Aloysia avait appelé Blake voilà presque deux semaines pour lui annoncer qu'elle était de retour à Miami avec leur fille. D'abord surpris, le jeune homme n'avait malheureusement pas eu la possibilité d'aller les voir plus tôt. Il n'avait même pas eu le temps d'avoir une conversation digne de ce nom avec elle lorsqu'elle le lui avait annoncé. En voyage à Los Angeles pour une rencontre importante de la saison, le jeune hockeyeur avait été en pause pile au moment où elle avait téléphoné. Il avait répondu immédiatement malgré les hurlements du coach. Aloysia n'était pas du genre à l'appeler. Si elle le faisait, c'était peut-être que quelque-chose de grave était arrivé ou alors c'était très important et depuis quelques semaines, le brun avait revu ses priorités. Anastasia était sa priorité la plus importante et tout ce qui ne le contraignait pas par contrat passait au second plan. Il avait rapidement été soulagé d'apprendre que ce n'était ni urgent, ni grave, mais n'avait pas vraiment eu le temps de s'appesantir sur ce que la jeune femme lui disait et avait dû raccrocher pour retourner sur la glace. Il n'avait pris la mesure des mots de la blondinette que le soir venu (à plus de neuf heures), alors qu'il se posait enfin dans le lit de sa chambre d'hôtel.

Les jours suivants, il n'avait littéralement pas eu une minute à lui pour autre chose que dormir. Entre les quelques interviews à ne pas manquer, le match le plus important de sa saison pour son avenir au sein de l'équipe et beaucoup d'entraînements, Blake avait été occupé en continu de six heures et demie du matin à vingt-deux heures le soir. Il avait malgré tout pu organiser son déménagement sur Miami grâce aux bonnes œuvres d'un agent immobilier très professionnel qui ne lui avait réclamé que cinq minutes au téléphone avant de se charger d'absolument tout. Si Anastasia et sa mère étaient de retour aux Etats-Unis, à Miami, qui plus est, il devait absolument revenir y vivre. Cela faisait un moment, maintenant, qu'il se disait qu'il ne pouvait plus être loin de mon enfant.

Aujourd'hui était son premier jour de off depuis des semaines et le premier qu'il pouvait passer à Miami. Il avait atterrit la veille, très tardivement. Attendre une heure décente de l'après-midi pour aller au nouvel appartement d'Aloysia fut une véritable torture, mais il savait qu'il ne pouvait pas faire autrement. Il avait été un géniteur, plus qu'un père, depuis plus d'un an. Il avait été stupide (La dernière de mes stupidités, s'était-il juré) et devait en assumer les conséquences (une grande nouveauté pour lui que d'affronter). Il ne pouvait donc pas se pointer à sept heures du matin pour exiger de voir sa fille. Il devait la jouer correctement. Obtenir la permission d'Aloysia et essayer de faire les choses biens. Il savait qu'il devrait lui prouver qu'il n'avait pas l'intention de jouer les mêmes jeux que le Blake qu'elle avait connu. Il devait lui montrer que cette année avait été bénéfique pour lui et qu'il avait réellement décidé de changer sur le long terme. Il n'avait aucune envie d'une confrontation avec la blondinette et voulait plutôt une alliance pour pouvoir reconstruire un vrai lien avec son enfant.

« Salut ! », souffla Blake doucement quand elle ouvrit la porte, surprise de le voir. Rapidement, elle l'invita à entrer et il lui fit un petit sourire tout en regardant brièvement autour de lui. Oui, c'était un peu le bazar, mais il n'allait pas juger. Ses propres cartons n'avaient été déballés que parce que son agent immobilier avait rajouté la prestation « clé en main » lors de son déménagement. Il n'avait plus de cartons traînant dans l'appartement, mais cherchait encore les couverts dans les tiroirs de la cuisine.

