Tout cela relevait d'une coïncidence énorme et il avait l'impression que son petit plan soigneusement élaboré allait foirer à la dernière minute. En même temps, il devait avoir un ange gardien hors compétition pour pouvoir se trouver là, devant la grande salle de réception du Hilton Hotel, habillé de manière simple mais très correcte pour ce genre de mondanité. Un peu trop simple cela dit quand il vit le regard insistant de l'homme du service de sécurité posé sur lui : à l'intérieur, les hommes ne portaient que des costumes taillés sur mesure et les femmes d'élégantes robes dont les tissus valaient une petite fortune à eux seuls.

Oui mais... Il avait cette invitation et grâce à elle, personne ne pouvait lui refuser l'entrée. Pas même l'armoire à glace qui le détaillait comme s'il hésitait à le mettre à la porte ou lui faire un grand sourire de bienvenue.

Et cette invitation, il ne la devait qu'à la chance. Après plusieurs jours à dormir dans la rue ou dans les quelques rares foyers de SDF qui avaient encore quelques places pour lui, il avait fini par se retrouver à devoir faire la manche sur une allée touristique afin de récupérer un peu d'argent, histoire de manger. Il avait terriblement maigri depuis qu'il avait atterri à Miami et il sentait ses joues se creuser, signe qu'il retombait dans cette spirale infernale qu'il détestait tant, celle de la déchéance humaine.
Il en voulait terriblement à Derek d'être parti ainsi et de l'avoir laissé sans espoir, et surtout, surtout, sans argent ! Après plusieurs mois à avoir apprécié de pouvoir remanger à sa faim et vivre dignement, ce retour brutal à la réalité ne lui plaisait absolument pas. Et il comptait bien inverser la vapeur en remettant la main sur ce damné milliardaire qui avait osé le plaquer de la sorte !
Il ne savait pas encore comment il allait procéder mais une chose était certaine : quand Thompson avait une idée en tête, il ne l'avait pas ailleurs et la gardait comme un os gardait précieusement son os.

En tout cas, par le plus grand des hasard, il avait aidé cet homme dans la rue qui avait fait tomber sa mallette et dont tous les papiers s'envolaient. Personne n'intervenant, il lui avait donné un coup de main pour récupérer ses documents, et l'homme l'avait dédommager d'un généreux pourboire... Sans se rendre compte qu'il avait oublié dans sa précipitation plusieurs documents derrière lui, dont cette fameuse invitation dans une enveloppe.
Une invitation pour un gala de charité et où le nom de Derek N. Watts apparaissait en gros, comme s'il était la star de la soirée.

Une telle coïncidence, une telle opportunité.... C'était un coup du destin à ne pas rater alors Thompson avait gardé l'invitation et avait passé la veille les pieds plantés devant le centre pour SDF afin d'être sûr d'avoir une place et de pouvoir prendre une douche. Hors de question de se présenter comme un pouilleux devant Derek ! D'autant que ce dernier ne savait absolument rien de sa vie actuelle et que Thompson ne voulait surtout pas qu'il l'apprenne. Il avait sa fierté après tout !

Finalement, en voyant l'invitation, l'armoire à glace le laissa entrer et Thompson lui décocha un petit sourire charmeur avant d'entrer en piste. A lui de jouer maintenant !
Il fallait d'abord repérer Derek puis déambuler entre les invités comme s'il ne l'avait pas vu et se trouvait parfaitement à sa place ici.

C'était sa seule chance... et son seul espoir.

Derek était là, durant l'une des soirées qu'il donnait bien souvent pour appuyer différentes causes. Il en donnait au minimum une par semaine, et les lieux étaient toujours remplis. Il faut dire que les causes à appuyer dans la ville ne manquaient pas, surtout pas après le passage du cyclone Veronica. Un nom si doux et merveilleux qu'on ne devrait pas l'attribuer au nom d'une tempête qui avait ravagé une bonne partie de la ville. Cette soirée était donc offerte pour aider l'une des petites écoles de banlieue qui avait perdu beaucoup à cause de cette tempête. Aider les enfants était toujours bien utile pour redorer l'image d'une personne, même si pour Derek, cette soirée risquait de devenir bien difficile à supporter. Rester debout pendant de longues heures, parler et faire plusieurs discours malgré les blessures qu'il se remettait encore. Quelques côtes de déplacer à cause de ce lampadaire qui lui était tombés dessus. Depuis deux semaines, il était sorti de l'hôpital et se remettait lentement, bien qu'à la maison, il avait eu la chance d'avoir une infirmière personnelle pour l'aider à se soigner. Infirmière qui était visiblement devenue sa petite amie, et oui, il était maintenant en couple, mais pas encore officiellement, comme il avait tant à faire qu'il ne voulait pas que la presse s'en mêle tout de suite.

