Des heures, des jours, des semaines étaient passées depuis que j'avais vu Noah pour la dernière fois. J'avais arrêté de les compter. Déjà parce que je trouvais ça débile, mais aussi parce que ça me fatiguait à la longue. J'étais passé par tous les états possibles depuis la dernière fois. J'avais été sereine au début, me disant que c'était cool qu'il aille avec son meilleur pote dans son pays natal. Et puis ensuite j'ai commencé à avoir ces fameux sentiments venus de nul part qui me forçaient à me demander ce qu'il faisait. Et puis j'ai commencé à sortir, m'amuser pour oublier simplement. Je n'envoyais pas de sms car je savais qu'il voulait être loin de tout. Mais au bout d'un moment, j'ai craqué. Je savais qu'il devait être rentré parce que Hannah me disait que Wayne l'avait dit donc je m'inquiétais. Je l'avais plus fais que ce que je ne le pensais d'ailleurs et ça avait eu le don de me rendre un peu.. dingue. Je sortais sans cesse pour essayer de me le sortir de mon esprit et puis est venu le fameux jour où je n'ai plus eu le choix que d'espérer qu'il apparaisse..

   Quand cette bande de mecs est venue pour m'agresser, j'ai vraiment espérer que Noah apparaisse de nul part pour me sauver la mise et m'éviter tous ces bleus. Mais non, ce n'était encore qu'un rêve. Au lieu de ça, malgré mes cris, mes pleurs, ces hommes n'ont cessés de me battre et de m'écraser les membres jusqu'à ce que j'arrive à me sauver pieds nus dans la rue noire et envoyer un sms à la deuxième personne à laquelle je pensais pour me sortir de là.. William. Et pourtant à chaque instant, j'essayais d'imaginer que c'était Noah qui me sortait de là, parce que j'avais fini par réussir à me l'imaginer. Je voulais nier la réalité jusqu'à qu'elle ne revienne comme une claque jusqu'à moi et que les larmes ne coulent devant mon ami. Jusque là, j'étais enfermée chez moi, cachant tous mes bleus au possible. Les deux seules autres personnes mis à part William que j'avais vu était ma meilleure amie, Hannah et Jason qui m'avait proposé de passer. J'avais eu besoin d'eux, malgré moi, même si une part de moi même était toujours éteinte depuis l'agression. Je n'arrivais plus tellement à sourire, ni à rire, ni à remettre mes belles robes et mes escarpins car mon corps me dégoûtait remplis de ces bleus. Malgré tout, il fallait que je sorte pour aller travailler, de temps en temps, même s'ils comprenaient que la plupart du temps je fasse mes articles chez moi.

   C'est donc ce que je faisais ce matin là, marchant dans la rue. Je revenais du travail, après avoir travaillé à peine deux heures là-bas car ils avaient besoin de mon avis sur un shoot sur lequel j'aurais dû être modèle. Je le refusais, mais ils voulaient quand même que mon nom apparaisse quelque part alors je choisissais les tenues pour la mannequin de remplacement. Bref, cachée sous une chemise fluide à manche longue, un slim et des nike, je marchais le plus vite possible vers mon studio pour rentrer. Evidemment, je n'étais pas sans savoir que je passais en même temps près de l'auto-center où travaillait Noah, mais sincèrement je n'y pensais même plus. Mon cerveau avait effectué une censure automatique depuis quelques jours. Je savais qu'il était rentré, que tout s'était bien passé, et il savait que je m'étais fais agressé. Ce n'est pas pour autant que je l'avais revu, ni reéchanger par sms depuis, rien du tout. J'avais l'impression de me retrouver des mois en arrière, quand je pensais ne plus jamais le revoir. Evidemment, il a fallu de ce sentiment pour que quelques rues plus tard, à une intersection, je me stoppe net près du mur. Je levais ma main à mon foulard, bien mis pour cacher le plus gros bleu de mon corps visible. Je jouais avec une de mes mèches en passant. A quelques pas de là, Noah marchant dans ma direction. Je ne savais pas s'il m'avait vu, et je ne savais pas quoi faire. Fallait-il que je fasse comme si je ne l'avais pas vu? Fallait-il que je continue mon chemin comme si je ne le connaissais pas? Je ne savais plus. Je n'avais plus la force de faire face à cette relation déchirante, qui aujourd'hui avait sûrement puisé dans mes dernières ressources.