Dès que Lysia lui indiqua où se trouvait Ania', il tourna la tête vers la cuisine et hocha la tête. « Bien sûr que je veux la voir. C'est pour ça que je suis là ! » Il avouait facilement la chose, tellement concentré sur l'anticipation. Il se rapprocha donc de la pièce et sourit d'autant plus en découvrant sa fille en train de malaxer de la pâte à modeler avec application. Elle ressemblait beaucoup à sa mère, tant physiquement, que dans les expressions. Il l'avait déjà constaté sur les photos que la blonde lui avait envoyées, mais c'était encore plus flagrant en vrai. Elle était magnifique. Une petite part de lui disait même plus belle encore que sa mère... ce qu'il n'aurait jamais cru penser de qui que ce soit. Il était un peu frustré, dans le fond, de ne pas avoir plus marqué les traits de l'enfant, mais il se disait aussi, pour se consoler, qu'il n'avait jamais été très bon pour voir les ressemblances avec lui-même (Il avait parfois l'impression de ne pas ressembler du tout à sa jolie mère alors que tous ceux qui les connaissaient tous les deux attestaient qu'elle ne pouvait pas le renier tant les similitudes physiques étaient frappantes).

« Hey princesse », souffla le hockeyeur, pour attirer l'attention de l'enfant, soudainement pris d'un doute. Et si elle ne me reconnaît pas ? Aloysia avait dit qu'elle serait contente de le voir, cela devait bien signifier qu'elle se souvenait de lui, mais... Et si elle ne veut pas de moi dans sa vie ? Trop tard pour s'en inquiéter, dans son élan de tendresse, Blake avait attrapé la beauté pour l'arracher de sa chaise et la serrer fort dans mes bras. Enfin... Fort... Aussi fortement qu'un gros plein de muscles se verrait enlacer fortement une petite chose en verre. C'était à la fois une étreinte douce et légère et forte. « Tu m'as tellement manqué... », souffla-t-il à l'oreille de la petite en caressant son dos. Dieu cette odeur de bébé. Il avait l'impression de planer.

Elle avait immédiatement enroulé ses petits bras autour du coup de Blake qui avait sentit son cœur se réchauffer sous sa réaction. Non seulement elle se souvenait de lui, mais en plus, elle était vraiment heureuse de le voir. Bien. Ce serait toujours plus facile de convaincre Aloysia s'il avait leur fille de leur côté, demandant la même chose.

« Regade ! Avec maman, je fais des bonhommes de eige ! » Il sourit. Ça n'avait pas vraiment la tête de ce que ce devait être, mais comme on dit, l'important c'est d'essayer, non ? « Ah oui ? » Il les observa plus attentivement et sourit de toutes ses dents. « Mais c'est qu'ils sont magnifiques ces bonshommes de neige. Ça fait si longtemps que je n'en ai pas vu ! » La Floride offrait peu d'occasions d'en voir. De mémoire, il n'avait pas vu de neige depuis des années. De la glace, oui, beaucoup. De la neige, non.

