Depuis deux mois, il m'était assez compliqué de gérer mon poste de patron, mon boulot de père et ma relation étrange avec Alicia, en même temps. Quoi que ma relation avec Alicia avait quelque chose de très apaisant, qui me faisait un bien fou. Quand j'étais avec elle, j'oubliais tout ce qui pouvait ressembler de près ou de loin à des soucis. Je ne me posais tout simplement plus de question et je me contentais d'être moi et de prendre du bon temps avec elle. Du bon temps qui n'était pas forcément composé de parties de jambes en l'air. Nous étions quand même plus que ça maintenant. Sans doute des amis, si l'on peut dire. Nous aimions être en compagnie l'un de l'autre, pour parler de tout et de rien et partager autre chose que du sexe. Mais le fait que j'en sois arrivé à tout oublier quand j'étais avec elle, pouvait parfois me jouer des tours. Comme ce week-end. Dès que j'étais rentré chez moi le vendredi soir, je m'étais rendu compte que j'avais oublié un dossier au boulot, que j'étais supposé terminer de lire et d'étudier durant mes jours de repos. Mais je n'avais pas pu faire demi tour, puisque j'étais avec mes enfants et que je ne voulais pas perdre de ces heures précieuses que je pouvais passer avec eux. Et puis je devais passer devant les bureaux du magazine, dès le samedi, quand je les emmènerais voir leur mère. Je détestais ça. Mais les médecins étaient persuadés que ça lui ferait du bien de les voir un peu de temps en temps.

Je n'arrêtais pas de ruminer ça alors que j'étais en route pour l'entreprise. Il était rare qu'il y ait qui que ce soit dans l'entreprise le samedi matin. Sauf la semaine qui précédait le tirage du nouveau numéro. Et comme ce n'était justement pas le cas ce coup ci, je ne m'en inquiétais pas trop. J'étais nettement plus inquiet de savoir que mes enfants allaient devoir voir la femme qui les avait mit au monde. J'avais vainement tenté de faire entendre aux médecins, que c'était une très mauvaise idée. Ca allait la rendre carrément hystérique. Et eux, ils allaient juste être totalement traumatisés. Ca faisait des mois qu'ils ne l'avaient pas vu. Et je doutais fort qu'ils s'en souviennent. Et c'était très bien ainsi. Je préférais qu'ils n'aient plus jamais aucun contact avec elle. Elle ne leur apporterait jamais rien de bon. Bon, vous m'attendez là tous les trois d'accord ? Evan, ta mission c'est de surveiller tes soeurs ok ? Fier d'avoir une mission importante, mon fils hocha positivement la tête, l'air grave. Je lui souris et me redressai pour filer en direction de mon bureau. La porte qui menait à la cage d'escaliers, était fermé à clés. Quant à l'ascenseur, le bouton était trop haut pour tous les trois. Je n'avais donc pas à m'en faire, ils n'allaient certainement pas pouvoir filer comme ça ! Je me dépêchais quand même. Je n'aimais pas les laisser seuls trop longtemps.

Je fis un tour très bref dans mon bureau. Et quand je refermai la porte derrière moi, il me sembla entendre mes enfants parler et ... Et ... Alicia ? Mon coeur s'emballa et je me hâtai de les rejoindre. Oui, c'était bien elle. Merde et re merde ! J'ignorais si c'était bien ou non, que ce soit tombé sur elle ... Hey Alicia ... Qu'est-ce que tu fais là ? Quand elle me demanda si c'était mes enfants, je laissai échapper un bref rire -nerveux-. Et l'éloignai de mes enfants pour qu'ils n'entendent pas. Bien sûr que non je n'ai pas d'enfant. Ce sont ceux de mon frère. Il m'a demandé de les garder aujourd'hui. Ca arrive ! Je me contentai d'un bref hochement positif de la tête quand elle fit remarquer que mon frère avait de la chance. Elle trouvait mes enfants adorables ... Bizarrement, ça me faisait plaisir. C'était con d'ailleurs. J'allais lui dire que je devais partir et lui souhaiter un bon week-end, quand l'une de mes filles s'approcha d'elle pour attirer son attention. Je fermai brièvement les yeux alors qu'Alicia se baissait pour parler à Sienna. Je ne voulais rien brusquer, par peur de mettre la puce à l'oreille de la jeune femme. Mais bon sang, qu'on arrête ce calvaire. Je n'étais pas du tout à l'aise et je craignais le moment où l'un d'entre eux m'appellerait papa. Je me reculai d'un pas pour me rapprocher de l'ascenseur. Mais ne pu m'empêcher de les regarder toutes les deux, en train de discuter.