Le président des entreprises Watts se promenait de gens en gens, serrant quelques mains pour offrir un discours, soit de sympathie pour les familles touchées par la tempête ou bien au contraire pour demander d'être des plus généreuses envers ceux qui en auraient besoin. Derek ne remarquait que les gens quand il arrivait près d'eux, et là, une chance pour lui, il avait retenu tous les cartons d'invitation et pouvait donc aisément savoir dans quelle position se trouvait les gens. Leur offrant un discours digne, remplit de compassion ou de fausse compassion pour certain. Après tout, il était loin d'apprécier toutes les personnes présentes dans la salle, mais leur argent serait fort utile pour aider ces jeunes qui avaient perdu leur école.

Derek n'avait pas remarqué cet homme à l'allure un peu délabré, peut-être est-ce son manque de raffinement qui ne l'avait pas attiré, ou alors c'est qu'on jouait à chat avec lui, cherchant le meilleur moment pour l'aborder. On finit par prendre une petite pause, une main se tenant la hanche et il se dirigea vers le bar pour se prendre une eau minérale. Même durant ce genre de soirée, Derek ne buvait pas de champagne, même si ce dernier était offert gratuitement. Ce n'était pas le prix qui le dérangeait, mais plutôt qu'il tenait à garder sa forme, toujours à cause de cette réplique cinglante qu'un homme lui avait un jour fait à propos de ses fesses trop rondes et de son ventre de la quarantaine qui avait un jour commencé à le hanter. Depuis ce temps, Derek faisait des plus attention à son physique. La preuve était que ce soir, il avait mis son plus merveilleux costard et un parfum de circonstance pour la soirée. Après tout, il avait toujours une douce brise qui lui tournait autour, et ce soir, c'était des essences de cèdre entouré de notes de lait chaud et de caramel. Une brise réconfortante, qui permettait de s'abandonner à la confiance, surtout quand s'en suivaient des notes de poudre à canon et orchidée. Derek inspirait par cela une passion pour sa cause et une certaine tendresse. De bien joli sentiment qu'il cherchait à faire ressentir aux gens autour de lui.

Du bout des doigts, le verre de cette coupe remplit d'eau pétillante était caressé et l'homme avait le regard un peu perdu, sûrement dû à la fatigue de toute ses fausses bénédictions donnés et des sourires qu'il étirait sans arrêt, encore là, il se devait d'en avoir un et de ne pas démontrer la moindre faiblesse, bien qu'un œil avisé qui le connaissait bien saurait parfaitement que le coude posé contre le comptoir n'était pas anodin, ni cette paupière qui tendait légèrement vers le bas.

Il l'avait repéré dès qu'il était entré : en même temps, comment passer à côté de Derek Watts ? Non seulement il avait une carrure qu'on remarquait d'entrée, mais surtout, il possédait un tel charisme qu'on ne voyait que lui au centre de la pièce, virevoltant de couples en couples pour entamer des conversations et se mêler aux gens.
Tout le monde lui souriait, les gens l'écoutaient avec intérêt et attention et il évoluait comme un poisson dans l'eau : il semblait tellement à l'aise et sûr de lui que même Thompson dû calmer les battements de son cœur qui avaient légèrement accéléré à sa vue. Bon sang, cet homme s'imposait avec une telle élégance qu'il se sentit presque ridicule d'avoir cru pouvoir le rattraper ce soir, le ramener dans ses filets et pouvoir à nouveau abuser de sa gentillesse. Cela ne dura qu'un court instant et il se reprit aussitôt : dans sa situation, il ne pouvait pas se permettre de faire demi-tour, pas maintenant alors qu'il approchait du but.

