Ma famille et moi, on avait pas beaucoup d'argent, mais s'il y avait bien une chose que je m'étais assuré d'avoir en arrivant à Miami, c'était une maison sur le bord de la plage. Elle était petite, mais au moins, on avait une vue de rêve. Mon père était parti quelques jours pour être sur la débauche avec une femme qu'il venait de rencontrer - grosse surprise - et mon petit con de frère Sam avait décidé de faire une fête. Il n'avait que 17 ans, mais une chose était certaine, les gens ici n'avait pas son âge. Je lui avais donné la permission parce que ce gamin avait besoin de s'amuser, mais là ça avait dégénéré et tout le quartier y était. J'étais à l'intérieur et je veillais à ce que personne ne casse rien, j'avais un peu l'air de la grande soeur casse-couille, mais c'est moi qui payait tout ici alors j'avais amplement le droit. Un des amis de Sam ouvrit le congélo et y repéra un petit sac de drogue dans le fond, je m'empressa de lui arracher des mains et de lui faire un sermon. Il se croyait où là? On savait que je vendais de la drogue et on venait toujours m'en demander. J'en vendis au plus vieux, mais pas au mineur. Hors de question. J'allais pas avoir une overdose de petits mecs sur la conscience. Je monta à ma chambre histoire de mettre le fric que je venais de faire dans mon petit coffre de sûreté, on allait pouvoir payer une partie de l'hypothèque avec ça. En redescendant, j'avais l'impression qu'il y avait encore plus de monde qu'avant. On m'intercepta dans les marches avec un petit regard de prédateur. « Hey Arielle, on monte à ta chambre toi et moi? » me demanda un pote de mon frère. « T'as quel âge au juste, 15 ans? » demandai-je dégoûtée. « 16. » me répondit-on avec un clin d'oeil. Je le dégagea d'une main et m'enligna vers la porte arrière. J'avais besoin d'air.

Je pris une bouteille d'eau au passage, parce qu'après tout, je ne buvais pas d'alcool et me retrouva sur mon porche arrière. Je décida de faire quelques pas et d'aller m'asseoir dans le sable. Y'avait beaucoup de monde de la fête qui était dehors aussi, mais l'ambiance était moins étouffante. Je pense aussi que c'était les gens plus vieux qui étaient sortis pour fumer ou avoir un peu d'intimité. J'entendis des bruits de pas et j'entendis aussi mon prénom, tout près. Je me retourna, un peu surprise et reconnu mon interlocuteur. « Charlie!! » dis-je d'un ton joyeux. Charlie était auparavant un client devenu ami. Enfin, je crois. Je m'étais beaucoup attaché à lui et je savais qu'il avait eu des problèmes. C'était entre autre pour ça, pour sa santé que j'avais décidé d'arrêter de lui vendre ce qu'il me demandait, il y a maintenant un an. Je l'avais perdu de vue depuis. Je me leva, enleva le sable de moi et le prit dans mes bras. « Je suis tellement contente de te voir! » lui dis-je avec un petit sourire. Il ne semblait pas totalement dans son assiette par contre, ça m'inquiéta un peu. « Est-ce que tu vas bien? » demandai-je en fronçant des sourcils.

