Il avait retiré ses baskets et les tenait à la main, pour pouvoir marcher pieds nus sur la plage et sentir le sable entre ses orteils. Il y avait un léger vent, amené par le début de soirée, et s'il avait choisi ce moment-là pour venir admirer l'océan, ce n'était pas anodin. Les familles avec leurs enfants avaient quitté les lieux, car l'heure du dîner approchait, et les heures de baignade surveillée étaient finies. C'était donc beaucoup plus calme, et les quelques personnes encore là étaient visiblement venues elles aussi pour profiter d'un peu de calme. Miami lui donnait cette impression d'une ville toujours en vacances, peuplée de touristes et de jeunes venus d'exiler ici pour fêter l'été. Il ne savait pas si cela durerait toute l'année, ou si tout finirait avec l'arrivée de l'automne, mais il savait cependant qu'il faisait toujours doux ici et qu'à n'importe quelle période de l'année il était possible de profiter du soleil. Le soleil qui se couchait lentement, commençait sa descente à l'horizon, au-dessus de la ligne de l'eau, une image digne d'une carte postale ou d'un poster des années 80. La pensée lui arracha un minuscule sourire en coin. Il continua à longer l'eau, dont les vagues allaient et venaient et arrivaient parfois jusqu'à ses pieds. Au fil de sa promenade, il entendait vaguement les conversations des gens qu'il croisait, et remarqua qu'il ne voyait ici que des groupes. Que personne d'autre n'était seul ici. Halcyon ne connaissait personne à Miami. Il y avait bien les acteurs du théâtre de la ville, avec qui il allait travailler, et qu'il avait rencontrés quelques jours plus tôt. Mais il ne se sentait tout de même pas de s'incruster dans leurs soirées, du moins, s'il n'était pas invité. Il espérait qu'ils finissent par proposer, sans trop tarder si possible. En attendant, il ne connaissait réellement personne, n'avait pas d'amis ici, et ce n'était pas en longeant la plage tout seul comme un pauvre type en plein chagrin d'amour qu'il allait rencontrer qui que ce soit. Ses yeux parcouraient donc la rue qui bordait la plage, là où se trouvaient tout un tas de boutiques, restaurants, bars et clubs. Il repéra finalement la devanture d'un bar qui l'inspirait, et il décida d'y tenter sa chance. Il se tourna une dernière fois vers l'océan, puis fit demi-tour et s'éloigna du rivage pour aller vers la route. Il eut un mouvement de recul soudain lorsque quelque chose tomba doit devant lui, pile là où il aurait été une seconde plus tard, s'il avait continué à marcher. Dans le sable, l'objet gisait, et c'était difficile de dire s'il se portait bien ou non, étant donné surtout qu'Halcyon ne savait pas trop quoi il s'agissait. Pour sa défense, la chose était à moitié enfoncée dans le sable et couverte de celui-ci. Ce truc-là n'avait pas  pu arriver là tout seul, et il regarda donc autour de lui, à la recherche d'un humain pour accompagner la machine. Son regard s'arrêta sur un type, plus loin, qui semblait courir vers lui, avec un petit objet en main. La télécommande censée maîtriser ce truc, sans doute.

