Ça faisait à peine quelques jours que je m’étais rendu dans ce bar pour voir le groupe que mon amie m’avait dit d’aller voir. Selon ses dires, ça allait être dans mes goûts et c’était en plein le genre d’artistes que j’aimais. Elle n’avait pas eu tort, le style m’avait bien plu et j’aurais probablement tout fait pour les faire signer sur le champ si ça n’avait pas été le groupe de mon ex, de Matt. Disons que sa petite chanson sur notre histoire m’avait fait quitter les lieux assez rapidement merci. Ça avait été la goutte qui avait fait déborder le vase et me confronter à tout ça, déjà que ça avait été ébranlant de le revoir après tout ce temps à l’ignorer et ne plus rien savoir de vouloir recroiser son chemin. C’était pas nécessairement tout ce qui s’était autrefois passé qui me frustrait autant, mais probablement de réaliser que ça m'affectais, justement, encore beaucoup. Le revoir faisait remonter des trucs en moi que je tentais de terrer depuis des années déjà. C’était mieux de me tenir encore éloigné et de faire comme si cette soirée n’était jamais arrivée. Aujourd’hui n’avait rien d’une journée intéressante, j’étais à mon bureau à répondre à des e-mail en faisant jouer des CD qu’on m’envoyait par centaine dans l’espoir de tomber sur un morceau coup de coeur qui allait me donner envie de rappeler l’artiste en question. C’est ma secrétaire qui me dérangeait dans mon travail en m’informant qu’un prénommé Matt Sanders souhaitait me voir malgré le fait qu’il n’avait pas de rendez-vous. Je dû la faire répéter deux fois avant vraiment réalisé qu’il était là. Non mais il avait du culot quand même de venir à moi comme ça. Il pouvait bien aller chier, oui.

« Dis-lui de prendre rendez-vous comme tout le monde. »

Rendez-vous que je n’allais jamais lui donner, naturellement. Je raccrochai immédiatement avant de soupirer et de lever la musique au fond dans mon bureau. C’était moi la boss icitte, je faisais bien ce que je voulais! Alors que je pensais avoir retrouvé le calme, ou du moins, la sainte paix, on ouvrit la porte de mon bureau à la va vite, me faisant immédiatement relever la tête vers mon ex petit-ami qui se trouvait debout devant moi et ma secrétaire, visiblement incompétente, qui arriva derrière essoufflée.

« Mais qu’est-ce que tu fous? » dis-je en me levant de ma chaise d’un bond.
« Pardon Emma, j’ai voulu le retenir mais il a été trop vite. »

Je soupirai en lui faisant signe de retourner derrière son bureau. Il était trop tard maintenant. monsieur avait décidé d’en faire qu’à sa tête, et sa tête pour la peine, j’avais bien envie de la cogner contre un mur. Il se croyait vraiment tout permis, c’était énervant. Je restai un instant debout, les bras contre le ventre à le regarder avant de me résigner en entendre le pourquoi de sa venue ici, même si je m’en doutais un peu.

« Tu as deux minutes.»
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Ok, c’était assez surprenant là. Non seulement ma secrétaire m’avait informé de la présence de mon ex ici, mais même après avoir refusé de le voir, ce dernier fit apparition dans mon bureau. Je fus naturellement un peu frustrée qu’il se croit tout permis de la sorte mais quelque part, je me demandais bien ce qu’il foutait ici. Mon départ du spectacle la dernière fois n’avait pas été assez pour lui faire comprendre que je voulais rien savoir? Visiblement pas!

« Je sais pas ce qui est arrivé l'autre soir, mais tu es partie en flèche alors qu'on était toujours en train de jouer sur scène. J'aurais aimé avoir ton avis sur ce qu'on fait. Est-ce qu'on était si poche que ça ? Si oui, tu dois bien avoir des commentaires constructifs à nous offrir. On aime ce qu'on fait. »
« Je suis occupée, même si t’as pas l’air de le comprendre. »

J’avais pas envie de discuter avec lui. J’avais rien à lui prouver, et je lui devais strictement rien. Pourquoi est-ce que je devais perdre mon temps à lui faire des commentaires constructifs honnêtement? C’était n’importe quoi là! J’aurais juste jamais dû me pointer là-bas ce soir là, tout simplement. Pourtant, Matt resta immobile dans mon bureau, maudit gros cave!

« Tu veux que je te fasse un dessin peut-être? »
« Et viens pas mêler nos anciennes histoires là-dedans. On parle business là ! Que tu m'aimes ou pas la face...je m'en fiche. »

Bon, ça y est, j’allais le fesser dans la nuque.

