Alors qu'Anastasia lui décrivait longuement chaque partie de son dessin, Blake l'écouta avec application. Elle avait cette façon d'être passionnée qui lui rappelait fortement la mère de celle-co. Un léger sourire sur les lèvres, le brun se disait qu'il ne pouvait définitivement pas s'ennuyer. Il aurait pu l'écouter pendant des heures. Il regrettait amèrement de ne pas avoir été là, alors qu'elle découvrait le monde, s'extasiant devant la ''tour d'Effel'' qu'elle avait dessiné à sa manière enfantine. Elle était adorable et si enthousiaste en lui décrivant le monument qui, pour ses petits yeux de toute petite fille, lui avait semblé encore plus imposante qu'à un adulte. Blake se souvenait sans mal de la sensation de petitesse qu'il avait ressentit face à la géante de fer. Il ne pouvait qu'imaginer ce que cela avait semblé être pour Anastasia. Oh oui, comme il regrettait de n'avoir été qu'un lâche qui ne s'était pas battu pour garder ce qu'il avait : une petite-amie géniale et une enfant pleine de vie. Il savait très bien qu'il avait perdu une précieuse année avec sa fille et ne voulait plus jamais revivre ça. Il devait lutter contre ses démons pour que cela ne se reproduise plus.

Alors qu'elle précisa les personnages sur son dessin, il constata que le dénommé "Julien"  tenait la main de sa mère et se mordit la joue pour ne pas plus interroger l'enfant sur le sujet. C'était un nom français et il n'avait jamais vraiment questionné Aloysia sur ses rencontres lors de son tour du monde. Il n'avait pas plus envie de savoir maintenant. Non. Tout ce qu'il voulait voir et apprécier du dessin, c'est qu'Anastasia l'avait dessiné lui, son bras bâton prolongé par le bras bâton d'Ania'. Elle l'avait dessiné, lui tenant la main. « Mais tu dessines comme une grande artiste ma parole », dit-il en posant un doigt sur le rond qui représentait son propre visage, deux petits ronds noirs pour les yeux et un trait en parenthèse couché pour la bouche souriante. Le plus drôle était les boucles anarchiques par-dessus le grand rond du visage. « C'est tout à fait moi ! On ne peut pas s'y tromper. » Elle précisa que le Blake de son dessin avait des patins à glace et elle semblait en avoir fait à ses pieds aussi. L'image était intéressante. J'avais très envie, oui, de lui apprendre à patiner. Mais je savais qu'à ce jeux-là, je ne serais pas la seule. Sa mère ne manquerait pas de tout lui apprendre si elle voulait et elle serait sans doute bien meilleure que lui. Il patinait dans la force, désormais, pour un jeu brutal et très masculin. Il n'était même pas certain qu'il saurait encore faire correctement un enchaîné simple ou un porté correct. Son corps avait changé, aussi, depuis la dernière fois qu'il avait fait de l'artistique. Il n'avait plus la même accroche sur la glace.

Réajustant sa position sur le sol, alors qu'Anastasia reprenait le dessin d'une voiture supplémentaire dans son œuvre, il tira sur les manches de son T-shirt. Il n'avait jamais vraiment aimé les manches longues et avait l'habitude de rouler les manches de ses chemises jusqu'aux coudes ou de tirer encore et toujours sur celles des T-shirt, jusqu'aux trois-quart. Posant son crayon, Ania' afficha soudain un air qui ne pouvait pas vraiment tromper quand on avait un peu fréquenté des enfants. Blake remarqua d'ailleurs qu'elle faisait toujours la même tête que celle qu'elle faisait quand elle était tout bébé. « Heu... Lysia' ? Ania' porte encore des couches ou on est à deux doigts de la catastrophe ? », cria-t-il, même s'il savait que la maman n'était pas assez loin pour ne pas entendre, même sur un ton normal. Il l'avait vu passer plusieurs fois devant la porte, faignant de ne pas leur prêter attention, alors même que depuis le canapé, elle avait l'oreille tournée vers eux.

Aloysia lui annonça que la petite ne portait plus de couche et pendant une seconde, il resta figé d'effroi. Il ne savait même pas où se trouvaient les toilettes. Comment allait-il faire ?