Halcyon n'avait pas grand chose dans la vie. Il était un peu comme un carnet aux pages vierges, où tout restait à écrire, où les vides attendaient d'être comblés comme il le pouvait. Il n'avait pas de souvenirs d'enfance, ne risquait pas de goûter une glace qui lui rappellerait sa grande-tante, ou d'entendre un tube des années 80 qui le ramènerait dans une soirée de son enfance. Non, pour Halcyon, il n'y avait que le désert, les ruines de villages délaissés, puis les autres villes, celles qu'il avait visitées ensuite. Sa vie n'était faite que des quelques lieux qu'il avait pu voir, sans pour autant s'y attacher, car ils ne lui évoquaient rien de particulier. Il se sentait vide oui, parfois, et ça pouvait être une bonne chose ou une mauvaise. Tout dépendait des circonstances. Ce qui était clair, c'était que là, face à l'océan et les pieds dans le sable, son esprit était vide, et il ne pouvait que profiter du moment présent, en se sentant étrangement comme chez lui, avec les grains de sable qui venaient gratter sa peau. La chaleur, la poussière, le sable. Ses premiers souvenirs. Il ne pouvait pas se contenter de ça, et il décida donc d'arrêter de rêvasser, et de se mettre en marche pour trouver un endroit où passer la soirée. Il fallait qu'il s'intègre, il ne pouvait pas continuer à vivre en marge ainsi. Pourtant, depuis cinq ans, où qu'il aille, même en sortant et en voyant du monde, il s'était toujours trouvé un peu à l'écart, dans une bulle. Il espérait qu'un jour, il arriverait à se sentir à peu près normal, sans cette sensation d'avoir des bouts manquants. Alors que tout ça traversait son esprit, il fut interrompu par la chute d'un objet venu du ciel, juste devant lui. Il s'approcha, un peu méfiant tout de même, car ce truc-là aurait très bien pu le blesser... puis releva les yeux pour regarder s'il y avait quelqu'un autour, à qui cette chose appartenait. Une chose cachée sous le sable, à moitié, si bien qu'il n'arrivait pas à voir ce que c'était exactement. Il vit un homme courir vers lui, télécommande à la main, et quand celui-ci arriva à deux mètres d'Halcyon, il se stoppa net. Comme s'il avait vu un fantôme. Halcyon resta planté là, tandis que la télécommande allait elle aussi s'écraser dans le sable. Il ne savait pas ce qui était en train de se passer, mais c'était un peu gênant. Il se contenta de rester là, à attendre que quelque chose se passe. L'inconnu leva la main, la tendit, et établit un léger contact avec l'épaule d'Halcyon. Bizarre. Le jeune homme n'était pas particulièrement rassuré. Zan ? Zan c’est vraiment toi ? dit-il. Halcyon ne savait pas quoi lui dire, il ne comprenait même pas tout à fait ce qui lui arrivait. « Euh » lâcha-t-il maladroitement en se raclant la gorge. « Non ? Enfin... je crois pas ? » il poursuivit, sans savoir quoi dire, sa réponse se noyant dans une sorte de rire nerveux. Cette situation était trop bizarre et il espérait que l'inconnu lui annonce que c'était une blague, pour qu'ils puissent en rire tous les deux et ne jamais en reparler. Mais il semblerait que le temps pour rire avait touché à sa fin, et le malaise persistait. « Tu euh... T'as fait tomber ça » il dit, pour combler le vide, en désignant la télécommande. Halcyon se pencha même après quelques secondes pour la ramasser, en virer les grains de sable rapidement, et la tendre à l'inconnu. « Tiens » fit-il, avec un sourire discret.

Zan. Halcyon était confus par cet étrange personnage. A vrai dire, il  n'était pas contre le fait de débuter une conversation avec cet inconnu. Sa voix était douce et mélodieuse, mais quelque chose de rauque y sommeillait et attirait la curiosité d'Halcyon. Au-delà de son timbre, c'était évidemment un bel homme. Un bel inconnu. C’est impossible, tu aurais été vierge de tatouage, j’aurais pu confondre, mais tu as toute une collection et je connais chacun d’entre eux. Je peux te dire le plus intime de tes tatouages. Halcyon était perdu, il essayait de suivre, mais tout allait bien trop vite pour lui. Quand le jeune homme face à lui décrivit le dessin qu'il avait sur la hanche, sa main alla inconsciemment caresser juste un peu cet endroit-là, par-dessus le jean qu'il portait. Appuyer