Je détestais raconter ce que j'avais vécu aux gens, c'est pour cette raison que je ne l'ai raconté que trois fois : le psy que j'ai été obligé de voir, mon fiancé, et maintenant Noah. Ce n'est pas le genre de conversation facile à avoir, mais je venais de péter les plombs. Les réactions de Noah me mettaient hors de moi, ça avait toujours été le cas d'ailleurs et pourtant j'étais toujours restée. C'est pour cette raison que j'avais besoin qu'il comprenne pourquoi je n'avais pas donné de nouvelles. Pas parce que je n'en avais pas envie, mais par défaut. Quand Noah répliqua qu'il aurait préféré que ma mère lui balance la vérité en pleine tronche, je ne pus m'empêcher de ricaner légèrement. Cela aurait été bien trop facile. "Crois-moi, ça aurait été bien trop facile qu'elle te raconte tout, et en plus, elle n'est pas au courant de tout. Et puis l'indifférence est ce qu'elle préfère, donc ne rien te dire, et te laisser me détester était bien plus facile. Et au final elle a gagné vu que c'est un peu le cas." rétorquai-je simplement. Je repris ensuite la parole pour lui dire qu'il ne pouvait pas me faire passer pour la méchante sachant que je voulais lui donner des nouvelles, et je voulais en avoir de lui. "Si, je passe pour la méchante et celle qui t'as abandonné alors que j'ai traversé une période très compliquée moi aussi. Aux yeux de tous je suis la garde qui t'as laissé en prison sans prendre de nouvelles alors que j'en voulais", répondis-je dans un premier temps. Quand Noah ajouta que même après trois ans j'aurai pu le contacter. "Tu crois vraiment que c'est le genre de conversation facile à avoir?" ajoutai-je, les larmes aux yeux. Hors de question de craquer.

Je venais de vider mon sac à Noah sans entrer dans les détails. Je n'avais absolument pas développé l'histoire, c'était bien plus compliqué que cela mais j'avais eu besoin de tout lui dire pour qu'il comprenne pourquoi je n'avais pas donné signe de vie. Je voulais avoir de ses nouvelles mais ma santé physique et mentale ne m'avaient pas permis de le faire, et je m'en voulais suffisamment, je n'avais pas besoin que tout le monde en rajoute et me fasse passer pour la méchante.
Finalement après avoir terminé de parler, je déglutis difficilement, me retenant de pleurer et de littéralement péter les plombs une nouvelle fois. Noah ne dit rien et se contenta de dire qu'il était désolé. Je ne répondis rien, et me contentais de tenter de garder la face et de ne pas m'effondrer. Je fus assez surprise dans un premier temps qu'il me prenne dans ses bras, comme pour me rassurer. Rapidement je terminais par me détendre et me laisser aller à apprécier son geste. Finalement, je décidais de me reculer, si je restais plus longtemps comme ça je risquais réellement de craquer et ce n'était pas mon but. Maintenant qu'il comprenait, plus besoin de m'emporter. "Je vais y aller et te laisser terminer ton travail", lâchai-je alors, beaucoup plus doucement.

Je me sentais libérée d'un poids d'avoir expliqué un bon de l'histoire à Noah. Maintenant, il pouvait comprendre pourquoi je n'avais pas donné de nouvelles : pas par manque d'envie, mais parce que je ne pouvais pas le faire à ce moment là. Je regrettais de ne pas avoir repris contact après trois ans, mais je m'étais dit qu'il ne devait plus penser à moi et m'en vouloir à mort de l'avoir abandonné après qu'il ait vengé celui que j'aimais. Finalement, il se contenta de me prendre dans ses bras pour me calmer et après quelques instants où je restais tendue et sur mes gardes, je me laissais aller. Pas trop longtemps de peur de me mettre à pleurer et de relâcher toute la tension accumulée depuis nos retrouvailles assez houleuses dans le bar. J'expliquais alors à Noah que j'allais rentrer pour le laisser terminer. Après tout, s'il était là si tard, c'était sûrement pour avancer de son travail. Je devrais probablement prendre exemple sur lui là-dessus. Un peu mal à l'aise, il m'informa qu'il comptait commander à manger et que si je n'avais rien de prévu, je pouvais lui tenir compagnie. J'hésitais quelques instants, mon fiancé n'apprécierait pas que je reste avec quelqu'un au lieu de rentrer mais j'en avais bien envie. Pour une fois que ni l'un ni l'autre n'allait passer son temps à crier, peut-être que l'on pourrait rattraper un peu le temps perdu. "Pourquoi pas oui.. T'as envie de quoi, pizza, chinois?" demandai-je alors. "Si tu veux je peux aller chercher à manger le temps que tu t'avances dans ton travail, ça me fera prendre un peu l'air" ajoutai-je. J'avais bien besoin de me calmer après ce moment.

J'avais finalement vidé mon sac, et les tensions entre Noah et moi semblaient s'être apaisées, du moins pour le moment. Je ne voulais pas étaler mon passé, surtout ces moments douloureux mais visiblement nous étions arrivés à un point de non retour, et sans mes explications je doute que nous serions arrivés à nous comprendre.
Je m'apprêtais à m'en aller après qu'il m'ait pris dans ses bras, mais finalement, il me proposa de rester manger avec lui. Après avoir hésité quelques instants, je décidais d'accepter sa proposition et de profiter du moment. Nous allions peut être réussir à discuter et repartir sur de bonnes bases donc j'avais envie de nous laisser une chance. Je décidais de le laisser travailler et d'aller chercher le repas pour qu'il puisse continuer tranquillement, mais avant de m'en aller, je voulais savoir ce qu'il souhaitait manger. Comme d'habitude, il me laissait le choix. Je lui adressais alors un mince sourire, avant d'attraper mon sac, et de quitter le garage pour me rendre en centre-ville.
Je mis un petit moment à retrouver Noah, les rues étaient blindées, et les restaurants aussi. J'avais opté pour du chinois, je n'en avais pas mangé depuis un moment et mon fiancé était allergique au soja, il était difficile de manger ce type de nourriture à côté de lui sans risquer une crise d'allergie. Après une grosse demi-heure, je retrouvais Noah, le nez dans un moteur. "Voilà, j'ai pris du chinois. J'ai pris un peu de tout, je ne savais pas vraiment ce que tu voudrais manger" lançai-je alors pour lui signaler mon retour. Pendant que j'étais en centre-ville mon fiancé m'avait appelé pour savoir où j'étais. Il faut dire que j'étais partie un long moment et il ne s'attendait sûrement pas à ce que je mette tant de temps pour rentrer à la maison. Je m'étais excusée au téléphone mais je n'avais pas précisé que je me trouvais avec Noah, il aurait peut-être pété les plombs. Ces derniers temps, son prénom revenait souvent à la maison et je ne voulais pas l'énerver davantage. Ce qu'il ne sait pas ne peut pas lui faire de mal.

Ce soir Noah et moi pouvions enfin avancer maintenant que j'avais vidé mon sac, et que je lui avais expliqué les raisons de mon absence pendant toutes ses années. Je m'apprêtais à partir quand il me proposa de rester manger avec lui. Il lui restait du travail mais il voulait quand même passer un peu plus de temps en ma compagnie. Je proposais donc d'aller chercher le repas le temps qu'il avance de son côté. Après avoir hésité sur quoi amener, je m'étais décidé et j'avais pris un peu de tout pour que chacun y trouve son compte.
De retour au garage, nous mangions tranquillement tout en discutant de façon posée pour une fois, histoire de rattraper un peu le temps perdu toutes ses années.