« Un coca sera très bien, merci », dit-il en se tournant vers la mère de sa fille. Il reposa ensuite Ania' une seconde, le temps de retirer sa veste et de la poser sur le dossier de la chaise, puis repris l'enfant avant de s'installer face à Aloysia, posant Anastasia sur sa cuisse. « Je sais. Je m'excuse de ne pas avoir prévenu, mais... » Automatiquement, ses yeux se posèrent à nouveau sur la merveille qu'ils avaient accueilli il y a presque trois ans. « Je pouvais pas attendre une minute de plus pour la voir. » Il sourit à Ania', alors que celle-ci reprenait déjà la pâte à modeler pour jouer avec. « J'en ai pas vraiment donné l'impression la dernière fois au téléphone, mais j'avais vraiment envie de simplement foncer à l'aéroport pour prendre un avion et être là... » Oui, mais voilà, le jeune homme avait un contrat. De plus, il était le dernier à avoir intégré une équipe de hockeyeurs professionnels qui, contrairement à lui, s'entraînaient depuis l'enfance pour obtenir leur poste. Blake devait encore faire ses preuves auprès de tout le monde : son équipe, le coach, mais aussi auprès des sponsors. Il ne pouvait pas se permettre de donner le sentiment qu'il n'était pas à cent pourcent impliqué dans son sport et même s'il voulait faire d'Anastasia sa priorité, il devait pouvoir organiser sa vie pour qu'auprès de ses collègues et partenaire, cette priorité ne semble pas en être. Bien sûr, il avait conscience que ça ne pourrait pas être parfait. Il ne pourrait pas toujours être en ville et la voir tous les jours pour l'emmener au parc, mais ils avaient vécu un an par téléphone, sans jamais avoir d'autre contact que l'appel visio. Il était certain qu'ils pourraient gérer des absences de quelques jours tant qu'il pourrait au moins revenir un week-end sur deux. Il était prêt à dépenser tout ce qu'il faudrait et à passer sa vie dans les aéroports pour ça. Maintenant, il fallait le dire à Aloysia et réussir à la convaincre. C'était sans doute ce qui allait prendre le plus de temps, dans le fond.

« J'ai été surpris... de ton appel. » Il regarda de nouveau la blonde et bu une gorgée de sa boisson. « La dernière fois que j'ai appelé, tu ne semblais pas prête à rentrer. Qui savait ? » Il ne voulait pas que cela ressemble à un interrogatoire, mais il avait besoin de savoir qui savait et depuis combien de temps. Qui, dans son esprit avait plus d'importance que lui, quand il s'agissait de la localisation et du bien-être de son enfant ?

Les choses n'allaient pas être simples, bien sûr. Comment aurait-il pu en être autrement. Blake était entièrement responsable concernant son absence dans la vie d'Anastasia et il le savait parfaitement. Contrairement à Aloysia, il n'avait pas oublié, lui, tout ce qu'il avait fait pour les mettre à distances. Mais malheureusement, elle avait aussi oublié qu'elle n'était pas toute blanche dans l'histoire et si son frère avait probablement dépeint le plus horrible des tableaux concernant le comportement du brun, il était plus que certain qu'il n'avait pas pipé mot des erreurs de sa sœur chérie dans toute cette histoire.

« Je n'aurais pas pu lui dire bonne nuit, même si je l'avais voulu. J'étais à Los Angeles pour le boulot et ces deux dernières semaines ont été calibrées au millimètre près. Certains jours, je n'avais même pas le temps de pisser de toute la journée. Tu te souviens comment c'était au début, quand on enchaînait les entraînements, les interviews et les entretiens pour attirer les sponsors ? Imagine ça en dix fois pire. » Ils avaient débuté sur la glace eux aussi et le patinage artistique n'était pas dans la même grosse machinerie qu'était la NHL. « J'aurais pu t'appeler, mais je rentrais tous les soirs vers neuf-dix heures. Elle dormait déjà depuis longtemps et sans vouloir te vexer, je ne pensais nullement à toi une fois dans ma chambre d'hôtel. Je ne pensais qu'à dormir. » C'était faux, mais elle n'avait pas besoin de tous savoir des pensées qui le hantaient le soir et parfois toute la nuit. Elle n'avait pas besoin de savoir qu'Anastasia n'était pas le seul regret dans sa vie.

Il commençait déjà à s'énerver et ça n'était pas le but. Il parlait doucement pour ne pas attirer l'attention d'Ania' dans sa chambre et ne voulait pas offrir un tel spectacle. Il ne voulait pas entrer en conflit avec elle. Le fait de ne pas avoir été le dindon d'une sombre farce, qu'elle n'ait pas plus annoncé son retour à son frère qu'à lui, aida un peu à ce qu'il se détende. « Parce que James est tellement au courant de ma vie », grincha le jeune homme avant de soupirer longuement.

