In the dark night

Vie de débauche. De destruction. Des plaisirs. Des envies. Pulsions animales. Pulsions de survie. Juste vivre pour dire de respirer, d’être en vie, sur terre, d’avoir un rôle. Juste dire d’exister. Ne pas se poser de question. Se lever, aller en cours, travailler, fumer, boire, dormir. Pas vraiment trouver de sens à tout ça, pas vraiment penser à un avenir, à un futur. Juste vivre l’instant présent, ce dire que si on est là, c’est pour une bonne raison. Vivre pour dire de, rien de plus. Ne pas être entouré, compter ses amis sur les doigts d’une main, et encore. Parce que tout le monde te trahira toujours, surtout quand ça ne tournera pas à leurs avantages. Parce que tu ne peux pas compter sur quelqu’un, à part sur toi-même, et encore. Alors tu dois bien te trouver des choses, des objectifs pour te rendre la vie un peu plus colorée qu’elle ne l’est. Vivre pour quelque chose, pas pour quelqu’un.

Dans cette salle étouffante, qui pourrait presque donner la nausée, presque donner le tournis, faire chavirer. Le cul assis sur une chaise, avec ce verre en main, verre que je siphonne, vite, bien trop vite. Ce liquide chaud qui me brûle la gorge, l’estomac et qui me monte à la tête, vapeur destructrice. Mais dur journée, dans ce fast-food, condition paternelle pour pouvoir recevoir son argent tous les mois, pour ne pas qu’il me coupe les vivres. Pour que je sache ce que c’est, de trimer pour vivre, tu parles. J’ai toujours eu le cul dans le beurre, une cuillère dans la bouche. Mais je n’ai pas le choix, je suis en haut d’une pente et je dois faire ce qu’il me dit au risque de me casser la gueule. Parce que depuis que je suis sorti de ce centre il me donne l’impression d ‘avoir tous les droits sur moi. Mais je n’ai pas d’autre choix que de ferme ma gueule et de l’écouter, de faire ce qu’il me dit, de sourire, de dire oui amen à tout. Lui faire croire que j’ai changé, que son petit démon est devenu ange. Tu parles. Chasse le naturel et il revient au galop. Mais il ne comprend pas que c’est lui qui m’a façonné, lui qui m’a rendu comme ça. Pas d’amour, pas d’affection, juste du froid, de la pierre.

Alors quand je sors de ce fast-food et que j’ai l’impression d’être une frite géante tant je pue la graisse, je ne peux pas m’empêcher de respirer cette fumée malsaine qui s’échappe de mon bédot. Dans ce grand penthouse payé par papa, payé par mon géniteur. Et je me dis que si c’est ça le prix à payer, ça me dérange pas plus que ça. Plus d’avantage que d’inconvénient. Ne manquer de rien. Avoir un compte en banque bien remplit et s’assurer un avenir paisible. Même si des fois j’me rends compte que je suis bien chanceux, qu’il y a pire que moi, mais j’arrive pas à voir la merde dans les yeux des autres, trop obnubilé par la mienne.

Et parce qu’aujourd’hui est une date que j’aimerai bien oublier, parce que aujourd’hui je noie les souvenirs qui me remontent, d’un coup, comme une claque dans la gueule. Parce qu’on n’oublie jamais, qu’on vit avec. Qu’on essaye. Et mes yeux qui parcourent la salle, de mon regard. Perçant, perdu. Je regarde, sans vraiment regarder. J’ai peut-être l’air un peu paumé, le mec qui a un peu trop bu, le mec trop défoncé. Et j’en ai rien à foutre, d’être catalogué. Et le verre vide qui s’abat sur le comptoir en inox. Douce musique qui me paraît lointaine alors que je regarde le corps de ces filles, leurs courbes, bouger aux rythmes des basses.  Et je suis bien trop captivé par cette scène, scène qui me tord le cœur, qui me tord les tripes. Parce que je supporte pas ça moi, les mecs relou, et surtout quand je vois l’attitude de cette fille qui paraît réticente, trop réticente. Et j’aime pas jouer le mec chevalier bordel, mais j’peux pas jouer l’indifférence. Alors j’me lève d’un bond, un peu trop vite peut-être. Et j’fonce, dans l’tas. «  Mec, j’pense pas que … » Alors que ma main vient se poser sur son épaule. Il se retourne, d’un coup, ses yeux injectés de sang, le mec trop défoncé. Et j’lis, la rage dans son regard, la colère, la haine. Et j’ai pas le temps de finir ma phrase, bordel, à toujours vouloir bien faire. Et ça claque, contre ma pommette. Parce qu’il a sûrement dû flairer l’enroule, que j’allais pas lui facilité la tâche mais qu’il allait pas lâcher le morceau si facilement. En même temps j’peux le comprendre, surtout que j’ai le temps – en quelques secondes – de la relooker. C’est vrai que c’est une bombe cette fille, mais ça n’excuse en rien … Et j’ouvre la bouche légèrement, craquant ma mâchoire qui en a pris un coup au passage. Ma main qui se dépose sur ma joue pour encaisser le coup. Coup qui me réveille, coup qui me dessaoule. J’voulais faire ça en douceur, lui faire passer le message aimablement et apparemment, c’pas trop son cas. Alors j’ai pas d’autre choix. Mon poing qui se serre, ma mâchoire qui se contracte, mes yeux qui … Retour de flamme. Œil pour œil, dent pour dent. Mon poing qui s’abat sur sa joue, dans un bruit sourd, je sens son os contre mes phalanges. Et tout va vite, un deuxième coup de poing contre ma lèvre, lèvre éclatée, en sang. Je passe ma main sur ma bouche, main devenue rouge. Lèvre fendue. Je crache sur le sol, ce liquide rouge. «  J’pense pas que tu puisses te permettre de toucher ce qui t’appartiens pas. » Répliquais-je les dents serrées.

