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 And welcome back (29 Janvier) ft. Jasmine

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Dean Hassani
Dean Hassani
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- messages : 4538
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- anniversaire : 19/11/1994
- activité : Il a longtemps rencontré des difficultés, et le manque de motivation l'a conduit à s'engager très tôt dans l'armée. Aujourd'hui, il a l'honneur et la fierté de faire partie d'un bataillon des forces spéciales américaines. Au grand damne de ses parents adoptifs, il s'est même décidé à gagner du galon. .
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(#)Sujet: And welcome back (29 Janvier) ft. Jasmine  |   Jeu 26 Nov - 11:15
Près de cinq mois avaient passé depuis l'organisation du dernier repas de famille, et ça avait été dur pour chacun des membres des Hassani. Habitués à ne pas avoir reçu la visite du soldat depuis près de sept années, voilà qu'ils devaient apprendre à s'accoutumer de ses départs. Le huit octobre passé, ils n'avaient pas eu la force de l'accompagner au point d'embarcation, et avaient écourté les au-revoirs au pallier de l'immeuble. Les plus jeunes avaient loupé l'après-midi d'école, étaient présents pour agiter leurs bras vers la vitre arrière du taxi. Quant aux adultes, ils avaient posé une heure ou deux de congés. Et bien qu'ils étaient restés beaucoup plus fiers, l'angoisse qu'il ne puisse revenir parmi eux avait silencieusement tiraillé leurs tripes. Il n'y avait eu que Soraya, fille adoptée d'Indonésie, plus âgée de deux ans, pour courir après le véhicule, les larmes lui brouillant la vue.

Aucune nouvelle n'avait pu leur être donnée. Comme à chaque signature, Dean, appelé communément Mehdi, n'avait jamais pris la peine de leur écrire, ni même d'user d'un droit d'appel pour les rassurer. Il avait ses raisons, notamment d'éviter de se rendre inutilement faible lors des missions, mais cela n'était pas toujours compris. Pour tous musulmans pratiquants, la famille était le centre de tout, le noyau de la communauté. Adopté à l'âge d'un an en Thaïlande, le militaire n'avait jamais eu à se plaindre de ses représentants légaux qu'ils considéraient comme ses vrais parents. Il avait reçu le même amour, la même tendresse, la même éducation que ses autres frères et sœurs pourtant davantage légitimisés par le sang qui coulait dans leur veine. En contre partie, il leur devait obéissance, et plein respect. Malgré tout, de nombreuses fois il avait failli à sa mission de fils.

A l'aube de ses dix-huit ans, il s'était vu refuser son entrée à l'université de médecine à cause d'un dossier peu satisfaisant. Dean n'était pas stupide, ne l'avait jamais été, mais son carnet de notes n'avait pas retenu l'attention. N'ayant réfléchi à un plan B, il avait dû rencontrer quelques agents sociaux et d'éducation dans l'espoir de trouver sa voie, et ainsi ne pas perdre une année de scolarité; financièrement, cela était impossible pour la famille Hassani qui comptait déjà chaque sou dépensé. Il était tombé sur une brochure de l'armée et s'était rappelé ô combien il avait montré énormément de capacités physiques lors des championnats d'athlétisme entre lycées d'état. Aussi, il avait gardé en mémoire cette exclamation de l'entraîneur : « tu ferais un bon soldat. » Et ça ne put que lui faire tilt, tout là-haut.

La persévérance et le sang-froid, le fait de devoir repousser ses limites et de devoir gérer la pression. Des qualités que l'on pouvait attendre des athlètes, mais aussi des combattants. Il s'était inscrit sur la liste de candidature, avait passé le bilan médical, les évaluations et l'entretien. Il avait été contacté pour son projet, et n'avait pas hésité à défendre son désir de rejoindre, dès que possible, les forces spéciales. Ils n'étaient que peu nombreux à passer les sélections, mais sa ténacité avait fait son petit effet. Les résultats tombés, il avait été accepté et invité à passer sa formation, mais avant ça, il avait dû informer ses parents de sa décision, et de l'avenir qu'il avait entrevu en toute discrétion. Est-il nécessaire de préciser que le repas de famille s'était terminé de façon désastreuse ?

Pourtant, malgré la désobéissance, il était là, en bas de l'immeuble où ses parents résidaient, dans son bel uniforme de militaire. Il était arrivé au matin en Floride, avait fait un détour pour rendre visite à une adorable connaissance sur Miami, mais avait prévenu de son retour une fois parti d'Europe. Un message, un simple message, avait emballé la famille toute entière qui s'était hâtée à lui réserver un accueil digne de ce nom : une fête surprise, un sacré "welcome back". Dean ne se doutait de rien et, le sac de trente-deux kilos sur l'épaule, il composa le code sur le plateau électronique et passa la porte d'entrée. Il était déjà dix-neuf heures passées, mais il croisa quelques voisins qui l'avaient vu grandir. Durant le voyage de l'ascenseur jusqu'au douzième étage, il échangea quelques brefs sujets de conversation avec eux.

Le ding retentit enfin, et il dût écourter poliment la discussion. Sorti de la boite métallique, il fit quelques mètres dans le couloir, après avoir appuyé sur l'interrupteur de l'espace commun, et se retrouva devant la porte du numéro 122 qu'il poussa. L'appartement était plongé dans le noir, mais il eut à peine le temps de tirer sur les lacets de ses rangers que la lumière fut et qu'un énorme brouhaha le fit sursauter; presque indigne d'un F.S. Et ça, pour une surprise, c'était une surprise ! Il tira un trait sur ses chaussures et parcourut la pièce principale de ses pupilles noires. Ils étaient nombreux à être présents dans le salon/salle à manger de cinquante mètres carrez. Parents, oncles et tantes. Fratrie, cousins et leurs conjoints. Sans oublier les neveux et nièces âgés de près d'un an à six ans.

Mais ils étaient habitués à vivre de manière étriquée. Mieux encore : cela réchauffait les cœurs de se savoir aussi proches les uns des autres. Et, sans doute possible, ce fut Soraya, sa sœur indonésienne, qui consomma en première les retrouvailles, suivie des enfants des quatre autres membres de la fratrie. Des tapes dans le dos, des câlins mesurés et des sourires rendirent heureux le soldat qui n'eut pas vraiment le temps de se rendre compte des efforts de chacun dans la préparation de cette soirée. Décorations, plats maisons, tout y était. Sa cousine Jihane, une jeune étudiante de vingt ans, s'approcha ensuite pour lui présenter une jeune femme qui, comme lui et Soraya, contrastaient totalement parmi tous ces Iraniens. J'te présente Jasmine, une copine de la fac, introduit-elle.

...Et Mehdi, le cousin dont j't'ai souvent parlé. L'Asiatique posa sa main sur son pectoral gauche en signe de salutations et fit : Appelle-moi Dean, et bienvenue parmi nous, du coup. Jasmine ayant pour camarade Jihane, une musulmane donc, elle devait sans aucun doute avoir eu un petit topo sur les non-pratiques des hommes envers les femmes. Lesquelles ne devaient pas la mettre mal à l'aise ou la faire se sentir repoussée, comme le serrage de mains prohibé, par exemple. J'imagine que c'est toi qui as fait tout ça, supposa-t-il en s'adressant à l'étudiante aux cheveux noirs corbeau. Jasmine m'y a aidée, ajouta-t-elle fièrement alors que son cousin découvrait enfin les divers objets qui avaient servi à donner une ambiance festive à la pièce. Ballons, banderoles et autres créativités se mélangeaient avec les traditions.

Elle s'approcha ensuite discrètement du visage du jeune homme d'un mètre quatre-vingt-cinq et chuchota : j'ai caché des bières alcoolisées dans le frigo. L'alcool était interdit, mais Dean faisait très souvent abstraction de cette règle. Et puis, l'occasion était bonne. Il élargit son sourire avant de porter son attention sur la jeune femme aux yeux envoûtants : ça reste entre nous, hein.