En me baladant aux alentours de la demeure d'Arielle, je me rendis bientôt compte que quelqu'un y donnait une fête. Sûrement pas elle, m'étais-je immédiatement dit. Je ne pouvais pas affirmer que nous étions très proches, mais je la voyais assez mal organisatrice de soirée. Surtout que cette soirée avait l'air fameuse, vue de l'extérieur. La musique retentissait à en faire bourdonner tout Miami, l'alcool semblait couler à flot... Et puis, la demeure d'Ari était absolument sublime. Pas spécialement grande, mais donnant sur la mer. J'aurais été prêt à de nombreuses choses pour me réveiller chaque matin avec une telle vue. Assis sur un banc là où commençait la plage, je gardais les yeux fixés sur la demeure. J'étais nerveux. Je n'étais pas là par hasard ; je savais même très bien pourquoi j'étais venu là, et pourtant, c'était comme si je refusais d'accepter ces raisons. Pourquoi est-ce que d'un seul coup, j'avais décidé de me rendre chez Ari ? Alors que nous ne nous étions pas vus depuis pratiquement un an... ? La réponse était facile. J'avais besoin de quelque chose. J'en avais envie. La douce sensation de la défonce me manquait. La douleur, au début, la brûlure, et puis l'envol. Quelques heures de pure extase, d'oubli complet. Cette sensation délicieuse me manquait. J'étais clean depuis déjà plusieurs mois, presque une année complète... Les médecins m'avaient strictement interdit le moindre usage de drogue. J'avais suivi leur conseil pendant un temps... pendant beaucoup trop longtemps. Pourquoi replonger maintenant, me direz-vous ? Peut-être parce que maintenant, j'en avais envie pour les bonnes raisons. Du moins, c'était ce que je croyais. Avant, je savais que j'utilisais la drogue dans le seul but de me détruire à petit feu. Après mon overdose médicamenteuse, j'avais été terrifié d'en refaire une et me tenait loin de toutes les drogues possibles. Je peinais même à avaler les médicaments que me prescrivaient les médecins. Mais aujourd'hui, tout cela était terminé.

Après avoir réfléchi assez longtemps, je me levai et me décidai à rentrer chez Arielle. Évidemment, je n'étais pas invité, mais il avait l'air d'y avoir tellement de gens qu'il y avait peu de chance que l'on me remarque. Au pire, je pourrais toujours dire que j'avais été invité par un invité... ou quelque chose du genre. Je poussai le portique, traversai la terrasse et entrai à l'intérieur. Une chose était sûre, je n'étais pas du tout à l'aise. Mon anxiété sociale me bouffait depuis ma sortie de l'hôpital et les choses étaient loin de s'être arrangées, ces derniers temps. La vie en société m'était devenue difficile. Et cet endroit représentait précisément ce qu'il y avait de pire pour moi : un grand groupe de gens que je ne connaissais pas. Rapidement, je me sentis oppressé et surtout, terrifié. Je me précipitai de nouveau vers l'extérieur. À ma grande surprise, j'aperçus la silhouette d'Arielle, un peu plus loin devant moi. Bingo. Sans trop réfléchir, car encore un peu paniqué par mon anxiété, je l'appelai. La jeune femme se retourna rapidement. « Charlie !! Je suis tellement contente de te voir! » Me salua-t-elle joyeusement. Je lui répondis d'un petit sourire. Le cœur n'y était pas vraiment, à vrai dire. « Est-ce que tu vas bien? » Me demanda-t-elle. La jolie blonde avait sans doute remarqué que tout n'allait pas correctement. « Ça va ». Et c'était la vérité ; j'allais bien, ces temps-ci. Simplement, j'éprouvais cette bizarre appréhension à l'idée de retoucher à la drogue. « Dis-moi... T'aurais quoi pour moi pour environ vingt dollars ? » lui demandai-je d'un ton entendu. Je n'avais pas beaucoup d'argent sur moi. J'espérais que sa réponse serait positive.

Cette fête était juste un mauvais moment à passer. Dommage qu'elle était chez moi, je ne pouvais pas m'en sauver et je ne pouvais clairement pas juste aller me coucher. D'ailleurs, j'avais mis ma chambre comme lieu interdit et j'espère que Sam l'avait fait respecté. Manquerait plus que je retrouve un petit couple de jeune ados dans mon lit, ça aurait été le comble. J'avais besoin d'air, y'avait trop de fumée, trop d'alcool et trop de gens dans ma cuisine. Je sortis par l'arrière et pu profiter d'un peu de vent frais. Je ne connaissais absolument personne ici et la seule raison pour laquelle on m'abordait, c'était pour m'acheter de la drogue. Très plaisant comme soirée. Faut dire, j'étais habituée, c'était un peu mon quotidien. Les gens savaient que j'en vendais de la bonne et le bouche à oreille à Miami, ça faisait tout. Tout de même, je profita d'un petit moment de calme sur la plage lorsque j'entendis mon prénom.