Bon sang ce que ce tableau était incroyable. Si Alicia n'avait pas été aussi jeune ... Sans doute que je lui aurais dis la vérité. Que j'aurais risqué le tout pour le tout pour voir s'il n'y avait pas une chance pour que ... Pour qu'elle et moi on ... Mais non, c'était une chose qui n'arriverait jamais de toute façon. Le célibat m'allait très bien. Et Alicia était une jeune femme libre et promise à un brillant avenir. Elle n'allait certainement pas s'emprisonner avec un type comme moi, déjà père. Et là sous mes yeux, elle était en train de faire connaissance avec mes trois enfants, de la façon la plus naturelle qui soit. Si elle avait su qu'ils étaient à moi, elle n'aurait certainement pas réagit ainsi. En tout cas, je tentais de m'en convaincre pour ne pas éprouver le moindre petit regret ensuite. Je plantai mon regard dans le sien quand elle me fit remarquer qu'Evan me ressemblait. Je souris et haussai les épaules. C'est parce que je ressemble à mon frère. Ca au moins, ce n'était pas un mensonge. Je suis désolé Alicia, mais je dois vraiment y aller. Je suis pressé et j'avais juste oublié des documents. J'appuyai sur le bouton de l'ascenseur dont les portes s'ouvrirent. Allez les petits monstres, on y va. Ils obéirent sans se faire prier mais Sienna prit quand même le temps de s'arrêter devant Alicia et d'attirer son attention pour qu'elle se baisse pour être à sa hauteur. Quand ce fut le cas, elle déposa un rapide baiser sur sa joue et s'éloigna en courant et en riant.

J'eus moi même un petit sourire et j'entrai dans l'ascenseur à mon tour. Ouf ! J'allais pousser un soupir de soulagement quand ma fille me tapota la jambe. Papaaaa la princesse elle cravaille avec toi ? Blême, je ne fus même pas capable de lui répondre. Je me contentais de garder le regard planté dans celui d'Alicia alors que les portes coulissantes se refermaient. J'étais donc déjà préoccupé quand j'arrivai à l'institut avec mes enfants. Et en partant une demi heure plus tard, c'était bien pire encore. Elle avait été abominable, évidemment. Elle avait été horrible et mes filles avaient pleuré, prises de panique. Seul Evan avait gardé la tête haute mais je savais que ça ne voulait pas dire qu'il ne ressentait rien. Avant de partir, j'avais tapé un scandale auprès de ces cons de médecins qui avaient insisté pour que je vienne. Sienna et Mila avaient pleuré de plus bel. Elles avaient continué durant tout le temps du retour. Et le soir, puisqu'elles étaient incapables de s'endormir, j'acceptai que mes trois enfants dorment dans mon lit avec moi. C'était quelque chose que je n'acceptais pas souvent, pour ne pas leur donner cette mauvaise habitude. Mais je savais qu'ils avaient sérieusement besoin de moi ce soir. Plus que jamais. Evan qui n'avait toujours pas pleuré, se réveilla à plusieurs reprises dans la nuit, à cause de cauchemars. A chaque fois il réveillait ses soeurs qui se mettaient de nouveau à pleurer. Le lendemain dimanche, les jumelles furent nettement plus calmes, semblant avoir déjà tout oublié. Mais pas Evan. Il passa une seconde nuit terrible et le lendemain matin, il eut beaucoup de mal à accepter d'aller à l'école. Autant dire que je n'étais pas d'humeur à affronter Alicia et que j'étais également bien trop épuisé physiquement pour ça. J'arrivai donc volontairement en retard, pour ne pas avoir à la croiser dans l'ascenseur.