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Jasmine Carter
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(#)Sujet: Re: And welcome back (29 Janvier) ft. Jasmine  |   Dim 3 Jan - 23:01
@Dean Hassani

Voilà bientôt trois mois que je ne vis plus seulement pour moi, mais aussi pour cette petite princesse qui a vu le jour le 3 novembre dernier. Très prochainement, elle fêtera déjà ses trois mois. Ce qui me donne l'impression que le temps file à une vitesse encore plus impressionnante. Tant de choses se sont déjà passées, de ma prise d'indépendance à mon retour à l'université. Trois mois de ma vie que j'ai eu l'impression de vivre en trois semaines. Alors, profitant d'un instant de calme ce soir, je me penche au dessus du berceau de mon petit joyau, et je repense à tout cela. Je me revois encore en salle de travail, à devoir expulser de mon corps ce si petit être, puis l'entendre pleurer, collé contre moi... Cette sensation sera à jamais gravée dans ma mémoire. C'est comme si la vie venait de me donner un but, une direction. Et pas centrée sur moi-même, bien au contraire. Maintenant, c'est pour elle que je vis. C'est pour elle que chaque matin, je vais sortir du lit, aller à l'université, étudier, décrocher mon diplome, et faire tout ce qui est en mon pouvoir pour lui offrir la meilleure vie possible. Je souris, captivée par le sentiment de sérénité qui émane de Sapphire.

Existe-t-il quelque chose de plus beau sur Terre qu'un enfant qui dort ? Probablement pas. Je revois ces premiers instants de partage mutuel, lorsque ses petits yeux cherchent les miens, puis, de façon peut-être involontaire, sa si petite bouche esquisse un petit sourire, comme pour me témoigner tout l'amour qu'elle ressent à mon égard. Cet instant, suspendu dans le temps, n'appartient qu'à nous, pour l'éternité. Il y en aura d'autres, c'est certain. Puis je me remémore un souvenir un peu plus douloureux, et un peu plus récent, celui de notre première séparation. Il a fallu que je retourne à l'université, le temps qui m'était accordé étant bientôt expiré. Trouver la bonne personne à qui confier sa progéniture n'a rien de facile, et c'est après des journées interminables de recherche que j'ai pu trouver la personne idéale. Pour autant, et même si je m'étais préparée à couper pour une seconde fois le cordon, voir cette femme fermer la porte de chez elle, me laissant seule avec mon stress, mon anxiété et ma tristesse aura été une expérience vraiment peu appréciable, limite traumatisante. Cette journée aura été un véritable calvaire, car elle a aussi abrité en son sein mon retour à l'université.

Mon premier passage aura été de courte durée, à peine quelques jours. Tout le monde ou presque m'a déjà oublié. Ou pire, certains se souviennent que j'étais la nana un peu bizarre qui est enceinte. Et me voilà à nouveau, sans les quinze kilos stockés dans mon ventre, plus fraiche que jamais. Heureusement, une fille de ma classe avec qui j'avais déjà discuté lors de mes premiers jours semblait se réjouir de mon retour. La revoir a été bien plus agréable que ce que j'aurais pu croire. Nous avons passé beaucoup de temps ensemble les jours suivants, dans l'université et en dehors. Elle m'a même aidé à déménager dans mon nouvel appartement, ce qui est plutôt cocasse car en plus d'être ma voisine de classe, c'est également ma voisine de rue. Elle habite à tout juste quelques dizaines de mètres de mon immeuble. Drôle de coincidence. Soudain je reviens à la raison, de façon brutale. Je ne saurais dire combien de temps je suis restée là, penchée sur le berceau, à repenser à toutes ces choses. Pour l'heure, il faut que j'aille me coucher également, demain s'annonce une grosse journée.

En effet, Jihane, ma fameuse voisine de tout, était toute excitée par le retour à la maison de celui qui était vu un peu comme "le héros" de la famille. Son cousin Dean - que tout le monde appelle Mehdi - rentrait enfin au pays après une énième interminable mission. Jihane me parlait très souvent de lui, et de l'image qu'elle en avait. Il était grand, beau, musclé, et incarnait finalement la puissance de l'armée de notre pays. Une sorte d'élite dont peu de personnes ont accès, et qui vous transporte dans une autre dimension. Ce qui était fascinant lorsqu'elle racontait des histoires de son cousin, c'est cette passion qui l'habitait. Elle pouvait en parler des heures sans s'arrêter. Je peux la comprendre, j'ai également, toutes proportions gardées, le même regard sur mon grand frère. Ce sont nos héros. On les aime. On ferait n'importe quoi pour les rendre fiers. Alors elle m'a proposé de participer à la fête surprise qui lui était organisé. C'est avec un grand plaisir que j'ai accepté sa proposition.

Nous avons passé la journée à préparer tout un tas de choses, de la nourriture à la décoration en passant par le choix des musiques à passer. Sapphire ne m'a pas quitté de la journée, si ce n'est une heure avant l'arrivée de Mehdi où Gabriel est passé la récupérer. Un véritable ange celui là, il savait que ça me faisait du bien d'avoir encore du temps pour moi. Et pour cause, je n'ai que 19 ans, héhé. Même si cela ne m'aurait absolument pas dérangé de la garder aussi la soirée. Mais avec le bruit ambiant, il n'est pas certain que ma petite princesse se soit sentie parfaitement à son aise. Voilà enfin le moment que tout le monde attend depuis le début de la journée. Le salon est plongé dans l'obscurité la plus totale, même les respirations des gens ne se font plus entendre. La porte s'ouvre, la lumière s'allume, et tout le monde manifeste sa joie de voir le héros de retour. Ces moments d'émotions ont tendance à vite me submerger, mais j'arrive à le controler. Mehdi fait le tour des invités, puis il arrive à notre hauteur. Jihane nous présente, et même si j'étais préparée, le voir me saluer en posant sa main sur son pectoral avait un côté bucolique auquel je ne m'attendais pas.

- Enchantée Dean. Et je confirme, Jihane me parle très souvent de toi.

Je lui souris spontanément. Et je comprends pourquoi Jihane semble tant l'idolâtrer. Cet homme dégage une aura et une puissance incroyables. Il est possible que mon esprit fasse une sorte de connexion avec son métier, ce qui aurait tendance à amplifier ce ressenti. Mais il est clair que Dean - ou Mehdi - en impose. Et puis, mon amie était tellement heureuse de pouvoir chuchoter à l'oreille de son cousin la petite surprise qu'elle lui avait réservé. Faut-il rappeler que la consommation d'alcool est prohibée dans la religion musulmane ? Apparement, il n'en a que faire, et, captant mon regard, me demande confirmation que tout ceci restera entre nous.

- Aucun problème, je ne dirai rien.

Puis Dean s'en va, continue à faire le tour afin de saluer tout le monde. Je vois les yeux de Jihane briller de mille feux, et cela m'apporte un certain réconfort. Je me serais senti tellement mal si les choses avaient mal tournées pour n'importe quelle raison... En attendant que le héros revienne vers nous, nous allons chercher le butin caché dans le frigidaire puis nous nous installons un peu à l'écart de la masse. Boire de l'alcool sous le nez de mes hôtes n'était pas vraiment la meilleure idée du siècle, mais cela tenait vraiment à coeur à Jihane que je ne pouvais pas ne pas la suivre. Puis, au loin, nous voyons Dean se rapprocher de nous. Nous n'échangeons plus aucun mot. Nous sommes spectatrices de cet inhaleur d'âme ambulant. Il vient se poser avec nous, et je lui tends une bouteille déjà décapsulée, cachée non loin de moi.

- A la tienne Dean, bon retour !
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Dean Hassani
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(#)Sujet: Re: And welcome back (29 Janvier) ft. Jasmine  |   Ven 8 Jan - 11:47
Et il sembla, effectivement, que cela pouvait rester entre eux. La jeune femme aux cheveux rouges n'hésita pas une seule seconde à acquiescer en tout cas, et Dean n'eut d'autre choix que de la croire, glorifiant ce maigre secret qu'ils partageaient à présent d'un clin d'œil complice. Les Hassani, d'aussi loin que le militaire se souvenait, avaient toujours tiré une croix sur l'alcool, en avaient fait une prohibition, et ce malgré la lecture quotidienne du Quran. Ils savaient pertinemment que ces boissons enivrantes n'étaient pas réellement interdites par leur religion, mais ils préféraient éviter à leurs enfants l'attitude déplorable que pouvait entraîner la surconsommation de ces dernières, - l'ivresse -. Dean ne péchait pas réellement à s'autoriser de temps à autre quelques gorgées de breuvage, mais il peinait à accepter les regards très expressifs de ses parents, alors il s'en cachait.

