Ton pied tapote nerveusement le sol de la superbe demeure dans laquelle tu viens de poser bagage. Un verre de vin en main, la tête légèrement inclinée sur le côté, tu observes, silencieusement ce tableau dégueulasse en face de toi. Encore une de ses idées débiles. Tu te demandes bien pourquoi t'as accepté qu'il t'aide à faire la décoration de ce qui semble être vôtre nouveau chez vous. Il a des goûts hideux, mais tu accepte, ou presque. Cette bonne femme, "une domestique", te souris après avoir accroché l'oeuvre valant plusieurs milliers de dollars sur le mur.  Elle disparaît aussi vite qu'elle n'est arrivée, certainement pour aider à ranger les cartons restants de part et d'autre dans la maison. Tu aurais pus l'aider, mais tu restais la, à fixer ce tableau, une grimace sur le visage. Ce tableau est moche. Tu t'approches d'un pas, d'un deuxième et même d'un troisième avant de faire face à la peinture. Les secondes défilent avant que finalement le contenu de ton verre de vin rouge, ou du moins ce qu'il en reste, ne soit balancé sur l'oeuvre. C'est laid de toute façon. Et hop, une connerie en moins. «Hannah. Décrochez moi ce tableau du mur et dîtes à Monsieur qu'il a été endommagé durant le transport.» Menteuse, et en même temps, ce n'est pas comme ci tu l'aimais ce foutu tableau. Il représentait à lui seul les cinq dernières années de ta vie. Fades, Monotones, ennuyeuses, tristes.

Pourtant, oui pourtant, elle était belle ta vie. Tu es née à Ottawa, t'étais heureuse la bas. Tes parents ont tout fait pour que tu ne manques de rien et tu n'as jamais manqué de rien d'ailleurs. Fille unique, bonne écolière, mignonne et gentille, intrépide et fougueuse dans le fond, la petite fille idéale. Ils n'ont pas eu besoin de plus, à toi seule, tu leurs suffisaient amplement. A l'époque, t'étais un peu timide, t'avais du mal à te faire des amis, et en même temps, si t'aurais arrêté d'avoir constamment la tête dans les nuages peut-être que tu en aurais eu plus, des amis. Tu passais le plus clair de ton temps à la fenêtre de ta chambre, à attendre que la nuit arrive pour lever la tête vers le ciel et regarder les étoiles. Depuis ta plus tendre enfance, tu les observaient, elles t'émerveillaient, te fascinaient et tu rêvais d'être projeté la bas, tout en haut du ciel pour les découvrir ses jolies étoiles, ses belles planètes. T'étais beaucoup trop rêveuse à cette époque la Naya. Mais, au moins, elles t'auront permises de rencontrer Ugo. Ugo, tu sais le petit voisin d'à côté. Tu baissais les yeux ce soir la, il était la, à sa fenêtre lui aussi. Tu le regardais, il te regardais, tu continuais à le regarder, il continuait à te regarder et ce jeu sans fin dura pendant plusieurs minutes avant que tu ne referme la fenêtre derrière toi. Ugo, il était pas seul lui. Il avait la chance d'avoir un petit rayon de soleil à ses côtés. Une petite sœur. Le genre de petite sœur que tu aurais aimé avoir, celle que tu n'as jamais eu au final. Ugo, tu ne l'avais pas croisé qu'à travers la fenêtre de ta chambre. Vous fréquentiez les mêmes écoles, et si au départ, tu t'amusais à l'observer à distance, t'avais fini, au fil des semaines et des mois à te rapprocher de lui, doucement mais sûrement. Quelques mots échangés avec lui, quelques plaisanteries, des blagues pas drôles sur le chemin de l'école, des rires, et très vite, il était devenu "l'essentiel" à ton existence. Le seul ami cher à ton cœur que tu t'autorisais. Simple, dès le réveil, tu t'empressais de jeter un oeil à cette foutue fenêtre pour tenter de l'apercevoir jouer dans le jardin, ou en route pour l'école. Il apparaissait bien souvent dans ton champ de vision, et cela suffisait pour que tu t'élances jusqu'à lui gracieusement. Ugo, bel Ugo, c'était devenu un peu ton amoureux au fil du temps. Le petit amoureux d'enfance,celui qui vole un bisou innocent sur la bouche. Naya est amoureuse-uh. Naya est amoureuse-uh".C'est ce qu'il disait tous à l'école et en vrai? Tu t'en foutais totalement, tant que Ugo continuait à partager ses journées avec toi.

