Leurs situations n'avaient rien à voir et pourtant il ne pouvait s'empêcher de faire des parallèles. Sauf que lui n'avait même pas une excuse autre que sa propre bêtise pour faire face à Edward. Ce qui était il fallait bien l'admettre, quelque peu pitoyable.
Ce qui n'était heureusement, pas le cas de tout le monde ! Parce qu'il y avait des situations qui pouvaient facilement être retournées, et il n'avait aucun doute qu'il parviendrait à le faire si c'était nécessaire.
"Tout dépend. Si on devait aller jusqu'au tribunal, je jouerais à fond là-dessus. Jusqu'où tu es allée dans les sacrifices que tu as fait pour élever correctement ta fille, seule, sans aucun soutien du père qui lui menait sa vie sans se préoccuper de rien." Il était passé sans vraiment s'en rendre compte au tutoiement. Chose qu'il faisait d'ailleurs très facilement avec ses clientes -puisque c'était généralement des femmes- trouvant que cela encourageait les confidences. Et c'était souvent dans les confidences qu'on trouvait de quoi gagner sur l'adversaire. Mais là, il s'agissait avant tout de lui donner de quoi garder la tête haute face au père de sa fille. "Tu l'as fait pour votre enfant. Parce qu'il n'était pas là pour assumer. Quelle que soit la raison de son absence, il n'était pas là et tu as dû te débrouiller seule pour subvenir à ses besoins. Tu as fait pendant huit ans ce qui lui n'a pas su faire." Et son ton n'aurait admis aucune réplique. "Je sais que les bons conseilleurs ne sont pas les bons payeurs, surtout dans mon cas, mais tu ne dois pas oublier pourquoi tu as fait ça. Te juger là-dessus serait bien hypocrite de sa part... Et je suis désolé, j'ai pris la mauvais habitude de tutoyer lorsque je travaille. Mais si ça te gêne je repasse au vouvoiement, pas de souci pour ça !" En tout cas et comme souvent, tout n'était que fonction de l'angle de vue sous lequel on se plaçait.
Sauf que parfois comme dans son propre cas, il n'y avait pas "d'angle de vue" acceptable. Et ce n'était portant pas faute d'avoir cherché à se dédouaner, ne serait-ce même qu'un peu. Bien qu'il y avait longtemps maintenant qu'il avait accepté les choses telles qu'elles étaient.
Mais entre les accepter et les voir diffuser avec le risque qu'Edward tombe dessus, il y avait un gouffre qu'il ne se sentait pas prêt à franchir.
"Je suis loin d'être tout blanc moi aussi. Sauf que moi, je n'ai aucune excuse valable, si ce n'est la bêtise que peut avoir un gamin de 15 ans." Soupirant profondément, il avoua sans pour autant entrer dans les détails parce qu'il pouvait déjà sentir son souffle se faire plus court rien qu'à l'idée d'aborder le sujet. "J'ai trahi mon meilleur ami juste parce que j'avais besoin d'être rassuré sur le fait que je pouvais être un bon ami pour lui. On peut difficilement faire plus ironique... Et ça lui a bousillé sa vie. Littéralement." Alors qu'il n'aurait pourtant fallut que juste un "Oui, tu te débrouilles bien Wayne, même s'il a détesté t'embrasser." pour remettre les choses sur leurs rails.
"Et je suppose que c'est le genre d'histoire dont cette Nightmare est friande ?... Eh bien, on va dire que New-York va me manquer."
Il avait beau prendre ça sur un ton assez léger, il était en fait catastrophé. Il ne pouvait pas repartir à New-York, il venait tout juste d'arriver et puis surtout, Edward habitait ici ! Mais il ne voulait pas non plus que celui-ci apprenne son implication dans son internement en hôpital psychiatrique. Jamais !
"Je crois que je... supporterais pas qu'Edward apprenne ça... Jamais." Le laisser croire qu'il s'était juste limité à ne pas venir le voir à l'hôpital psychiatrique était largement suffisant à son goût. Parce que oui, il n'avait jamais pu franchir les grilles de l'hôpital et il ne fallait pas aller chercher bien loin pour en comprendre la raison. Un jour sa culpabilité finirait par le tuer.
En tout cas lui ne riait pas du tout alors qu'il secouait la tête effaré par cette Nightmare dont personne ne semblait ne rien savoir. Il en était même à se demander combien de suicides celle-ci avait dû provoquer...