« Tant mieux si tu t’en fiches parce que ça va pas changer. »

Fallait pas qu’il pense que parce que je l’avais regardé faire le beau sur la scène et gratter un peu sur sa guitare que j’allais avoir une certainement admiration pour lui. Du moins, l’avouer. Bref, c’était pas important. Là il me donnait la possibilité de pouvoir lui donner mon avis, son entêtement avait quelque chose d’admirable mais je n’allais pas mâcher mes mots non plus. Il avait qu’à bien se tenir.

« Définitivement, t’as de l’énergie sur scène mais des fois ça affecte tes performances vocales, tu vas devoir faire le choix de commencer à te mettre en forme ou juste avoir moins de vers dans le cul. Vos groupies sont fatigantes, Olivier devrait clairement faire plus attention durant ses soundcheck, son son jure des fois pendant certaines chansons, après, l’ordre de performance de vos chansons ça va, mais on remarque beaucoup moins d’énergie dans la deuxième partie. » Je le regardai quelques secondes avant d’ajouter : « Ensuite...je sais pas s’il est toujours comme ça mais Shum est définitivement beaucoup trop gelé sur scène et on passe plus notre temps à se demander s’il va crisser le camp en bas du stage que d’apprécier le show. »

Naturellement, je ne mentionnai pas les chansons plus précisément. J’aurais pu dire aussi que ses chansons était un peu à travailler, surtout une en particulier mais je ne voulais pas m’avancer trop là-dedans. J’aurais pu dire des trucs gentils mais j’avais été assez gentille comme ça non? Il fallait pas non plus qu’il s’attendre à du gros léchage de cul non plus de ma part.

« Vos chansons sont pas nécessairement profondes ni recherchées mais le beat est bon. Après, oubliez ça, vous n’allez jamais jouer à la radio, votre style fait beaucoup trop 2005 pour être capable de se frayer une place entre une chanson adolescente à la Bieber et les petits beats quétaines de  Katy Perry… Mais ça, c’est la faute de notre société trop pop de marde…

Je m’étais dirigée doucement vers la porte pour poser ma main sur la poignée de cette dernière sans pour autant l’ouvrir, jetant un coup d’oeil à Matt, essayant de voir un semblant de réaction suite à ce que je venais de dire. J’avais beau m’en foutre de ce qu’il pensant, j’étais quand même curieuse quelque part.

« Sinon, j’ai rien de plus à dire. L'orgueil se porte encore bien ou j’dois sortir les kleenex? »

Je disais ça avec sarcasme mais ça arrivait souvent que je faisais pleurer certaines personnes. Si on était pas capable d’en prendre, il fallait pas se risquer à me demander le fond de ma pensée. C’était un risque à prendre, voilà tout.
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Matt devant moi, je n’avais visiblement plus d’autre choix que de lui foutre les 4 vérités sur son groupe pour qu’il dégage de mon bureau éventuellement. J’avais d’autre chose à faire que de m’expliquer à lui du pourquoi et du comment que j’étais pas resté jusqu’à la fin du spectacle cette soirée-là. Je me lançai donc dans des explications, des raisons - pour certaines exagérées - car je préférais largement lui dire ce genre de foutaise à avoir l’air le moindrement vulnérable face à ce petit con. Bon, je vis bien son visage se dépérir plus j’en mettais et je tentais de ne pas flancher car quelque part, je savais à quel point c’était personnel pour un artiste la musique, et à quel point ça pouvait être difficile d’entendre ce genre de chose. J’étais toujours bien direct, mais jamais à ce point là.

« Bon...j'imagine que ça te fait plaisir de me dire tout ça. »
« Ni chaud ni froid j’te dirais. » dis-je en prenant un air détaché.

J’étais pas de nature méchante. J’étais pas de nature bien amical, chaleureuse, gentille non plus mais avec Matt, je me donnais assez. Il avait fait de ma vie un enfer sans même le réaliser que c’était enfin le temps de me venger un peu… et pourtant, je ne trouvais pas ça aussi gratifiant que j’aurais cru que ce l’était. Probablement parce que j’avais l’impression de perdre aussi quelque chose de mon côté. Ça ne m’avait toutefois pas empêché de retourner vers la porte, comme pour l’inciter à quitter prochainement.

