Je gare la voiture,à quelques mètres de ce bâtiment, qui semble être l'adresse indiquée sur ce bout de papier. Jamais je n'aurais pensé me retrouver ici un jour. Mais les événements m'ont poussé visiblement à changer cet état d'esprit,parfois bien trop étroit face à la dure réalité de la vie. Aujourd'hui, les choses ont changé. J'ai changé. Cette vie parfaite que je menais n'est plus, et la seule personne vers qui je me sens capable de me tourner, c'est lui... Cet homme que j'avais décidé de détester dès lors qu'il avait prouvé son admiration envers ma mère, cet homme avec lequel je me chamaillais, comme si nous étions d'une certaine façon en compétition pour obtenir les faveurs de cette dernière. Cette relation complexe semble pourtant renfermer quelques notes positives que j'avais jusqu'à présent décidé d'ignorer. Une partie au plus profond de moi me poussait vers lui sans que je n'en devine réellement la raison. Une confiance qui n'a pourtant pas lieu d'être au vu de nos différents échanges tout au long de cette relation. J'imagine qu'avoir décelé son visage parmi la foule lors de l'enterrement maternelle y était pour quelque chose. Cela avait montré son honnêteté,pas envers moi,mais envers celle que je me suis forcée a détester une bonne partie de ma vie. Il ne s'était pas servi d'elle et de sa notoriété, il avait visiblement eu assez d'attachement pour venir lui rendre un dernier hommage, et cela avait clairement redoré l'image que je m'étais faite de cet homme,qui était resté si longtemps à mes yeux, un manipulateur opportun.

Est ce que nous parviendrons à enterrer la hache de guerre et devenir ami un jour? Je n'en sais foutre rien, ce que je sais, c'est qu'avec tous les problèmes que je rencontre dernièrement,il est le seul a pouvoir les écouter sans y porter un jugement, et l'un des seuls, par son métier à pouvoir me conseiller. Ma main vient frapper sur cette porte, me donnant le temps d'attente nécessaire pour remettre en question ma présence ici. Suis-je devenue folle?! Et celle-ci vient a s'ouvrir,laissant apparaitre un visage des plus surpris. "Bonsoir" Je feigne un semblant de rire (enfin je crois), et me retrouver a subir ce silence qu'il impose,probablement en attente de réponse. "Je peux..." ma main désigne l'intérieur de l'appartement. Après toutes ces années de haine, je ne suis pas à l'abri qu'il me claque la porte au nez, mais je suis prête à prendre le risque. Je passe cette dernière après qu'il m'est lancé l'invitation,découvrant un endroit chic et ordonné. "J'ignorais que tu t'intéressais à l'art" lachais-je en remarquant les différentes toiles affichées dans son salon. Il était pourtant venu faire un saut dans ma galerie, mais j'étais restée persuadé qu'il avait s'agit là d'une simple possibilité de m'afficher devant la foule. Je me tourne vers lui, haussant les épaules avec une attitude faussement naturelle. "Je voulais te rendre ceci" Je sors une pochette à rabat de mon sac pour le lui donner. "Elle voulait que ça te revienne" Je n'avais aucune idée de ce qu'elle pouvait contenir mais ça m'importait peu. " Je voulais aussi de remercier d'être venu lui rendre hommage, je sais qu'elle n'aurait pu être plus ravi de te savoir présent dans un moment pareil"...

Je suis chez moi, tranquillement. Les affaires vont bien en ce moment, je potasse sur un lourd dossier avec un juge, Elijah. Ce n'est pas un cas simple alors j'y mets beaucoup d'énergie. Après tout ce qu'il s'était passé, il fallait que je me re-concentre sur l'essentiel : mon travail. J'avais l'impression de m'être un peu perdu ces derniers temps alors j'en avais besoin et ce cas était arrivé à point nommé. Je bossais sur mon bureau, dans mon salon de l'appartement dans le calme. Lunettes sur le nez, j'étais à fond dedans. Je décortiquais le dossier de A à Z afin de trouver toutes les failles et je grattais sur mon bout de papier sur le côté. Je n'attendais pas du tout que ma porte ne m'indique que quelqu'un me rendait visite. pourtant, ce fut le cas.

