Anteynara tenta de reprendre son souffle, de camer sa respiration haletante. Elles venaient de finir, Siobhän se retrouvant à présent allongée à côté d'elle, dans le même état, plus ou moins. Il leur fallut un moment, le temps de s'assurer que leurs voix ressemblaient à quelque chose, qu'elles étaient capables d'articuler. Puis Siobhän déclara simplement qu'elle devait s'en aller. Et Antey était d'accord, il valait peut-être mieux qu'elle s'en aille. Elle réagit froidement sans trop savoir pourquoi, en fait, et lui dit simplement de rassembler ses affaires et de s'en aller. Sur ces paroles, elle quitta la chambre pour aller s'enfermer dans la salle de bain et éviter d'avoir à se comporter convenablement avec Siobhän. Ca n'avait été qu'un coup d'un soir, quelque chose qui ne se reproduirait plus, et si elle était douée pour ce petit jeu, celui de l'après n'était pas son préféré. Elle préférait s'éclipser, laisser Siobhän s'en aller et ne pas avoir à lui adresser la parole ou même la regarder. Une fois dans la salle de bain, elle alluma la lumière au-dessus du miroir et se passa un peu d'eau sur le visage. « Tu m'en veux? » elle entendit alors à travers la porte. Anteynara leva les yeux au ciel, s'appuyant sur le bord du lavabo. « Non » elle répondit simplement. Peut-être que ça lui suffirait, à Siobhän, peut-être que ça la ferait disparaître. Elle n'avait pas de raison de lui en vouloir, Siobhän n'avait rien fait de mal. Antey espéra un moment que ce serait tout, mais Siobhän était toujours là. « Si tu veux en remettre une je ne dis pas non, mais je dois éviter de sortir à la lumière du jour, ce n'est pas contre toi. » ajouta Siobhän. Elle comprenait bien que ce n'était pas contre elle, Siobhän était libre de faire ce qui lui plaisait, et de toute façon plus vite elle serait partie, plus vite Anteynara pourrait reprendre le cours de sa vie. Mais sa phrase l'intriguait, en particulier la partie qui disait qu'elle ne pouvait pas sortir en plein jour. Et ça éveillait la curiosité d'Antey. Qui était Siobhän ? Elle toqua à la porte et Anteynara se concentra à nouveau sur le présent. « Allez Antey dis moi au revoir au moins.. » ajouta Siobhän. Et Anteynara savait qu'elle ne se comportait pas vraiment comme une adulte, qu'elle était désagréable avec son invitée sans raison valable. Et pourtant, elle restait coincée dans ce qu'elle avait décidé. « Au revoir » elle lui dit simplement.

Mais qu'est-ce que tu fous, Antey ? Elle se posait un peu cette question, tout en se persuadant qu'il n'y avait absolument rien à remettre en question dans sa façon d'agir. Elle était têtue et n'avait pas de raison de l'être, se comportant tout à coup comme une vraie connasse avec Siobhän. Ce n'était même pas un caprice ou de la colère. Juste la décision catégorique de mettre fin à leur jeu, de s'enfermer dans sa salle de bain pour la laisser partir et ne pas avoir à s'occuper d'attendre comme une idiote qu'elle ait pris ses affaires. Ne pas devoir l'accompagner jusqu'à la porte et se tenir là, plantée, en train de dire au revoir à cette fille. Elle se passa de l'eau sur le visage, son maquillage s'effaçant lorsqu'elle frotta un peu avec sa main mouillée. Elles se parlaient encore à travers la porte, Siobhän essayant visiblement de s'expliquer, de s'excuser, de rattraper une erreur qu'elle n'a même pas commise. Anteynara ne lui en voulait pas, elle voulait juste qu'elle s'en aille pour que sa nuit puisse reprendre son cours. Leur petite conversation n'avait pas de sens, et Siobhän avait elle-même dit qu'elle devait s'en aller. Alors qu'elle s'en aille. Et Anteynara pensait cela sans la moindre touche de cynisme ou d'agressivité. La jeune femme derrière la porte lui demanda d'au moins lui dire au revoir, et Anteynara lui lâcha donc un simple "au revoir" à travers la porte. Elle prit un élastique qui traînait et attacha ses cheveux en une queue de cheval, avant d'attraper le t-shirt qui lui servait de pyjama et de l'enfiler. « D'accord.. j'aurais aimé être sûre de te revoir » elle entendit, alors qu'elle passait ses bras dans