« Je vais m'en remettre, je suis un grand garçon. Tu sais que tu aurais pu me dire tout ça l'autre soir au concert ? C'était pas vraiment professionnel de ta part de partir sans nouvelle comme tu l'as fait. De toute façon, si tu nous avais signé, je ne crois pas que ça aurait pu fonctionner nous deux. Avec ton air bête en permanence, je crois bien que j'aurais voulu tout foutre ça en l'air. Pas la peine de te déplacer, je connais la sortie. »

Bon, ça jouait les dramatiques aussitôt. Je soupirai en levant un peu les yeux au ciel. Il pensait sincèrement que j’aurais pu lui dire tout ça cette soirée là? Il aurait plutôt espérer m’attendrir avec sa chanson sur notre histoire, oui… mais je lui montrais bien que ça ne fonctionnait pas comme ça avec moi.

« Parce que toi et tes singes vous êtes très professionnels, oui. »

Non mais, il voulait parler de professionnalisme avec moi, sérieusement? Ce fut mes dernières paroles avant qu’il ne quitte mon bureau. Je restai debout quelques secondes à fixer le vide. Puis, justement, la Emmanuelle professionnelle et femme d’affaire en moi prit le dessus sur la petite ado encore brisée pour le suivre jusque dans le corridor qu’il longeait tranquillement, les mains dans son manteau de cuire. Man… de même il avait un sacré cul en plus dans ses jeans, voyons lui des fois!

« Dans mes souvenirs, tu étais beaucoup plus obstiné Matthew. »

Il se tourna alors vers moi, je croisai les bras contre mon ventre. J’arrivais pas à croire que je faisais ça, c’était piler sur mon orgueil et pas rien qu’un peu mais je voyais du potentiel et je voyais aussi de la volonté, malgré le fait qu’il quittait rapidement après mes commentaires, ila vait quand même eu les couilles de revenir ici.

« Si tous les artistes étaient parfaits dès le début, mon métier servirait strictement à rien. » Je me mordis les lèvres un instant. « Tu reviens dans mon bureau et je t’explique quelques trucs avant que je change d’avis ou tu préfères garder la tête dure et bouder? »
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Des fois je disais des choses sans réfléchir, des fois je reconnaissais le fait que j’avais peut-être pas assez ma langue dans ma poche. Disons qu’avoir Matt devant moi, j’oubliais tout et la seule chose que je voulais, c’était l’envoyer balader et là, j’avais la possibilité de l’attendre droit au coeur en critiquant sa musique. Étant moi-même musicienne je crois immédiatement que ce n’était peut-être la meilleure chose à faire et je me surpris un peu à regretter d’avoir tout dit ça alors que Matt quittait mon bureau. Je n’aimais pas le gars, mais je savais reconnaître quand il y avait un certain potentiel. C’est pourquoi je m’étais empressée de le suivre, en essayant indirectement de le retenir.

«  Bien... c'est pas moi qui a le pouvoir décisif là-dessus...alors à quoi bon ? Au lieu de me faire taper dessus encore et encore, je crois que c'est mieux que je quitte  »

Je fronçai les sourcils.

« Promis, prochaine fois, je vais te taper, littéralement… tu vas peut être mieux gérer le tout. » dis-je avec ironie.

Je lui fis néanmoins comprendre que j’avais peut-être quelque chose pour lui s’il acceptait d’arrêter de bouder et revenir avec moi dans mon bureau. Je me fiais à mon instinct là, et j’osais espérer qu’il ne me trompe pas. J’avais quand même déjà fait confiance à Matt une fois et il l’avait ruiné à jamais. On allait bien voir où ça allait nous mener et le jeune homme devant moi semblait dans la même optique. Je tournai donc les talons pour retourner dans mon bureau, fermant la porte derrière lui lorsque Matt vint m’y rejoindre. On s’installa donc à mon bureau, c’était assez formel tout ça et je ne pouvais que trouver ça un peu bizarre.

« Et si tu me dis encore que nos groupies sont énervantes... ça je peux rien y faire. »
« Whatever, gardes-les proche, c’est des bons vides-couilles faciles. » dis-je en lui faisant un petit sourire rapidement avant de tourner la tête vers mon ordinateur.

Il se doutait même probablement pas à quel point je savais de quoi je parlais. C’était avantageux aussi pour moi d’être agente d’artiste, ça pognait. Bon, c’était jamais pour les bonnes raisons, on savait tout ça mais quand tout ce qu’on veut des autres c’est baiser, ça fait la job.  Je jetai un coup d’oeil à mon agenda en ligne avant de reporter mon attention vers mon ex qui devait bien attendre ce que j’avais de bon à lui dire maintenant.