En ouvrant la porte, je restais sans voix. Elisha Parker. Alors là, déjà je n'attendais personne mais alors j'aurais pu imaginé tout le monde sauf elle. Rappelons qu'elle et moi ne nous entendons pas tellement. A New York, sa maman avait été un vrai mentor et modèle pour moi. Je l'adorais et l'admirais, surtout. J'avais commencé ma carrière avec elle et j'avais appris le plus avec elle. J'étais l'avocat d'aujourd'hui grâce à elle, je ne le savais que trop bien. La voir me rappelait les funérailles de sa maman. Cela avait été un choc pour moi. C'était un vide qu'elle laissait, puisque je me fondais sur elle dans ma carrière. Je pensais souvent à ses dires, à ses conseils. J'avais été bouleversé de son départ. J'avais vu qu'Elisha avait remarqué ma présence mais je n'avais voulu qu'on se dispute ce jour-là. Je m'étais fais sentir comme présent dans cette douleur, sans plus. Peut-être était-ce ce qui levait le drapeau blanc? Je n'en savais rien. Alors que mon amour pour sa mère nous avait tout de suite mis en conflit, aujourd'hui nous rapprocherait-elle? Je la regardais alors qu'elle entrait chez moi. Elle ne manquait pas d'observer et de commenter. Je levais un sourcil à sa remarque. Pourtant, j'étais entré dans sa galerie d'art sans savoir que j'allais tomber sur elle, elle était là. Elle pensait vraiment que j'étais entré en sachant que c'était elle? Je secouais la tête. Je soupirais au lieu de répondre. Elle se tournait et elle me tendait une enveloppe scellée en me disant qu'elle venait de sa mère. merci lâchais-je enfin, laissant entendre ma voix. Je la prenais soigneusement me doutant de ce que ça pouvait être mais je ne le dirais pas à sa chère fille. Je la regardais alors qu'elle continuait en disant qu'elle me remerciait d'avoir été là. Je fronçais encore les sourcils. Il y avait quelque chose qui clochait. c'est normal. elle comptait beaucoup pour moi, je ne te l'apprends pas. répondis-je alors en tenant l'enveloppe contre moi. qu'est-ce qui se passe? Tu n'es pas venu ici pour simplement me dire merci? J'imagine qu'il t'a fallu tout le courage du monde pour toquer à ma porte alors un faire part aurait suffit. Alors accouche. Je n'étais pas dupe à ce point non plus.

C'est étrange, j'ai passé une bonne partie de ma vie à savoir exactement ce que je voulais, à me donner un but bien précis à atteindre, et que j'ai d'ailleurs souvent accompli, et voilà que ces dernières semaines avaient tout remis en question. La disparition de ma mère y était probablement pour quelque chose, et je pensais que cet état d'esprit n'était que passager et résultait uniquement de la perte de ce proche, mais la tristesse s'en est allait, et je garde ce sentiment étrange, celui que personne ou quoique ce soit ne semble vouloir combler. Je suis un peu perdue, toutes les idées que je me suis faites sur la vie semblent aujourd'hui incensée. Ce poids moral semble m'enfoncer, et je lutte pour pouvoir m'en défaire.
Ma présence chez Ugo en est un ultime recours. Je ne parviens pas à comprendre mes motivations, et je paris sa s aucun doute sur la surprise dont il va faire preuve en me découvrant sur le pas de la porte. Nous ne sommes pas amis, bien au contraire. Cette image peu flatteuse que nous avons l'un de l'autre est bien trop lointaine pour pouvoir la changer, et pourtant... Je mets ce soir ma fierté de côté pour oser me pointer chez lui, mesure t'il seulement le courage que cela me demande? J'entre chez lui, timidement, observant cette décoration, comme si elle pourrait révéler des choses que je ne sais pas à son égard. Il faut dire que malgré les années, je me suis faite à l'idée que le détester était plus facile que d'apprendre à le connaître. Je ne le connais pas, je n'ai retenu de lui que ce que j'ai bien voulu voir à l'époque, le masque du méchant étant la solution pour pouvoir détester la seule chose dont ma mère semblait attacher. L'enveloppe que je lui tends ne semble pas le surprendre, comme si le lien qu'il avait avec cette femme était bien plus fort que celui que j'avais partagé avec elle. "C'est normal. elle comptait beaucoup pour moi, je ne te l'apprends pas." Je hoche brièvement de la tête. "Je sais...et c'était évidement réciproque. Ca me rassure de savoir qu'elle pouvait avoir quelqu'un sur qui compter, un véritable ami". Oui, elle était très bien entourée, mais je restais persuadée que peu de ces personnes l'appréciaient pour ce qu'elle était réellement. Son air impassible parvient à me rendre presque nerveuse. "qu'est-ce qui se passe? Tu n'es pas venu ici pour simplement me dire merci? J'imagine qu'il t'a fallu tout le courage du monde pour toquer à ma porte alors un faire part aurait suffit. Alors accouche. " je laisse échapper un souffle, et un sourire nerveux se glisse sur les lèvres alors que mes doigts viennent frotter le haut de mon visage. "Je sais pas" Stupide? J'avais pourtant le cran de l'assumer face à cet homme qui n'avait jamais eu l'occasion de voir l'once d'une faiblesse concernant. "J'aimerais pouvoir te dire que je suis rassurée que sa disparition puisse mettre un terme définitif à nos échanges, mais je n'y arrive pas" Je hausse les épaules, me pinçant les lèvres avant de planter mon regard noir dans le sien "J'ai juste besoin de me changer les idées". Serait-ce un appel à l'aide? Un lever de drapeau blanc le temps d'une soirée? Va savoir..." T'as un truc à boire?" J'esperais qu'il reconnaisse le courage que cela me demande, mais je n'étais cependant à l'abri qu'il ne décèle pas ma détresse et qu'il refuse de faire un pas lui aussi.