Je ne m'attendais vraiment pas à croiser Alicia au magazine. C'était franchement un sacré coup du sort. Je regrettais vraiment d'être venu. Même si l'image qu'elle me renvoyait en cet instant, était assez ... Incroyable. Ca me faisait étonnement du bien de voir mes enfants si à l'aise en sa compagnie. Et elle le leur rendait vachement bien d'ailleurs, vu comme elle prenait le temps de discuter et plaisanter avec eux. Ouais, ça me faisait vraiment quelque chose. Mais en même temps, ça me terrifiait. Parce que je n'avais aucunement le droit de lui imposer quoi que ce soit. Et parce qu'elle ne pouvait tout simplement pas, pour un tas de raisons évidentes, accepter trois enfants dans sa vie. Je choisis évidemment de prendre la fuite tout de suite. La remarque d'Alicia me fit hésiter. J'étais certainement supposé en rire. C'était le but en tout cas. Mais je n'y parvins pas. Pas même pour faire semblant. Je me contentai donc d'un sourire tendu et sans répondre, m'engouffrai à mon tour dans l'ascenseur. C'était clairement la seule chose à faire. La meilleure solution ! J'eus le temps de penser que j'étais sauvé, quand Sienna m'appela finalement papa. Je gardai le regard planté dans celui d'Alicia. Elle avait entendu. Je pouvais le lire dans ses yeux. Mais j'étais bien incapable de savoir ce qu'elle en pensait. Si elle était choquée, agacée, triste, déçue ou ... Ou je ne sais quoi. Mais elle avait entendu et maintenant, elle savait. Je lui faisais assez confiance pour me douter sans l'ombre d'une hésitation, qu'elle allait garder cette information pour elle. Elle n'était pas du genre à parler à tort et à travers et à raconter la vie des gens autour d'elle. Oui, je lui faisais confiance. Mais ce n'était pas ça le vrai problème. Le truc, c'est que je craignais sa réaction.

Est-ce que notre relation allait s'en trouver changée ? Je n'eus absolument pas le temps de me pencher sur la question durant le week-end qui suivit. Je n'eus même pas le temps de me pencher sur le dossier que j'étais allé récupérer au bureau le samedi matin. Du coup, en plus d'avoir passé un sale week-end et de manquer de sommeil, j'étais maintenant en retard dans mon boulot. Ce fut donc de mauvaise humeur que j'arrivai au bureau le lundi matin. Mais volontairement en retard également, pour ne pas croiser Alicia dans l'ascenseur. Ce n'était vraiment pas le moment. J'avais surtout besoin d'un peu de temps pour pouvoir réfléchir à tout ça et savoir comment prendre les choses vis à vis d'elle. Est-ce qu'il ne faudrait pas qu'on arrête tout ? Mais pourquoi se priver de ça au juste ? Bon sang, je ne savais même pas ce qu'elle en pensait elle même ! Ca m'agaçait d'être encore en train de penser à elle et à tout ça alors que j'avais une montagne de boulot de laquelle j'avais tout intérêt à venir à bout assez rapidement. J'étais profondément concentré quand on frappa à ma porte. Quand je levai la tête pour la voir entrer, je crispai les mâchoires. Comme la dernière fois, elle faisait mine de venir pour parler boulot. J'étais tendu, droit comme un i et mon regard ne quittait plus son visage. Ca va très bien. Lui répondis-je assez froidement. Non, ça n'allait pas du tout. Et ce, pour un tas de raisons. Et si elle me posait la question ,c'est qu'elle s'en était rendue compte. Elle commençait à me connaître. Et ce constat était en train de me faire flipper. Comme si j'avais besoin de ça tiens. Je craignais la raison de sa présence dans mon bureau.