Il n'eut pas une minute de plus à consacrer aux demoiselles. Appelé par son frère, il s'excusa brièvement avant de faire le tour de la pièce de vie où une quinzaine d'adultes étaient entassés; et pour sûr que si les murs avaient pu être poussés, d'autres se seraient ajoutés à la fête. La partie de quartier où ils résidaient rassemblait une grande famille de sang, mais aussi de cœur. A Brickell, un patelin entier avait pour habitude de se retrouver une fois par an, souvent au printemps, dans un grand moment de partage et de convivialité. Tous, en majorité, se connaissaient, et les nouveaux habitants étaient très vivement invités à participer. Cela était rassurant de savoir que l'on pouvait compter sur les uns, les autres, dans les bons comme les mauvais moments. Jamais, ô non, jamais, l'entente entre les membres n'avait été altérée par des broutilles, et c'était un plaisir de voir les enfants grandir ensemble.

Dean avait été élevé dans un arrondissement aimant et chaleureux, où les ethnies n'avaient pas peur de se mélanger; et c'était rare de voir ça aux Etats-Unis où le racisme et le spécisme reprenaient de l'ampleur. Il ne pouvait oublier le soutien qu'on leur avait offert lorsque son deuxième frère avait été sauvagement attaqué au retour à la maison, - pour sa couleur de peau, pour son origine, mais surtout pour sa religion - . Ca aurait pu être lui, ou un autre. Les résidences tout autour s'étaient soulevées en une manifestation pour que cet acte ne reste pas impuni et finisse, comme beaucoup de dossiers, aux oubliettes. Les voisins, la famille, tous s'étaient cotisés pour permettre l'engagement d'un bon avocat. Il en avait été ainsi pour cette histoire qu'avaient subi les Hassani, mais beaucoup d'autres familles avaient reçu la même aide.

Le militaire finit sa ronde, échangeant furtivement quelques phrases banales avec les plus âgés car il n'avait qu'une hâte : se retrouver devant ses parents. Ils avaient beau n'être que des adoptants d'un garçon abandonné sur les papiers, il espérait lire au fond de leurs yeux un brin de fierté pour le garçon qu'ils avaient accueilli au sein de leur foyer. Ca avait été un choix, parmi tant d'autres, d'offrir un toit à deux enfants mal-aimés, d'aller les chercher dans un pays différent de celui dont ils étaient originaires. Il lui avait été donné le nom de son père d'adoption, tout comme Soraya l'avait reçu avant lui, et ce malgré l'interdiction de l'Islam de donner son patronyme à un enfant qui n'était pas le sien. Et pour ça, oui, rien que pour ça, il leur devait tout. Par respect, il ne les avait jamais surnommé "papa" et "maman" comme un véritable fils en avait l'autorisation.

Il avait joué le jeu bien plus aisément que sa sœur indonésienne, mais devant leurs silhouettes vieillissantes et fatiguées, il ne put s'empêcher d'embrasser chaleureusement leur front quand chacun l'étreignit de deux mains posées à plat sur ses épaules. La scène fut attendrissante, autant que celle qu'ils avaient vécu à l'aéroport en juillet dernier. Sa mère fut la première à lui accorder quelques mots en farsi, décrivant sa carrure amaigrie de manière taquine, au point de faire rire la plus proche assemblée, et lui aussi. Il la rassura, comptant bien évidemment sur les repas lourds et copieux que la famille avait pour habitude de partager; il allait facilement gagner une couche de graisse sur ses muscles saillants, il n'avait aucun doute là-dessus. Il tapota à son tour le biceps gauche de son père avant d'inviter, à voix haute, les invités à boire et à se restaurer.

Il refit le chemin inverse pour rejoindre Jihane et Jasmine qui s'étaient trouvées une place dans un recoin de la salle de vie. Alors, on se cache pour picoler, murmura-t-il, moqueur, avant de prendre place sur une des chaises restantes. Le frère de sa cousine était présent dans la pièce, voilà pourquoi il se permit d'en faire faussement tout un plat. Les bières sans alcool firent moult tintinnabulements pendant que Dean se vit offrir le graal. Il trinqua, mais ne répondit pas forcément aux mots qui sortaient glorieux de la bouche des uns et des autres. Il était de retour, certes, mais pour combien de temps ? L'expérience lui avait prouvé qu'il pouvait être appelé à n'importe quel moment de sa permission, de jour comme de nuit, et qu'il était recommandé de se faire à l'idée que les retrouvailles n'étaient jamais éternelles. Il sourit simplement, en retour.

Après avoir bu goulument une gorgée, il se tourna vers la demoiselle au prénom floral : du coup, t'es étudiante, c'est ça ? Jihane avait pris le pouvoir sur la manière dont elle rencontrait ses semblables, et il préférait confirmer plutôt que de partir sur une bourde. Et vous vous êtes rencontrées comment, demanda-t-il ensuite, histoire de comprendre si elles se trouvaient dans la même classe ou si une fête estudiantine avait aidé à créer cette nouvelle amitié. Ca va, elle n'est pas trop difficile à supporter, piqua-t-il indirectement sa cousine qui répondit d'une grimace; il était taquin, très taquin. Il se mit à rire, une large esquisse ouvrit ses lèvres et dévoila ses dents à peu près alignées, avant qu'il ne décide d'y porter le goulot une deuxième fois. Et sinon, tu viens de quel quartier; maintenant, mais aussi avant, car il n'avait pas l'impression de l'avoir déjà croisée.

Hey, interpella-t-il Jihane qui tentait de répondre aux questions destinées à Jasmine, plutôt que de vouloir t'immiscer dans la conversation de grandes personnes, tu ferais mieux d'aller nous préparer trois assiettes, tiens, sortit-il faussement autoritaire avant de récolter une énième mimique de la concernée. Elle tenta, dans un élan de malice, de réclamer le récit de ses dernières missions en échange, mais la réponse fut catégorique : pas l'droit. Elle ne cacha pas sa mine déçue, et Dean en fut ouvertement désolé; les règles étaient les règles, il avait juré. Pour la peine, c'est moi qui vais aller chercher, se proposa-t-il tel un gentleman, y'a des trucs que t'aimes pas; ils connaissaient déjà les goûts de Jihane. Les recettes perses étaient principalement mises à l'honneur sur la table alors il espérait que Jihane ait fait correctement son job avant d'inviter la jolie rousse à leur table.

Genre, t'as un problème avec le halal, ou t'es vegan,..., commença-t-il à énumérer, ou t'aimes pas les haricots blancs, plissa-t-il les yeux, les rouges, se montra-t-il davantage interrogatif tout en se levant d'ores-et-déjà, prêt à faire le tour des plats et trouver de quoi ravir les papilles des deux jeunes femmes.

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(#)Sujet: Re: And welcome back (29 Janvier) ft. Jasmine  |   Dim 10 Jan - 15:30
@Dean Hassani

Avez-vous déjà eu la sensation de devoir être au bon endroit, au bon moment ? Comme si on vous attendait, depuis la nuit des temps, et que d'un coup votre esprit vous envoie un signal comme quoi votre place est ici ? C'est un peu la sensation qui m'habite depuis le début de la journée. Cette famille, que je connais à peine, n'a pas hésité à m'accueillir en son sein, et même si je n'ai pas toujours compris les conversations qui avaient lieu autour de moi, il y avait une chaleur, une générosité comme je n'en avais pas connu depuis très longtemps. Il faut dire que Jihane a un statut un peu particulier, alors forcément de la voir ramener une amie à la maison, qui plus est avec un nourrisson, ça intrigue. Plusieurs femmes de la famille sont venus à ma rencontre, pour échanger, apprendre à me connaitre, découvrir qui je suis. Loin de moi l'idée de me convertir ou d'entrer de façon officielle dans la famille, mais le fait de se voir mettre autant en confiance participe à cette sensation un peu particulière. Et la discussion que j'ai actuellement avec Dean en est le reflet. C'est à son tour de me questionner sur ma relation avec Jihane ainsi que quelques questions d'ordre un peu plus personnelles.

