Il n’aurait jamais cru qu’il était veuf et il se sentit soudain intensément stupide d’avoir osé demander cela. Déglutissant, ses joues devinrent légèrement rougies alors qu’il lui donnait une autre bouchée, le nourrissant en oubliant le deal : cela sonnait soudain très puéril de forcer Watts à continuer alors qu’il venait de lui avouer cela.
C’était plus compliqué ? Tout de même curieux, Thompson lui donna encore quelques bouchées, attendant qu’il s’explique, espérant de tout cœur qu’il le ferait et dévoilerait enfin un pan du mystère Watts qui ne cessait de lui poser tant de questions. Il savait qu’il n’était pas grand-chose pour Derek : juste un prostitué, un coup d’un soir, un sex-friend peut-être qu’il ne gardait que pour le plaisir qu’il lui procurait… Et Thompson n’en demandait pas plus, mais pour autant il ne laisserait pas un homme comme lui sombrer aussi bas à cause de l’alcool. Il l’avait vu détruire trop de gens autour de lui pour qu’il ne songe même pas à agir un minimum. D’autant qu’il misait sur l’intelligence de l’homme d’affaire pour arriver à le sortir de ce merdier et l’enfer qu’il traversait au quotidien.

Derek s’ouvrit un peu plus, avouant davantage de choses et quand enfin il parla de la mort de son fils, Thompson sentit son cœur se serrer. Mon dieu… Perdre une épouse était déjà quelque chose d’atroce, mais un fils ? On disait tout le temps que perdre un enfant était la pire des douleurs qui puisse exister, et Thompson comprenait mieux l’enfer que devait traverser Watts. Il déglutit, vraiment mal à l’aise et surtout sentant l’émotion le gagner devant son amant.

« Non, surtout pas Watts. Tu n’es pas faible, loin de là. Je crois que… si un de mes fils était mort, j’en aurai perdu la raison. Toi tu t’es retranché dans l’alcool : ce n’est pas une solution, mais au moins tu n’as pas fait de bêtise. »

Il repensa furtivement à ses enfants… Ces gosses qu’il ne reverrait probablement plus jamais mais qui lui manquaient tout de même, ces chairs de sa chair qui devaient évoluer sans la figure d’un père. Il s’en sentait à la fois honteux et malheureux, mais le passé était le passé et ses ex-femmes lui avaient toujours fait comprendre qu’elles ne tenaient pas à ce qu’il s’implique dans les vies de ses enfants, aussi n’avait-il jamais insisté. Peut-être aurait-il dû, et en même temps il s’était préservé de la douleur que vivait Derek en cet instant.

Il reposa l’assiette et tendit sa main, venant caresser Derek sur sa joue, plongeant son regard dans le sien :

« Je pense, même si je ne le connaissais pas, que ton fils t’aimait énormément. Tu n’as peut-être pas été là pour lui quand il le fallait mais pour autant, je suis sûr et certain qu’il n’aurait pas voulu que tu détruises ainsi en sa mémoire. Tu veux… Tu veux me parler de lui ? Comment était-il ? Etait-ce quelqu’un de bien ? »

S'était difficile de parler de la sorte, livrer ses plus sombres secrets. Derek ne l'avait jamais fait, gardant toute ses émotions à l'intérieur de lui. Peut-être était-ce là le problème. Qu'il n'en parlait pas. Le sujet était pourtant si épineux qu'il souhaitait aussi ne pas trop en parler. Il grogna avant de devoir poursuivre. Lui racontant pour la perte de son fils. Des remords qui le rongeaient de ne pas avoir été là pour lui. Vivant seul le propre deuil de sa femme. Derek mangea difficile, plus parce qu'il le devait que par envie. Mais vient un moment, où il se serait plutôt jeter dans les bras de Thompson pour y pleurer. « Non, surtout pas Watts. Tu n’es pas faible, loin de là. Je crois que… si un de mes fils était mort, j’en aurai perdu la raison. Toi tu t’es retranché dans l’alcool : ce n’est pas une solution, mais au moins tu n’as pas fait de bêtise. » Non, le suicide ne lui avait jamais effleurer l'esprit. Après tout, il avait encore deux petites filles pour lesquelles il devait se battre et continuer d'avancer. Il lui restait au moins ses deux petits anges pour qui, il aurait tout laisser tomber, mais ça, Thompson le découvrira plus tard. Pour le moment, Derek n'était plus que l'ombre de lui-même avançant dans la vie pour l'argent et rien d'autres. Devoir subvenir au besoin de sa famille, même s'il était incapable d'être là pour elles. « Je pense, même si je ne le connaissais pas, que ton fils t’aimait énormément. Tu n’as peut-être pas été là pour lui quand il le fallait mais pour autant, je suis sûr et certain qu’il n’aurait pas voulu que tu détruises ainsi en sa mémoire. Tu veux… Tu veux me parler de lui ? Comment était-il ? Etait-ce quelqu’un de bien ? » Derek n'en savait trop rien, après tout, vers la fin de sa vie, son fils avait sombré dans la drogue, comme lui le faisait présentement avec l'alcool, qu'aurait-il souhaité pour son père? Difficile de le dire.