Et surtout, surtout... Quand il vit les mains des femmes caresser ses bras en passant, quand il aperçut leurs sourires maniérés destinés à retenir son attention, quand il vit les regards envieux que les hommes posaient sur lui, il eut comme une boule au creux de l'estomac et sentit une pointe de jalousie se développer de plus en plus en lui.
L'envie de courir au milieu de cette foule pour les écarter de Derek le prit à la gorge mais il résista, conscient qu'il n'avait aucun droit sur lui et qu'il se ridiculiserait. Et puis... Il fallait absolument qu'il apparaisse sous son meilleur jour auprès de Derek, sinon tout son plan tomberait à l'eau.

Alors quand il le vit enfin s'éclipser en direction du bar pour se désaltérer, il se fraya doucement un passage entre les invités et le rejoignit, se faufilant à ses côtés sans même que Derek le l'aperçoive.
A lui d'entrer en piste et de jouer ses cartes comme il fallait : la partie de poker s'annonçait serrée mais il ne désespérait pas de remporter toute la mise !

Il se pencha sur le comptoir et demanda un cocktail au serveur : il s'arrangea pour que sa voix porte suffisamment et qu'elle ait ce petit ton malicieux et joyeux, comme s'il s'amusait follement à cette soirée, et se redressant, il tourna la tête comme s'il cherchait à se distraire en attendant son cocktail.
Cela ne rata pas et il croisa le regard de Derek : aussitôt il para son visage d'un grand sourire en s'écriant :

« Derek Watts ! Si je m'attendais à te revoir ici ! »

Il oublia aussitôt le cocktail que le serveur lui ramenait : de toute façon, avec l'estomac vide, il était hors de question qu'il boive cela sans quoi l'alcool lui ferait tourner la tête plus vite que prévu.
Toujours tout sourire, utilisant ce charme qu'il savait efficace sur l'homme d'affaire devant lui, il s'approcha d'un pas et posa sa main sur son épaule dans un geste assuré et confiant :

« Il m'avait semblé lire ton nom sur le carton d'invitation mais je l'ai oublié entre-temps : si je n'étais pas aussi tête en l'air, je serai venu te saluer bien avant crois-moi. Comment vas-tu ? »

Il affichait un tel air décontracté que n'importe qui aurait cru à son petit jeu. Sans doute avait-il un certain don en tant qu'acteur, toujours est-il qu'il voulait absolument donner cette impression d'être là par hasard et d'avoir oublié la présence de Derek à ce gala. Il ne fallait surtout pas lui montrer qu'il n'était venu ici que pour le rencontrer : hors de question de se mettre d'entrée de jeu en position de faiblesse.
Et il laissa sa main sur l'épaule de Derek, gardant volontairement ce contact physique comme pour lui rappeler qu'il n'y avait pas si longtemps encore, ils s'étaient trouvés encore plus près l'un de l'autre...

L'homme d'affaires se reposait brièvement, écoutant les conversations qui venaient à lui, et cherchant à voir qui serait la prochaine victime de ses charmes. Des gens à qui il n'avait pas encore adressé la parole et joués d'une douce mélodie pour les convaincre de donner un peu de leur argent pour une bonne cause. Il nota encore quelques groupes qu'il n'avait pas encore croiser le chemin, l'un d'eux était d'ailleurs des plus fortunés. Son choix se porta donc vers cette chère et tendre vieille madame Glaise. Elle avait pour habitude de sentir les vieilles laines de grenier, mais l'argent n'a pas d'odeur quand il est question d'en recueillir pour une école.

Derek se passa une main dans les cheveux, il allait foncer tel un magnifique lion, mais une voix commune lui parviendra à l'oreille. Cela faisait bien longtemps qu'il ne l'avait pas entendu. Papillonnant des paupillères comme s'il sortait d'un rêve. La tête se tourna vers le porteur de la voix, et là, il crut rêver. Le visage lui était des plus familier, mais il ne comprenait pas ce que cet homme venait faire ici. Il avait pourtant été bien clair avec ce dernier. Derek avait sa vie ici, avec sa famille, il l'avait choisi donc tourner le dos à cet amant, qui pourtant il n'avait jamais oublié. Son cœur arrêta de battre quelques instants, ses oreilles devenaient si brûlantes qu'il eut même l'impression d'entendre un bourdonnement.

