Encore à moitié endormi, je passai une main sur mes cheveux. Il était déjà tard, trop tard, et j'aurais déjà du être levé depuis un bon moment. Pour ne pas changer, j'étais en retard. C'est pire qu'une mauvaise habitude, c'est un trait de caractère. Et pourtant, malgré tout, je ne me levais pas. Aujourd'hui faisait partie de ces jours où vous n'avez pas envie de vous lever, envie de rien faire, juste de regarder le plafond et se perdre dans le vide de ma pensée. Je restais un instant comme cela, allongé sur le dos, les paupières à demi-closes. Je devais aller voir Adela pour récupérer Charlotte, mais il fallait absolument que nous ayons une discussion et à vrai dire, je n'étais pas très chaud. C'était la première fois que je la revoyais depuis mon départ de Tijuana, il y a près de deux ans. Je n'aurais pas su dire où en était notre relation, si tout se passait bien ou non... Parfois je me disais que tout allait bien, tout en ayant l'impression que c'était catastrophique. J'étais néanmoins content qu'elle ait pu venir ici, à Miami. Elle aurait de bien meilleures conditions de vie qu'à Ciudad Juarez, où elle s'était réfugiée après sa grossesse. J'avais peur de me confronter à son regard, de la voir se tenir en face de moi, celle dont j'avais ruiné la vie. Je savais qu'elle n'aimait pas Charlotte, du moins pas autant qu'une mère aurait du le faire. Elle n'était pas faite pour cela, elle était trop jeune, et pourtant elle devait faire face. Je m'en voulais terriblement, d'un côté. J'aurais donné ma vie pour Charlotte, je l'adorais, mais je culpabilisais toujours d'avoir imposé cela à Adela. Ce n'était pourtant pas comme si j'avais désiré cette gosse, non, j'avais complètement flippé quand j'avais appris la nouvelle... J'essayais de la soutenir comme je le pouvais, je lui envoyais le plus d'argent que je pouvais, mais je sentais que ce n'était pas assez à ses yeux.

Je finis par me lever et me préparai en quelques minutes. Si je ne voulais pas être trop à la bourre, je n'avais pas d'autre choix que de faire en quatrième vitesse. J'étais à la fois partagé entre la joie de revoir Charlotte et un certain stress. Nous avions rendez-vous au Starbucks, où nous pourrions échanger quelques mots. Adela finit par arriver, accompagnée de Charlotte. J'étais toujours impressionné par ses progrès en marche. Elle marchait depuis déjà un bon moment, mais j'avais l'impression qu'elle gagnait en équilibre à chaque fois. Adela me gratifia d'un « Bonjour » glacial. Ça ne m'étonnait pas vraiment venant d'elle. Je la connaissais, elle avait toujours le besoin profond de se comporter mal, comme une pétasse, juste pour se sentir supérieure. Mais comment aurais-je pu lui en vouloir ? La colère qu'elle éprouvait toujours à mon égard était justifiée. J'aurais juste aimé lui rappeler que la situation aurait pu en être tout autrement, j'aurais aimé lui rappeler les bons moments que nous passions le temps qu'avait duré notre courte et fulgurante relation... Mais bon. Charlotte se jeta dans mes bras et je la portais, la serrant contre moi. « Papà! Papa! » criait-elle affectueusement. Je ne pus retenir un grand sourire. Adela et moi prirent place autour de la table. « Hey, tu sais, j'ai gagné plus ce mois-ci, du coup, je pourrais te donner cent dollars de plus, si tu veux » dis-je histoire de briser la glace. J'omis la façon dont je m'étais fait cet argent. De toute façon, elle me connaissait, cela m'aurait étonné qu'elle ignore par quels moyens illégaux je gagnais ma vie. J'avais un sujet bien moins joyeux à aborder. « Dis, Hannah m'a dit que tu l'avais croisé l'autre jour » dis-je d'un ton bien moins chaleureux. « Tu crois vraiment que c'est intelligent et nécessaire de renverser ton café sur elle ? Non mais t'as quel âge, franchement ? » Je parlais en anglais pour que Charlotte ne comprenne pas. Je ne voulais pas qu'elle nous voit en conflit. Elle ne maîtrisait pas encore la langue de Shakespeare. « Tu crois que t'apprécierais si j'allais voir ton copain et que je faisais pareil ? » J'ignorais complètement quelle était sa situation amoureuse, j'avais seulement parlé très rapidement.