« Écoutes », reprit-il, essayant d'être plus tendre et surtout plus honnête. « Ton frère me déteste de toute manière et honnêtement, la dernière fois que je l'ai vu, tu étais dans la même pièce, alors je ne crois pas qu'il soit le mieux placer pour dire si je suis le même qu'avant ou pas. En outre, je suis tout à fait d'accord, je n'ai pas montré jusqu'à aujourd'hui la moindre preuve que je ne vais pas tout faire foirer. » Blake Harmon qui admettait ces torts en la regardant droit dans les yeux. Ça n'était une première pour lui et assurément pour elle. « Je vais pas te raconter des conneries et te dire que je suis un homme neuf, meilleur et toutes ces merdes qu'on dit pour se faire pardonner alors qu'on en pense pas un mot. » Pas vraiment le genre de choses qui pouvait aider dans son dossier non plus, mais au moins, on ne pourrait pas le taxer d'être malhonnête. « J'ai merdé en beauté, pendant longtemps. Et je ne peux pas promettre que je ne ferais pas encore des erreurs, même si j'essaye de toutes mes forces, mais... » Il posa une main à plat sur la table, plongeant profondément son regard dans les yeux d'Aloysia pour qu'elle comprenne bien (et voit dans ses prunelles) combien il était sincère. « Je ne fais pas ça pour me donner bonne conscience ou pour je ne sais quelles bonnes intentions. Si je voulais réellement ce qu'il y a de mieux pour elle et pour toi, je me tiendrais à distance, comme le donneur anonyme que tu aurais sans doute dû choisir, mais Anastasia est MA fille aussi et je suis égoïste. J'ai besoin d'elle dans ma vie. Je la veux dans ma vie et j'espère qu'elle me veut aussi dans la sienne, parce que je ferais absolument tout ce qui est en mon pouvoir pour être digne d'être son père et pas seulement son géniteur. »

Il se redressa suite à sa tirade, prenant un petit « bonhomme de neige » entre ses doigts, comme pour l'étudier. C'était tellement fragile qu'il devait sans cesse remettre la tête dessus en la détériorant chaque fois qu'il ne faisait. « Je suis prêt à faire tout ce que tu veux pour ça. Tant que ça me permet de trouver ma place légitime dans sa vie. »

Blake savait qu'il devait marcher sur des œufs avec Aloysia. Il ne pouvait pas se permettre de mal jouer maintenant. Il avait besoin de se reconstruire une véritable légitimité avant de pouvoir réellement lui tenir tête pour un affrontement sur son droit de voir Anastasia. Il devait d'abord prouver que cette fois, il était là pour le long terme, qu'il n'allait pas reculer, ni finir par prendre ses jambes à son cou parce que c'était ''trop difficile''. Alors, patiemment, le jeune homme encaissa sans broncher. Merci au coach, d'ailleurs, qui exigeaient que tous les joueurs suivent des stages de gestion de l'agressivité, pour mettre ce genre de colère dans le jeu et pas dans la vie.

« Les deux dernières semaines étaient préparées à l'avance, je ne pouvais pas sortir du planning... » Plate excuse, vraiment digne de Blake. Il grimaça de lui-même et secoua la tête lentement. « Probablement que oui, j'aurais dû faire plus pour trouver du temps à libérer pour appeler ou même envoyer un message. » Est-ce qu'il s'aplatissait ? Non. Il avait eu tort, encore. Il le savait. Ce n'était pas nouveau. Comme il disait, il avait encore beaucoup à apprendre pour être un homme courageux qui assume ses peurs et ses regrets. Vingt-huit ans d'une vie à fuir encore et encore, inlassablement. Il ne suffisait pas de décider de changer pour réellement se tenir droit dans la tempête. Il devait d'abord faire un réel mea culpa pour toutes ses erreurs passées et le brun savait qu'il s'était déjà beaucoup trop excusé sans résultat pour faire effet dès la première seconde de son repentir.