Lorsque je me retourna et aperçu Charlie, j'étais partagée entre la joie et la surprise. Ça faisait tellement longtemps que je ne l'avais pas vu et que je n'avais pas eu de nouvelles non plus. Je ne savais pas trop si j'avais été seulement un moyen pour lui d'obtenir de la drogue ou si on avait été quand même amis durant le moment où on se côtoyait. J'étais donc semi déçue de ne plus avoir entendu parler de lui, mais comme je disais le bouche à oreille faisait beaucoup à Miami et j'avais entendu entre les branches qu'il allait bien maintenant. J'étais contente de savoir ça. Cependant, ce soir il ne semblait pas trop dans son assiette. J'alla le rejoindre avec quelques personnes autour sur la terrasse. Je lui demanda donc si ça allait et il me répondit d'une façon plutôt nonchalante. Je n'eus pas trop le temps de lui demander pourquoi qu'il me demanda si j'avais pas un truc à lui vendre. Mon sourire disparu aussitôt. « Charlie...» commençai-je hésitante. Je pourrais clairement lui vendre un truc. Je ne pouvais pas me permettre de cracher sur 20 dollars, pas en ce moment. Mais, il s'agissait de Charlie et je ne voulais pas non plus qu'il replonge là dedans et qu'il se détruise davantage. « J'suis désolée mais.. J'vais pas te vendre quoi que ce soit. » lui dis-je fermement. Je lui pris le bras et le tira avec moi un peu plus loin sur la plage, loin des gens. Je me mis face à lui et le regarda. « J'veux pas que tu crois que je fais ça pour te faire chier Charlie, c'est juste pour ton bien. » lui dis-je en lui tenant toujours le bras. Je ne voulais pas qu'il m'en veule non plus.

J'ignorais pourquoi je me sentais aussi fébrile. C'était Ari, pas une étrangère. Je ne savais pas quelle était exactement la nature de notre relation, si c'était seulement un lien purement client/vendeur, ou une sorte d'amitié. Je n'aurais su le dire, et quelque chose me disait qu'elle non plus. Peut-être était-ce tout ce monde autour de moi qui me rendait nerveux. Et peut-être aussi était-ce le fait que j'allais retoucher à la drogue, chose que j'avais arrêté depuis déjà presque un an. Je n'avais jamais été un addict, simplement... Au début, ça n'était que pendant des soirées. Quand j'étais au lycée, un petit joint de temps à autre. J'avais arrêté tout cela en entrant à l'université. Et tout avait basculé après la mort de ma sœur. Je m'étais mis à sortir à outrance, sortir et me péter le crâne juste pour ne plus entendre mes pensées. La drogue était devenue mon avis, et notamment la coke, le parfait moyen d'évasion. J'avais forcé, forcé la dose jusqu'à ce que mon corps ne puisse plus suivre. Mon overdose n'était pas officiellement due à la drogue, mais aux médicaments... le cocktail étant explosif. Mais j'avais été traité pour mes différentes addictions ; mon corps avait été traité, mais aussi mes divers traumatismes qui me poussaient à me raccrocher sur ces substances. Bref, tout allait bien. Je voulais seulement m'évader un peu, quel mal y avait-il à cela ? Je n'allais pas retomber dedans, ça, c'était sûr. J'avais trop peur de retomber dans le cercle vicieux dont j'avais finalement réussi à échapper, non sans peine. Je voulais m'amuser. Pourtant, j'étais nerveux. Quelque part, n'était-ce pas là une régression ? Ou peut-être pas, d'ailleurs. J'étais néanmoins persuadé que dans le fond, ce qui changeait était pourquoi je désirais cette drogue. Je voulais m'amuser et non plus me détruire avec.