Apparemment, son état de sidération dura plus qu'une seconde, car la blonde râla qu'il devait se bouger pour faire quelque-chose. Il saisit donc sa fille sous les aisselles et la porta rapidement jusqu'aux toilettes, mais malheureusement, l'accident fatal se produisit alors qu'il la reposait au sol pour l'aider à baisser son pantalon. « Oups... » Mot magique pour les émois d'un enfant, Anastasia se mit à pleurer immédiatement, cachant son visage dans ses petits points. « Ooooh bébé, non... ne pleure pas », dit-il, alors qu'Aloysia apparaissait, lui assurant que ce n'était rien de grave. Il finit d'achever de la débarrasser de ses vêtements sales et l'emmener dans la salle de bain. « Allez princesse, c'est l'heure de la douche », dit-il le plus doucement du monde, en remontant ses manches au-dessus de ses coudes pour éviter de se mouiller. Il attrapa le pommeau de douche pour régler la température. Anastasia avait déjà un peu oublié sa peine, reniflant un peu, tout en attrapant déjà ses jouets pour s'amuser. « On fait une douche de grand ? », qu'il proposa, supposant que d'ordinaire, elle prenait encore des bains plutôt que des douches, mais estimant qu'il serait plus facile de la laver ainsi. Elle hocha un peu la tête et il commença à la laver avec un gant savonné, jouant avec elle en même temps pour finir de lui faire passer son chagrin. Il utilisa le pommeau pour l'éclabousser et éclabousser son jouet quand il vit qu'elle essayait de le protéger des assauts de l'eau.

Finalement, c'est en riant tous les deux qu'ils terminèrent la douche et une fois qu'elle fut totalement propre, il l'enroula dans une serviette, alors qu'elle protestait de son envie de continuer de jouer. « Plus tard, princesse. La prochaine fois, tu auras droit à un vrai bain. Mais tu as entendu maman, maintenant c'est l'heure du goûter. » Il lui fit un clin d'œil avant de l'installer sur la table à langer pour la frotter jusqu'à ce qu'elle soit toute sèche. Il l'aida ensuite à s'habiller et la porta jusqu'à la cuisine. Dès qu'elle vit la table prête, elle voulut descendre et termina le chemin en courant, alors qu'il souriait croisant les bras pour la regarder faire, alors qu'elle affichait son mécontentement de ne pouvoir commencer par manger le meilleur.

« Ça se passe... bien. C'est compliqué de faire ses preuves quand on arrive. Encore plus quand on a un passé comme le mien. Le patinage artistique, pour certains, c'est comme la danse, pas vraiment digne d'être considéré comme un sport en tant que telle. Mais c'est d'autant plus drôle quand j'utilise certains de nos enchaînements pour les contrer. Ça déstabilise l'adversaire de manière assez efficace. Le coach est content de mes performances et les propriétaires aussi, alors bon. » Il haussa les épaules avant de s'adosser au mur. « Et toi, alors ? J'ai appris que tu revenais dans le circuit avec un nouveau partenaire. Tu vas reprendre la compétition cette année ou tu attends l'année prochaine ? »

Blake était heureux de pouvoir faire une telle seconde carrière. Le hockey avait toujours été sa passion première, même si une certaine sirène avait réussi à le détourner de son art premier pour faire faire envisager et débuter une toute autre vie. Dans tout ce merdier, il avait au moins trouvé un nouvel équilibre professionnel, ce qui n'était pas plus mal. Sans le travail, il ne savait pas trop ce qu'il serait devenu. Surtout après le départ d'Aloysia. Il n'était venu en Floride que pour elle, pour leur duo. Sans elle, il n'était rien ici. Rien qu'il n'avait envie d'être. Les Panthers avaient redonné un sens à sa vie et à sa vie en Floride. Alors, même si ça n'était pas tous les jours évident et s'il avait conscience qu'il ne pourrait pas rester dans l'équipe des décennies encore (après tout, il n'était plus si loin des trente ans et tous les athlètes savaient que le cap était fatidique), il avait tout de même un avenir.