un peu, comme pour s'assurer que c'était bien là. C'était étrange, gênant, pire que ça bien sûr. C'était irréel et Halcyon n'était pas capable de vivre ce moment. Il aurait voulu revenir en arrière et ne jamais venir sur cette plage, parce qu'une partie de son cerveau commençait à comprendre ce qui était en train de se passer ici, mais il n'était pas armé pour affronter cette situation. Il préféra parler de ce qu'il savait, ramasser l'objet et le tendre à l'inconnu. Merci. C’est mon nouveau drone, enfin ce n’est pas le mien, il m’a été prêté, tu sais comment je suis avec les nouvelles technologies. Non, non il ne savait pas. Aurait-il du savoir ? Il resta planté là, comme un idiot, à regarder cet homme qui lui souriait. Il avait un beau sourire. Puis soudain, il prit un virage bien sec et le changement percuta Halcyon de plein fouet. Pourquoi tu as fait croire à ta mort Zan ? Tu savais que des gens ont pleuré pour toi ? Et tu n’as pas besoin de faire semblant d’être amnésique, tu peux tout simplement me dire que tu ne veux pas me revoir et on en restera là. Il était bouche bée face à tout ce que ce type lui sortait. Une part de lui avait compris qu'il le connaissait... il le connaissait d'avant. Et ça, déjà, c'était énorme, c'était irréel. Parce qu'il était à des milliers de kilomètres de là où il avait été trouvé. Et il y avait des milliards d'êtres humains sur cette planète. Mais il avait compris, à cause du tatouage, parce que cet inconnu n'aurait pas pu savoir... Mais alors tout le reste, il avait la sensation d'être debout au milieu de l'autoroute, avec des voitures roulant à toute vitesse qui le frôlaient de si près que d'ici quelques secondes, il allait être percuté. Je t’ai connu plus courageux, mais je ne veux pas te forcer à rester avec moi, j’ai été content de savoir que tu étais vivant. Et avec ça, cette déclaration finale, il se tourna et se mit à marcher dans la direction par laquelle il était arrivé. Halcyon resta comme un imbécile, planté là, à le regarder s'éloigner et à essayer de comprendre ce qui venait de se passer. Il jouait avec son drone, comme un gamin, comme s'il ne venait pas en l'espace de deux petites minutes de chambouler la vie toute entière d'Halcyon. Et oui, sa vie toute entière se limitait à cinq années, mais c'était tout ce qu'il avait et il ne pouvait pas laisser cet inconnu s'en aller, pas après ça. Il se réveilla, sortit de sa transe, et lui courut après. « Attends ! » il appela, et parvint à le rattraper rapidement, lui coupant la route pour être sûr de ne pas le perdre. Et là, se retrouvant face à lui, il ne savait plus du tout quoi dire. Il bafouilla plusieurs fois, sous l'excitation et la panique, jusqu'à enfin lâcher une phrase. « J'm'appelle Halcyon » Son coeur battait à mille à l'heure, il était comme porté par une vague d'adrénaline face à ce type, face à ce qu'il représentait. Il ne savait pas quoi ajouter, parce que le jeune homme avait dit tellement de choses et Halcyon se demandait quelles informations il devait donner. Pourtant, sa vie avait été brève, et faite de peu de choses, mais il avait l'impression que les prochaines minutes de sa vie allaient être peut-être les plus importantes. Une part de lui voulait partir en courant et ignorer ce qui venait de se passer ici. L'autre crevait de curiosité. « On m'a trouvé y'a cinq ans... en Afghanistan » finit-il par lancer. De tout ce que cet inconnu lui avait dit, il avait cru comprendre que Zan (s'il était vraiment Zan, parce que c'était terriblement étrange de subitement être quelqu'un) était mort. Et si Zan était mort, alors ça avait du arriver au moment où Halcyon était né. Il y a cinq ans, en Afghanistan. Dans un lit miteux, au fond d'une maison qui tenait à peine debout. « T'es qui toi ? » il demanda ensuite, un peu plus sec tout à coup, parce que si ce type en savait autant sur lui, alors Halcyon avait aussi le droit de connaître son interlocuteur. Sans doute qu'ils avaient du compter l'un pour l'autre, mais ça, il n'était pas encore en état de l'accepter.