J'étais donc enchanté de croiser Ari. C'était d'ailleurs dans ce but que je m'étais décidé, malgré l'effort que cela me demandait, à entrer et à me faufiler parmi cette foule d'inconnus. La jeune femme parut ravie de me voir, et presque prête à me faire la discussion, tandis que je lui demandais de but en blanc ce qu'elle avait pour moi pour vingt dollars. Vingt dollars, sans être un gros budget, ce n'était tout de même pas rien. Le sourire de la jolie blonde disparut aussi vite qu'il était apparu, et je me sentis immédiatement un peu plus. Elle était venue vers moi dans une démarche amicale et voilà que je lui demandais, comme ça, ma came. Pas très correct, je devais l'admettre. Est-ce que le manque me transformait en grosse brute impolie ? Possible, songeai-je. « Charlie...» Commença-t-elle. J'inclinai la tête, intrigué par son intonation. « J'suis désolée mais.. J'vais pas te vendre quoi que ce soit. » Me dit-elle aussi d'un ton ferme. Avant que j'aie le temps de répondre, elle me saisit le bras et m'emmena un peu à l'écart des autres, sur la plage. Je la regardais, un peu agacé mais surtout très étonné. C'était Ari, jamais elle ne m'avait refusé ! « Quoi ? Je comprends pas... » marmonnai-je. « J'veux pas que tu crois que je fais ça pour te faire chier Charlie, c'est juste pour ton bien. » expliqua la jeune femme, la main toujours enroulée autour de mon bras. Je devais la regarder d'un drôle d'air. Je ne savais pas comment prendre ton ça. «... Mon bien ? Qu'est-ce que tu me chantes Ari ? » De quoi parlait-elle ? Je ne lui avais jamais dit pour ma dépression. « Allez, tu me connais. J'suis clean, moi. Je te paye toujours, je fais pas chier, pourquoi tu me refuses ? Pour mon bien ? » dis-je d'un ton calme. Je n'allais pas m'énerver pour des broutilles de drogue. « Je vais bien, tu peux me croire. Vraiment. Ça se voit pas, que je vais bien ? ». J'aurais dit n'importe quoi pour avoir la came.

J'étais tellement surprise de tomber sur Charlie ce soir, après tout ça faisait quoi.. 1 an? 1 an dans le silence, sans nouvelles. Mine de rien, je le connaissais bien Charlie, je l'avais observé. Toutes les fois où il était venu m'acheter de la drogue dans le simple but de se détruire. Je l'avais vu se détériorer, je l'avais vu plonger dans une spirale sans fin. C'était ça que ça faisait la drogue, la coke, tout. Si en plus on a des problèmes dans notre vie, on oublie, on connecte plus à la réalité. J'avais observé assez de gens pour le savoir sans avoir besoin de le vivre moi-même. Charlie faisait partie de ces personnes. J'avais voulu, un bon nombre de fois, lui refuser. Je voulais qu'il arrête de se détruire de la sorte, je tenais à lui quand même. Mais j'avais jamais pu parce que bon... C'était Charlie. Ce mec savait pertinemment comment avoir ce qu'il voulait. Pas qu'il était manipulateur, mais il trouvait les bons mots, faisaient les bonnes petites têtes mignonnes juste pour m'avoir et faire en sorte que je lui vende ce qu'il voulait. J'avais bien compris son stratagème.