Alors je me lance dans une explication de notre rencontre, omettant de façon volontaire la toute première fois ou nos regards se sont croisés, en octobre dernier. Nous avions à peine discuté et pourtant, quand je suis revenu à l'université quelques semaines plus tard, elle était là, à m'attendre. Je commence le récit sur ce point de départ, et je vois que Jihane me regarde d'un air interrogateur. Il y a fort à parier qu'elle me demande une explication un peu plus tard. Mais en attendant, je ne taris pas d'éloges sur elle, expliquant que c'est une femme super et que j'ai beaucoup de chance de la connaitre. Dit comme cela, on croirait presque à une histoire d'amour tiens. Puis, je lui récite à nouveau toutes les fois où sa cousine m'a parlé de lui, comme quoi il était un vrai héros, beau comme un athlète, sans aucun défaut. Difficile de lui donner tort, il est clair que Dean a un corps très bien modelé par la nature. Je lui précise aussi que je vis à quelques immeubles d'ici, ce qui a été un moment assez drôle lorsque l'on s'en est aperçu avec Jihane. Dean semble très attentif à toutes les réponses que je peux lui donner, mais son air stoïque m'empêche de savoir ce qu'il peut ressentir. Est-ce une vraie conversation basique que l'on est en train d'avoir, ou alors je suis en train de passer un test qui va déterminer si j'ai le droit de continuer à être amie avec sa cousine ? Aucune idée, mais je vais avoir un petit temps de réflexion, car le militaire vient de se lever pour aller chercher de quoi nous restaurer. Prévenant, il m'interroge sur mes préférences alimentaires. Difficile de lui répondre, je ne connais quasiment aucun plat préparé.

- Je ne suis pas difficile en nourriture, tu peux ramener de tout. Comme ça j'aurais l'occasion de gouter une nouvelle cuisine.

C'est d'un sourire très poli que je le remercie de me préparer une assiette. Lorsque Dean sort de mon champ de vision, je sens la main de Jihane se poser sur mon genou, toujours aussi circonspecte. Finalement l'explication vient bien plus vite que prévue. Anticipant sa question, je me justifie en l'informant que je ne sais rien de son cousin, et que je ne veux pas faire mauvaise impression en lui annonçant que je suis déjà mère. Jihane me sourit, et avec sa verve habituelle et gesticulaire, me convainc de lui dire. Après tout, c'est elle mon amie, pas son cousin. Et, voulant très probablement me taquiner, ajoute que de toute façon, les relations à distance ne fonctionne jamais. Je sens mes joues devenir rouges. Est-ce par gêne ou parce que Dean me plait ? Très difficile à dire. Avant qu'il ne revienne, nous en profitons pour continuer à boire nos breuvages, ce qui me fait d'ailleurs un bien fou. Cela faisait des mois et des mois que je n'avais pas bu une goutte d'alcool, merci à la grossesse. Seulement, ce sevrage avait pour effet de vite me faire tourner la tête. Il va falloir que je modère très vite ma consommation si je ne veux pas finir la tête dans les toilettes. Ce qui laisserait à coup sûr une très mauvaise impression. Après quelques minutes, Dean revient vers nous, trois assiettes dans les mains. C'est beau, ça sent bon, c'est coloré. La vue de cette oeuvre d'art me met l'eau à la bouche. J'attaque le plat, et il n'y a pas à dire, c'est délicieux. Un peu relevé, mais délicieux.

- Wow, c'est vraiment excellent. Je ne sais pas qui a cuisiné ça mais c'est un régal.

Il était temps pour moi de passer à la révélation de mon petit secret. Avant, le secret n'en était pas vraiment un, vu la taille de mon ventre. Mais désormais, j'ai l'impression de vivre avec cette idée que je dois cacher ma maternité aux gens, de peur d'être jugée. Sentant ma voix qui commence à trembler, c'est Jihane qui fait la révélation à ma place. Je manque de m'étouffer avec la nourriture que je suis en train de mâcher. Puis, reprenant une respiration plus conventionnelle, je confirme l'information à Dean.

- Elle s'appelle Sapphire, et tu aurais presque pu la croiser, mon frère est venu la chercher trente minutes avant que tu arrives.
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Dean Hassani
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(#)Sujet: Re: And welcome back (29 Janvier) ft. Jasmine  |   Lun 11 Jan - 11:33
La réponse obtenue, il se dirigea vers la longue tablée autour de laquelle quelques convives étaient installés, et rangea trois assiettes en file indienne dans lesquelles il servit du riz à la persane, du jegar, une sauce crémeuse et deux samosa. Des recettes, que les papilles de n'importe quel individu pouvaient apprécier, s'étalaient sur le meuble brut. Le curcuma bondissait du bol d'oignons mijotés dans du lait de chameau, le cumin était accompagné de ses fidèles alliés, la coriandre et le basilic. Toutes ses saveurs avaient manqué à Dean durant ces cinq mois de dépêche où il s'était contenté de rations sèches ou en conserve. Elles étaient obligatoirement nourrissantes, mais le goût n'était pas au rendez-vous. De plus, les missions spéciales lui demandaient de s'éloigner du camp en toute discrétion, avec un minimum de provisions dans le sac. On pouvait donc comprendre qu'il puisse trouver agréable le retour au foyer.

Cela ne lui enlevait pourtant pas la passion, car l'aventure lui était vitale. Vitale au point qu'il s'était éloigné des siens durant des mois, des années. Pendant sa formation militaire, puis de commando, il avait écourté ses retours et avait privilégié les visites à sa copine de l'époque, car il savait pertinemment que ses parents, et de nombreux membres de la famille, n'étaient pas très satisfaits de son plan de carrière. D'abord parce qu'il partait faire la guerre, ensuite parce qu'il allait se retrouver, un jour, à devoir être l'ennemi d'une part de sa communauté musulmane, et que cette image ne passait pas très bien. Ses adoptants avaient peiné à offrir leur fierté, et des débats sans intérêt avaient longtemps pris place au sein des conversations en sa présence. Sa séparation brutale avait mis un coup d'éclat dans son envie de refaire apparition à Miami, si bien qu'il avait passé bon nombre de permissions en un ailleurs qu'il avait trouvé plus chaleureux.

Aujourd'hui, il avait grandi et gagné du répondant. Il avait trouvé le courage de faire face aux critiques et aux pics qui, autrefois, l'auraient brisé. Ce soir encore, malgré le rendez-vous donné à la festivité des retrouvailles, il n'échappa pas aux commentaires. Des "t'es toujours pas assez vieux pour arrêter de jouer à la gue-guerre", ou des "toujours pas lassé de prendre part à des massacres" fusèrent alors qu'il remplissait les assiettes. Il répliqua de manière mature et réfléchie. Doté d'un certain humour passe-partout, il jeta à la figure de ses semblables qu'il attendait d'avoir autant de rides que celles qu'il comptait sur le visage de son assaillant pour arrêter, ou qu'il était heureux de ses voyages, de ne pas vivre une vie monotone à vingt-six berges comme la plupart de ceux assis autour de la table. Bien sûr, il rit de façon à adoucir les offenses, parce qu'il n'était prêt à lever le drapeau noir avec qui que ce soit; il n'était pas revenu pour ça.

Mesdemoiselles sont servies, se débrouilla-t-il pour dispatcher les assiettes une fois qu'elles furent bien remplies. Il était loin d'être un professionnel de salle, alors ce fut de façon un peu gauche qu'il s'y prit; heureusement, sans dégât. Il reprit place sur le tabouret et, l'assiette dans une paume, descendit l'autre au pied des pattes de l'assise pour récupérer sa bière blonde et en déguster une gorgée avant de la reposer à même le sol. Muni d'une grosse cuillère, il plongea à l'intérieur du riz et ramassa quelques autres aliments pour un mélange goulu. Un régal, c'était le mot qui sautait en bouche. Je ne vois pas les hommes réussir un tel chef d'œuvre culinaire en tout cas, plaisanta-t-il, profitant de complimenter les femmes de la famille sur leur savoir-faire. Si t'aimes bien, je suis sûr qu'elles accepteront de te donner leur recette, fut-il confiant, parce que tout était question de partage dans les familles comme la sienne.

