L'avantage d'être derrière un bar ? C'est le meilleur point de vue pour observer la salle. Rien ne vous échappe. Rien du groupe de potes aux fléchettes tirant toujours plus loin du centre au fur et à mesure des bières, le premier rencard d'un couple rencontrer sur une application de rencontre, le groupe de filles criant les derniers ragots de la boite, les touristes de passages profitant d'un moment de pause et les âmes égarées du bout du bar. Le point de vue était idéal pour déceler les stades d'ébriété, anticiper les problèmes et surtout pour jeter un œil aux quelques femmes ravissantes qui pouvaient passer la porte d'un bar.

Au milieu des bouteilles et des verres Aélis était à son aise. Le métier n'était pas dur. Le client demandait une boisson, elle servait le liquide dans un verre et encaissait. Parfois il fallait ravitailler les placards et bien qu'à première vue elle paraisse aussi fine qu'une brindille, Aléis avait de la force. Elle portait les cartons, les packs, les fûts sans jamais sourciller. Rien de très compliquer en soit. Il lui fallait aussi parfois écouter les histoires des clients, certaines étaient parfois très ironiques. Elle se plaisait à marquer dans un petit calepin, caché sous la caisse, les plus belles histoires et parfois, les stupidités des clients.

Ce soir, un jeudi soir, le bar avait quelques clients, mais il n'était pas plein. Pas de match important à diffuser alors les chaises du bar étaient moins remplies. Une chaise ou bout du bar était prise par une jeune femme seule. Cela faisait déjà un petit moment qu'Aélis l'observait et lui servait des verres. La brune semblait dans ses pensées, mais surtout perdue dans son verre. Aélis l'avait déjà catégorisée c'était une âme bleue. Vous savez, ces personnes ayant une beauté absolument incroyable en superficie malgré une aura, un regard des plus sombres autour. Une personne qui voudrait être discrète, ne pas se faire remarquer, mais il est impossible de passer à côté. Aélis s'amusait assez à la voire si sombre, comme si elle voulait que personne ne l'approche. Mais si elle restait assise à un bar si longtemps à boire, c'est pour être remarquée de la serveuse non ? Ou pas. En tout cas, la serveuse c'était mis en tête d'aller la bousculer un peu, histoire d'égayer sa soirée trop calme.

« Bah alors la marguerite, tu vas finir par fanée si tu fais que picoler ce soir. » Dit-elle accompagnée d'un rictus alors qu'elle essuyait les verres à bières chauds.

La brune avait mauvais caractère et rembarrait sèchement la barmaid. Mais il en fallait bien plus pour déconcerter Aélis et elle répondit à ce « va te faire voir » à peine volé par un grand sourire empathique. Bientôt elle croisait le regard hostile de la cliente qui lui rendait son verre. La cliente tournait au whisky, elle n'y allait pas de main morte. Et, à enchainer les verres comme cela, elle était clairement là pour se mettre la tête à l'envers. Elle n'était pas d'un très grand gabarit et toute autre femme de sa trempe serait déjà enivrée par l'alcool et toute guillerette. Elle avait donc l'habitude de boire. C'était clairement un gros défaut pour Aélis, mais elle relativisait en se disant que ces clients-là faisaient sa paye.

Généralement, après quelques verres les clients devenaient de vraies pipelettes. Et la plupart du temps Aélis écoutait d'une oreille distraite. Toutes leurs histoires se ressemblaient : des enfants qu'ils ne voient plus, une ex-femme partie avec l'ami, le voisin ou le patron et un job détestable, pour ceux qui en ont un. Rien de très intéressant. Mais qu'est-ce qui avait bien pu conduire une jeune femme à se saouler comme ça, régulièrement d'autant plus ? Son histoire intéressait Aélis, mais la brune n'avait pas l'air d'humeur causante. Tant pis, elle la ferait parler, même si c'était pour entendre des vacheries. Elle se donnait ce challenge pour le reste de la soirée.

Aélis saisit le verre pour remplir à la brune son nouveau breuvage.

« Bien mademoiselle. » lui lance-t-elle toujours souriante, mais avec déjà une nouvelle idée derrière la tête.

Elle décidait de profiter de sa posture et de négocier avec la brune. Elle posa le verre devant la cliente et à l'instant où elle s'apprêtait à le prendre, Aélis le recula pour le mettre hors de sa portée, mais toujours dans son champs de vision. Un sourire plein de malice, fière de ce chantage, apparus aux lèvres de la garçonne.

« Il faut le mériter. Quel est ton prénom Marguerite ? »