Elle expliqua ensuite qu'elle comptait reprendre la compétition dès cette année. Elle avait, tout comme lui, conscience qu'elle n'était plus une jeune débutante. Contrairement à lui, elle avait continué dans la voie de l'artistique et elle devait cumuler travail et sport, alors que lui, désormais, évoluait dans un sport qui lui permettait de faire ça à temps plein et d'obtenir un salaire plus que confortable pour cela. Il n'était pas moins occupé pour autant. Les sports comme le hockey demandait beaucoup d'investissement en terme de représentation. De fortes sommes s'échangeaient quotidiennement, au-dessus de lui et Blake savait qu'il était un joli pion qu'on bougeait comme on en avait besoin pour cela. Pub, interview, manifestations... Il n'y avait pas que l'entraînement, les matchs et quelques présentations pour les sponsors. C'était tout un public qu'il fallait fidéliser et maintenir sous tension, encore et toujours.

Il se figea quand elle parla de leur ancien coach. Il ne savait pas exactement ce qu'il s'était passé, il venait de partir pour Sunrise à l'époque où cela était arrivé et Aloysia ne lui avait pas donné beaucoup de détails. Il secoua lentement la tête par la négative. « Toi tu savais, mais tu n'as pas vraiment voulu épiloguer sur le sujet quand tu me l'as annoncé. Tu ne voulais pas vraiment me parler à ce moment-là et tu ne m'as appelé que pour que je ne l'apprenne pas par la presse ou quelque-chose comme ça. » Il haussa les épaules. C'est vrai qu'il s'était interrogé. Il avait entendu des rumeurs comme quoi le coach n'était pas quelqu'un de bien et qu'il avait probablement été rattrapé par quelques démons, mais il n'avait jamais su de quel genre de choses on parlait. Il n'avait pas vraiment posé de questions non plus. Blake était en mode fuite à l'époque, alors il n'avait pas insisté.

Il sourit quand sa fille se dépêcha d'engloutir son gâteau pour aller jouer. Là, il se reconnaissait et cela lui fit chaud au cœur, même si son côté ''papa'' fronçait les sourcils en songeant que ce n'était pas très bien de fourrer comme ça un gâteau entier dans sa bouche sans prendre le temps de bien mâcher. Il l'avait fait des années durant quand il était lui-même petit et fiévreux de retourner jouer après s'être rempli l'estomac.

Et puis tout d'un coup, ils étaient seuls de nouveau et Aloysia s'excusait. Il la regarda avec des yeux ronds, sans comprendre, jusqu'à ce qu'elle développe. Il serra les dents en l'écoutant, respirant un peu plus fort. L'entendre raconter leur histoire comme ça faisait piquait, il devait l'avouer. A la fin de son explication, il eut un petit sourire ironique. « Le pire c'est que je devrais être content que tu ne t'en souviennes pas », dit-il, trop doucement pour être mesquin. Non. C'était juste... ironique et cela l'attristait un peu. Parce que oui, il avait vraiment eu des sentiments pour elle. De l'amour ? Il n'en savait honnêtement rien. A l'époque, il aurait dit non, mais aujourd'hui, il réalisait combien il aimait Anastasia depuis longtemps, sans avoir reconnu le sentiment, alors Aloysia... Il ne s'aviserait même pas de tenter de mettre un nom sur ce qu'il avait ressentit pour elle à l'époque. « Je voulais faire les choses bien. Pour toi, pour notre bébé. Ce qu'on avait, ce qui avait grandi en nous... C'était évident que j'allais merder. » Il secoua un peu la tête. Il estimait ne pas avoir tous les torts, ne pas être entièrement fautif et responsable, parce qu'elle l'avait trahi, de la pire des manières et qu'il avait vraiment des sentiments pour elle pourtant. Il avait été blessé et il avait agi comme un con. Au final, il ne mentait pas. Il omettait juste la cause de sa connerie. Du reste, IL avait merdé ensuite, accusant même Ania' de ne pas être sa progéniture. Quel con. « Je ne pourrais jamais t'en vouloir de ne pas t'en souvenir. Ce n'est pas de ta faute. Tu n'as pas voulu oublier ces dernières années. » Il soupira, une fois de plus, la regardant dans les yeux. A quel moment au juste il s'était avancé vers elle pour se tenir à seulement un pas ? « J'aimerais tellement savoir comment t'aider à retrouver tous tes souvenirs... »

Il ne pouvait pas lui en dire plus. Il n'avait plus eu de contact avec le coach depuis le jour de leur dernier entraînement. Il ne s'était même pas excusé pour être partie, une fois de plus, sans prévenir personne. Alors, assurément, le brun était la personne la plus mal placée pour savoir de quoi il en retournait exactement. Et même si Aloysia ne comprenait pas comment elle pourrait être au courant de plus de choses que lui, il avait toujours eu l'impression qu'elle en disait plus qu'elle ne le savait, mais aujourd'hui, ce savoir c'était évanoui et ils en savaient autant l'un que l'autre. Il ne voulait pas remuer le couteau dans la plaie.