''- Que... que fais-tu ici??''

Faisait-il partit des invités? La liste des noms s'embrouillait dans l'esprit du président. Impossible de savoir si oui ou non il l'était. La présence de Thompson le chamouillait complètement. Quelques torsions dans son ventre, et un peu apeuré, il leva les yeux bruns alentours pour voir que personne ne les remarquait. Qu'avait-il à voir? Un homme chaleureux, et un autre qui physiquement avait les mains moites, les yeux fuyant sous la peur d'être reconnus. En fait, Derek se faisait plusieurs scénarios, bien qu'aucun de ces derniers ne pourrait vraiment être véridique. Pas tant qu'il restait à la distance d'un bras.

''- Et... toujours si comique, je suis l'hôte de la soirée, personne ne pourrait avoir oublié que je ne serai pas présent. Sur...surtout pas toi...''

Le rêve, puis cette impression d'avoir le plancher qui disparaissait. Thompson pourrait-il réellement l'avoir oublié en quelques mois? Était-ce possible qu'on n'en vienne à ne plus avoir ce désir envers lui. Une moue de désarroi et de douleur se peignit sur le visage du président qui posa la main sur celle de son ancien amant. Là, le cœur recommença a battre, mais très rapidement, qu'il se sentit presque prit de vertige à cause de la différence trop abrupte. Revoir cet homme, ce si bel homme auquel il aurait tout donné, tout abandonner, si seulement la peur de tout perdre n'était pas si présente. Derek après tout, avait presque perdu l'une de ces filles et étaient donc revenu à Miami pour elle, mais les fantômes du passé revenait le hanté tel une drogue.

Derek détailla Thompson, il n'avait pas changé, ce sourire si arrogant, les petites bouclettes dans ces cheveux auburns et cette prestance qu'il dégageait malgré les allures pitoyables de ce costume. Il était tout si beau, il avait la grâce d'un félin mélangé à celle du serpent.
Les doigts de Derek se perdirent quelques instants, ils glissèrent entre ceux de l'autre homme dans une caresse si rapide, qu'on eut l'impression que cette fois le contact venait de le brûler. D'un pas, il se recula, bien que le malaise était des plus présent.

''- Tu ne devrai pas être ici. Tu... ''

La chaleur de la pièce semblait avoir considérablement augmenté, sous ce costume trois-pièces régnait une de ces chaleurs, tel un volcan, la peau en dessous suait fortement. Derek avait cette peur, la crainte qu'on découvre son affection pour un homme, lui qui avait toujours été mystérieux à ce sujet, mais les regards lancés vers Thompson ne trompaient pas. Enfin, n'aurait pas trompé une personne qui le connaissait, Derek savait charmer, avait les yeux brillants de désir quand il s'exprimait, mais en amour... là il perdait ses moyens, il n'arrivait plus à s'exprimer plus qu'une petite phrase. Le teint rouge lui montait au visage, et il perdait de la prestance du chasseur.

Il s'attendait à une réaction de la part de Derek : après tout, il savait que l'autre homme l'avait fortement apprécié durant leur relation, et que le quitter du jour au lendemain n'avait pas non plus été une partie de plaisir. Leurs corps s'enivraient l'un de l'autre, et le milliardaire avait découvert entre ses bras des sensations qui l'avaient grisé, qui l'avaient presque rendu accroc... Et pourtant, il était parti, motivé par des raisons familiales, pressé de retrouver une petite vie tranquille et 'normale'. Il avait volontairement tourné cette page de sa vie sans vraiment avouer s'il en tirait quelques regrets ou non.
Alors Thompson s'était douté que le revoir serait une surprise de taille. Mais... il ne s'était tout de même pas attendu à une réaction aussi violente : en quelques secondes, Derek se décomposa littéralement, pâlissant à vue d'oeil et jetant des regards affolés autour de lui comme s'il craignait...