les manches. Sûre de te revoir. Anteynara n'était pas du genre à revoir. Au contraire, elle avait passé les cinq dernières années de sa vie à vagabonder, à fuir toutes formes d'attaches. Les coups d'un soir étaient des coups d'un soir et ils le restaient. Elle s'amusait de ce qui n'avait pas de lendemain, profitait du caractère éphémère des choses parce que ça rendait les expériences plus jouissives. Elle avait connu Siobhän ce soir, et dès le moment où leurs regards s'étaient croisés, elles avaient su comment ça finirait. Une nuit. Et puis merde, Siobhän s'en irait, et Anteynara passerait à autre chose, tout simplement. Elle n'avait pas signé pour plus. Elle l'entendit s'éloigner, toujours plantée là devant son miroir avec son visage démaquillé et son vieux t-shirt. Anteynara se mordit un peu la lèvre. « anteynara » elle entendit, c'était faible, mais ça la fit soupirer un peu. Elle attrapa un slip et l'enfila, avant d'ouvrir lentement la porte et de sortir de la salle de bain. Elle avança vers le hall d'entrée, et s'arrêta à la porte, quelques mètres derrière Siobhän qui se trouvait dans l'entrée à deux doigts de s'en aller. Elle appuya une épaule contre le cadre de la porte. « Tu peux rester si tu veux » elle déclara en regardant le dos de Siobhän, les bras croisés sur son torse. « J'vais me faire couler du café » elle dit sans formuler explicitement l'invitation, mais en la laissant planer alors qu'elle se tournait pour se diriger vers la cuisine.

Alors qu'Anteynara était encore plantée là dans sa salle de bain, à se regarder vaguement dans le miroir et perdue dans ses pensées, elle entendit encore la voix de Siobhän. Siobhän qui prononça son nom une dernière fois, après qu'il se soit échappé de nombreuses fois de ses lèvres durant la soirée. Elle hésita vaguement avant de réaliser que non, elle n'avait pas vraiment envie que Siobhän parte, et surtout pas comme ça, pas après lui avoir pratiquement claqué la porte au nez, après lui avoir fait sentir qu'elle n'était plus la bienvenue. Antey ne savait même pas ce qu'elle voulait, alors vêtue d'un t-shirt et d'un slip, elle sortit de la salle de bain et alla se planter près de l'entrée, regardant un moment Siobhän qui lui tournait le dos et lui déclarant qu'elle pouvait rester, finalement, si elle le désirait. Quelques minutes plus tôt, Siobhän avait vraiment l'air de devoir partir, mais peut-être qu'elle avait un peu de temps, peut-être qu'elle pouvait au moins boire un café avant de s'en aller. Anteynara le lui proposa vaguement, annonçant simplement qu'elle allait faire couler du café avant de se diriger vers la cuisine. Elle contourna l'îlot central pour atteindre la machine à café, complètement consciente des bruits de pas de Siobhän qui la suivait. Alors qu'elle préparait la cafetière et appuyait sur le bouton pour la mettre en marche, elle sentit la main de Siobhän dans son dos, qui remontait son t-shirt, passait un doigt délicatement sur sa colonne vertébrale avant de redescendre en suivant le même chemin. « tu n'as jamais voulu te faire un tatouage quelque part? » lui demanda alors Siobhän, si près d'elle, son souffle contre sa peau. Anteynara ne réagissait pas à la sensation. Ce serait trop facile, trop généreux. Alors elle continua simplement de regarder son café couler. « Non » elle répondit, sans expliquer. Disons que l'envie lui était déjà venue, mais une chose qu'elle avait apprise avec le temps c'était que les tatouages, dans sa profession, ce n'était pas particulièrement conseillé. C'était quelque chose que Jay lui avait dit un jour. Que c'est comme une marque d'identification. Alors juste au cas où, elle comptait éviter. « Et toi ? » elle lui retourna simplement la question, ne se souvenant pas avoir vu de tatouage sur le corps de Siobhän. Peut-être qu'elle en avait un quelque part, caché dans un endroit discret. Anteynara se sépara un peu de Siobhän pour ouvrir le placard et sortir un mug. « Tu prends du café ? » elle lui demanda, sans tourner le regard vers elle, la main dans le placard prête à attraper une seconde tasse.