In the dark night

« AAaalllEzzzz bébé, danse avec moOoi ! » Je regardais l’homme face à moi avec dégout. Il était beaucoup trop proche de ma personne, il empestait l’alcool à plein nez. C’est à peine s’il tenait debout, ce saoulard transpirait comme un bœuf et se croyait irrésistible. Macho à souhait, prenant les femmes comme de vulgaires bouts de viande dont il pouvait déguster la chair lorsque cela lui chantait. J’avais une sainte horreur de ce genre de type qui n’arrivait pas à se contrôler, et qui buvait à en perdre la raison. Malheureusement, c’était toujours sur nous, les femmes, que ce genre d’espèce jetait leur dévolue. À croire qu’il ne se voyait pas faire chier d’autre personne que la gent féminine. Ces hommes, leurs hormones et l’alcool... Toute une histoire. Heureusement que ce n’était pas une généralité. D’ailleurs, celui-ci osait prendre un peu plus la confiance en agrippant son énorme main à ma fesse, puis violemment, me collait à son corps inondé de sueur. « Lâche-moi tout de suite sale porc ! » hurlais-je en me débattant. Toutefois, l’instant d’après, la voix d’un homme manifestement à nos côtés se fit entendre malgré le brouhaha présent dans l’établissement. J’apercevais une main sur l’épaule de l’ivrogne, mais ce dernier se retournait immédiatement et balançait son poing dans le visage du jeune homme qui venait à ma rescousse. Sous le choc, j’eut un mouvement de recul avant que les deux hommes ne continuent dans leur lancée. « J’pense pas que tu puisses te permettre de toucher ce qui t’appartiens pas. » Je me devais d’intervenir, alors sans réfléchir, je regardais autour de moi, prenait la bière des mains d’un inconnu et allait l’écraser sur le crâne du fouteur de trouble. Celui-ci s’effondra au sol. « Ça t’apprendra à faire le malin abruti ! »


Assise sur la terrasse de ma villa, vêtue d’un peignoir en soi, je profitais des premières lueurs du soleil tout en buvant mon café du matin. Je lisais tranquillement le journal, il n’y avait pas grand-chose d’intéressant aux nouvelles aujourd’hui. Si ce n’est peut-être deux pages qui consacraient entièrement Richard O’Braham, le directeur de la grande multinationale de Miami ainsi que son fils, de deux ans mon cadet. Uhm, finalement j’allais peut-être trouver mon bonheur. Depuis mon arrivée à Miami, j’avais eu l’occasion de cambrioler deux trois établissements, et les investigations sur de nouvelles possibilités avaient été nombreuses. Mais pourquoi s’arrêter maintenant ? J’en voulais toujours plus. Mais attention, ça ne voulait pas dire que j’agissais sans prudence. Bien au contraire, mes décisions étaient toutes mûrement réfléchies. Comme le fait de me renseigner sur le fils de ce milliardaire… Ce certain Ethan. Voilà comment je passais la journée à rechercher tout ce que je pouvais sur le jeune homme. Tout ces comptes sur les réseaux sociaux y passait, tout ce qu’internet pouvait me trouver sur ce dernier passait sous mon œil attentif. Je trouvais finalement l’information dont j’avais besoin, ou je pouvais trouver le jeune homme. Cela tombait parfaitement bien, nous étions samedi, et le Miami beach night club était une boite que j'appréciais fortement. Autant faire deux pierres deux coups.

