d'eau, je ne m'attendais pas à ce que Lily me remercie avec autant d'intensité. Elle ne me remerciait pas uniquement de lui avoir apporter à boire mais surtout de l'aider dans cette difficile épreuve. Je m'avançais alors vers elle pour place un bras autour de ses épaules. Tu le mérites, lui dis-je simplement puis me reculais en lui adressant un sourire. J'essayais de faire mon possible pour qu'elle reste motivée et j'étais content de voir que cela fonctionnait.
Je décidais de la confronter au tapis, exercice qu'elle n'appréciait pas tellement car il était très fatiguant pour elle ; mais c'était aussi celui qui lui permettait de s'améliorer au mieux. Je l'aidais à marcher jusqu'à la machine et continuais de la tenir lorsqu'elle se plaçait dessus. Ses jambes avaient du mal à supporter son poids -aussi faible soit-il- et si je ne l'aidais pas, elle ne réussirait pas à tenir plus de dix secondes. Ses premiers pas furent difficiles et elle me le fit savoir. Vas-y, continue. Oublie que ça te fait mal, concentre-toi sur les balades que tu pourras faire après, la motivais-je avec l'envie de la voir se dépasser.
Lorsque cela fit une dizaine de minutes d'exercice, je lui dis d'arrêter. Ça suffira pour le moment, tu as bien travaillé. J'arrêtais alors le tapis et aidait Lily à marcher jusqu'à une chaise sur laquelle elle s'assit. Pour ma part, je m'asseyais au sol en tailleur afin de lui masser les mollets. Elle savait très bien que c'était pour cela vu qu'elle essaya de me tendre une de ses jambes que j'attrapais pour poser son pied sur une de mes cuisses. Elle en vint à me demander ce que j'allais faire après notre séance. Je travaille à la piscine cet après-midi donc je pense que je prendrais juste un repas rapide en ville et je m'y rendrais, lui expliquais-je. Tu as prévu quelque chose, toi ? En attendant sa réponse, je commençais à masser doucement son mollet en observant ses réactions sur son visage. Comme elle venait de travailler ses muscles, je ne voulais pas qu'elle ait mal.

Lily s'était bien dépensé, elle se donnait du mal pour se remettre sur pied et je pense que mon soutien y participait pour beaucoup. Je ne pouvais plus l'abandonner alors qu'elle était en si bonne voix et je dois dire que ce rôle ne me dérangeait pas car j'appréciais passer du temps avec elle. Alors qu'on avait terminé le premier exercice, je l'aidais à s'asseoir puis lui massais légèrement les jambes pour l’apaiser et détendre ses muscles. Elle me demandait alors ce que j'allais faire cet après-midi ; de son côté, elle n'avait qu'un rendez-vous chez sa psychologue. Tu veux qu'on mange ensemble à midi ? lui demandais-je avec un sourire. On peut prendre un truc à emporter quelque part et manger chez toi, ajoutais-je. Je savais qu'elle se sentirait plus à l'aise de manger chez elle dans son confort qu'entourée de gens qui la regardent de travers parce qu'elle est en fauteuil.
Elle me demandait ensuite ce qui se passait dans ma vie d'un point de vue relationnel et sa question me fit doucement rire. Elle ajoutait vivre par procuration avec ce que je pouvais lui raconter de ma vie ; et bien qu'en temps normal, je ne sois pas très expressif à ce niveau, je voulais lui faire plaisir donc j'allais lui raconter cette histoire avec Lucy. Je commence à me rapprocher un peu d'une jeune femme. Je la regardais pour voir sa réaction et compris assez rapidement que je ne pouvais pas m'arrêter là. Ça se limite à des bisous pour le moment, aussi surprenant soit-il pour quelqu'un comme moi. Mais bon, je ne suis plus intéressé par les coucheries à droite à gauche et puis, cette fille me donne vraiment envie de prendre mon temps pour ne pas faire n'importe quoi, et le regretter ensuite. J'étais impatient de voir ce que ça pourrait donné entre Lucy et moi et en même temps, je voulais voir notre évolution petit à petit. Quand on prend son temps, on risque moins de se tromper et de s'engager dans une histoire qui ne mène à rien.