Je crois que si on m'avait demandé si j'y croirais en me décrivant cette scène : j'aurais ri aux éclats. Une petite Elisha qui vient toquer à ma porte sans visiblement de vraies raisons à part le deuil de sa mère de qui j'étais proche - et c'était ça la source première de nos fights - je n'y aurais jamais cru. Pourtant, elle était là en face de moi et elle avait vraiment l'air... mal. Sur le coup, je le prenais direct à la confrontation à lui demander ce qu'elle me voulait alors qu'elle me remerciait d'avoir été là pour sa maman. Elle me répondait avoir été rassuré de savoir que des gens avaient été là pour elle, de vrais amis, dont moi. Je fronçais les sourcils. c'est bien de s'en rendre compte un jour. je l'avais toujours été mais c'était la première fois qu'elle me le soulignait. Faut dire, d'habitude, à part se jouter dessus on fait pas grand chose.

Quand je lui demandais ce qu'elle me voulait, elle me répondait qu'elle ne savait pas. Elle me disait qu'elle ne mettait pas fin à nos échanges malgré la disparition de cette dernière et finit par me dire qu'elle avait besoin de se changer les idées. Je voyais bien qu'elle avait l'air vraiment perdue et triste, même si elle cherchait à faire des mini sourires forcés. Je soufflais alors, j'allais devoir prendre sur moi. Elisha n'était pas une femme que je portais forcément dans mon coeur de base mais, elle restait la fille de quelqu'un que j'avais vraiment aimé alors... Sur un élan d'amour pour cette dernière, je fermais la porte derrière elle. Elle me demandait à boire. Va t'installer dans le salon, je t'amène ça. fis-je alors après avoir fortement respirer. Je ne savais pas si tout ça présageait quelque chose de bon. Je m'inquiétais sérieusement. Je rangeais le paquet qu'elle m'avait amené et j'allais dans l'armoire des verres à vins. J'en prenais deux et une bouteille dans la cave à vins de blanc. C'était vraiment très étrange d'avoir Elisha dans mon appartement. Finalement, elle ne connaissait pas du tout ma personnalité et elle se retrouvait dans mon appartement classe et luxueux pleins de photographies, d'oeuvres artistiques multiples. J'étais le cliché de l'avocat jusqu'au bout, en somme. Bien que dorénavant, beaucoup des clichés photographiques étaient d'April, ma petite amie. comment se porte ta galerie? lui demandais-je alors en amenant les deux verres, les dessous de verre et la bouteille. J'ouvrais cette dernière et je nous servais un verre à tous les deux. J'essayais de faire la conversation, puisque je ne savais pas trop où tout cela nous menait.