Mais que craignait-il en réalité ? Qu'on le voit avec un homme, la main posée innocemment sur son épaule ? Qu'on pense qu'il venait de retrouver un ami ? Qu'on voit un autre homme lui sourire, comme des dizaines l'avaient fait avant lui ce soir ? C'était ridicule...
Alors de quoi pouvait-il avoir peur en cet instant, sinon de lui-même et de ses réactions face au retour d'un amant perdu de vue ?
Le seul fait de savoir qu'il déstabilisait Derek à ce point lui arracha un nouveau sourire carnassier : peu importait que Derek panique parce qu'il ressentait encore quelque chose pour lui ou au contraire parce qu'il paniquait à l'idée qu'il vienne lui porter préjudice. D'une manière ou d'une autre, il gardait un moyen de pression sur le milliardaire qui pourrait toujours lui être utile... Et Thompson n'en demandait guère plus !

Un délicieux frisson le traversa quand Derek releva sa main pour effleurer la poser sur la sienne et même si cela ne dura que quelques secondes, Thompson le savoura à sa pleine mesure. S'il réalisa que ce contact lui avait manqué, il chassa aussitôt cette idée pour se concentrer uniquement sur Derek qu'il ne quittait pas des yeux, gardant son éternel sourire canaille sur les lèvres.
Et si le milliardaire s'écarta volontairement pour mettre de la distance entre eux, il n'en prit pas ombrage, se contentant de lâcher un petit rire cristallin si délicat qu'il trahissait l'amusement de Thompson.

« Peut-être pas en effet, qui sait ? »

Il ne se livrerait pas aussi facilement : il savait que garder une part de mystère le rendait plus attirant, plus énigmatique. Malgré son costume élimé et aux couleurs passées, malgré ses traits creusés et son corps amaigri... En réalité, il n'y avait jamais eu que Derek pour ne pas comprendre réellement la situation de Thompson, et cette naïveté était touchante en soi. C'était comme si le milliardaire refusait de s'arrêter aux apparences... Et c'était peut-être pour cela que Thompson était resté aussi longtemps avec lui, car il n'avait jamais été blessé dans sa dignité par l'attitude de son amant. Ou de son client : il n'avait jamais réellement su comment nommer Derek et leur étrange lien.

Mais quand Derek murmura qu'il n'aurait jamais dû être là, il releva volontairement un sourcil d'un air presque offensé :

« Et pourquoi donc ? Suis-je désormais interdit de séjour dans tous les lieux que tu fréquenteras, Derek ? Voilà qui est bien autoritaire de ta part. D'autre part, je ne vois pas quelle faute j'ai commise pour que tu me dises cela.»

Se tournant vers la salle, il désigna l'ensemble des convives : si quelques regards se glissaient vers Derek, c'était uniquement parce qu'il était l'hôte de la soirée, et uniquement pour cela. Personne n'avait fait attention à Thompson, et mieux que cela, son pauvre costume élimé faisait au contraire penser qu'il était un des instituteurs de cette école pour laquelle le milliardaire se battait ce soir-même. Personne n'avait fait attention à lui et personne ne le remarquerait : c'était mieux ainsi et surtout, cela ne présentait aucun danger pour le milliardaire.

Alors enhardi par l'attitude déstabilisée de Derek, Thompson continua sur sa lancée :

« Personne ne se doute de rien ici, et personne n'en saura jamais rien. Je ne pensais pas que tu serais devenu aussi paranoïaque avec le temps... A croire que le climat de Miami ne te réussit pas. »

Il lui sourit tendrement, comme s'il constatait quelque chose qui le touchait, et reprit :

« Cela dit, tu es toujours aussi sexy... Miami ou pas. »

La présence de Thompson tourmentait Derek au plus haut point. Cette crainte que l'un des convives remarque qu'il avait bien plus qu'un petit lien de connaissance avec cet homme. Ce désir et cette envie qui grandissait en l'homme. Un faux pas et le roi pourraient tomber. Une accusation de la part de cet homme pourrait chambouler sa vie à Miami. Celle-ci l'était bien assez d'ailleurs. Elle commençait enfin à prendre un peu de stabilité et on n'avait pas le souhait que tout son détruit à cause d'une personne. Sa famille était déjà bien assez dévastée par la nouvelle qu'il a mis une fille enceinte, sans qu'en plus on ne vienne rajouter la rumeur qu'il puisse être gay. D'ailleurs, il n'était plus l'homme célibataire qu'il était. La présence de Thompson risquait de plus compliquer. On pourrait se dire que cela ne changeait rien, après tout, il suffirait qu'on nie toute affiliation ou dise que tout était terminé, mais hélas, Derek avait fui une fois, il le fait rarement une seconde fois.