« Voilà ce que je te propose : tu connais le principe des showcases? » Je le questionnai du regard avant de comprendre que c’était pas vraiment le cas, naturellement. « C’est un moyen efficace pour les artistes émergeants de non seulement se faire connaître mais également de leur donner la possibilité de booker des spectacles avec des diffuseurs de salle de spectacle. Dans deux weekends, y’a un méga showcase à Los-Angeles… donc si tu crois que vous êtes capable de gérer, vous venez avec moi. »

C’était aussi simple que ça en fait. Je promettais rien, je leur donnais simplement cette possibilité et déjà, c’était beaucoup car il y avait des gens assez importants là-bas. Naturellement, c’était un peu plus difficile de faire ses preuves lorsqu’on était pas connu mais ça servait à ça aussi et puis j’avais des bons contacts, je savais comment vendre les gens que je prenais sous mon aile. Ça ne voulait toutefois pas dire qu’on allait travailler définitivement ensemble non plus. J’étais toujours méfiante et je faisais pas facilement confiance.

«  Je te fais pas signer de contrat avec moi maintenant, ça sera le bon moment pour réellement voir de quoi vous êtes capable et si la demande est là.. hors de votre petit bar où tout le monde vous connaît. C’est environ 5-6 chansons seulement donc fais des bons choix. Pas question que vous me faites honte, tu vas me tenir informer de ce que vous allez présenter. »
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Bien oui... comme on disait : il n'y avait que les fous qui ne changeaient pas d'idée hein! Je ne savais pas encore totalement si j'étais en train de faire une grave erreur mais Matt était de retour dans mon bureau et j'étais en train de lui expliquer mon plan de match. Naturellement, le tout semblait plus que lui plaire

« Tout ce que tu voudras....sérieux wow ! J'y crois pas. C'est une fleur que tu nous fais là et merci ben gros. Je m'attendais pas autant. Les gars vont tripés ben raide. J'y crois pas encore ! »

Je lui fis un petit sourire rapide, un truc juste de politesse là, rien de trop gros. Je voyais bien que je venais de lui faire vraiment plaisir et j’en revenais pas vraiment que j’avais pas vraiment tenu mes intentions de départs. Peut-être parce que quelque part, j’avais le feeling que j’y gagnais aussi, c’était surement ça oui… fallait pas penser que je lui rendais service directement à lui, par pure gentillesse..

« Finalement, je ne regrette pas d'être venu te voir. Je savais bien que tu trouverais quelque chose de bien chez moi. Merci pour ce coup là. Je t'appelle dans la journée pour confirmer le tout une fois que j'aurais parlé aux gars. Je pense bien qu'ils seront tous en accord. En espérant que la blonde à Dave fera pas chier. »
« Si elle fait chier, dis-le moi, j’vais aller la faire chier bien comme du monde moi. Ça parait pas vite de même, mais j’ai tout un caractère. » dis-je en tout sarcasme car je savais bien que j’étais une vraie plaie avec lui. D’ailleurs, il me lança un petit regard qui voulait tout dire à cet effet. Je lui balançai un stylo dessus. « La ferme. »

Il n’avait rien dit, mais c’était un avertissement. J’avais roulé les yeux en déviant son regard pour me mordre un peu la lèvre, m’empêchant de trop sourire. Fallait pas non plus qu’il pense que j’avais un quelconque plaisir à être en sa compagnie présentement.

« Je couvre les frais de transports pis d’hébergement là-bas mais c’est tout. Vous vous arrangez avec la bouffe pis le reste. » repris-je plus sérieusement. « Donne-moi ton numéro de téléphone, j’vais te communiquer les informations plus spécifiquement pis je m’attends à avoir de tes nouvelles rapidement aussi concernant les chansons. »

Je sortis mon téléphone pour qu’il me le donne et je lui envoyai un SMS pour qu’il puisse avoir mon numéro également. Un simple : Asshole, ajouté d’un clin d’oeil allait faire l’affaire et je remarquai bien sa réaction lorsqu’il regarda son téléphone.

« Aaaah et, gères-toi sur les photos de graine stp, j’ai assez de Shum. » lâchais-je en ramenant une mèche de mes cheveux derrière mon oreille. « Bon, je pense que c’est tout pour moi. T’as d’autres questions? Sinon je t’inviterais à disposer. J’ai des rêves à briser pour vrai. »

Et ceux-là, avaient de bonnes raisons, disons. Je recevais pas toujours des démos de grands talents hein! Parfois des gens avaient l’égo surdimensionné et ils méritaient de se faire replacer sur le chemin de la raison avant qu’on se foutre littéralement de leur gueule. Je leur rendais service au final.
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