   Pourtant, je ne pouvais pas remettre un pas devant l'autre, me faisant une raison. Non, mon corps m'empêchait de l'éviter. Je ressentais un truc en moi qui me tétanisait, j'en fis presque une grimace d'ailleurs. « Noah » soufflais-je alors qu'il était près de moi à présent. Et là je me rappelais de mon état, de ce visage inexpressif que j'avais ces derniers temps. Pourquoi avait-il fallu que j'attire son attention? Mais là, je remarquais son état à lui qui effaça mes idées. Je fronçais très légèrement des sourcils, voulant lever ma mains sur son visage qui était aussi touché. J'avais une voix très calme, de toute façon je n'étais pas énervée et je ne voulais pas l'être, ou alors je ne pouvais pas l'être. Je levais doucement ma main vers son visage mais je la rabaissais avant de l'atteindre, de peur 'une réaction contraire. « Tu.. tu es sûr de m'avoir tout dit..?  » demandais-je alors, oubliant mes propres maux personnels. Maintenant, je commençais à me dire qu'il y avait vraiment une raison à son retard de retour. Mais s'il ne m'avait rien dit, c'est qu'il n'avait pas voulu, après tout. J'essayais de trouver vite un autre sujet, du coup. La plus grande peur que j'avais c'était qu'il ne m'atteigne encore là maintenant. Il le ferait sûrement, mais j'essayais de repousser l'échéance. Je n'avais pourtant qu'une envie, qu'il ne me prenne dans ses bras. J'avais besoin de sécurité. Mais je savais que j'aurais peine à l'avoir. Pourquoi assumais-je ces envies, maintenant? « Je me suis beaucoup inquiétée alors je suis contente de te voir quand même en chair et en os » soufflais-je alors, ne sachant pas quoi dire d'autres, ayant tellement de choses dans la tête. Je serrais mes doigts entre eux, m'empêchant tous gestes.

   

   Rien était simple depuis quelques temps. J'avais été forte pendant la maladie de ma mère, chose qui m'avait presque brisée. J'avais été forte en retrouvant Noah, en le voyant avec d'autres nanas, en entendant parler par Nightmare de ses petites aventures, en supportant ses mots, son attitude, le vide dans un lit que la veille il occupait. J'ai pris sa défense, coûte que coûte, auprès de qui que ce soit qui me parlait de près ou de loin de lui, en sachant parfois qu'il s'agissait de Noah ou non avec d'autres. En général, mes amis me disaient d'abandonner, que je méritais mieux que quelqu'un qui me faisait tant souffrir, et pourtant moi je m'entêtais à le défendre, à lui trouver des excuses, à serrer chaque soir une peluche qu'il m'avait offert des années auparavant, quand nous étions adolescents.

   Certes déjà adolescents, notre relation était la plus compliquée du monde. On se disputait, on s'arrachait les yeux mais finalement, je savais et il savait que jamais rien ne nous séparait. On avait beau se faire les pires horreurs l'un à l'autre, nous étions toujours un couple et cela était une évidence. Aujourd'hui, ses années de prison nous avaient complètement séparés, il m'en voulait de ne pas avoir été là pendant et après, alors que j'avais fui mon père avec ma mère en France, et aussi fui la triste vérité le concernant. Même si d'autres diraient que c'est plutôt lui qui m'a abandonné en commettant cette faute auprès de la loi, j'ai cherché à me faire pardonner en vain. Aujourd'hui, il n'y a plus cette certitude derrière nos hurlements que j'ai ma place auprès de lui et ça, c'est encore quelque chose que je dois supporter heures après heures, une chose qui me fait mal malgré moi. J'essaie de garder la tête haute, de faire genre qu'il ne m'atteint pas, mais c'est de plus en plus difficile. Toutes ces années, et William en est le bon exemple, je n'ai jamais su tourner la page et pourtant, j'avais besoin de savoir si ce combat était vain ou non aujourd'hui. J'ai envie d'avancer, d'évoluer. J'en aie marre de rester coincée dans une histoire qui date de l'adolescence si c'est pour que je perde mon temps. Depuis l'agression, je me dis que ce n'est pas pour le mieux, cette perte de temps si c'en ait une.