Lorsqu'il était arrivé vers moi, j'étais contente, amicale. Ça faisait longtemps après tout. Sauf que Charlie voulait de la drogue. Il me le dit tout simplement, sans à peine dire salut. J'étais assez surprise, je pensais qu'il avait tout arrêté. Je lui déclara donc que non, je n'allais rien lui vendre. Il ne comprenait absolument pas. Je me sentais mal, mais je devais tenir mon point.. Pour son bien. « Oui pour ton bien... Tu sais bien ce que ça te fait la drogue Charlie. » lui dis-je un peu sur mes gardes. Je ne voulais pas l'insulter non plus, mais il devait bien se connaître avec ces substances. « Je le sais, c'est pas ce que je dis...Putain Charlie, rends pas ça plus compliqué. » lui dis-je. Je détestais ce genre de situation. Je lâcha son bras et prit ma tête entre mes mains. Je respira un bon coup. « Oui, là tu vas bien.. Ça fait combien de temps que t'as rien pris justement? » lui demandai-je. Je le regarda dans les yeux. Il était en manque, ça se voyait, ça se sentait. Ça aussi, j'en avais déjà vu. Pour moi, Charlie était un ami et je lui devais ça, je lui devais d'être honnête et de vouloir son bien. « Gâche pas tout. » lui dis-je doucement en cherchant son regard. « T'sais, Miami c'est pas si gros, j'en ai entendu parler de ce qui s'est passé. » lui dis-je d'une petite voix. Je posa ma main sur sa joue droite pour tourner sa tête afin de le forcer à me regarder. « J'fais ça pour toi. » répétai-je.

Cela me faisait tout drôle de retrouver Arielle après, quoi, presque un an sans l'avoir vu ? Je ne savais même pas quelle était la nature de notre relation, aussi ne savais-je pas trop comment me comporter. Est-ce que je devais lui demander de ses nouvelles, devais-je me comporter comme un ami ? Et dans ce cas, quel piètre ami je faisais, n'ayant pas cherché à la contacter depuis quasiment dix mois..! La seule chose dont j'étais certain, et qui ferait probablement un excellent sujet de conversation, était qu'Arielle aurait sûrement ce que je désirais : de la drogue. De la coke, plus spécialement, même si je n'aurais pas craché sur un petit joint. Je ne pensais pas une seule seconde qu'Ari me le refuserait. Elle ne l'avait jamais fait ; et puis on ne crache jamais sur l'argent, n'est-ce pas ? Je lui offrais vingt dollars. Ce n'était certes pas une somme faramineuse mais c'était déjà ça de gagné. Ari se montra amicale, plus que moi, d'ailleurs, ce qui me conforta dans l'idée que j'allais partir d'ici avec un pochon de poudre blanche dans la poche.

Mais Arielle ne semblait pas l'entendre de cette oreille, et à ma plus grande surprise, refusa tout bonnement de rien me vendre. J'étais étonné. Alors, quoi, elle avait un excès de je ne sais quoi, "d'éthique" et ne voulait plus m'en vendre ? Autant qu'elle arrête son activité, alors ! Ce n'était pas en ayant une conscience qui la travaillait qu'elle allait se faire de l'argent. Gardant mon calme, j'essayai de trouver les mots pour la convaincre de me refourguer ma came. J'étais déterminé à l'avoir ; et puis si elle persistait à ne pas vouloir m'en vendre, rien ne m'empêchait d'aller voir ailleurs. Si j'allais la voir, c'était parce que l'on était relativement proches et que, par conséquent, elle me faisait régulièrement des prix d'amis. Mais si elle voulait perdre un client... libre à elle. « Oui pour ton bien... Tu sais bien ce que ça te fait la drogue Charlie. » me dit-elle. J'haussai un sourcil interrogateur. Que voulait-elle dire par là ? Je n'avais pas le souvenir qu'elle m'ait déjà vu complètement défoncé ou mis mal par la drogue. « Je le sais, c'est pas ce que je dis...Putain Charlie, rends pas ça plus compliqué. ». Alors là, je ne comprenais plus rien. C'était le monde à l'envers, non ? Depuis quand un dealer refusait une vente ? Les gens qui exerçaient cette activité étaient plutôt connus pour leur avidité et leur férocité que pour leurs remords ou leur moral. J'avais toujours su qu'Ari était différente, mais à ce point... « C'est pas moi qui complique tout, c'est toi. Je vois pas ce qu'il y avait de compliqué dans ma demande » dis-je d'un ton un peu sec. Je m'étais mis en tête que j'allais repartir avec de la drogue, mais je sentais que j'allais repartir seul avec ma frustration. « Oui, là tu vas bien.. Ça fait combien de temps que t'as rien pris justement? ». Je ne voyais pas trop où elle venait en venir. Intrigué, mais pas moins méfiant, je ne dis rien. Ari planta son regard dans le mien, ce qui eu pour conséquence de me mettre incroyablement mal à l'aise. « Gâche pas tout. T'sais, Miami c'est pas si gros, j'en ai entendu parler de ce qui s'est passé. » Mes yeux s'étaient ouverts en grand. Est-ce qu'elle faisait référence à...? Oui, évidemment qu'elle parlait de ça. De quoi d'autre aurait-elle pu parler ? Merde. « Quoi..? Comment tu...? » Elle posa sa main sur ma joue avant que je puisse continuer ma phrase. « J'fais ça pour toi. » Je la regardai un instant sans rien dire. Je ne savais pas quoi penser de tout ça. Déjà, je me demandais comment elle l'avait appris. Peut-être par Nightmare... Je n'avais pourtant pas la moindre envie que l'on me connaisse dans la ville comme étant le mec bizarre ayant tenté de se suicider. Je la regardais, cherchant mes mots. « Je te promets, Ari, cette fois-ci, c'est pas pareil. Je vais bien, vraiment bien, tout ça est derrière moi » dis-je plus doucement. J'essayais d'y mettre le maximum de conviction dont j'étais capable. « Avant, j'avais besoin de la drogue. Oui, c'est vrai, à un moment j'étais complètement accro. Aujourd'hui, la différence est que j'en ai simplement envie » continuai-je en la regardant dans les yeux. « J'veux juste... souffler, tu vois ? M'amuser un peu, oublier mes soucis juste pour quelques heures... Rien de plus, je te le promets ».