C'est toujours intéressant pour les jeunes, comme toi et Jihane, d'apprendre des plus âgées, enchaîna-t-il, de celles qui s'occupent déjà d'une famille, enchérit-il. Et peut-être que cette remarque amena plus aisément le fameux sujet, celui qui ne demandait qu'à être mis à l'ordre du jour pour soustraire un poids lourd à porter. Oh, t'as un enfant, fit-il, interrogatif. L'intonation marqua un brin de surprise, mais pas de celle qui choque ou qui accuse. Sapphire, c'est pas commun du tout, commenta-t-il, c'est parce qu'elle a de beaux yeux clairs comme toi, demanda-t-il, vraiment intéressé par la fille de sa voisine de siège. Après, faut dire qu'on est plus habitués aux Mohammed, Karim, Farah et Kenza par ici, lâcha-t-il, un petit sourire directement adressé à l'étudiante. Ou Mehdi, continua Jihane. Il ne put s'empêcher de rire et confirma en répétant : ou Mehdi; son prénom religieux.

C'est dommage qu'elle soit déjà partie, nota-t-il, j'imagine que les chambres des parents et de Soraya ont été aménagées en nurserie, non, demanda-t-il confirmation aux jeunes femmes à ses côtés qui, elles, étaient arrivées bien avant lui. Elle se serait amusée avec les autres, supposa-t-il avant que Jihane ne fasse un commentaire sur la taille de la petite en question, elle a quel âge, se tourna-t-il vers la maman afin qu'elle puisse affirmer l'information déballée par sa cousine. Nourrisson ou pas, Dean était davantage persuadé qu'elle aurait mérité sa place parmi eux, car plus il y avait d'enfants, plus la joie était immense, et il n'hésita pas à faire comprendre leur vision des choses à Jasmine. Si c'est une question de soulagement, on est assez nombreux pour s'en occuper d'ta perle précieuse, plissa-t-il les yeux avant que Jihane ne fasse remarquer à sa camarade qu'il n'y avait pas de quoi en faire tout un plat.

Cette intervention fit tiquer le militaire qui leva subitement les sourcils. Tu t'en faisais, montra-t-il de la stupéfaction, au point de stopper tout aller-retour de l'assiette à ses lèvres ; Jasmine avait-elle eu peur d'être jugée ? Franchement, de toi à moi, ça ne devrait jamais être ressenti comme une honte d'avoir un gamin, fut-il sincère dans ses paroles, et ce peu importe l'âge que t'as. Dean avait été élevé entouré de familles nombreuses, et il avait bien fallu commencer à enfanter précocement pour ne pas entraver à la santé de la mère. Même si l'époque voulait que les femmes aient aussi une vie sociale et professionnelle, il n'était pas rare de voir les filles ou belles-filles avoir leur premier enfant avant leur vingt-cinq ans, parfois même alors qu'elles finissaient leurs années d'études. Prends-la la prochaine fois, supplia-t-il presque, avant de reprendre sa bière en main, moment où une musique de Mohsen Yeganeh fut mise en route.

Le fond musical acoustique appela très rapidement les enfants à se lever des coussins sur lesquels ils avaient été installés. Les mains commencèrent à bouger, les poignets à tournoyer au rythme des pincements de guitare, et les voix s'élevèrent pour se coller aux paroles articulées du chanteur iranien. La chanson avait beau être touchante, elle arrivait toujours à faire son effet sur les petits et les grands, comme une reconnexion au pays des aïeux et aux traditions dans lesquelles ils étaient bercés. Elle était toujours choisie pour inviter à l'ambiance avant que d'autres plus pop ne viennent suivre la cadence. Dean lâcha sa cuillère et vint applaudir le spectacle de ses neveux et nièces qui se donnaient gaiement à la fête. T'as déjà été invitée dans une famille musulmane, se pencha-t-il un peu vers Jasmine, autant pour se faire entendre que pour rendre l'échange plus discret.

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(#)Sujet: Re: And welcome back (29 Janvier) ft. Jasmine  |   Jeu 4 Fév - 22:25
@Dean Hassani

Ce calme et cette maturité que dégage Dean est assez impressionnant. Voire intimidant. Il parlait non pas comme un jeune adulte, la tête encore dans les étoiles, pensant pouvoir un jour tutoyer les étoiles. Non. En face de moi se trouvait un homme qui connait la dureté de la vie, effectuant un métier ou chaque jour peut être le dernier. Une nouvelle fois, son phrasé fait mouche instantanément. Et plus les secondes passent, plus je comprends pourquoi Jihane lui accorde autant d'importance. Cet homme semble sortir des sentiers battus, de toute convention sociale. Ses prises de positions sont affirmées, argumentées, et, encore plus important, sonnent incroyablement juste. Alors, lorsque viennent les questions sur Sapphire, suivi de l'argumentation sur la maternité, je sens en moi un mélange de gêne et de honte. C'est vrai après tout, pourquoi l'avoir confiée à Gabriel ce soir ? Cet appartement est rempli de femmes qui ont eu un ou plusieurs enfants, dont certains encore très jeunes. Un enfant de plus ne les auraient certainement pas effrayées. Mais voilà, c'est la première fois que je viens ici, et ce n'était surement pas pour imposer mon petit trésor à cette famille. Et puis cela reste difficile de confier un enfant si petit à des femmes qui pour certaines parlent à peine mon langage. C'est de cette façon que je me justifie auprès de Dean, me sentant tout de même mal à l'aise.

- Et effectivement, elle s'appelle Sapphire car elle a de magnifiques yeux bleus. Elle tient cela de moi. Non pas que je trouve que j'ai de beaux yeux moi aussi. Enfin les gens le disent en général. Juste je répète ce que j'entends. Bon, je les trouve beaux mes yeux, mais je ne veux pas paraitre prétentieuse. Et puis c'est....

Ouf, soulagement. La musique vient de démarrer, et cela a coupé net mon bancal monologue. Entre l'alcool et l'aura de Dean, je ne sais pas lequel est le plus ennivrant. Mais une chose est certaine, il faut vraiment que je me reprenne. A côté de moi, Jihane est en train de rire, probablement à mes dépends. Et il y a de quoi, je suis là, en train de m'enfoncer toute seule, pendant que Dean me fixe, toujours accompagné de son air si stoïque. Voulant profiter de la musique, mon amie se rapproche de la sorte de scène aménagée pour l'occasion. Dès qu'il s'agit d'enfants, elle devient complètement gaga. Me voilà donc seule avec son cousin, qui profite de l'effervescence dans la pièce pour se rapprocher de moi afin de me demander si c'était la première fois que j'étais invitée dans une famille musulmane. Pour avoir été élevée dans une famille traditionnelle et en ayant eu la plupart du temps des ami(e)s de même ethnie que moi, il était certain que cette invitation était une grande première. Oui, j'ai déjà eu des amies musulmanes, mais pas de là à être invitée à ce genre de fêtes.

- C'est la première fois oui. Et c'est... enrichissant.

Peu habituée à m'intéresser à d'autres cultures que la mienne, cette journée et cette soirée étaient de véritables révélateurs. Voir une autre façon de vivre, une autre façon de s'exprimer, de s'articuler les uns avec les autres me donnait une nouvelle perspective sur ce que pouvait être la vie. Du plus loin que je me souvienne, jamais je n'ai vécu ce genre de fêtes, qui semblent être de véritables traditions. Ce mélange entre les générations engendrait ce partage mutuel si beau à contempler. Il n'y a pas de jeunes, de vieux, seulement des gens d'une même famille venus en masse célébrer leur héros.

- Je t'avoue que je ne m'attendais pas à avoir un réel coup de coeur pour ta famille. Ils sont si gentils, si doux, si attentionnés... Et puis ils ont vraiment l'air de t'adorer. Surtout Jihane. Elle passe des heures à me parler de toi.

D'un coup sec, je finis ma bière puis je repose la bouteille non loin de moi, avant de poursuivre.