   Aattendre de ses nouvelles pendant toutes ces semaines avait aussi été une torture. Au début, je savais qu'il était parti pour se changer les idées et que ce n'est sûrement pas moi qui allait l'y aider. J'avais tout fais pour ne pas penser à ce qu'il pouvait bien faire. Au bout d'un moment, alors qu'Hannah m'apprenait qu'ils devaient être rentrés tous les deux, je m'inquiétais. Je commençais à lui envoyer des messages qu'aujourd'hui je regrettais, bien qu'ils soient essentiellement dû à cette agression. J'avais juste le sentiment que comme durant toutes ces années, le seul qui avait le pouvoir de me sortir de ce trou noir était Noah. Pourtant, j'en doutais de plus en plus.

   Cela faisait une bonne semaine que j'avais appris par sms qu'il était rentré et allait bien. Pourtant, je n'avais eu aucune nouvelle après ça. J'avais simplement l'impression qu'il m'évitait ou bien, je me disais que finalement je ne devais pas compter plus que cela. Il savait que je m'étais fais agressé, il savait que je vivais dans le traumatisme et pourtant c'était comme s'il n'estimait pas que je sois assez importante pour lui pour qu'il s'inquiète plus que ça. Certaines personnes qui étaient pourtant moins importante que lui pour moi passaient presque tous les jours, même s'il s'agissait de mes plus proches amis, j'espérais toujours que Noah se montre un jour. Mais c'est dans cette ruelle que par hasard je le croisais, et non pas par les fruits d'une quelconque attention. Tout de même, je ne me froissais pas. Je n'en avais pas la force, et puis surtout quand je vis le réel état de son visage. Je m'inquiétais, mais apparemment, je n'en saurais pas plus. « très bien » pas besoin d'insister, je savais que j'étais face à un mur de toute manière. Il m'annonçait être là maintenant et j'eue une petite moue. A l'instant précis, je ne me sentais pas vraiment plus en sécurité que quelques secondes auparavant. J'amenais mes bras se croiser autour de moi en baissant un peu le regard alors qu'il plongeait son regard dans le mien et je me mordillais l'intérieur de la lèvre avant de relever le regard vers lui. D'un seul coup, son regard changeait, il était en colère. En effet, il me demandait qui m'avait fait ça, si j'avais vu son visage. Je fronçais alors les sourcils, comprenant qu'il voulait le retrouver, je faisait non de la tête, perdant mon regard au loin et décroisant mes bras. « Je ne sais pas, Noah. Il faisait noir et je.. » Je levais mes mains sur mon visage, me frottant le front, ces images étaient bien trop dures, j'essayais de les éviter le plus possible. « Il n'était pas seul ils étaient plusieurs je ne sais pas.. » La peur et l'angoisse envahit ma gorge. Je ne pouvais pas faire de crise d'angoisse maintenant, devant Noah, en pleine rue. Je déglutissais sous mon foulard, cette gorge qui me faisait un mal de feu. Je ramenais donc mes mains vers le foulard avant de relever les yeux vers Noah, tentant de chasser ce souvenir. « J'ai fui, à la première occasion j'ai fui Noah je n'ai pas pris la peine de photographier le visage d'un de.. non. J'ai couru pieds nus dans cette rue sans m'arrêter jusqu'à ce que je m'écroule et William est venu me récupérer.. c'est tout ce dont je me souviens.. » lui soufflais-je, à bout de souffle comme si je venais de faire cette course. Je redéglutissais et croisait encore une fois mes bras sous ma poitrine. Je regardais autour de nous. J'étais mal à l'aise, là dehors, en public. « Noah on ne pourrait pas.. aller dans un endroit où.. il n'y a personne? je.. je sors très peu depuis je.. enfin j'ai du mal à supporter. » lui demandais-je alors le regardant finalement dans les yeux. Ma solitude s'était décuplée avec cette agression. Là, j'avais besoin de silence et de vide ou alors je ne pourrais plus retenir cette panique.