La conversation prit une tournure plus délicate quand elle s'excusa de ne pas se souvenir des circonstances de leur relation et de sa fin. Elle lui demanda ce qu'il s'était passé exactement et pendant une minute, le brun hésita à répondre, ne sachant trop ce qu'il pouvait ou ne pouvait pas dire. Ce qu'il devait ou ne voulait pas dire. Elle n'avait pas besoin d'entendre les parties les plus sordides de leur histoire. Et il ne voulait pas ça. Il avait lutté, ces dernières années, pour oublier le sordide et ne garder en mémoire que le bon. Ce qu'ils avaient de bien, ce qui l'avait rendu heureux. Il n'oubliait pas pour autant le mal et la douleur qu'ils s'étaient infligés l'un et l'autre, mais Aloysia était la mère de sa fille et il ne voulait pas offrir le spectacle de leurs frasques à leur fille. Agir pour le bien d'Anastasia nécessitait de ne penser que ce qui les unissait, Lysia et elle.

« Non je... C'est ton histoire aussi. Tu as le droit de la connaître », dit-il quand elle ajouta qu'il n'était pas obligé s'il ne voulait pas lui en parler. « C'est juste que... » Il haussa les épaules, ne sachant pas vraiment comment terminer cette phrase. « Je ne saurais même pas par quoi commencer, alors... Poses les questions que tu veux et j'y répondrais. » La dernière chose qu'il voulait, c'était raconter quelque-chose qu'elle n'avait pas envie, elle-même, d'entendre.

« Les docteurs disent que seul un choc émotionnel me rappelant le passé pourrait m'aider à me souvenir. Donc à part me jeter sur la glace, je ne vois pas ce que tu pourrais faire et entre nous, je préférerai éviter. » Aïe... Ça faisait mal. Voilà pourquoi Blake trouvait que son amnésie était une chance assez ironique pour lui. Elle le disait en essayant d'en rire, alors que par le passé, elle le lui avait brutalement asséné, comme une accusation douloureuse. Elle l'avait haï pour ça et il ne lui avait pas laissé voir combien il se haïssait plus encore. Comme si elle l'avait giflé par ces simples mots, le jeune homme serra les dents, s'éloignant d'elle. « Non. Ça ne serait pas une bonne idée, effectivement. » Pour s'occuper les mains, plus que par soif, il récupéra son verre qui était encore sur la table, à moitié rempli. « Peut-être que c'est une bonne chose, malgré tout. Si tu as des flashs, c'est que les souvenirs sont toujours là. Il y a peut-être juste quelque-chose qui bloque... Quelque-chose dont tu ne veux pas te rappeler. » Il haussa les épaules. « Est-ce que tu penses que James te cache quelque-chose qui pourrait expliquer pourquoi ton cerveau refuse d'accéder à tes souvenirs ? Il doit bien y avoir une raison que pour tu ais oublié jusqu'aux championnats, mais... Est-ce que c'est lié à nous ? A moi ? »

Il avait fini par se parler à lui-même, plus que vraiment à elle. Il avait été transparent sur tout avec elle. « Mais on a aucun secrets l'un pour l'autre... Pas entre nous, en tout cas... »

Parler d'eux et de leur relation passée n'était pas quelque-chose de facile. Cette relation l'avait pris par surprise. Cette détermination qu'avait eu le brun à la retrouver, à vivre cette histoire... Il avait vécu une bonne partie de la grossesse avec elle, la naissance d'Anastasia et ce qu'ils avaient créé à deux. Elle avait été la première vraie petite amie de Blake. Pas vraiment la première avec qui il avait eu une relation suivie, mais la première avec qui ça avait été plus qu'une histoire de sexe et de « bonne entente ». Il avait eu de vrais sentiments pour elle. De l'amour ? Il n'en savait rien. Peut-être qu'il refusait simplement de l'admettre, parce que ça faisait trop peur, trop mal... mais elle avait compté. Vraiment compté et il l'avait perdu... ou il l'avait rejeté, tout dépendait du point de vue. Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, elle était loin et totalement amnésique de leur histoire et si en parler avec elle aurait été difficile avec les souvenirs, sans, c'était encore pire.