Une nouvelle fois, il braqua son regard droit dans celui de la jeune femme. Une chose qu'il ne faisait jamais vraiment avant. La détermination, pour lui, commençait là. Avoir le courage de regarder en face la méprise et le peu d'estime que les autres lui portaient. « La vérité c'est que j'attendais cette conversation de vive voix en premier. La vérité c'est que je ne voulais pas l'avoir par téléphone. Je voulais te regarder droit dans les yeux pour te dire que je veux être là et je voulais te regarder dans les yeux pour te dire que maintenant, les choses vont réellement changer. »

Quittant ses prunelles, Blake bu une nouvelle gorgée de sa boisson. Il avait la bouche sèche. S'il donnait l'impression d'être totalement à l'aise avec son discours mille fois répétés ces deux dernières semaines, il était mort de peur à l'intérieur et ne pouvait même pas demander un peu de clémence. « Je sais que ça ne sera pas immédiat. Je sais que tu vas avoir besoin de temps pour me croire et je serais patient. » Il regarda dans la direction où Anastasia avait disparu. « Elle le mérite. » Un tendre sourire se dessina sur ses lèvres sans qu'il ne le réalise. Ces dernières semaines, il avait beaucoup réfléchi à Ania', au rôle qu'il n'avait pas tenu. Il avait senti son cœur se gonfler d'un amour qu'il n'avait pas laissé s'exprimer avant, par peur de devenir dépendant de cette petite chose si fragile qu'il pouvait détruire de trop de manière, lui le gars qui ne faisait que foirer encore et encore. Il avait refusé d'être un père en pensant que ça serait la meilleure chose pour sa fille, ne l'avait pas laissé entrer dans son cœur, mais au final, Anastasia s'était infiltré dans son palpitant sans qu'il ne le contrôle et aujourd'hui, il voyait ces dernières années comme une simple perte de temps stupide. Il aurait dû assumer dès le départ et exiger d'Aloysia qu'elle le prenne en tant que père et pas en tant que simple géniteur. Parfois, lui-même détestait Blake Harmon.

« Si je lui fais du mal, je t'autorise à me liquider. Je laisserais une note avec mon testament pour que tu ne sois pas inculpé. » Petite tentative d'humour, mais pas totalement indemne de vérité. S'il blessait Anastasia, il l'autorisait à le lui faire payer. Il pouvait s'autoriser à merder avec la mère, mais pas avec l'enfant.

Blake n'avait aucun intérêt à mentir ou à essayer de se justifier. Il avait merdé. Point. Et elle était en droit de le lui reprocher. Il n'allait donc pas argumenter cent sept ans sur le sujet. Elle avait raison. Il allait agir mieux dans l'avenir. Inutile d'essayer de refaire le passé, cela ne ferait que cristalliser encore plus leurs griefs à chacun. L'important était aujourd'hui, demain et tous les autres jours après ça.

Et puis elle s'énerva de nouveau sur le mot « vérité », arguant qu'elle avait perdu six ans de sa vie, qu'elle savait que son frère refusait de lui révéler tout ce qu'il s'était passé. Elle ne « pouvait » pas lui faire confiance. Il en avait un peu marre de ce discours. Elle lui avait fait confiance quand elle était enceinte et quand Ania' était née. Il n'avait jamais eu d'enfant avant ça et pourtant, elle lui avait fourré le bébé à peine nez dans les bras, sans même se demander s'il n'allait pas la faire tomber – à l'époque, il était bien plus terrifié qu'elle quant à ses capacités à tenir l'enfant sans la blesser et pourtant, elle n'avait jamais réellement hésité avant de lui demander de la prendre quand elle avait besoin de ses deux mains. C'était un peu injuste qu'aujourd'hui, elle lui refuse cette confiance sur la simple base des dires d'un autre. Même si c'était son frère et même si lui se souvenait du passé. Il ne savait pas tout. Il ne savait pas tout, tout comme Blake ne savait pas tout. Ils avaient vécu des choses, de leur côté, tous les deux et tous les trois et tout n'était pas totalement négatif. Du moins, le brun espérait qu'il pouvait dire que tout n'avait pas été négatif.