   

   Noah était encore en train de me donner une preuve contraire de ce que j'essayais de me mettre en tête. Alors que je pensais qu'il n'en avait rien à faire de moi, que malgré tout ce que de mon côté je ressentais, je le ressentais en vain et que je souffrais pour quelque chose de perdu. Là, il voulait absolument connaître l'identité du mec qui m'avait fait ça. Il semblait vouloir prendre ma revanche, comme si d'un côté il voulait me protéger et s'en prendre à la personne qui avait osé lever la main sur moi. Il tenait donc à moi, si on allait dans ce sens, alors que je commençais à me mettre dans la tête le contraire. J'étais complètement confuse, je ne savais plus quoi penser et imaginer. Cela me fatiguait, je voulais savoir la vérité.

   Evidemment, je ne pouvais pas m'en souvenir. Ces images me rendaient folle, me faisaient mal. En plus, il n'y avait pas qu'un seul homme mais toute une bande qui s'en était pris à moi. C'était flou et je ressentais à nouveau les coups en essayant une minute de revoir un des visages dans toutes les images horribles que j'avais en tête. J'essayais de lui répondre, tout à fait confuse. Je me prenais la tête entre les mains, prise de la douleur de se souvenir d'un tel évènement. Je lui donnais tout ce qu'il s'était passé autour, mais sans pouvoir me remémorer le moment où j'avais pu voir leurs visages : c'est à dire au moment des coups. Je me ressentais y retourner, comme si rien ne m'en séparait, comme si je n'étais toujours pas en sécurité. Je devenais confuse, et je détestais ça. Cette agression n'était que le synonyme de ma vulnérabilité mis à jour, la chose que je déteste le plus. Depuis, il est évident que je me déteste moi-même.

   Il insistait, me demandant si je n'avais même pas un détail dont je pourrais me rappeler qui l'aiderait à le retrouver. Il disait bien "rester là sans rien faire" c'est donc bien qu'il voulait prendre ma revanche, j'avais bien compris. Je fronçais les sourcils doucement. « Mais Noah je ne veux pas.. » Je baissais les yeux avant de les remonter. Avouer quelque chose de personnel n'avait jamais été mon truc. Mais ces derniers temps, j'avais pas mal appris à le faire. Avouer des choses pouvaient être efficaces, parfois. Depuis un certain temps, c'est un peu ma façon de faire face à mes éternels démons. « Je ne peux pas te laisser partir à leur recherche je.. » Mon sentiment face à l'état du visage de Noah était bien la preuve que je ne voulais pas qu'on lui fasse du mal, même si c'était pour me venger de quoique ce soit. « Je ne veux pas qu'il t'arrive quoique ce soit et puis je.. j'ai envie d'oublier tout ça, d'aller de l'avant, que ces blessures disparaissent et puis que ça ne soit jamais arrivé.. » dis-je changeant de sujet rapidement quand j'avais annoncé que je ne voulais pas qu'il lui arrive quoique ce soit. Je ne voulais juste pas qu'il retourne en prison, que je sois encore séparée de lui. Même si prison ou pas, j'ai l'impression que des km nous séparent sans cesse, même quand là il est à deux pas. Cet espace me fait mal mais il est bien réel, et même si naturellement mon corps voulait aller vers lui, le sien ne répondait pas, alors je me forçais à ne pas bouger. Je lui demandais d'aller à un endroit plus calme, sans personne. Intuitivement, il me répondait que je n'avais rien à craindre maintenant qu'il était là mais.. ce n'était pas ce que je ressentais. Je le regardais et je me disais qu'il disparaissait à la seconde où je clignais les yeux, à chaque fois. Je ne me sentais pas très longtemps en sécurité avec Noah, du coup, et ça me faisait mal de le ressentir. Je ne répondais pas, me contentant de baisser les yeux alors qu'il entamait quand même le pas vers son garage.