Elle prit tranquillement place et m'offrit un sourire que je ne lui rendis pas. Et finalement, quand elle prit la parole, je compris. Je fronçai les sourcils et restai silencieux un petit moment. Est-ce qu'elle était en train de me dire qu'elle voulait d'une vraie relation avec moi et que mes enfants ne la dérangeaient pas du tout ? Non, c'était tout simplement impossible. Elle n'avait pas vraiment réfléchit à tout ça. Elle ne réalisait pas que c'était un engagement à long terme. Qu'il ne s'agissait pas d'apprécier mes enfants juste de temps en temps. Si notre relation venait à devenir sérieux, elle aurait un rôle à temps plein et ... Non, c'était évident qu'elle n'avait pas pensé à tout ça. Et qu'elle n'était pas prête. J'aime coucher avec toi Alicia, ça s'arrête là. C'est la seule chose qui m'intéresse. Tu me vois vraiment avoir une relation avec une gamine de vingt ans ? Mon ton était froid et claquant. Je laissai même échapper un rire franchement ironique en levant les yeux au ciel. Le seul truc bien avec les nanas de ton âge, c'est le sexe. Le truc moins bien c'est cette putain de naïveté. A m'entendre, elle n'était pas la première fille de vingt ans avec laquelle je vivais un truc de ce genre. Je m'en rendais compte et pourtant, plutôt que de revenir sur mes mots pour les rectifier, je laissai couler et poursuivis toujours sur le même ton. Au final t'es comme toutes les autres. Tu pensais finir avec la bague au doigt. Ca n'arrivera pas. Et mes enfants n'ont rien à voir là dedans. Pourquoi est-ce que j'agissais ainsi ? Pourquoi est-ce que je cherchais à lui faire du mal ? Pour l'éloigner de moi, certes. Mais la raison véritable, c'est que j'avais peur. Peur qu'elle entre davantage dans ma vie et de celles de mes enfants. Mais qu'au final, je sois profondément déçu le jour où elle prendrait conscience que tout ça ce n'était pas fait pour elle. Je ne le supporterais pas.

Je n'avais aucune idée de la façon dont j'étais supposé réagir maintenant. Comment je devais me comporter vis à vis d'Alicia. Je me laissai finalement totalement porter par le ressenti du moment. Elle était pourtant en train de dire exactement ce qu'il fallait pour me rassurer. Parce que ouais, la seule vraie raison pour laquelle je ne lui avais jamais proposé une relation amoureuse, c'est que je craignais que mes enfants ne soient un frein pour ça. Parce qu'elle était trop jeune pour s'impliquer autant. Et là, alors qu'elle était en train de m'assurer tout le contraire, je réagissais stupidement. Parce que je n'étais pas du tout d'humeur à ça. En temps normal, je lui aurais simplement demandé à ce qu'on remette cette conversation à plus tard. A un moment où j'aurais été plus à même de l'écouter et de réfléchir. Mais là, je ne pensais pas vraiment. Tout ce que je voyais, c'est qu'une jeune femme de vingt ans s'imaginait pouvoir faire ça. Alors que j'étais intimement convaincu que ce n'était pas le cas. Elle était trop jeune pour savoir ce qu'elle faisait là. Et dans le fond, ça m'agaçait un peu qu'elle s'imagine le contraire. Du coup, j'étais de plus en plus dur dans mes mots. Je ne réfléchissais plus à ce que je disais. J'essayais juste de la faire fuir, sans savoir si ça allait ou non fonctionner. Sans me soucier du fait que c'était en train de mettre un terme à ce que nous partagions. Qui n'était pas que du sexe, contrairement à ce que j'étais en train de lui faire entendre ...

Ferme-la ! Ne me dis pas ce que je dois faire ! Tonnai-je en élevant un peu la voix. Je serrai ensuite les dents et tournai un bref regard en direction des employés tous trop occupés à travailler pour nous prêter attention de toute façon. Et elle, elle était toujours là, semblant attendre le moment où je reviendrais sur mes mots pour m'excuser. Mais au lieu de ça, je continuais de plus bel. J'étais franchement mauvais. Alors même qu'elle n'avait pas du tout l'air dans son assiette, je ne revins pas sur mes paroles. Elle rougissait, elle se crispait de plus en plus et elle ne parlait plus. Elle se contentait de m'écouter. Est-ce qu'elle me croyait ? Est-ce qu'elle pensait vraiment que tout ce que nous avions partagés ces dernières semaines, n'avaient rien signifié du tout pour moi ? Comment pouvait-elle me croire aussi facilement ? Sa lèvre inférieure tremblait, son regard trahissait une certaine douleur. Elle était sans doute en train de retenir ses larmes. Et pourtant je gardai la bouche close, attendant qu'elle parte. Ce qu'elle fini par faire. Elle se leva et me tourna le dos. Il fallait que je la retienne là ... Que je m'excuse ... Alicia ... Je m'arrêtai, serrai les dents, soupirai. Vise un peu moins haut la prochaine fois. Je sais pas comment une fille comme toi a pu s'imaginer que, moi, j'aurais envie d'une relation avec elle ... Mais c'était complètement stupide.