Finalement, elle sembla réellement disposée à lui donner une chance et le brun sourit un peu, essayant de se retenir d'afficher l'immense joie que ce simple fait lui procurait. « Merci », souffla-t-il en essayant de ne pas bondir sur ses pieds pour rejoindre Anastasia dans sa chambre. Il comprenait qu'elle ait besoin de voir, de s'assurer. Elle ne l'avait jamais réellement vu avec Ania' et comme lors de sa naissance, elle avait eu ce besoin de mère protectrice de surveiller. Même s'il était son père, il restait une addition dans cette chose puissante qu'était la relation mère-enfant. Il ne pouvait pas exiger qu'elle le laisse changer une couche ou donner à manger sans avoir contrôlé avant qu'il savait si prendre – bon, son premier réflexe aurait été de se plaindre de ce flicage, plus encore que le flicage moral, mais il avait beaucoup travaillé ces derniers jours pour se dire qu'elle repartait de zéro dans leur relation à tous les trois. Il devait être patient.

Alors qu'il allait passer le pas de la porte pour retrouver Anastasia, il se retourna vers elle, se mordillant la lèvre. « Lysia heu... » Il se gratta machinalement derrière l'oreille. « James a des griefs contre moi. Des légitimes et des moins... » Ne trouvant pas le mot, il posa la langue contre son palais. « Certains ne sont pas liés à Ania', mais à ce qu'il s'est passé entre nous... Sauf que toi et moi, c'est différent de elle et moi... » Réalisant qu'il partait dans la mauvaise direction, il leva les deux mains en signe de paix. Il ne voulait pas dire qu'elle méritait plus ce qu'il lui avait infligé ou que c'était moins grave. Juste que James le détestait en partie parce qu'il n'avait pas été un homme mon pour elle et ne pas être un homme bon pour une femme ne voulait pas dire qu'il ne pouvait pas être un bon père. Certes il ne l'avait pas été, mais ce n'était pas la même chose. James mélangeait tout dans ses colères et même s'il avait des colères légitimes, en tant que frère et en tant qu'oncle, il n'était pas en position de tout défendre. « Non, attends... Ce n'est pas le sujet. Ce que je voulais dire, c'est qu'on a vécu des trucs, seulement nous. Toi, Ania' et moi. Et même si je suis sûr qu'il a essayé, la plupart du temps, de te donner une représentation fidèle de ce que tu as oublié... On a vécu des choses avec elle qu'il ne connaissait pas forcément. J'ai tout un tas de trucs. Des photos, des vidéos... » Voilà, c'était ça le point qu'il voulait soutenir. « Je te donnerais tout, si tu veux. Peut-être que ça pourrait aider à te montrer comment j'étais avec elle... En tout cas, même sans parler de plaider ma cause ou quoi, ce sont des souvenirs d'elle et toi et ça, je crois que c'est des choses que tu pourrais vouloir. »

Il ne voulait pas la forcer à choisir maintenant ou à réagir à ce qu'il venait de dire. Il savait que ça n'était pas facile pour elle. Avoir oublié son enfant était quelque-chose de tragique et il ne pouvait même pas imaginer combien ce devait être horrible pour elle. Il n'avait pas le droit de s'imposer alors qu'elle devait gérer l'idée qu'il avait des images d'elle qu'elle avait oublié et il voulait la laisser encaisser tranquillement, sans lui, si elle ne le voulait pas, alors il alla dans la chambre. Elle pourrait les rejoindre quand elle serait prête. « Coucou, ma princesse ! Devine quoi ? Maman m'a donné le droit de rester un peu avec toi », dit-il en souriant de plus belle. Il vint s'asseoir près d'elle. « Alors, qu'est-ce que tu dessines ? Tu me montres ? »