''- J'imagine... qu'il ne s'en préoccupait pas vraiment, de comment je pouvais terminer. Vers la fin, il se droguait trop.. .alors ce qu'il pensait? Sûrement pas à ce que moi je pourrais ressentir en le perdant... mais pour comment il était? Un vrai petit gretin, digne de faire tourner les jupes des plus belles fillettes de l'école. Il était studieux, tout comme sportif. Capitaine de son équipe sportive, il était un garçon adorable, qui aimait taquiner les filles, sans être pour autant méchant. Il était très beau, prenait soin de lui, comme des autres. Un peu endetté, il savait ce qu'il voulait. Et aussi protecteur envers ses sœurs, parfois même un peu trop, a toujours protéger les erreurs de Violette.''

Derek avait toujours vu dans son fils, ce qu'il aimait chez les gens. Son fils aurait fait un successeur de talent, si seulement sa bonté et l'amour de sa mère ne l'avait pas perdu dans une overdose de drogue. Stupide soirée entre ami où il avait trop consommé. Derek aurait dû être là pour lui interdire d'y aller.

''- Il avait besoin de sa mère... tout comme son père, mais j'étais trop occupé par l'argent, leur donner tout ce dont il rêvait. C'est ma faute, je l'ai trop couvée. Bon... dit... tu me détaches ou tu me fais un câlin? Parce que là... sérieux... j'ai envie de te serrer dans mes bras.''

Sentimental comme tout, Derek avait les yeux bien humides, il avait envie de se blottir et de pleurer un bon coup. Ça ou boire, mais on opta pour la première solution, le câlin et l'amour.

''- Tu sais... tu es le premier a qui je parle de tout ça.''

Il fut triste d’entendre la réponse de Watts : comment pouvait-il penser que son fils se désintéressait de comment son père pouvait finir ? Contrairement à lui-même qui n’avait jamais été présent et avait fait souffrir ses enfants plus que de raison, il savait que Derek avait sûrement été plus présent et que c’était la mort de sa femme qui avait dû le faire plonger. Ce type avait le cœur sur la main et Thompson aurait parié qu’il avait fait son possible, mais que la douleur avait été trop forte et qu’il avait eu besoin de s’éloigner. C’était son fils qui avait été faible… Faible tout comme son père en ce moment alors qu’il s’enivrait jusqu’à en oublier son nom…
Watts lui ouvrit enfin son cœur, lui parlant de son fils, le faisant revivre même si ce n’était que pour quelques instants et Thompson s’attendrit devant le portrait qu’il dressa de ce fils inconnu : il semblait énormément l’aimer et il comprenait encore mieux qu’il se soit réfugier dans l’alcool. Mais désormais, c’était fini et Thompson s’était fait la promesse de l’aider à sortir de là !

Il éclata de rire à sa dernière répartie comme quoi il espérait un câlin et pencha la tête de côté tout en souriant :

« Pour que tu t’enfuis dès que je t’aurais libéré ? Je ne suis pas dupe Watts. »

Mais son sourire se fit encore plus tendre quand l’homme d’affaire lui avoua qu’il était le premier à qui il parlait de cela, et il poussa l’assiette pour se pencher et venir l’embrasser, sa main caressant délicatement sa joue.

« Et j’en suis très honoré, crois-moi. Tu as bien fait, il fallait vider ton sac. Mais désormais, il va falloir tourner cette page Watts, aussi difficile soit-elle. Quoique tu dises, je suis sûr et certain que ton fils n’aurait pas voulu que tu t’auto-détruise en sa mémoire. S’il prenait autant soin des autres que de lui-même, alors il aurait voulu que tu arrêtes ça et que tu te laisses soigner. Tu ne crois pas ? »

Il déposa un nouveau baiser sur ses lèvres avant de venir doucement écarter les pans de sa chemise avec ses doigts.

« Je vais opter pour le câlin… J’ai envie de toi moi aussi. »