Peut être que je n'étais pas vraiment fait pour ce métier au fond. C'est vrai que souvent, je laissais mes sentiments prendre le dessus. En général, lorsqu'il s'agissait d'inconnus, je m'en fichais davantage. Sauf que dès qu'il était question de gens que je connaissais.. Je devenais un peu trop protectrice. Comme si mon côté maternel prenait le dessus. Même si bon, je n'avais pas vraiment de côté maternel, c'était plus le fait d'avoir prit la place de ma mère chez moi. J'aimais vendre de la drogue parce que ça me rapport assez d'argent pour vivre. Je n'aimais pas vendre de la drogue parce qu'il s'agissait de drogues et que les effets étaient la plupart du temps très néfastes sur les gens. Lorsque ça touchait mes proches, comme là avec Charlie, ça me donnait envie de tout arrêter. J'étais au courant de ce qui s'était passé avec lui et sa consommation. Miami en entier devait l'être, vu comment les rumeurs allaient dans cette ville. Disons qu'il ne me rendait pas la tâche facile en niant le tout. Charlie était comme ça en même temps... Il faisait toujours tout passé comme si c'était moins grave que ce l'était réellement. Il était doué en fait. En même temps, sa gueule d'ange l'aidait beaucoup. Il pouvait avoir ce qu'il voulait. J'étais déterminé à ne pas céder. Pour son bien. Et c'est exactement ce que je lui dis. Que je faisais ça pour son bien. « Charlie...» commençai-je. Mais il ne me laissa pas le temps de continuer. Il affirmait qu'il allait bien. Il me fixait dans les yeux, se montrait convainquant. Je ne voulais pas qu'il se fâche non plus ou bien qu'il s'en aille. Un autre dealer n'hésiterait pas à lui vendre n'importe quelle connerie et ça, je ne voulais pas que ça arrive. Je fermai les yeux puis les rouvrit. « Oh my god, tu m'énerves. » dis-je en cédant. Je sortis de ma poche de quoi pour qu'il se roule deux joints environ. Je n'allais rien lui vendre de plus fort. « Je te vend ça et c'est tout. Pas de coke, rien qui te fera délirer. » lui dis-je en le fixant. Mon dieu qu'il était doué ce mec. Je le voyais, il était fier de lui là. Je rigolai un peu avec lui alors qu'il prenait le sac et me tendait l'argent, puis je lui tapa doucement l'épaule avec ma main. « Pourquoi t'as cette tête aussi adorable hein? » lui dis-je. C'était IMPOSSIBLE de lui dire non. Je lui pris le bras et l'entrainai pour marcher sur la plage alors que Charlie profitait de son achat. Je m'arrêtai pour le regarder. « Tu savais que j'allais céder. » déclarai-je sans que ce ne soit une question. Il le savait, c'était évident. C'est pour ça qu'il ne s'était pas énervé contre moi.