   Il n'y avait qu'un ou deux employés dans le garage mais nous allions vers le bureau, là où j'avais tout envoyé valser il y a un ou deux mois la dernière fois que j'étais venue. Je clignais des yeux et dégageais le regard du bureau lui-même pour chasser ça de mon esprit et je le suivais à la machine à café. Nous nous asseyons, tout ça en silence une fois nos cafés servis. J'étais perdue dans mes pensées, pendant un moment. Puis, je remarquais le regard de Noah sur moi. Je levais le regard vers lui, j'avalais fortement sous mon foulard. Je rebaissais le regard car ce que je m'apprêtais à dire n'était pas simple. « Ecoute je.. je sais que ce n'est ni ton truc ni le mien mais.. j'ai quelque chose à te demander qui.. enfin je ne peux plus continuer sans avoir une réponse. » dis-je avant de lever le regard vers le sien et d'y plonger doucement. Je cherchais mes mots. J'y avais beaucoup pensé, j'avais fais dix fois le discours dans ma tête mais c'est toujours pareil, ça n'a plus rien à voir quand on est sur place. Je me concentrais sur son regard pour laisser les mots sortir naturellement. « Je ne te demande rien du tout, rassure-toi.. j'aimerais juste savoir si.. si tu tiens vraiment à moi? » lui soufflais-je enfin. Je baissais le regard alors, perdant de la force. « Je suis désolé de te demander ça mais.. ces derniers temps je me pose beaucoup de questions et disons que.. je pense beaucoup à.. nous. » J'avalais un coup. « Et même si je ne veux pas perdre ce que nous étions j'ai.. j'ai l'impression parfois que.. que je m'accroche à mon imaginaire. » soufflais-je alors avant de le regarder à nouveau, attendant de la sincérité même si je savais que ce n'était pas son truc. Je ne lui demandais pas grand chose, pas un grand discours, rien de tout ça. Juste de savoir s'il tenait à moi, si j'étais quelque chose pour lui.

   

   J'avais du mal à lui dire ces mots, à lui poser cette question. J'avais peur que sa réponse ne me fasse encore du mal, surtout dans la vulnérabilité dans laquelle j'étais en ce moment même. Je trouvais les mots malgré moi, en réfléchissant le plus possible. Je voulais qu'il comprenne le sens de ma question, qu'il me réponde en conséquence. J'avais autant peur qu'il ne me réponde méchamment qu'il ne me réponde pas du tout, d'ailleurs. J'avais besoin de cette réponse, besoin de savoir. Je ne voulais plus rester dans ce mystère et continuer de m'attacher sans savoir si ce combat en valait vraiment la peine.

   Sa réponse semblait sincère, et en même temps me troublait toujours. Il me regardait dans les yeux, faisait des gestes qui montraient des signe de totale sincérité et en même temps maintenant qu'il me répondait tenir vraiment à moi et que je ne devais pas en douter, je revis tous ces moments où j'avais l'impression qu'il ne tenait pas du tout à moi, tous ces moments qui me faisait toujours douter de sa sincérité. Je me rendais compte qu'en réalité ce que je voulais n'étaient pas des mots, mais ça je savais que je ne l'aurais pas. Je baissais un peu les yeux au sol, réfléchissant à tout ce qu'il venait de dire. Certes nous avions changé lui comme moi, il avait raison. Nous avions grandi, simplement, mûri peut-être de façon différente. Et pourtant il y avait toujours ce truc qui m'attachait à lui d'une façon insupportable, et qui faisait que chacun de ses gestes et mots avaient toujours son impact sur ma personne. Je relevais les yeux vers lui, m'apprêtant à répondre.

