Il était une fois…

C’est ainsi que commencent toutes les jolies histoires, celles qu’on aime lire aux jeunes enfants pour les faire entrer dans un monde de rêve où le bien triomphe toujours du mal. Celle de Juliet serait ainsi : c’est l’histoire d’une magnifique petite fille, deuxième enfant chez les Tremblay après un petit garçon prénommé Ugo. Cette petite fille faisait le bonheur de ses parents, et venait compléter cette famille déjà unie, où l’amour planait dans l’air. Prénommée Juliet, elle eut la chance de vivre une vie paisible, entourée des siens, avec la possibilité de réaliser tous ses rêves. Sérieuse et brillante, elle réussit haut la main ses études, et put exercer le métier de ses rêves. Un jour, son monde fut bousculé par l’apparition de son prince charmant, celui qui provoquait par sa simple présence des papillons dans son estomac. Leur histoire d’amour était comme dans les contes pour enfants, sans aucun nuage au-dessus de leurs têtes.


C’est une jolie histoire, n’est-ce pas ? Malheureusement, celle de Juliet est loin de ressembler à cette utopie. La sienne est d’ailleurs plus difficile à conter, pour la simple et bonne raison qu’elle n’a été qu’un tissu de mensonges jusqu’à très récemment. Alors qu’elle n’était encore qu’une petite fille, sa vie a basculé du jour au lendemain, à cause d’une banale crise d'asthme. Un épisode qui aurait dû durer quelques heures, mais qui a finalement duré plus de vingt années, car lors de son passage à l’hôpital, des personnes mal intentionnées sont parvenus à kidnapper la petite fille. L’horreur ne s’arrête pas là, car aux yeux du monde, elle était décédée à la suite de cette crise. Toute sa famille la pensait morte, alors pourquoi entamer des recherches ? C’est ainsi que le calvaire de Juliet commença, à des kilomètres de chez elle, dans un endroit hors du monde et du temps, comme si un saut vers le passé s’était produit. L’électricité, l’eau courante, Internet, Netflix, Facetime… ce sont des termes qui ne sont jamais entrés dans le vocabulaire de la Tremblay, appelée le temps de son enfermement Juliet Chapman. Mais ce n’était pas un problème, car elle était arrivée là-bas assez jeune pour croire que ce monde était la vraie vie, et qu’il n’y avait rien de mieux à l’extérieur des clôtures. À l’intérieur, il y avait des bons jours comme des jours un peu plus ternes. Parfois, c’était le paradis sur terre, mais en une fraction de seconde, le rêve pouvait virer au cauchemar. Pression psychologique, agression physique, blessure volontaire, harcèlement… Être une femme là-bas n’était pas une bénédiction, car elles n’avaient aucun pouvoir, aucun droit, à part celui de respirer en silence.

C’est au début de cette année 2021, alors qu’elle affichait un quart de siècle à son compteur que le voile fut levé. Ils devaient célébrer un joyeux évènement, l’occasion de profiter des festivités liées, mais au lieu de célébrer l’amour, beaucoup dont Juliet se prirent une claque douloureuse : celle des années volées. Du jour au lendemain, ce monde qu’elle pensait être le sien vola en éclat, et elle se retrouva propulsée dans une jungle hostile à ses yeux, où tout était à apprendre. Heureusement, elle n’était pas seule pour entamer cette nouvelle aventure. Il y avait des têtes familières, comme de parfaits inconnus, à l’instar de son frère aîné, Ugo, qu’elle avait totalement oublié jusqu’à ce qu’il lui raconte l’impensable vérité. Depuis le sauvetage, c’est chez lui que Juliet habite, en compagnie de sa petite-amie, April. Une bulle, un petit cocon pour l’empêcher de sombrer, et apprendre en douceur les codes de cette époque. Chaque jour est un défi, où la réussite n’est pas assurée.


renfermée, Juliet couche toutes ses émotions dans un journal intime, pour ne pas tout garder à l’intérieur d’elle. depuis sa libération, elle en est déjà au deuxième, tellement cette nouvelle vie est effrayante à ses yeux. ▬ elle s’est essayée à quelques métiers, mais n’a jamais eu un vrai coup de cœur au point de vouloir perdurer dans cette voie. elle pourrait commencer des études, mais le traumatisme est encore trop frais dans son esprit pour envisager une telle épreuve. ▬ elle parvient à utiliser son téléphone portable pour passer des appels et envoyer des messages, mais ça s’arrête là. ne lui parlez pas de Netflix, Prime Video, Twitter ou Instagram. ces mots ont aussi peu de significations à ses yeux que si vous lui parliez dans une autre langue. ▬ depuis peu, elle parvient à aller courir sur la plage pour ne pas rester enfermée chez son frère, même si elle est souvent prise de paranoïa dès que quelqu’un s’approche un peu trop d’elle. ▬ d’ailleurs, le contact passe mieux avec la gente féminine, car les femmes de la secte n’étaient pas dangereuses. au contraire, elles étaient soudées entre elles. ▬ elle n'est pas complètement végétarienne, mais elle a beaucoup de difficulté à manger de la viande. en fait, sans être anorexique, manger n'est pas une grande passion pour elle. heureusement que ce nouveau monde lui fait découvrir des mets sucrés qui commencent peu à peu à la réconcilier avec la nourriture. ▬ si elle n'est pas encore très à l'aise avec le concept des films et des séries pour passer le temps, elle adore lire. tous les genres font son bonheur, bien que les thrillers aient un léger avantage sur les autres. l'adrénaline éprouvée et l'excitation de résoudre les mystères, sans doute. ▬ enfin, elle est allergique aux piqûres de guêpes, ainsi qu'aux poils de chats. dommage, elle qui adore les félins, elle ne peut pas les approcher sous peine de provoquer des éternuements en série, et d'avoir les yeux qui pleurent.