L'été avait été on ne peut plus mouvementé pour Aline et elle n'arrivait pas à croire qu'elle avait réellement vécut tout cela. Elle avait suivi les conseils de ses proches et avait finalement confronté Gabriel. Gabriel qui avait admis sentir un fossé entre eux, vouloir des enfants et un mariage, mais ne pas vouloir l'empêcher de finir ses études. Il lui avait renvoyé leur écart d'âge en pleine face, comme on renvoie la balle en visant la tête d'une personne que l'on aime pas. Il avait reconnu ne plus vouloir faire d'efforts pour sauver leur histoire, se sentir désireux de passer à autre chose, de pouvoir construire quelque chose. Bee avait hurlé. Elle avait pleuré, beaucoup. Cette rupture lui était douloureuse et inconcevable. Elle songeait qu'ils avaient encore une chance et qu'elle pouvait très bien avoir avec lui les enfants qu'il voulait, tout de suite. Cependant, il ne lui avait pas vraiment laissé le choix. Et il était parti.

Il était parti à la mi-juillet, le temps de préparer ses affaires et le vol retour pour la France, mais avait quitté l'appartement quelques heures après leur discussion seulement. Lui se sentait soulagé d'un poids. Mais il l'avait blessée, détruite. Elle avait mal comme jamais elle ne pensait pouvoir avoir mal. Passant son temps à pleurer et se morfondre, elle l'avait à peine regardé faire ses bagages, essayant une nouvelle fois de le retenir, sans savoir si ce qu'elle redoutait le plus était de le perdre, ou la solitude qui allait suivre.

Finalement, le mois s'était achevé plus facilement que prévu. Le temps de faire son deuil de cette histoire avait été assez court, plus court qu'elle ne l'aurait cru. Il ne lui manquait pas vraiment. En revanche, courant Aout, un sentiment de manque était apparu. Mais ce n'était pas l'absence de Gabriel qui faisait naître cela en elle. La jeune femme savait qu'elle ne devrait pas penser ce genre de choses, qu'elle devait fermer les yeux sur tout cela, que ça pourrait être dangereux. Maintes fois, elle avait regardé son téléphone, en se disant qu'elle ne devait pas. Qu'il devait rester son professeur. Car si Gabriel ne lui manquait pas vraiment, l'absence de ses discussions avec Alexandre, son professeur de littérature, la rendaient bien plus triste.

Elle rentrerai dans une semaine, nous juste. Et ce soir encore, dans un moment de solitude, elle observe son téléphone, se mord la lèvre inférieure, semble hésiter. Elle ne sait pas ce qu'elle pourra dire quand il va décrocher et elle sait qu'elle ne devrait pas faire cela mais son envie est plus fort qu'elle. Alors elle attend qu'il décroche. Quand c'est enfin le cas, elle regrette et s'imagine une seconde raccrocher. Mais elle ne peut pas le faire et il risque de comprendre que c'est elle. Et de se poser alors des questions sur cet étrange appel interrompu. Non, elle doit assumer maintenant.

"- Bonsoir professeur Walker... C'est Aline je... Vous aviez dis d'appeler si... Si j'avais besoin et..." elle s'arrête là, sans parvenir à en dire plus.

"- Je... je ne dirais pas ça, sans aller vraiment très mal monsieur." répond la jeune femme.

De nouveau, le silence s'installe et la jeune femme déglutit légèrement en se demandant pourquoi elle l'a appelé lui et elle songe qu'il va se poser des questions, qu'il ne comprendra pas pourquoi elle a choisi de se tourner vers lui en pareille situation. Il est son professeur après tout et les étudiantes ne sont pas sensé le contacter en dehors de son adresse mail universitaire à destination des questions relatives aux cours. Hors, elle appelle dans un cadre totalement privé et elle ne sait pas vraiment si c'est bien correct. Peu importe, maintenant qu'elle l'a au bout du fil elle pourrait difficilement revenir en arrière. La rousse passe une main dans ses cheveux.