- Tu es donc un soldat. Ca ne doit pas toujours être évident, tu dois voir des choses vraiment horribles parfois. Comment tu fais pour tenir ?
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Dean Hassani
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(#)Sujet: Re: And welcome back (29 Janvier) ft. Jasmine  |   Mer 10 Fév - 10:34
Elle s'était épuisée dans une explication, à la recherche d'un équilibre, en vain. Et même si Dean était resté stoïque face à son bafouillage, à l'intérieur il souriait. Il ne comprenait pas pourquoi cela semblait mal vu d'être fier d'une particularité de son apparence. Elle avait de beaux yeux, et ne pouvait pas s'exprimer un peu d'amour-propre sans paraître prétentieuse ? Balivernes. Le commando, lui, pensait qu'il était important de s'aimer suffisamment pour pouvoir offrir aux autres, et il partait du principe qu'il ne fallait pas attendre les compliments d'autrui pour se rendre compte de nos diverses qualités. Il trouvait un certain charme à son grain de beauté posté là, près de sa narine, et adorait également ses oreilles dépourvues de lobes, ça lui permettait de faire abstraction du non-alignement de ses dents inférieures, - défaut qu'il avait appris à oublier avec le temps plutôt que de l'éradiquer -.

Heureusement, la musique avait réussi à donner un échappatoire à ce méli-mélo, et Jasmine l'avait utilisée à bon escient. Tout comme Dean, elle avait tourné son attention sur l'innocence de ces enfants, pendant que Jihane s'était mêlée à la fête en se rapprochant. Les adultes accompagnaient les pas de danse des mômes en frappant dans leurs mains, ou en laissant sortir quelques onomatopées d'encouragement. Le soldat avait claqué ses paumes aussi, avant de s'adresser à l'étudiante en sociologie sur ses expériences culturelles. Il n'avait pas paru surpris de la réponse puisque lui-même ne connaissait pas grand-chose des coutumes d'autres ethnies, d'autres religions, mais il était curieux. Assez pour être entré dans une église à sa précédente permission, et avoir inondé de questions une croyante qui s'était trouvée là, à décorer l'intérieur de la vieille bâtisse.

Il accueillit les louanges qu'elle fit à sa famille avec plaisir, et n'hésita pas à l'en remercier sincèrement. Ils avaient chacun un brin de caractère insupportable, mais les instants qu'ils passaient ensemble effaçaient toutes les querelles et les jugements. Ils se plaisaient à être différents, et c'était probablement ce qui faisait la force et la cohésion des Hassani. Dean ne put s'empêcher de retourner une interrogation : ça se passe comment, chez toi ? Est-ce qu'elle pouvait compter sur les siens, ou est-ce qu'ils étaient plutôt individualistes ? Avaient-ils l'habitude de se retrouver autour de bons repas, et pas seulement pour les fêtes nationales, ou se donnaient-ils simplement quelques coups de fils par mois ? Pratiquait-elle une religion qui lui donnait la sensation d'appartenir à un groupe, ou ses proches étaient-ils tous athéistes ?

Ces quelques mots résumaient une multitude de questions à la fois, et le militaire resta tout ouïe, sans arrêter de stimuler ses neveux et nièces par ses applaudissements ; qui avait dit que les hommes étaient incapables de faire deux choses à la fois ? La réponse obtenue, le sujet revint naturellement sur les aptitudes que demandait son métier. Un soldat, il était heureux de voir que Jihane n'avait pas vendu la mèche sur sa position spéciale dans l'armée. Dean était du genre à taire son rôle, et n'impliquait jamais son expérience dans les forces spéciales lorsqu'il était civil. Disons qu'on est entraîné à faire face aux différentes pressions dès qu'on décide de débuter la formation, commença-t-il en stoppant le rythme de ses mains pour reprendre sa bouteille de bière. Elle était vide de moitié seulement, il comptait bien la faire durer.

C'est impossible pour un soldat d'être envoyé au front s'il n'a pas montré une certaine résistance aux exercices, ou alors il joue bien la comédie, plissa-t-il les yeux avant de prendre une gorgée. Non. C'était impossible. Dans sa section, c'était impossible de faire semblant. Il fallait pouvoir s'imaginer les séances physiques et mentales qu'ils avaient à endurer au quotidien, et ce pendant des semaines, des mois. Et puis, on oublie souvent les personnes qui travaillent dans l'ombre, on n'est pas seuls, fit-il, sur place, au régiment, dans les institutions extérieures, on n'est pas, psychologiquement parlant, laissés pour compte. Et c'était grâce à toutes ces personnes : psychologues, référent, conseiller, moniteur, président de catégorie, bureau, service social, de santé et aumônier, que la plupart ne tombait pas en dépression après une mission.

Et puis il y a la famille, lança-t-il sa tête vers la longue tablée, les amis qui sont présents aussi, ajouta-t-il à la longue liste d'acteurs qui leur permettaient de tenir les coups durs. Même s'il ne parlait pas de ses actions sur les champs de bataille, il savait qu'il pouvait trouver un certain réconfort auprès des siens. Ca reste une passion, accompagnée d'un but qui prend aux tripes. Tu ne peux pas être soldat par absence de choix, secoua-t-il la tête, tous ces gens-là, soit ils abandonnent, soit ils meurent. Et il l'avait dit d'une manière tellement effacée. S'il en parlait, c'était qu'il l'avait vu de ses propres yeux. Il tourna la tête vers sa voisine de chaise et rit : c'était choquant, la façon dont je l'ai sorti, c'est ça ? La mort était devenue banale dans sa vie. Il n'était pas exempté d'un cœur et de sentiments, mais avait appris à prendre du recul pour sa propre survie.

Je reviens tout de suite, adressa-t-il à Jasmine avant de se lever de son siège, de poser son assiette sur le tabouret et de quitter la pièce principale où ils étaient tous installés. Il emprunta le petit couloir qui desservaient les trois chambres et l'unique salle de douche, et ouvrit l'une des portes : celle réservée aux garçons. Il laissa celle-ci entrouverte et partit choisir des affaires de rechange. Un jean et un T-shirt blanc allaient remplacer son uniforme, parce que, - bien qu'il ressentait une fierté pour celui-ci -, il se savait bien plus à l'aise dans une tenue banale. Il prit d'ailleurs la peine de replier méthodiquement ses affaires, - même s'il était conscient qu'elles rejoindraient la machine à laver le lendemain -, et les laissa se reposer sur le drap propre de son lit. Habillé à présent comme n'importe quel homme de son âge, il refit apparition dans l'espace de vie.

Ali Pishtaz en fond, il n'eut pas le temps de rejoindre Jasmine qu'il fut intercepté par l'une des gamines de la piste de danse. Attrapé par l'avant-bras, l'humeur était à la fête. Alors, il ne résista pas à agripper les poignets de la petite de ses longues et puissantes phalanges, et à la faire tourner doucement autour de lui avant d'y mêler quelques pas rythmés. Les pieds toujours en mouvement, d'avant en arrière, de droite à gauche, les petits coups de hanches masculins marquaient le passage de l'un à l'autre. Les bras, toujours attachés des mains aux jointures, se levaient et se baissaient d'est en ouest en suivant le tempo. Les sourires étaient fixés sur les lèvres, et ces dernières mimaient les paroles de la chanson. Au deuxième couplet, Dean leva ses pupilles noires vers l'invitée aux cheveux rouges et lui fit signe d'un coup de tête de se joindre à eux.

Il ne pouvait se permettre d'aller la chercher, de lui tendre la main, - surtout pas devant les membres de sa famille, de sa communauté -, mais il n'était pas exclu qu'elle puisse prendre part de manière plus gaie à la fête.

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(#)Sujet: Re: And welcome back (29 Janvier) ft. Jasmine  |   Dim 14 Fév - 18:23
@Dean Hassani

Le voir me remercier aussi chaleureusement d'avoir complimenté sa famille était touchant. Ce qui l'était moins, c'est sa question suivante, qui finalement est une suite logique à la conversation, concernant ma propre famille. Sujet toujours très délicat. Non pas qu'il me mette mal à l'aise - quoique - mais car en général, cela attire toujours la compassion, voire la pitié des gens. Et là, à cet instant, je n'ai absolument pas envie d'être prise en pitié par Dean. Si il y en a un entre nous qui doit vivre des choses horribles au quotidien, c'est lui, pas moi. Alors je me lance dans une description de mon cercle familial, évoquant le décès de ma mère lorsque j'étais très jeune, puis cette belle famille qui s'est greffée à nous depuis de longues années déjà, et qui m'a permis d'avoir le grand frère que j'ai toujours voulu avoir. Dean semble avoir fait le lien dans son esprit avec un échange que nous avons eu précédement et où j'évoquais le fait que ma fille était gardée par mon frère ce soir. Puis vient le tour de la relation avec ma grande soeur, encore à ce jour mon modèle. Mais entre l'éloignement géographique et certaines de mes décisions, il n'était pas certain que notre relation soit toujours aussi fusionnelle.