   Je le regardais, là, assis face à moi dans le bureau de son garage, le visage bien plus atteint que le mien - d'ailleurs encore une question sans réponse. Je tenais le café chaud entre mes doigts, je baissais le regard vers ce dernier avant de relever les yeux vers Noah. Il fallait que je me lance, que je le dise. Depuis des jours et des jours je me dis allez Louise, tu peux lui dire ce que tu penses sans être agressive, juste sincère. Tu peux le faire. Arrête d'être si renfermée et dis lui. Maintenant que j'étais là, je ne pouvais plus faire demi tour, il fallait que je le fasse, pour moi-même au moins. Il fallait que j'ai le coeur net. « C'est sûr qu'on a changé tous les deux, tu as raison.. » soufflais-je d'abord. « Pourtant tu es toujours là à vouloir courir après un mec pour une vengeance qui ne va te mener qu'à une seule chose.. encore une fois.. m'abandonner. » soufflais-je alors malgré moi. ça y'est, je l'avais dis. Autant il m'en voulait pour ne pas avoir donné de signe de vie pendant son incarcération, autant je venais de lui donner la raison du pourquoi. Moi aussi je lui en voulais, moi aussi je m'étais sentie trahie, je m'étais sentie abandonnée. « ça me semble comme un air de déjà-vu, tu ne trouves pas...? » soufflais-je alors la boule dans la gorge, je baissais rapidement le regard, je me remettais dans le siège en me râclant doucement la gorge, puis regrettant de l'avoir fait puisque j'esquissais une grimace de douleur sous mon foulard. Je repris mes esprits, relevant le regard vers lui. « Avant aussi, tu tenais à moi.. et pourtant je.. quand je suis avec toi.. je n'ai pas l'impression je.. j'ai juste peur que tu me fasses du mal, pas physiquement mais, intérieurement. Et c'est pour ça que je doute, ou du moins doutais de ça. » avouais-je alors, enfin. « Je n'ai plus la force de supporter ça. Je ne me sens plus capable de.. de supporter les coups que tu me portes parfois je.. je peux plus faire ça. » lui soufflais-je alors baissant les yeux qui se remplissaient de liquide. Je les clignais plusieurs fois pour faire disparaitre tout ça avant de relever le visage vers lui. « Je voudrais juste.. Je ne te demande pas de me mêler à ce que tu ne veux pas, ce que tu veux me cacher c'est ta vie et si tu veux la risquer alors vas y c'est sans moi c'est sûr ce que je voudrais juste c'est que.. c'est ressentir pour une fois une seule fois que tu tiens vraiment à moi, et ne pas avoir peur que d'une minute à l'autre je puisse.. je puisse avoir mal, c'est tout. »

   Je prononçais ces mots avec le plus grand mal. Ce n'était pas du tout mon truc de dire tout ça mais depuis un certain temps et tout ce que mes proches me disaient il fallait que je le fasse une bonne fois pour toutes. Même si ça ne changeait rien, que ça changeait tout en mieux ou en pire il fallait que je m'y colle. Maintenant que c'était fait, j'étais à la limite de trembler. Je serrais mes mains autour de mon café, ayant peur de chaque seconde qui passait après ces mots.

   

   Aujourd'hui, avec tout ce qu'il s'était passé, j'avais besoin de parler de tout ce qui m'avait traversé l'esprit. L'événement avait eu un certain impact sur moi, comme de me demander où j'en étais en ce moment. Je regardais plus en plus autour de moi et je voyais des choses qui me faisait réfléchir. Hannah avait un enfant, peut-être seule mais elle est heureuse de l'avoir et puis elle est bien entourée. William a une petite amie qui est vraiment mignonne et ils ont l'air heureux ensemble. Tout ça, ça m'a fait penser que peut-être je devrais arrêter mes délires de célibataire et que je devrais peut-être commencer à céder à mes besoins d'être juste.. le quelqu'un de quelqu'un. Cette chose que tout au fond de moi j'enviais à beaucoup de monde sans l'avouer.