"- Je me disais seulement que cela fait longtemps que nous n'avons pas discuté, vous et moi." répond sincèrement la jeune femme.

Mais immédiatement elle regrette ses propos, jaugeant qu'ils sont probablement trop personnels et donnent une connotation trop particulière à cet appel. Une connotation qu'elle ne peut pas se permettre d'avoir, tout simplement. Alors rapidement, la jolie rousse cherche à retrouver une pente moins glissante, plus stable, alors qu'elle ne voudrait pas qu'il la fuit en comprenant ce qu'elle a voulu dire. Ou ce qu'elle peut penser dans l'immédiat.

"- Et j'ai suivi votre conseil, j'ai parlé à Gabriel." indique la jeune femme avant de marquer un nouveau temps de pause, laissant le silence planer quelques minutes. "Cela doit faire un mois et demi maintenant qu'il est rentré en France. Vous aviez raison sur toute la ligne, il n'avait simplement pas le courage de dire lui-même que c'était finit. Alors je suppose qu'il a préféré me laisser me lasser de lui, de notre relation..." reprend la demoiselle.

Nouveau temps d'arrêt, elle laisse sa phrase en suspension dans le temps et dans l'espace, écoutant la respiration de son interlocuteur et ses réponses, de l'autre côté du combiné.

"- Et vous... Comment... vous portez-vous ?"

«- Oui professeur, un peu...»

Au bout du combiné, la demoiselle se traite mentalement de courge alors qu’elle dit à son professeur qu’ils n’ont pas parlé ensemble depuis longtemps. Mais qu’elle idée. Quand il demande si cela lui manquait, elle a l’impression qu’elle vire au rouge écarlate et que par conséquent il va se rendre compte de quelque chose et avoir des doutes à son égard. Naturellement la demoiselle ne sait plus où se mettre. Aline n’avait pas pensé qu’elle pourrait se rendre aussi ridicule en appelant simplement quelqu’un. Mais ce quelqu’un n’est pas simplement un homme après tout, il est son professeur, c’est tout de suite une situation bien délicate, à son goût.

«- J’imagine que je n’étais pas fière de moi ou que je ne voulais pas vous dérangez. Vous étiez en vacances, je n’allais pas vous appeler pour… Pour pleurer sur votre épaule. Même si finalement c’est exactement ce que je suis en train de faire. Même si je ne pleure pas physiquement sur votre épaule je… Je suis quand-même avec vous au téléphone. Et… Mais ça va, ça va. Je me remet doucement. »

De pire en pire, elle se mord la lèvre inférieure en songeant que le beau professeur Walker va la prendre pour une folle et ne voudra plus jamais lui parler. Qu’elle imbécile. La rouquine se tape le front avec le plat de sa main en se traitant d’idiote, de stupide petite chose. Peut-on donc être aussi sotte !?

«- Je suis prête pour la rentrée monsieur. » se contente de répondre la jeune femme.

Et elle laisse planer un certain silence pesant pendant quelques secondes comme elle ne sait pas du tout comment répondre à cette question que l’homme lui pose. En soit cela avait été bien plus facile qu’elle ne l’aurait pensé. Il ne lui avait pas tant manqué que ça. C’était un comble, elle ne savait pas comment c’était possible elle qui passé un temps n’imaginait pas sa vie sans Gabriel. Et le perdre avait été facile en fin de compte, moins douloureux que ce à quoi la jeune femme s’était attendue de prime abord. La douleur s’était rapidement calmée, elle n’avait pas compris comment cela était possible, dans un premier temps. Puis elle avait pensé à Alexandre et elle avait trouvé une réponse ainsi. Une réponse qui ne la satisfaisait pas car si son professeur lui plaisait, tant bien physiquement que mentalement, elle ne le connaissait pas non plus assez pour dire qu’elle ne était amoureuse et surtout, elle ne pouvait pas éprouver de l’affection à son égard. Parce que ce n’était pas légal.

«- Mon été a été pourri, mon année sera meilleure ne vous en faites pas ! » répond la demoiselle, confiante.