Elle quitta mon bureau sur ses mots et je m'affaissai dans le fond de mon siège. Qu'est-ce que je venais de faire ?Je ne m'étais pas contenté de mettre fin à ma relation ambiguë avec Alicia. J'avais fait bien pire. Son regard avant qu'elle ne parte ... je l'avais détruite. Ou en tout cas, je lui avais fait un mal de chien. Et que ça me fasse autant de mal, ce n'était pas normal. A la limite, je devrais m'en vouloir un peu d'avoir blessé quelqu'un comme ça. Mais c'était bien plus. Je souffrais à l'idée de l'avoir fait souffrir. J'avais envie de la supplier de me pardonner et lui jurer que je ne pensais rien de tout ce que je lui avais dis. Après ça, je mis un temps fou avant de me remettre au travail et je sautai la pause déjeuner. Je quittai l'entreprise à seize heures. Et le lendemain, de nouveau, j'arrivai assez tard pour ne pas la croiser dans l'ascenseur. Je me contentai de la saluer comme tous les autres au cours de la journée. Le mardi et le mercredi, je lui adressai la parole comme à n'importe qui. Je tentais moi même de me convaincre que ça ne me faisait rien et que j'allais rapidement l'oublier. Mais c'était évidemment peine perdue. Elle me manquait .C'était horrible comme elle me manquait. Mais je n'avais aucune idée de ce que je pouvais faire. Ni même de ce que j'avais le droit de faire en fait. Elle devait me haïr et si c'était le cas ... Rien de plus normal ! Pourtant, le jeudi, j'arrivai à la même heure qu'avant, pour la retrouver dans l'ascenseur. Je m'adossai dans le fond de celui ci pour pouvoir la regarder. J'étais tendu et crispé. Alicia ? tentai-je doucement.

Je ne me savais vraiment pas capable d'autant de méchanceté. Je me surprenais moi même et c'était sacrément désagréable. Je détestais être cet homme qui était en train de faire autant de mal à une femme. A cette femme là en particulier. Elle n'avait rien fait pour mériter ça. Elle était juste fantastique. Elle était incroyable et je ... Je l'appréciais énormément. Je l'appréciais. Elle comptait beaucoup pour moi et pourtant j'étais en train de lui dire les pires horreurs qui soient. Je la rabaissais plus bas que terre. Je lui faisais entendre qu'elle n'était rien et ne valait rien. Et elle semblait me croire sur parole. Elle rougissait, son regard perdait toute sa lumière et elle se voûtait de plus en plus, avant de prendre littéralement la fuite. Est-ce que c'était parce que mon avis comptait pour elle, qu'elle souffrait autant ? Non, ce n'était pas réellement par rapport à moi. En fait j'en savais rien. Je savais juste que je lui avais fait énormément de mal. Les jours suivants, je tentais de me comporter avec elle comme un simple patron. Et à vrai dire elle me rendait la tâche assez facile puisqu'elle me fuyait autant que possible. A aucun moment nous ne nous retrouvâmes seuls dans un endroit. Avait-elle peur de m'entendre lui dire de nouvelles horreurs ? En tout cas, je ne la reconnaissais plus. Elle était totalement éteinte. Et c'était entièrement de ma faute. C'était bien la première fois de ma vie que j'avais la sensation de n'être qu'un monstre. Et les regards que me lançait parfois Miranda, ne m'aidait pas à penser autrement. Elle n'était pas stupide. Elle savait très bien que c'était entièrement de ma faute si Alicia était dans cet état. Et je ne pouvais pas la laisser ainsi. Quitte à ce qu'elle ne veuille plus rien avoir à faire avec moi, je voulais au moins qu'elle réalise que je n'avais pas pensé le moindre mot que je lui avais dit.