Je devais admettre que j'avais l'air assez pitoyable, à presque supplier Arielle de me vendre quelque chose. Je devais avoir l'air d'un espèce d'addict qui pétait un plomb parce qu'il n'avait pas eu sa dose. Dans un sens, je comprenais Arielle. Il y avait une période où je venais la voir, peut-être un peu trop souvent, et où je lui demandais des doses de plus en plus conséquentes. Elle avait dû voir mon évolution, de mes débuts où c'était une petite dose de temps à autres, jusqu'à la dernière fois où je l'avais vu, peu de temps avant mon overdose. Je n'avais été que l'ombre de moi-même, à cette époque. Un vrai fantôme, sans arrêt bourré d'un dangereux mélange de drogue, d'alcool et de médocs qui avait bien failli avoir ma peau. Arielle m'avait connu pendant cette douloureuse période de ma vie et dans une certaine mesure, je comprenais qu'elle ne voulait plus m'en vendre. Elle n'avait pas envie d'être la cause de ma chute, surtout qu'apparemment, elle avait appris pour ma tentative de suicide... Mais tout était différent aujourd'hui, et j'espérais bien la convaincre. Je voulais juste m'amuser, il n'y avait pas de mal à ça. J'étais guéri, ou en voie de guérison comme disait les médecins. Cela faisait presque un an que je n'avais rien touché et je voulais aujourd'hui m'en féliciter. Arielle ferma les yeux un instant. « Oh my god, tu m'énerves. Je te vend ça et c'est tout. Pas de coke, rien qui te fera délirer. » dit-elle en râlant à moitié. Elle sortit de sa poche un pocheton contenant à vue d'oeil environ 2 à 3 grammes de cannabis, suffisant pour deux bons joints. Je me tournai vers elle, un grand sourire aux lèvres. « Pas de soucis, je demandais pas mieux ». J'étais en vérité assez content de moi. J'étais passé d'un 'non' sec à ça, aussi n'en n'étais-je pas peu fier. Je souriais comme un imbécile heureux. Je sortais de ma poche quelques billets que je lui donnais discrètement. « Pourquoi t'as cette tête aussi adorable hein? » Arielle souriait également, et sa remarque provoqua chez moi un petit rire. C'était une remarque qu'on me faisait assez régulièrement, en vérité, mais je mettais cela sur mes cheveux blonds et mes fossettes qui, en plus de me donner apparemment une tête adorable, me rajeunissaient quelque peu. « Je sais pas. On me le dit souvent, en plus, mais si ça me permet d'obtenir des choses, alors je dis pas non » plaisantai-je. Je sortis de mon autre poche mon paquet de feuilles, mes cartons et mon tabac à rouler et me fabriquai rapidement un premier joint, que j'allumai avec une sorte de satisfaction non contenue. Arielle me prit ensuite le bras et nous allâmes marcher non loin de l'eau. « Tu savais que j'allais céder. » Je souris, et tirai quelques bouffées avant de répondre. « Honnêtement, au début, je pensais pas, t'avais l'air bien déterminée. Puis ensuite... Un peu, on va dire » ris-je. « Y'a juste une de tes paroles qui m'a perturbé... Tu as dis que tu savais ce qui s'était passé ? » Je me tournai vers elle pour la regarder. « Qu'est-ce que tu sais, exactement ? ».