   Ce soir-là, j'aurais voulu avoir ce quelqu'un. Ce quelqu'un qui m'aurait pris dans les bras et grâce à qui je n'aurais plus eu peur en beaucoup moins de temps que j'avais eu pour m'en remettre seule, ce quelqu'un qui aurait juste pris soin de moi, avec tout l'amour qu'il aurait pu me porter et me redonner confiance en moi en un rien de temps, ce quelqu'un qui aurait ce pouvoir que j'aille de l'avant sans tous ces obstacles que je rencontrais et devais affronter seule, aujourd'hui. C'est un peu ça qui m'amenait à donner tous ces mots à Noah aujourd'hui, l'homme qui m'a tant fait faire depuis toutes ces années jusqu'aujourd'hui. Je sais que ce n'est pas du tout notre genre de se livrer ainsi, de parler de tout aussi concrètement mais même si ça devait être évasif j'avais besoin de ce moment. Assis là, dans le bureau de son garage avec un café, c'était tout à fait adapter pour entamer ce genre de conversation.

   Il avait l'air de répondre tout à fait honnêtement à mes propos. Il semblait comprendre, tout du moins, chose qui n'était pas tout à fait gagnée. Même si son envie de me venger ne m'enchantait pas vraiment et que je le faisais savoir, il était têtu de ce côté là, me le justifiant par le fait que s'il veut le faire c'est pour me protéger et parce qu'il ne pouvait pas faire autrement, que c'était plus fort que lui. Si quelqu'un me faisait du mal, il fallait qu'il riposte. Je le regardais, sans savoir vraiment comment le prendre. Je décidais de ne pas faire de suppositions, qu'elles m'avaient fait déjà assez de mal comme ça jusqu'aujourd'hui. « Ecoute si tu veux me venger je t'en prie, mais ne compte pas sur moi pour te donner trop de détails.. Je ne veux plus y penser.. Je veux aller de l'avant je voudrais juste.. je voudrais juste effacer tout ça » dis-je touchant mon bras, à un endroit sous mon haut où j'avais un bleu. « Je voudrais juste redevenir.. enfin.. j'ai du mal à me reconnaître à vrai dire.. » dis-je d'un souffle, un peu presque honteuse de l'avoir avoué et aussi avec le mal que je peux avoir à me confier. Mais c'était ça. Et avec qui j'étais le plus Louise possible? Avec Noah. J'espérais au fond qu'en étant avec lui, je sentirais la flamme de la vraie Louise jaillir. Enfin, c'était ce que j'espérais. Il soupirais beaucoup, se frottait le visage avec les mains, je l'embêtais plus qu'autre chose avec mes grands discours. En même temps, je n'allais pas le blâmer, nous n'étions pas fait pour ça tous les deux.

   Néanmoins, je parlais de mes doutes sur le fait qu'il tienne à moi pour une raison ou une autre. J'avais besoin de sa réponse, de savoir si j'étais dans le faux ou dans le vrai. En fait, s'il faisait exprès ou pas de me faire du mal, et si oui ou non il tenait à moi, simplement. Il me disait qu'il ne voulait pas m'emmener dans ses conneries, qu'il faisait toujours tout pour tout foutre en l'air. J'ouvrais la bouche pour émettre des contre arguments mais la refermait rapidement. A quoi ça m'amènerait? Il avait raison, il ne pourrais jamais me donner ce que je voulais vraiment. J'avalais alors, baissant les yeux pour faire passer une grimace à cause de mon mal puis je les relevais pour trouver une réponse plus adéquate. D'abord, j'hochais la tête pour acquiescer, n'ayant toujours pas trouvé quoi répondre. « D'accord.. Mais je.. j'ai besoin d'avancer.. Je.. » Je me pinçais les lèvres, là c'était vraiment une montagne que je voulais affronter. « Depuis toujours je suis incapable de.. enfin de passer à autre chose. Et si tu.. Enfin si tu me dis tout ça, je... enfin il va falloir que j'y arrive, parce que je peux plus.. » lui dis-je alors le regardant dans les yeux. « Enfin je pourrais mais, pas si je dois continuer à avoir mal pour ceci ou cela et te piquer des crises alors que, voilà. » J'étais complètement paumée dans mes propos, évidemment. Pourtant, je trouvais que l'idée y était alors je ne cherchais pas à reformuler. Je posais le café pour jouer avec mes doigts. « Je crois que je vais te laisser, merci pour le café. » lui dis-je alors, ne sachant plus où me mettre après tout ça.