Elle était tellement confiante et sûre d'elle avant tout ça. Finalement, je ne lui laissai pas le choix que de se retrouver seule avec moi rien que quelques minutes, quand j'entrai au dernier moment dans l'ascenseur. Je tentai de l'interpeller mais sa réponse me coupa le sifflet. Je ne répondis rien et me contentai plutôt de la fermer alors qu'elle reprenait la parole. Non, elle n'avait pas mérité tout ça et ne méritait pas que j'en rajoute une couche. Ce n'était pas du tout ce que je comptais faire. Mais elle n'était pas du tout en mesure de m'entendre lui dire quoi que ce soit. Je le voyais bien. Et la façon qu'elle eut de prendre la fuite ensuite, me le fit bien comprendre. Je rejoignis mon bureau plus calmement. Je n'avais absolument aucune envie de bosser bon sang. Je passais plus de temps à lancer des regards dans sa direction qu'autre chose. J'avais besoin de lui parler. Il le fallait. Mais je ne pouvais pas la convoquer, évidemment. Est-ce que si je lui envoyais un mail ou un sms, elle prendrait le temps de le lire ? Un texto, sans doute pas non. Mais un mail, elle pourrait s'obliger à le faire pour le cas où il s'agirait d'un mail professionnel. Ouais, un mail c'était une bonne option. Alicia, je suis désolé. Sincèrement désolé pour ce que je t'ai dis. Tout. Je n'en pensais pas un traite mot, tu dois me croire. Est-ce qu'on pourrait en discuter tous les deux ? Je te demande seulement cinq petites minutes. Mais pas ici. Si tu veux on peut se retrouver dans un café. J'aurais largement préféré un endroit bien plus tranquille, comme son appartement par exemple. Mais je me doutais qu'elle n'avait aucune envie de se retrouver seule avec moi. Et cette idée me broyait le coeur. J'avais totalement détruit sa confiance en elle même et la confiance qu'elle pouvait avoir en moi également.

Après toutes les horreurs que je lui avais dites, il était normal qu'Alicia refuse d'avoir le moindre contact avec moi. Mais je ne pensais pas qu'elle refuserait totalement de discuter avec moi, quand bien même je lui assurais que je regrettais tout ce que je lui avais dit et que je n'en pensais pas un seul mot. Sa réponse fut claire comme de l'eau de roche. C'était absolument terminé et elle ne voulait plus rien avoir à faire avec moi. D'accord ... D'accord, je pouvais me forcer à l'accepter. Mais je ne pouvais pas accepter qu'elle continue d'être ... D'être comme elle était là. Eteinte, sans vie, sans passion, sans le sourire, sans rien. Ce n'était pas Alicia ça. Je décidai de tenter quand même ma chance le soir même. De toute façon, j'avais déjà demandé à la nourrice de récupérer mes enfants vu que j'avais espéré de toutes mes forces qu'Alicia aurait accepté de discuter un peu avec moi. Je fus quand même assez content de voir que tout le monde quittait l'open space sauf elle. Elle ne certainement même pas encore rendue compte du fait qu'il ne restait qu'elle et moi. Et quand elle le réalisa, elle se leva et plia rapidement ses affaires, prête à partir. Je quittai le bureau au moment où elle appelait l'ascenseur dans lequel elle s'engouffra dans la foulée. Je du hâter le pas pour arriver avant que les portes ne se referment et posai une main devant le capteur pour qu'elles restent ouvertes.

Je serais bien entré pour rester juste avec elle dans l'ascenseur et ainsi l'empêcher de me fuir. Mais je ne voulais pas lui faire plus peur encore. Elle semblait déjà terrifiée vu la façon qu'elle eut de se "protéger" derrière son sac. Ce geste me fendit le coeur. Alicia pourquoi tu ... Tu sais bien que je ne lèverais jamais la main sur toi, non ? Elle avait maintenant les larmes aux yeux et semblait prête à démissionner aussi tôt que possible. Je hochai lentement la tête de gauche à droite. Ca me faisait vraiment mal de la voir ainsi. Surtout en sachant que c'était entièrement de ma faute. Je veux seulement que tu m'écoutes ... Que tu ne veuilles plus entendre parler de moi hors de l'entreprise, je le comprends. Je le comprends parfaitement et je l'accepte. Mais je ne peux pas supporter de te voir dans cet état ... Je te promets que tout ce que je t'ai dis, je ne le pensais pas du tout. Tu sais ce que je pense de toi. Tu sais que ... C'était plus que du sexe et que je t'apprécie vraiment. Je sais que c'est pas une bonne excuse du tout mais j'avais passé un très mauvais week-end et je me suis senti mis au pied du mur. C'est con parce que tu as dis tout ce que j'espérais entendre. Sauf que je ne suis pas prêt. Ni à avoir une relation, ni à impliquer une femme dans la vie de mes enfants. La Alicia souriante, pétillante, pleine de vie et sûr d'elle me manque vraiment ...