Proposer de manger ensemble s'était révélé être une bonne idée que Lily appréciait et acceptait sans soucis. Je crois même que lui proposer de manger chez elle plutôt que quelque part avec du monde autour la satisfaisait d'avantage car elle n'aimait pas trop se montrer ; elle n'allait pas encore assez bien pour ce genre de confrontation.
Elle en vint ensuite à me demander des nouvelles de mes histoires de cœurs, ou plutôt histoire de femmes car des sentiments ne viendraient qu'en temps voulu et dans mon cas, ce n'était pas prêt d'arriver. Bien que je sois en remise en question complète et que je ne cherchais plus des histoires sans lendemain, de là à tomber amoureux était un grand pas et je n'étais pas prêt à le franchir. Être amoureux ne m'était arrivé qu'une seule fois, véritablement, et vu comment ça s'était fini, je n'avais jamais eu envie que ça m'arrive à nouveau. C'est gentil, je pense que tout le monde le mérite, toi aussi tu sais, lui répondis-je pour tenter de lui faire comprendre que elle aussi devrait commencer à se reconcentrer sur ses relations avec les autres et particulièrement avec les garçons, ou le garçon ; William. C'est ensuite qu'elle me demandait le prénom de la jeune femme qui commençait à me faire succomber, ce qui me fit doucement rire. Elle s'appelle Lucy, peut-être que tu la connais. Je n'avais pas grande idée des fréquentations amicales de Lucy mais il était possible que nous ayons des amis en commun.
Lorsque notre discussion fut terminée, on se décidait à se lever pour aller se chercher à manger. Il ne fallait pas que je traine sachant que je travaillais cet après-midi. J'ai bien envie de pizza, qu'est ce que tu en penses ? En plus, il y en a sur notre trajet, lui proposais-je avec un sourire tout en l'aidant à se remettre dans son fauteuil.

Mon aide envers Lily n'avait absolument aucune arrière pensée et je faisais ça uniquement car je refusais de la voir souffrir encore plus que ce qu'elle devait subir. Elle avait été gravement blessée dans l'accident qu'elle avait elle-même causé et en plus de cela, elle devait vivre avec la mort de quelqu'un sur la conscience. Pour cette seconde partie, je la comprenais parfaitement bien que dans son cas il s'agissait d'un vieil homme alors que j'avais retiré la vie à une petite fille. Dans le fond, je pouvais parfaitement la soutenir et j'essayais de le faire au mieux. Ce que j'espérais aussi, c'est qu'elle prenne conscience qu'elle avait droit au bonheur et pour le moment, elle était catégoriquement contre. Arrêtes un peu de dire ça, Lily. Tu finiras par comprendre que tu mérites aussi d'être heureuse, et je t'assure que ça arrivera plus tôt que ce que tu penses. Je lui souriais doucement, plutôt convaincu de mes paroles.
Nous en venions ensuite plus à parler de moi qu'elle, et plus particulièrement de mes fréquentations. Apparemment, elle connaissait Lucy, ce qui me fit légèrement rire. La façon dont elle fut surprise de la chose m'amusait et c'est vrai, le monde est petit à en voir les circonstances. C'est tout à fait elle, lui dis-je en acquiesçant de la tête. Mais ces remarques m'interpellaient beaucoup et j'en devenais curieux. Comment ça se fait que tu la connaisses ? lui demandais-je alors pour en savoir un peu plus.
On commençait ensuite à quitter les lieux pour aller acheter à manger. Je lui proposais une pizza et ce plan semblait lui convenir ; elle posait simplement des conditions assez surprenantes mais pas si complexes à satisfaire. Elle ne voulait pas de pizza à base de sauce tomate ou ketchup car elle n'aimait pas ça et je pense que n'importe quelle pizzeria préparait des pizzas à base de crème fraiche donc elle devrait trouver son bonheur. En effet, c'est pas courant, répondis-je avec un large sourire. Je pense quand même que c'est trouvable dans n'importe quelle pizzeria. On ira déjà voir sur celle qui est sur notre chemin pour aller chez toi. Nous étions proches de la sortie et nous allions nous diriger vers ma voiture pour contenter nos petits projets.