- Donc non, pas de grands repas de famille, pas de contacts réguliers, pas de tout cela. Pour tout te dire, mes parents ont été mis au courant de ma grossesse alors qu'il me restait à peine quatre ou cinq semaines avant la date d'accouchement prévue. Bon, c'est surtout que j'avais peur de leur réaction...

S'en suit un nouveau couplet sur comment ma grossesse a été vécue par le reste de ma famille. Il fallait surtout que Dean comprenne qu'avant tout, c'est la peur qui a guidé mes choix. Mon intention n'était pas de cacher mes décisions par mépris de ma famille, au contraire. C'est tout simplement cette angoisse de ne pas être à la hauteur des attentes. Se faire regarder de haut par les personnes que j'aime le plus au monde, me disant qu'être mère aussi jeune est une catastrophe au 21ème siècle. Puis après avoir terminé cet ultime chapitre, c'est au tour de mon interlocuteur de se laisser aller à quelques confidences sur sa vie de soldat. J'écoute d'une oreille très attentive, littéralement subjugée par son récit. C'était parfois sombre, mais tellement réalise. A tel point qu'il ne m'était pas compliqué d'imaginer ce qu'il pouvait vivre. En tout cas, Dean semblait parfaitement préparé, physiquement et mentalement. Sa conclusion me fait parcourir un petit frisson dans le dos. Non pas que la mort des soldats me touche plus que d'autres morts, mais à cet instant mon esprit semblait me dire qu'aujourd'hui est peut-être la dernière fois que je croise cet homme. Demain, lorsqu'il retournera en mission, tout pourrait s'arrêter du jour au lendemain. Cette idée de vivre dans l'angoisse pendant des semaines, voire des mois n'était pas des plus reluisantes. La fête organisée ce soir en est le parfait symbole. Chaque retour est une bénédiction, remerciant Allah d'avoir accordé à son fils un peu de vie supplémentaire. C'est moi où je viens de dire "Allah" ? Cette journée est vraiment étrange à bien des égards.

- Tuer ou être tué hein ? On va espérer que tu survives encore un peu alors.

Je lui souris, et c'est le moment choisi par Dean pour se lever et partir vers le couloir de l'appartement. Désormais seule à cette petite table aménagée, j'en profite pour dégainer mon téléphone afin d'avoir des nouvelles de ma fille. La musique étant un peu forte, je privilégie les messages textes pour demander à Gabriel comment cela se passe. Il me répond très vite que tout est sous contrôle, Sapphire est plutôt calme chez Tonton et Tata. Dans quelques minutes elle devrait prendre son dernier repas de la journée puis aller dormir. Je n'avais pas prévu de rester trop longtemps à la soirée, après tout j'ai quand même ma fille à récupérer juste après. Gentiment, mon frère me propose de me la ramener demain matin, ce que j'accepte avec difficulté. Je repense aux paroles de Dean expliquant que j'aurais pu garder ma fille ici, et me dire que non seulement elle n'est pas là mais qu'en plus je la récupèrerai demain a tendance à me donner un petit coup de cafard passager. Mais objectivement, il est vrai qu'elle serait mieux à dormir toute la nuit au même endroit plutôt que se faire réveiller à peine quelques minutes pour aller finir son sommeil dans l'appartement voisin. Mon téléphone rangé, je profite de la musique qui m'est totalement inconnue, puis j'observe tout ce petit monde s'amuser tous ensemble. Même Dean est revenu et danse, je n'avais même pas constaté son retour. Je le regarde en souriant, et je vois dans ses yeux une invitation à le rejoindre. N'osant pas y aller, je reste sur place, me contenant d'observer la scène. C'est finalement Jihane qui vient me tenir compagnie, m'informant que cela ne serait pas très bien vu que Dean vienne m'inviter à danser devant la famille. Elle se confond en explications, mais je pense qu'au fond d'elle, Jihane ne sait même pas pourquoi ce n'est pas vraiment admis. Elle poursuit en disant que par contre, deux copines peuvent très bien danser ensemble, et je comprends que je ne vais pas avoir d'autres choix que de la suivre.

C'est désormais à mon tour d'enflammer la piste, chose que je ne fais que très rarement. La danse n'est pas une passion, la faute à une sorte de rigidité du corps assez folle, m'empêchant de me mouver avec grâce et délicatesse. Mais bon, c'est une soirée de famille ce soir, pas une soirée étudiante. S'amuser avec une amie n'a rien de mal, même si ma façon de danser risque de beaucoup l'amuser. Finalement les musiques s'enchainent, et les pas viennent de façon assez naturelle. Et alors que je me sens de plus en plus à l'aise, voilà qu'un évènement cocasse va venir troubler cette aisance. Alors que Jihane s'amuse à me faire tourner sur moi même, un concours de circonstances dingue fait que d'un coup, je sens que je percute quelqu'un. Pour de pas tomber, je plaque mes deux mains dans le dos de la personne. Puis une fois mes yeux dégagés de mes cheveux rebelles, mon regard se plante dans celui de ma cible. Dean. Instantanément, mes joues deviennent rouges, je recule de quelques pas avant de me confondre en excuses.

- Oh pardon, je suis désolé, je ne voulais pas te rentrer dedans comme ça...

La honte. La super honte.
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Dean Hassani
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(#)Sujet: Re: And welcome back (29 Janvier) ft. Jasmine  |   Ven 19 Fév - 11:24
Ça n'avait pas été Dean qui l'avait fait bouger de sa chaise, mais bien Jihane, sa cousine. Ce détail n'était pas bien important, car le résultat avait été le même : Jasmine prenait part à la fête comme n'importe quel membre de la famille, et ça, c'était ce qui comptait vraiment. Le sang n'avait jamais été d'une très grande priorité chez les Hassani, encore moins lorsqu'il s'agissait de partager leur culture, de la faire découvrir, et d'en éradiquer les préjugés. Ils avaient été pointés du doigt trop souvent pour des idées reçues, et comptaient bien remédier à ça ; l'islamophobie était partout, en raison de mauvaises actions réalisées par des imposteurs, au détriment des gentils gens qui œuvraient pour le bien d'autrui, pour davantage de tolérance.

Le militaire avait gardé la même cavalière, pratiquement tout du long. Il fallait dire que sa nièce avait le rythme dans la peau, à tel point qu'elle était entrée récemment dans une association sportive qui proposait la danse. Malgré le maigre espace, ils avaient tous réussi à tenir leur distance pour ne pas empiéter sur les mouvements des autres. Enfin, jusqu'à ce que Jihane y aille peut-être un peu fort, et fasse tourner la tête de Jasmine. Cette dernière ne sut se rattraper ailleurs qu'au dos du seul homme de la piste. Celui-ci se retourna, sans surprise, sans avoir perdu le sourire, et tenta de redonner un brin d'équilibre à la rousse avant qu'elle ne recule de quelques pas pour remettre une bonne part de distance conventionnelle entre eux.

Si, si, commença-t-il, amusé, je suis sûr que tu l'as fait exprès, finit-il en plissant les yeux. Il ne sut si ses paroles avaient provoqué une certaine gêne à Jasmine, ou si elle comprit directement qu'il était un farceur né. Ils ne se connaissaient pas depuis longtemps, et même si Jihane avait eu tendance à parler très souvent de lui, rien n'était certain. Pour ça, il ajouta : c'était une blague. Au moins, tout était clair. Tu ne t'es pas faite mal, au moins, s'inquiéta-t-il, entourés tous deux des enfants qui tournicotaient sur le son à peine entamé d'une autre musique rythmée. S'était-elle tordue la cheville, s'était-elle mal rattraper à lui ? Ou sentait-elle simplement sa tête tourner ? L'alcool pouvait avoir de drôle d'effets, et empêcher le corps de stagner.

