Enfin nous arrivions à mener une conversation sans se hurler dessus, sans se prendre la tête. Faut dire que ça fait plutôt du bien, même si le contenu n'était pas très agréable à dire ou à entendre. Malgré tout, j'avais besoin de cette conversation et j'avais vraiment eu besoin de l'avoir aujourd'hui, alors que les conditions étaient optimales. Si nous avions hurlé, nous aurions encore dis des choses que ni l'un ni l'autre ne pensions et nous nous aurions une nouvelle fois fait du mal pour pas grand chose. Là, nous essayions malgré notre mal à s'exprimer de dire ce que nous pensons, ce que nous pensons vraiment. C'était bancale, sous-entendus mais c'est ce que nous essayions de faire malgré tout.

   Là, j'avais dis tout ce que je pensais lui dire. Je lui parlais de tout ce que je pouvais ressentir, tant bien que mal. Je tentais d'être claire, sans l'être évidemment. Mais il semblait comprendre où je voulais en venir, et je n'en doutais pas. Si je lui avais demandé s'il tenait à moi juste avant, c'était pour savoir s'il comprendrait la suite de mes propos. En effet, j'avais besoin d'avancer, de continuer ma vie et surtout de devenir adulte. Depuis toujours, je n'arrive pas à rester stable parce que dans un coin de ma tête réside toujours le visage de Noah que j'ai grande peine à mettre de côté, à mettre dans la catégorie "passé". Pourtant aujourd'hui je me dis qu'en lui parlant de tout ça peut-être que j'y arriverais plus facilement. Peut-être aussi que nos disputes prendraient tout leur sens - que c'était juste parce que nous étions attachés l'un à l'autre - et aussi que tout se réglerait.

   Je me levais après mes aveux, sans imaginer qu'il y répondrait. Je pensais que c'était un peu trop pour lui et qu'il n'arriverait pas à y faire face. Pourtant il se levait, s'avançait vers moi et s'agenouillait devant moi. Je déglutissais, ayant peur de ce que j'allais entendre. Pourtant, j'étais juste époustouflée par chacun des mots qu'il prononçait. D'abord, il me disait que quoiqu'il arrive, je restais "là". Quand il disait "là", c'était dans son coeur, puisqu'il le montrait. Là déjà, j'étais paralysée, je ne pouvais plus bouger, je l'écoutais très attentivement. Il continuait en me disant qu'il devait me laisser partir, même si ça lui ferait mal de me voir avec quelqu'un d'autre peut-être, jusque là il n'avait fait que de me faire souffrir et ça ne m'avait pas mené à grand chose d'autre. Il n'avait pas tort, et pourtant encore une fois, j'avais pleins de contre exemples. Quand nous étions ado, il y avait pleins de moments où j'avais été heureuse, et c'est d'ailleurs ce à quoi je pensais maintenant et qui m'arracha une larme. Comment en étions-nous arrivé là? Il continuait en me disant que quand même, je devais savoir qu'il était là pour moi et il vint prendre mon visage entre ses mains et m'embrasser le front. Je fermais les yeux, autant pour encaisser ce que je ressentais à l'instant précis que pour profiter de ce contact pour une fois sincèrement tendre qui me faisait un bien fou.

   Quand il me lâchait, j'avais toujours les yeux fermés. Je les rouvris difficilement, les yeux embués de larmes. Je le regardais dans les yeux et je ne pus m'en empêcher. Je ripostais en posant sans attendre mes lèvres sur les siennes. Je l'embrassais, laissant les larmes couler. Ces larmes me faisaient du bien, car je les retenais depuis bien trop longtemps. C'était l'apaisement d'avoir enfin tout dit, et aussi la douleur d'affronter la vérité. Il faudrait essayer de le laisser avancer sur son chemin, et me laisser faire de même malgré tout ce qu'il représentait pour moi aujourd'hui. C'était un baiser fou et en même temps doux, dont j'avais besoin pour en quelque sort dire au revoir. Puis après un long moment je me détachais, restant contre son front, sur les pointes de pieds. Je soufflais. « J'essaie depuis tellement longtemps.. Je ne sais pas si je vais y arriver alors.. Si tu changes d'avis.. si tu penses un jour que finalement on pourrait être bien tous les deux.. ou pour n'importe quoi en fait, saches que je suis là.. » lui dis-je avant de m'éloigner de lui d'un coup et de sortir limite en courant, en trottinant, me cachant le visage alors que les larmes coulaient plus que jamais.