(Codage un jour au pc :s)

«- Je n’ai pas osé.» se contente de répondre la rouquine.

Dire qu’il était là et qu’il annonce qu’elle aurait pût l’appeler, qu’il aurait été là pour elle si c’était ce dont elle avait besoin… Aline regrette naturellement de ne pas avoir appelé plus tôt du coup, mais la situation est tellement compliquée. La jeune femme doit bien se rappeler qu’il est son professeur, qu’elle ne peut rien attendre de lui et ne peut rien envisager avec lui. Ce coup de fil est une erreur elle le sait fort bien. Une amitié entre eux serait une tout aussi grande erreur. En fait, ils ne devraient même pas courir ensemble comme ils l’ont fait l’autre jour, avant les vacances, avant sa rupture, avant tout ça. Parce que les témoins pourraient mal interpréter la situation. Ils pourraient s’imaginer des choses… Et ces choses dans le fond sont-elles si fausses ? La jeune femme ne saurait pas le dire. En entendant cette voix au bout du combiné, elle en oublie que c’est dangereux, qu’elle n’a pas le droit et son cœur bat la chamade encore plus fort, encore plus vite.

«- Vous devez me trouver… bien piètre et fragile à chouiner comme ça, des semaines plus tard...» remarque la jeune femme, son cœur accélérant encore la cadence.

Elle se mord la lèvre une fois de plus, en songeant qu’elle finira par y laisser une marque si elle ne s’arrête pas tout de suite et elle continu la discussion avec son professeur, rougissant bien qu’il ne puisse pas le voir quand il se dit persuadée qu’elle aura une année meilleure que son été et touchée quand il le lui souhaite, en tout les cas.

«- Oui professeur… Merci de m’avoir écouté je… Je ne vais peut-être pas vous… retarder.» répond la jeune femme.

Dans sa voix transparaît une certaine hésitation, alors qu’elle n’a pourtant pas envie de raccrocher. Dans le fond, elle voudrait qu’ils soient ensemble, quelque part à la terrasse d’un café, à discuter. La vérité c’est qu’elle n’est pas si affectée que cela par le départ de Gabriel, plus maintenant. En revanche, l’absence de son professeur la contrarie.

Elle était en train de faire une énorme connerie. Énorme, vraiment. S’amouracher de son professeur et l’appeler. Il ne l’avait pas aidé à rester sage, c’est vrai, en lui donnant son numéro de téléphone. Mais elle avait plongé tête la première sans se poser de questions sur les conséquences de ses actes. Et parler à Alexandre, entendre sa voix même si c’était au téléphone, lui faisait du bien. Plus qu’elle ne l’aurait crut. Elle se sentait soulagée. Comme si un poids s’était levé de ses épaules, subitement.

«- Je sais mais… Je ne sais pas, je… Enfin, j’imagine que si vous n’aviez pas été mon professeur je… j’aurais appelé plus tôt mais… enfin...»

Elle laisse l’homme répondre alors et soupire. S’il savait que Gabriel est devenue le cadet de ses soucis et que c’est le fait de ne plus le voir, lui, Alexandre, qui la met dans cet état… La demoiselle sent son cœur s’emballer alors qu’une idée lui vient. Mauvaise idée. Mais peu importe, elle a beau essayer de lutter, elle sent que si elle ne raccroche pas rapidement, elle ne résistera pas à l’envie de la poser, alors qu’elle brûle ses lèvres.

«- Oui vous avez sans doute raison monsieur.»

Elle ne le contredis pas, le laissant croire que c’est réellement Gabriel qui la met dans cet état et se mord l’intérieur des joues pour ne pas dire ce qui lui passe par la tête. Même si elle sent bien qu’elle va le dire, que les mots vont sortir, qu’elle va les regretter plus tard, peut-être mais qu’elle doit simplement les dires.

«- Si… si vous avez le temps alors… peut-être pourrions nous… prendre un café ?»

Elle ne savait pas bien à quoi elle jouait. Mais une seconde elle frissonna alors que la possibilité de le voir se profilait à l’horizon.