Faut que je fasse une pause de toute façon, elle a réussi à me fatiguer, parla-t-il bien évidemment de sa nièce qui, comme tous les enfants présents ce soir, avait encore une pêche d'enfer pour tenir une bonne partie de la soirée. Sans plus attendre, il quitta la scène pour retrouver le tabouret, et laissa tomber sa colonne vertébrale contre le pan de mur juste derrière lui. Son torse se bombait calmement, d'une respiration encore contrôlée, et ce malgré les pas de danse qu'il avait enchaîné. Il n'était pas encore fatigué totalement, - trop habitué à tenir avec deux à quatre heures de sommeil par nuit, et parfois moins -. Non, il s'était posé pour une autre raison : celle de contempler la famille qu'il avait longtemps décider de fuir.

Aujourd'hui, il se demandait bien pourquoi une telle décision avait germé dans son esprit. Même si la peur d'être jugé pour les actions qu'il avait mené en terre ennemie, et sa rupture douloureuse, en étaient les principales causes, est-ce qu'elles avaient valu le coup de louper tout ça ? Tout ça, à savoir l'épanouissement et l'évolution des Hassani. Les générations s'étaient succédées en son absence, et il était passé à côté de bien des moments qui auraient pu lui donner davantage de force. Parfois, il se demandait ce que serait sa vie une fois engagé en toute plénitude avec une femme, marié avec l'optique même de fonder sa propre famille, d'avoir sa propre branche sur l'arbre généalogique ; c'était effrayant, un peu, parce qu'il se savait souvent absent.

Il reprit sa bière, pensif un court instant tout en se délectant des dernières gorgées que la bouteille lui offrait. Il avait vingt-six ans, et savait que ses parents le presseraient, tôt ou tard, à choisir une compagne. Leur préférence allait naturellement vers une fille de la communauté musulmane, - un peu pour être certain de la comprendre et d'être compris -, mais ils semblaient exprimer tellement de désespoir en son absence que n'importe quelle croyante monothéiste pouvait faire l'affaire. Sans nul doute, ils étaient volontaires à se montrer moins compliqués avec Dean qu'ils ne l'avaient été avec leurs autres enfants, probablement parce que c'était celui le plus difficile à caser ; son choix de carrière en était principalement la cause à leurs yeux.

T'aurais l'heure, demanda-t-il à Jasmine après avoir tâtonné d'une main les poches de son pantalon, et s'être rendu compte qu'il avait probablement posé son téléphone sur les draps de son lit. Non pas que je suis fatigué, rassura-t-il la jeune femme sur la raison qui le poussait à savoir ce qu'il en était du positionnement des aiguilles. Il avait un horaire à respecter, lorsqu'il se trouvait être en civil. Un peu comme un pacte avec son Seigneur, il s'était promis de se plier aux piliers de sa religion. Il avait loupé la prière de dix-neuf heures vingt, appelée Ichaa, et devait au moins la rattraper avant que minuit ne sonne. Il venait à peine de retrouver la Floride, il se permettait alors de ne pas être dans les temps, au moins pour ce soir, jour de fête.

Je mets toujours un temps fou à me faire à l'idée que j'ai un téléphone, dit-il ensuite, alors que ça paraît si normal pour les autres d'avoir le leur greffé à la paume, je dois passer pour un taré parfois, rit-il de lui-même sans la moindre difficulté. Dean n'était pas autorisé à profiter de ses biens personnels lorsqu'il était en mission. Et pour cause, cela pourrait le mettre dans un pétrin qu'il ne préférait même pas imaginer. Son identité était masquée pour éviter les représailles, et pour privilégier la sécurité de ses proches, le mobile enfermait bien trop de contenus et d'indices sur l'identité du détenteur, et sur son entourage, qui plus était. Je suis sûr que t'as des tonnes de photos de Sapphire sur le tien, j'me trompe, demanda-t-il indirectement à avoir un aperçu.

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(#)Sujet: Re: And welcome back (29 Janvier) ft. Jasmine  |   Ven 5 Mar - 22:30
@Dean Hassani

Quoi ? Comment ça j'ai fait exprès ? Difficile de déterminer si Dean est sérieux ou si il est en train de me jouer un mauvais tour. Je fixe son visage à la recherche du moindre petit indice pouvant me mettre sur la voie. Mais, sans surprise, rien ne transparait. Toujours ce visage si figé, si neutre. Entre la danse, l'alcool et la chaleur de la pièce, il m'est difficile d'avoir les idées bien claires. Je sens tout de même mes joues rougir à nouveau, et ce n'est qu'après un petit moment de silence que je découvre une facette de la personnalité du soldat. Effectivement, c'était une petite blague pour me taquiner. Pfiou, heureusement. Pendant un court instant, j'ai cru qu'il en était fini de ma présence ici. Il n'en sera rien, et après m'avoir confirmé qu'il avait besoin d'une pause, Dean quitte la piste de danse improvisé pour souffler quelques instants. Après quelques minutes à continuer de danser avec Jihane, je profite de la fin d'une chanson pour informer ma cavalière que je vais souffler quelques minutes avant de reprendre. Et alors que mon amie continue de danser avec sa famille, je me rapproche de Dean. C'est à mon tour de me poser pour souffler un peu. Je n'ai pas la moindre idée du temps que j'ai passé à m'amuser sur le rythme endiablé de la musique. Alors, dégainant mon téléphone, je jette un oeil à l'heure. Et cela tombe plutôt bien, car mon voisin me demande l'heure qu'il est.

- 11:04 PM.

Et alors que je range ce condensé de technologie dans ma poche, je ne peux m'empêcher de sourire à sa réflexion sur le fait qu'il ne soit pas accro à son téléphone, contrairement à la très grande majorité des gens de notre âge. Il ne pouvait pas viser plus juste. C'est clair que pour ma part, j'aurais bien du mal à m'en passer. Et encore plus maintenant que j'ai ma fille. Cet outil pouvait me permettre à n'importe quel moment d'être prévenue en cas de problème. Ce qui, il faut bien l'avouer, est quand même très rare. Combien de fois reçoit-on par an un appel d'urgence réellement important ? Et par appel d'urgence, celui de sa meilleure amie qui veut absolument raconter son rendez-vous galant de l'après-midi ne compte pas. Dean enchaine rapidement en sous-entendant que je devais avoir des tonnes de photos de Sapphire sur mon téléphone. Là encore il était dans le vrai. Quelle mère serai-je si je ne passais pas mon temps à immortaliser chaque instant passé avec ma progéniture ? Sans que cela soit trop poussé à l'excès, j'appréciais le fait de pouvoir la prendre en photo, dans n'importe quelle situation. Alors, me disant que voir à quoi pouvait ressembler ma fille l'intéresse, je récupère à nouveau le téléphone dans ma poche afin de lui montrer Sapphire. Ne voulant pas passer pour une folle, je montre quelques photos intelligement sélectionnées. Et alors que je m'apprête à éteindre mon écran, voilà que je reçois un message de Gabriel dans lequel on voit une vidéo de ma fille en train de dormir à poings fermés.

- Oh mon dieu, qu'elle est belle.

C'est avec un émerveillement non dissimulé que j'accueille ce message. Voir un enfant dormir, calme, apaisé, est une sensation qui à chaque fois me déclenche des frissons dans le dos. Cet amour presque irréel, irrationnel, est fou. A tel point qu'après l'euphorie de la voir vient la tristesse de ne pas l'avoir à mes côtés. Je repense aux propos précédents de Dean sur le fait qu'il n'y aurait eu aucun souci à ce que la petite reste toute la soirée dans l'appartement de la soirée. Et, bêtement, ayant du mal à maitriser mes émotions, voilà que je sens les larmes monter, encore et encore, jusqu'à ce qu'elles s'échappent de mes yeux pour finir leur trajet le long de mes joues. D'un coup de main rapide, j'essuie ces perles salées de mon visage, tout en prenant la peine de me justifier.

- Désolée, c'est juste que je repense à tes mots de tout à l'heure. C'est comme si je l'avais abandonné ce soir. Du coup ça me fait un petit pincement au coeur tu vois...
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