Même Anteynara ne savait pas ce qu'elle faisait. Sans doute une espèce de caprice de gamine, parce qu'au fond, elle n'était rien d'autre qu'une gamine qui jouait à la grande fille. Peut-être que la vie l'avait forcée à devenir adulte très tôt, mais en même temps, il n'y avait eu personne pour lui mettre une claque et lui dire "grandis un peu". Alors ouais, Anteynara était peut-être restée une gamine, quelque part, sous les apparences. Elle répondit plutôt froidement à Siobhän tandis que la jeune femme tentait des approches, et ça ne voulait pas dire que ça la faisait chier ou qu'elle n'en voulait pas, au contraire. C'était juste son sale caractère qui avait décidé de se manifester. Elle proposa du café à Siobhän, lui demandant si elle prenait une tasse. « Oui je veux bien s'il te plait » répondit Siobhän, et Anteynara attrapa donc la seconde tasse, qu'elle remplit et tandis à la jeune femme avant de remplir sa propre tasse. Siobhän commença alors à parler, et Antey but une gorgée de café encore brûlant, sa langue paralysée par la chaleur, mais elle ignora la douleur alors que le café descendait dans sa gorge. « Tu sais, je ne t'ai rien demandé. Si tu es distante pour faire genre que y'a rien entre nous parce que tu as peur que je crois qu'il y aura un lendemain ou quoi, tu as faux. Toi comme moi on veut que du cul, pas besoin d'être si froide pour autant. On s'entendait bien, jusque là, et je voulais juste pas partir sur une note pareille, surtout que c'était sympa et qu'à l'occasion je dirais pas non pour une nouvelle petite partie. » dit alors Siobhän, et Antey l'écouta sans l'interrompre. Elle était franche, et Anteynara la fixa longuement dans les yeux sans pour autant lui répondre. Elle avait raison, bien sûr, sur toute la ligne, mais Antey n'allait pas l'avouer. Elle avait un talent particulier pour l'auto-sabotage parfois même volontaire. Elle garda son regard dans celui de Siobhän, jusqu'à ce que celle-ci réponde finalement à sa question d'avant. « Et sinon, oui, j'ai un tatouage. Juste là. » et Anteynara regarda son doigt pour y voir un dessin encerclant son index. Ca ressemblait à un lion, et Antey s'approcha juste un peu pour voir mieux, avant de se reculer à nouveau, le regard de Siobhän attrapant le sien et ne le lâchant plus. « Je me le suis fais toute seule, en grande partie. » elle dit alors. Anteynara essayait de se l'imaginer, en train de dessiner sur sa propre peau avec une aiguille. « J'avais pas vu » elle lui répondit, toujours de cette même façon, le visage presque vide, sans détourner le regard un instant. « Ca te va bien... le lion » elle ajouta sans même savoir pourquoi la comparaison fonctionnait si bien, mais c'était un compliment, même si son visage restait de glace. Au bout d'un moment, le lien entre leurs regards se brisa et Anteynara s'éloigna, se dégagea de son emplacement entre Siobhän et le comptoir pour chercher un paquet de cookies, en prendre un et balancer le paquet sur le meuble en le faisant glisser vers Siobhän. Elle croqua dans le cookie, et la bouche encore à moitié pleine, elle demanda « Tu dois vraiment partir avant qu'le jour se lève ou c'était une excuse pour t'enfuir ? » Son visage restait le même, toujours inexpressif. Jusqu'à la fin de sa phrase, lorsqu'elle autorisa à ses lèvres un vague sourire en coin sur les derniers mots qu'elle prononçait.