Ah. Qu'elle belle amitié. Pas un jour ne passe aujourd'hui sans que tu ne penses pas à lui, sans que tu ne demandes pas ce qu'il est devenu. Ton coeur se comprime un peu plus à chaque fois que tu penses à cette petite bouille enfantine, à son sourire, à son rire, à sa personne. Tu as mal, terriblement mal, parce que Ugo, TON Ugo est parti sans que tu ne comprennes le comment du pourquoi. Il est parti, comme ça, un jour pluvieux. T'as rien pus faire pour le retenir, tu te contentais de serrer les dents et de retenir aussi fort que possible tes larmes, parce que tu savais que tu ne le reverrais jamais et que c'était trop dur pour toi. T'avais envie de le retrouver, de lui mettre une claque, de lui dire que tu le détestais, que tu l'aimais, que tu le haïssais, que t'en étais amoureuse. Tu t'étais mise à regarder à nouveau par cette fenêtre en direction de l'ancienne maison des Tremblay, la main sur la vitre froide, dans l'espoir que Ugo ferait son apparition comme à chaque fois, mais non.. Il avait disparu, totalement disparu. Il fallait que tu réalises la chose, que tu comprennes que ton précieux ami était aprti sans que tu n'ais le temps de lui dire au revoir. C'était douloureux. T'avais cette foutue impression que finalement, à ses yeux, tu n'étais rien, juste une amie, un passe temps avant qu'il ne trouve meilleur ailleurs. Depuis ce fameux jour, tu n'avais plus eu de ses nouvelles, Ugo avait disparu, à tout jamais de la surface de la terre, mais jamais dans ta tête, jamais dans ton cœur.

Les années ont filées, elles ont très vite filées, t'as continué de rendre fiers les tiens, à réussir avec brio tes études, et t'as rencontré ce mec lors d'une soirée organisée par une de tes amies au porte monnaie bien rempli. Ce mec, il en avait de l'argent. A l'époque,t'avais que vingt cinq ans, à peine. Il était classe dans son joli costume avec sa coupe de champagne dans la main, qu'il t'as maladroitement renversée sur ta robe un peu chip. Tu l'avais maudis, mais tellement, avant qu'il ne s'excuse, qu'il ne te sors son baratin de pauvre mec riche. Vous avez discutés ce soir la. Une soirée de pleine lune. Il te parlais, tu fixais les étoiles, replongeant ta tête dans tes vieux souvenirs d'enfance et avant que tu réalises quoi que ce soit, il avait osé poser ses lèvres sur les tiennes. T'aurais pus le repousser, t'es clairement pas le genre de fille facile qui se laisse embrasser comme ça en temps normal, mais.. tu t'étais finalement dis "Pourquoi pas", après tout, ont a qu'une vie.  Jamais t'aurais cru que ce mec, classe et propre sur lui, serait en réalité un véritable connard. Celui qui a l'habitude de se balader sa femme à côté de lui pour montrer à son petit monde de riches coincés qu'il compte fonder une famille un jour. T'es la, à côté de lui, en potiche, à sourire faussement au beau monde dans l'unique but de le satisfaire. Tu souris avant de lui cracher des insultes une fois rentrés.

Ce mec la pourtant, tu as accepté qu'il te passe la bague au doigt. T'es si déprimée que ça Naya? Non. Parce qu'il sait comment y faire avec toi tout simplement. A chaque fois que tu t'apprêtes à partir, bagages en main, il te rappelle à l'ordre, il sait te séduire, en te menaçant toujours plus. Il est bourré de sarcasme ce mec en vérité. Alors, vous avez finit par déménager à Miami, au bout de cinq ans de relation. Il a ouvert son cabinet d'avocats en ville, tu es restée l'éternelle amoureuse des étoiles, passionnée d'astrophysique pendant qu'il compte les billets qui entrent dans son portefeuille. Tu ne sais pas ou cette belle et nouvelle aventure va vous mener tout les deux, mais tu espères que ce changement d'air et d'horizon l'aideront à calmer ses ardeurs, ou peut-être pas.. Tu espères secrètement que quelqu'un accourt jusqu'à toi pour te sauver en réalité.