Bien sûr qu'il devait lui courir après. Il devait le rattraper, il ne pouvait pas le laisser partir, pas après ça, après tout ce qu'il avait dit et toutes les révélations. Cet inconnu... il n'était pas un inconnu, visiblement, parce qu'il savait des choses, il connaissait des détails. Mais Halcyon avait passé les cinq dernières années de sa vie à essayer de faire la paix avec sa condition, à mettre définitivement de côté la mystérieuse vie qu'il avait eue avant. Il avait décidé que non, aller creuser dans son passé n'apporterait rien de bon. Il avait pris la décision de ne pas chercher à en savoir plus, et de se contenter de cette seconde chance que le destin lui avait donnée. Et voilà qu'après tout ce temps, après avoir traversé le monde, quelqu'un le reconnaissait. Il n'avait jamais rencontré quelqu'un qui le connaissait. Sa vie avait été faite de rencontre, mais pas de retrouvailles. Les retrouvailles étaient réservées à ceux qui avaient un passé. Et là... Après avoir hésité un moment, il opta pour une présentation, annonçant son prénom en se disant que c'était une bonne façon de débuter quelque chose. Ton nom de code je sais, tu me le répètes depuis tout à l’heure Zan. J’étais avec toi je te rappelle. lui répondit son interlocuteur, qui avait l'air confus lui aussi. Pas autant qu'Halcyon, parce que pour l'instant il ne comprenait absolument rien à ce que disait le jeune homme. Il continuait de lui parler comme s'ils se connaissaient, comme si Halcyon était censé y comprendre quelque chose. Il précisa donc, pour l'Afghanistan, en espérant que ce serait suffisamment clair. De toute façon, il n'était pas apte à donner de grandes informations sur cet évènement, il n'en savait que ce que les villageois lui avaient raconté. Qui t’a trouvé ? L’armée a fait des recherches, mais on ne t’a jamais retrouvé, mais nous avons cherché. questionna l'inconnu, et Halcyon fronça un peu les sourcils quand l'armée fut mentionnée. Il se sentait terriblement à découvert, ce type semblait savoir tout un tas de choses sur lui qu'il ignorait lui-même... et Halcyon ne savait rien sur l'inconnu. « Les villageois. Ils m'ont trouvé. Enfin, ils m'ont récupéré après que les soldats m'aient laissé. C'est ce qu'on m'a dit. J'étais inconscient. Blessé » il expliqua, donnant les informations sans prendre le temps de faire des phrases. C'était trop flou dans sa tête pour donner la moindre formulation. Il demanda alors au jeune homme face à lui de se présenter. Halcyon n'aurait jamais imaginé que cette question mérite une gifle. Si bien que sa tête balança vers le côté, et que sa propre paume vint toucher la brûlure de la main. Il était surpris, resta planté là. Tu te crois marrant, c’est quoi ? Un nouveau jeu pour toi. Je suis Eros, enfin pourquoi je m’énerve. Effectivement, pourquoi s'énervait-il ? Et Halcyon restait là, à la fois perdu et tendu, parce qu'il n'allait pas tenir encore longtemps à se faire traiter de la sorte, peu importe qui était ce gars-là. Eros. Ca ne lui disait rien. Une part de lui avait un peu espéré que le prénom lui évoquerait quelque chose. Mais non, le vide complet. Il laissa retomber sa main après s'être un peu massé la joue. « Ecoute, j'étais dans un état pitoyable quand on m'a ramassé, je me souviens de rien avant ça » il expliqua un peu sèchement, contenant comme il le pouvait son énervement. « Si tu me connais tellement, j'ai du mal à comprendre pourquoi tu t'imagines que je puisse jouer un jeu, te mentir, faire semblant, me foutre de ta gueule... bref » il fit, agacé. « T'as l'air de savoir des choses sur moi, alors ce serait sympa de partager un peu... au lieu de m'agresser sans raison » ajouta Halcyon. Généralement, il essayait de se mettre à la place des autres, pour tenter de comprendre un minimum leur réaction, mais après avoir été giflé et traité de cette façon par un homme qui se présentait comme... un ami, un proche ? Plus que ça... étant donné qu'il savait pour le tatouage. Halcyon n'avait pas oublié ce détail, mais peut-être qu'avec tout le bordel qu'Eros venait de foutre dans sa vie, en moins de cinq minutes, il valait mieux laisser ce détail là de côté pour le moment. Il respira un coup. « T'as dit que t'étais avec moi... ? » Quand c'était arrivé. Sa disparition, son accident... Il ne savait même pas de quoi il parlait, mais il espérait l'apprendre.