Cheveux lâchés, maquillage prononcé aux yeux, robe très sexy, fendue des deux côtés, laissant apercevoir ma poitrine recouverte de matière transparente. J’entrains dans le club et lançais un regard d’ensemble jusqu’à trouver ce que je cherchais. Le jeune homme au papa milliardaire se trouvait comme je l’attendais au bar, il paraissait déjà bien dans son monde. J’espérais que mon coup n’allait pas foirer. Mon regard vaguait à nouveau dans la salle avant de s’arrêter sur un homme non loin du bar. Il était manifestement très saoul, et emmerdait chaque femme sur son passage. Je souriais en coin avant de m’élancer dans la foule, que la fête commence, pensais-je.

Je mimais le fait d’être affolée, assez surprise de la scène qui venait de se dérouler puis remontais mon regard vers Ethan. « Merci beaucoup d’être venue m’aider ! Je suis vraiment désolée… Regardez-vous… » Je m’approchais de lui et lui tendais un mouchoir. « Vous êtes officiellement mon héros. Je peux vous offrir un verre ? » demandais-je en souriant doucement.

In the dark night

Franchement celle-là, je ne m’y attendais pas. Elle a de la poigne cette gonzesse. Puisqu’elle ne tarde pas à se défendre elle-même et finalement je me demande pourquoi je me suis mis dans ce merdier, elle aurait très bien pu faire face à ce mec puant la sueur toute seule. La bouteille de bière vient s’écraser contre son crâne dans un bruit sourd. Ejectant des bouts de verres autour de nous et laissant la bière dégouliner le long de son visage. Et j’ai ce sourire amusé sur mon visage parce que putain, le mec est à terre. Elle a réussi à le mettre à terre. J’peux pas dire que c’est pas excitant de voir une meuf mettre un mec Ko mais c’est tout comme. Disons que je me sens comme un abrutis et totalement surpris par sa réaction. Je me retourne vers elle. Elle a l’air paniquée. Il paraît que dans un état de panique, notre force peut se multiplier, je n’en doute pas. Mon regard se pose de nouveau sur ce mec, couché en plein milieu de la piste de danse, complétement sonné. Il passe sa main sur son visage, remplit de bière dégoulinant sur le sol.

Elle s’approche de moi et me tends un mouchoir. Je l’attrape pour le passer doucement sur ma pommette en sang, putain ça fait mal. Mais c’est pas le moment de jouer au faible non, je retiens tant bien que mal cette petite grimace qui prend place sur mon visage. « Merci. » Et je passe mon pouce sur cette lèvre à moitié fendue qui promet une belle boursouflure pour demain. « Votre héros ? Je pense que vous vous seriez très bien débrouillée sans moi. » Je fais un petit mouvement de la tête envers le mec toujours couché part terre. « J’aurais pas fait mieux. » Petit rire. « Mais c’est vrai qu’un verre ne serait pas de refus, mais c’est moi qui vous l’offre. » Parce que c’est la tradition non ? C’est les mecs qui offrent des verres, pas les filles. « Sauf si moi aussi, je risque de finir avec une bouteille de bière sur le crâne » Directement un sorteur débarque de nulle part, genre le mec baraqué comme une armoire à glace. Sûrement alerté par la foule qui s’est dégagé autour de nous. Il regarde la scène d’un œil septique, comme s’il ne savait pas très bien comment réagir. Je le regarde et fait un mouvement avec mes deux mains comme pour me décharger pour ce qui vient de se passer. Il ne pose pas plus de questions que ça. Ses mains empoignent l’autre gars pour le relever d’un coup, chemise dans son poing, il prend le chemin vers la sortie. Et je me dis que ce mec ne pourra probablement plus mettre un pied dans ce club. Bien content que ça ne soit pas mon cas, car je dois dire que j’aime la tournure que prend cette soirée. Mes yeux se posent de nouveau sur la jeune femme, la scrutant, de haut en bas, discrètement. Elle en jette, faut dire ce qui est.

« Allons-y. » Je la suis jusqu’au bar. Prenant place sur un tabouret juste à ses côtés. Je capte l’attention du serveur et je nous commande deux verres de vodka. « Franchement, je suis bluffé. Faudra m’apprendre un jour cette technique, elle pourrait mettre utile un jour. » Non pas que je sais pas me défendre, loin de là, mais c’est toujours bien vu de flatter une femme. Elle aime crouler sous les compliments. Mon visage commence à tirer, le sang commence à sécher et j’imagine même pas la gueule que je vais avoir demain. « Au fait, moi c’est Ethan. » Mon regard se pose dans le sien. Si j’avais su que j’allais passer la soirée en charmante compagnie, je ne l’aurais pas cru, vu comment la soirée avait débuté pour moi. J’ai bien fait de ne pas quitter les lieux quelques minutes auparavant comme j’en avais l’intention.