Elle regardait le tatouage, le lion qui encerclait l'index de la jeune femme, puis elle se recula. Antey lâcha un compliment, lui dit simplement que le lion lui allait bien. Siobhän venait de lui faire son petit discours pour remettre les points sur les i, et là non plus elle n'avait pas réagit. Elle restait de marbre, parce qu'elle tenait à avoir raison malgré tout et n'avouerait jamais ses torts. Et en plus de ça, elle trouvait ça plutôt excitant en fait... Siobhän ne se laissait pas faire, elle avait du caractère, peut-être pas exactement dans le même sens qu'Anteynara, mais elle entrait dans le jeu et ça plaisait assez à Antey. « Merci » répondit Siobhän, son visage toujours aussi neutre, froid. Anteynara ne savait pas trop ce qu'elle voulait maintenant. Détendre l'atmosphère, se rapprocher d'elle, briser ce truc glacial. Ou continuer sur cette tension, jouer encore un peu de cette façon, pousser Siobhän à bout, risquer de se la mettre à dos. Anteynara jouait à des jeux idiots dont elle était la seule à avoir connaissance, et c'était peut-être le résultat d'une vie solitaire. Au final, elle chercha une boite de gâteaux et la fit glisser vers Siobhän, avant de croquer dans son propre cookie sans grande classe, d'une façon presque animale. Et là, elle lui posa la question, se souvenant alors de l'excuse qu'elle avait utilisé en déclarant devoir partir. « Je ne suis pas du genre à aimer mentir, il est préférable que je m'en aille avant que le soleil ne se lève, oui. » fit-elle en soupirant. Peut-être que c'était là l'une des plus grandes différences entre elles, parce qu'à l'inverse de Siobhän, Anteynara et le mensonge, c'était une grande histoire. Peut-être pas d'amour, mais de co-dépendance, certainement. Les mensonges faisaient partie de sa vie, ils étaient partie intégrante de son job, et avec le temps, elle avait commencé à y prendre plaisir. Raconter des histoires et jouer des rôles. Se faire passer pour ce qu'elle n'était pas. On pouvait cacher des choses sans pour autant mentir, mais au fur et  mesure, Anteynara avait pris goût pour le mensonge, le vrai. Enfin, tout dépendait de son humeur en fait. Ce soir, elle n'avait pas vraiment menti. Elle aurait pu raconter des histoires folles à Siobhän, sachant que leur relation s'arrêterait là de toute façon. Elle n'était pas obligée de lui montrer son hôtel, au loin. Elle aurait pu lui raconter que ses parents étaient d'anciennes stars du X ou qu'elle avait hérité d'un oncle milliardaire. Mais non, elle avait dit la vérité en ne mentionnant tout simplement pas le fait qu'elle tuait aussi des gens. « Enfin, c'est pas un truc de vampire ou quoi hein, j'fais pas parti d'une secte. » enchaîna Siobhän, avec un sourire discret. Anteynara resta glacé un moment, puis seulement après quelques longues secondes, elle laissa un petit sourire apparaître sur son visage, son regard dans celui de Siobhän. Et pourtant, elle se posait encore des questions, se demandait ce que c'était son histoire, à cette fille. Elle n'était pas du genre curieuse pour satisfaire ses petites envies personnelles. Fouiner dans la vie privée des autres ne l'intéressait pas. Sauf quand il s'agissait de détails qui pouvaient avoir une incidence sur sa propre vie, et dans ce cas-là, elle n'aimait pas du tout rester dans le flou. « Il y a une bonne raison à cela, si tu veux me croire ou pas tant pis. Mais c'est aussi préférable pour toi qu'on ne sache pas que tu as croisé mon chemin. Du coup la nuit, c'est plus discret. D'où mon travail. » Et là, Anteynara voulait en savoir plus. Tout à coup, les choses changeaient entre elles et Anteynara voyait Siobhän d'une façon légèrement différente. Il y a quelques mois, ça lui aurait plu. De ne pas savoir, de sentir qu'il y avait quelque chose mais de garder le mystère. Ca l'aurait même excitée au plus haut point. Elle se serait même amusée à la torturer dans tous les sens les plus délicieux du terme pour qu'elle lui lâche quelques secrets. Parce qu'il y a quelques mois, elle n'avait pas d'attaches, elle volait de ville en ville sans se soucier de quoique ce soit. Mais maintenant, elle était à Miami, dans sa propre maison, elle avait une famille, elle avait une vraie vie avec des gens et des choses qui comptaient. Et elle n'aimait pas ce petit inconnu étrange que lui apportait Siobhän. Sa phrase était claire, elle ne pouvait pas être vue, et il était dangereux qu'on aperçoive Anteynara en sa compagnie. Elle fronça les sourcils, abandonnant du coup ses conneries et laissant son regard scruter un peu mieux le visage de Siobhän pour y trouver quelque chose. Elle n'avait pas vraiment peur de se montrer honnête avec elle, se disant que s'il y avait vraiment un problème, une situation qui risquait de la dépasser, elle s'en sortirait très bien d'une façon ou d'une autre. « Tu te caches de qui ? » elle demanda, oubliant le ton sec d'avant pour s'approcher un peu d'elle tout en gardant une distance, parce qu'on ne sait jamais... Elle posa le cookie à moitié mangé sur le comptoir. « Je t'ai invitée chez moi, alors si y'a une chance que j'ai des problèmes j'aimerais être au courant » elle ajouta simplement, s'appuyant un peu sur le plan de travail et croisant les bras sur sa poitrine.