Il était là, à se mettre à nu devant ce type qu'il ne connaissait pas, qui avait pourtant l'air d'en savoir beaucoup sur lui, et qui continuait à vouloir en apprendre encore... comme si Halcyon devait maintenant se justifier, s'expliquer. C'était gênant, dérangeant, et il souhaitait simplement passer à l'étape où il comprendrait quelque chose. Il raconta brièvement comment il s'en était sorti, ce qui lui était arrivé. Des soldats n’abandonnent jamais leur frère d’armes, nous ne t’avons pas laissés sur place. Nous avons passé notre temps à te chercher, mais la mission était bientôt fini alors nous avons dû rentrer. Venir dans le pays en tant que civil était impossible, mais le régiment nous ayant remplacé a fait des recherches pour te retrouver. On n’abandonne jamais l’un des nôtres Zan. Il n'avait pas compris. Enfin, Halcyon venait d'obtenir tout un tas d'informations, et il commençait à saisir qu'il avait été là-bas en tant que soldat, ou du moins, qu'il avait été déployé avec l'armée américaine. L'inconnu semblait en savoir beaucoup, et il allait devoir lui poser des questions à ce sujet-là. Mais il n'avait tout de même pas compris. « Non. Les soldats ennemis » il rectifia doucement, puis laissa planer un court silence, avant de demander son nom à l'inconnu. La question lui valut une gifle, et une présentation un peu inhabituelle. A ce stade-là, Halcyon en avait légèrement assez de se faire traiter de la sorte, et il reprit la parole plus sèchement, en disant clairemement à Eros ce qu'il pensait de sa façon d'agir. Comment ça tu ne te souviens de rien avant ça ? Tu veux dire que tu as perdu la mémoire ou un truc comme ça ? Ca semblait évident, surtout que Halcyon avait déjà plus ou moins fait comprendre qu'il ne savait pas qui était Zan, ou encore Eros. Au lieu de répondre clairement à la question, il reprit en disant à Eros qu'il avait du mal à comprendre comment il pouvait croire qu'Halcyon faisait semblant ou qu'il n'était pas honnête. Ca aurait vraiment été tordu de sa part de jouer un jeu de ce genre-là, simplement pour se moquer... Et surtout, ça ne lui ressemblait pas vraiment. Pardon ! Mais tu es Zan, mais tu me dis que tu n’es pas cette personne ensuite tu me dis que tu as perdu la mémoire ou je ne sais pas quoi alors excuse-moi d’être complètement perdu et un peu agacé par toutes ces questions sans réponse. Je ne sais pas ce que tu veux savoir, je te connais depuis toujours ou presque. Nous nous sommes rencontrés assez jeunes puis nous avons fait notre bout de chemin ensemble. Après je ne peux pas t’aider pour ton enfance, enfin tu m’as décrit l’enfant que tu étais, mais je ne pourrais jamais te connaitre aussi bien que tes parents. J’ai des photos de toi, des vidéos, je ne sais pas ce que tu veux. Il faut que tu m’expliques un peu mieux la situation si tu veux que je t’aide. Halcyon resta planté là à regarder le jeune homme, complètement terrassé par l'arrivée massive d'informations. Il était perdu, et ne savait absolument pas par où commencer. Il décida de sortir une cigarette du paquet qu'il avait au fond de sa poche, et l'alluma nerveusement, avant de poser une question. Oui, j’étais avec toi le jour où tu as eu ton accident. Nous étions en Afghanistan, une opération a mal tourné, il y a eu énormément de perte ce jour-là dont toi. Le coin devait être sécurisé, mais il ne l’était visiblement pas, il y a eu tellement de bruit, tellement de cri et de coup de feu. Il pouvait lire sur le visage d'Eros que c'était encore frais, même si tout ça était arrivé il y a cinq ans. En parler, ça semblait réveiller quelque chose en lui. Et pour Halcyon, ça n'évoquait rien à part de brefs flashs qu'il avait déjà eus de nombreuses fois. Explosions et bruits sourds. Rien de concret. Il s'assit dans le sable, tourné vers l'océan et espéra fort qu'Eros viendrait lui tenir compagnie. « J'me rappelle pas » il lâcha simplement en fumant sa clope. « Je me suis retrouvé prisonnier, pendant combien de temps exactement je sais pas. Quelques jours... semaines. Je m'en souviens pas non plus, mais ça les gens du village me l'ont dit » il expliqua lentement. « Halcyon Belleair, 8 avril 1992. C'est tout ce qu'on a pu me dire sur moi. Parait que c'est tout ce que j'ai dit, quand j'étais là-bas, avec les soldats » ajouta-t-il encore. « Faut croire que même sur ça je me suis raté, vu que d'après toi je suis Zan » il lâcha avec un rictus moqueur. Il n'avait pas envie de pleurer de la situation insensée dans laquelle il était, et l'option alternative était d'en rire... autant qu'il le pouvait du moins. Il fuma encore en regardant droit devant lui, avant de prendre son courage à deux mains pour plonger encore un peu plus dans l'inconnu. « On devait être proches, toi et moi... ? » C'était vaguement une question, il s'en doutait un peu. Eros l'avait dit à demi-mot, avait parlé de son tatouage aussi. « T'as dit que t'avais des photos et des vidéos... peut-être que ce serait un bon début... enfin je sais pas si c'est vraiment une bonne idée en fait » Il était on ne peut plus incertain. Evidemment qu'il crevait de curiosité, qu'il voualit savoir qui il était ou plutôt, qui il avait été. Mais c'était terrifiant. Peut-être que ce qu'il allait découvrir ne lui plairait pas. Peut-être que s'il avait oublié, c'était pour une bonne raison.