Je venais de terminer de cogner sur mon petit souffre-douleur du moment. Quelques lundis soirs, il m'arrivait souvent de venir le voir pour pouvoir lui faire peur, lui faire regretter d'avoir choisi ce métier. Et ce soir, ça n'avait pas loupé. Mais après m'en être amusé, je l'avais laissé terminer sa soirée et je marchais, de très longues minutes, voir même une heure et quelques jusqu'à la falaise. Parce que de passer du centre-ville jusqu'à l'est de la ville, c'était assez long. Surtout que je tenais vraiment à rejoindre cette falaise. Là où tout était possible, où tu pouvais tester tes limites, savoir si tu méritais de vivre ou mourir par exemple. J'avais passé de longs moments, debout, juste au bord de la falaise qui donnait directement sur une chute rocheuse. Me demandant si j'allais pouvoir sauter et mettre fin à toute cette connerie, ou si j'allais faire l'honneur à toute la population de rester en vie encore quelques temps. Et ce soir, sans n'avoir réellement réfléchi, j'avais envoyé un message à Indiana pour lui demandé de me rejoindre. J'ai toujours apprécié son caractère à sa juste valeur. Voir une femme de son gabarie être aussi peu sentimentale et être une vraie garce, c'était toujours amusant et très excitant. Nous étions devenus amis depuis tout ce temps. Enfin, j'avais toujours autant de mal à prononcé le mot ami puisque même ce genre de sentiment je ne pouvais malheureusement pour certains, pas le ressentir. Mais je l'appréciais. Surtout lorsqu'elle sortait les griffes et qu'elle faisait sa sauvage devant moi, avec des passants. Peut-être qu'elle allait me faire oublier ce qu'il venait de se passer, peut-être même allait-elle se battre jusqu'au sang avec un pochetron ou une droguée du coin. Rien que cette idée me fit esquisser un sourire en coin. Un sourire mauvais et rempli d'excitation. Alors la moitié de mes pieds dans le vide, et mes talons sur la terre ferme, j'attendais de voir si un coup de vent allait me faire basculer vers l'haut delà, et surtout, j'attendais l'arrivée de la tigresse. Espérant qu'elle aurait quelque chose pour moi, une simple bouteille ou quelque chose pour me faire planer et me faire bien dormir cette nuit. Tout ce que je voulais ce soir, c'était ne pas cauchemarder sur des birbes de souvenirs que je pensais avoir enterré.

Entendant des talons claquer en ma direction, je pus imaginer Brooklyn s'approcher de moi, alors je ne fus pas surpris par son interpellation et encore moins par le son de sa voix au creux de mon oreille. Passant ma main autour de sa taille, je reculais d'un pas car la moitié de mes pieds étaient dans le vide. Me retournant vers elle, je voyais facilement grâce au clair de lune qu'elle tenait une bouteille de vodka dans sa main. Bien, elle avait pensé à tout. Je laisse glisser ma main le long de son dos, jusqu'à ses reins et frôlait ses fesses pour laisser enfin mon bras s'échouer le long de mon corps. « J'pensais pas que t'allais venir si rapidement. » Comme guise de salut. C'est vrai que je n'étais pas très tacile et encore moins dans les mielleries dans le genre de la prendre dans mes bras sans arrières pensées dans ma tête. Nous avions cependant toujours eu ce genre de jeu du chat et de la souris qui m'avait toujours amusé. J'étais sûr de passer du bon temps avec elle, elle n'était pas ennuyante comparée aux autres femmes que je pouvais côtoyer. Elle était un peu comme moi, elle se fichait de tout et si elle avait un truc à me dire, elle ne se gênait pas pour le faire et encore moins pour y prendre des pincettes. M'installant à terre, je lui pris la bouteille des mains pour l'ouvrir et y boire plusieurs gorgées d'affilés, sentant le breuvage transparent me brûler l’œsophage. C'était une sensation plaisante, alors après avoir jeté un rot, je lui tendis la bouteille pour qu'elle puisse, elle aussi en profiter. « T'étais au boulot encore à cette heure là? » Je ne fis pas semblant de m'y intéresser car ce n'était absolument pas le cas, c'était juste une information que j'aimais prendre en considération. Tandis que Brooklyn s'installe en face de moi, j'ancre mon regard dans le sien qui brillait dans cette sombre nuit.