Aloysia voulait absolument comprendre comment Blake et elle en étaient venus à se séparer et commença à émettre des hypothèses, ne lui laissant pas vraiment le temps de réfléchir à quoi dire. Le brun lui avait dit qu'il répondrait à toutes ses questions. Il ne pouvait donc plus reculer, ni mentir, mais cela ne rendait pas l'aveu plus facile pour autant. Et les demi-vérités – et probablement les quelques mensonges – de James n'aidait pas vraiment. Elle avait des idées toutes faites et des souvenirs reconstruit sur la base de ce que son frère ultra protecteur – ce qu'elle avouait elle aussi – lui avait dit. Entre la vérité, les non-dits et les questions, le brun commençait de plus en plus à se dire que, peut-être, leur histoire avait sa part de responsabilité dans le refus de son cerveau de se souvenir des dernières années. Il devait bien y avoir une raison pour qu'elle ait occulté toute cette période là de sa vie, non ?

Le brun fini par soupirer et s'assit sur la chaise qu'il occupait précédemment et sur laquelle pendait toujours sa veste. Il fit tourner son verre dans ses mains pour s'occuper, intimant d'un geste à Aloysia de s'asseoir. « Si on doit parler des sujets fastidieux qui fâchent, autant être bien installé. » Il eut un petit sourire ironique avant de hocher la tête, comme pour essayer de formuler les mots. « C'est un peu compliqué parce que... plusieurs choses se sont passées en fait et j'ai mis des années à comprendre moi-même ce qui s'était passé dans ma tête à ce moment-là. James t'as probablement dit que je n'assumais pas. Que j'avais accepté d'être le géniteur de ton enfant, mais que je ne voulais pas être un père. A l'époque c'était vrai. Enfin... Je croyais que c'était ce que je voulais. J'ai vraiment réalisé que récemment que c'était... autre chose. » Il but une nouvelle gorgée avant de reprendre. Il avait la gorge sèche. Parler de ses propres faiblesses n'était pas chose aisée. « On était ensemble depuis plusieurs mois. On avait une sorte... d'équilibre, mais les trois quarts du temps, j'étais... terrifié. J'étais pas conçu pour être père. Je voulais pas avoir cette responsabilité là. Prendre le risque de mal faire avec elle. Je me disais que ça serait mieux pour elle que je sois hors du paysage. Un père inexistant, c'est toujours plus facile à gérer qu'un père qui merde sans arrêt, non ? Regarde toi... Tu m'avais repris dans ta vie tellement de fois et pourtant, je finissais toujours par te faire encore plus de mal... » Il inspira un bon coup. « Enfin bref. On avait un bon équilibre, je crois... je crois qu'on était bien et puis j'ai appris que dans la période où tu faisais la FIV, tu avais couché avec quelqu'un. Je crois que c'est tombé comme le prétexte dont j'avais besoin pour mettre de la distance entre Anastasia et moi. Je t'ai accusé de m'avoir utilisé, d'avoir voulu avoir une bonne poire sous la main pour t'aider avec elle. Peut-être même que je n'étais pas son père, après tout ? Bien sûr, c'était faux. Ania' est ma fille et le test ADN l'a prouvé, mais moi... J'étais déjà parti. J'ai rien assumé... Une fois de plus... »

Il avait baissé les yeux au court de sa tirade et n'avait pas osé les relever depuis. « Quand tu m'as envoyé ce dessin, il y a quelques semaines, j'ai ressenti des choses que je ne pensais pas être capable de ressentir. J'ai réalisé tout l'amour que j'avais pour cette petite fille que j'avais gardé loin de moi toutes ces années. J'ai réalisé qu'en fait, depuis tout ce temps, j'avais une peur bleue d'être un mauvais père et j'avais préféré fuir, comme je le fais toujours, plutôt que de tout faire pour être à la hauteur. » Il releva les yeux, alors. « Mais je ne veux plus ça. Je veux lui montrer combien je l'aime et je veux être un bon père pour elle. Quel père est parfait après tout, hein ? L'important, c'est qu'elle sache toujours à quel point je l'aime et combien elle passera toujours avant tout le reste. »