Derek voulut des explications, pourquoi cet homme était là? La réponse ne fut aucunement celle à laquelle il s'attendit, là il su parfaitement, qu'on se jouait de lui, qu'on le narguait. Un petit sourcil se fronça et l'homme de haute richesse croisa les bras. La présence de cet amant compliquait la situation, mais était-ce si dangereux? Car Derek ne pouvait plus s'empêcher de lâcher du regard celui qu'il avait un jour aimé, et que de toute manière ses sentiments étaient encore des plus présents.

''- Tu n'es pas sérieux? Ne me prends pas plus pour épais que je veux bien le démontrer. Tu sais bien que jamais je ne te priverai d'aller où que ce soit. Je veux seulement savoir pourquoi le destin s'acharne autant à nous réunir.''

Derek était un homme niais comme rarement on pouvait l'être. Il voulait bien croire qu'on ne lui courait pas après, bien que la pensée lui effleura l'esprit et c'est sûrement pour cela qu'il avait ce petit sourire en coin aux lèvres. Thompson serait-il en train de lui courir après pour le ravoir? Son amour envers lui serait-il aussi fort? Après tout, comment diable sinon l'autre homme aurait-il eu une invitation à la soirée. Outre, s'il accompagnait un autre homme. Derek tourna donc la tête pour voir qui diable pourrait oser.

''- Quoi? Mais non, je ne suis pas parano, c'est seulement que... je te l'ai dit maintes fois, je ne suis pas intéressé que tous apprennent pour nous. Et surtout pas ici, pas avec ma famille. Miami est ma ville, et je n'ai aucunement envie qu'un... qu'un...''

...pauvre écervelé, sans travail comme lui ne vienne détruire toute sa vie et sa fortune. Derek était loin de penser cela et il se mordit la lèvre presque au sang, ne sachant que dire. Plus il regardait cet ancien amant, plus leur passé conjoint revenait le hanter. Les nuits passées ensemble, les moments dans l'intimité où Derek arrivait à se confier aisément à cet homme. Lui faire confiance, comme maintenant, si Thompson disait qu'il ne ferait pas de scène alors il avait confiance.

''- Dis-moi que tu n'es que de passage? Tu ne vas pas rester... Je serai incapable de vivre dans la même ville que toi sans chercher à te revoir.''

Les yeux bruns brillants de mille feux, qu'une seule envie habitait Derek, celle de capturer Thompson, de lui voler un baisé et se perdre contre son corps. Sauf que l'endroit ne si prêtait aucunement, ni le moment. D'ailleurs à ce sujet, quelques personnes devaient sûrement jalouser ce ''pauvre'' qui accaparait plus longtemps Derek que tous les autres.

Il ne rêvait pas ? Il avait bel et bien entendu Derek parler de destin ?
S'il n'avait pas eu peur de perdre toute crédibilité, Thompson aurait bien ri de ce mot échappé : en un sens, c'était très touchant de voir à quel point le milliardaire était naïf en amour. Pour l'avoir vu à l'oeuvre quelques rares fois dans ses affaires, Derek était un requin qui avalait les petits poissons du monde de l'économie sans même mâcher, mais en amour, il se révélait encore plus naïf et émouvant qu'un gamin de six ans !
Le destin... Non, le destin avait pour nom Thompson : lui-même n'y croyait plus depuis longtemps. S'il ne s'était pas démené pour arriver jusqu'ici, pour se retrouver devant lui, jamais le destin ne leur aurait donné de seconde chance. La première fois avait d'ailleurs été la fois de trop, il en avait pertinemment conscience. Une erreur de parcours, un gravillon dans la roue bien huilée du temps qui passe : Derek Watts le Grand n'aurait jamais dû rencontrer Thompson McMillan le Raté. Et pourtant...

Thompson se contenta de hausser les épaules en souriant doucement, presque tendrement. Cela lui avait manqué, cette façon innocente de concevoir la vie... De croire toujours au meilleur. Voilà bien trop longtemps que lui-même vivait le pire sur cette Terre pour encore y croire, mais Derek, lui, comme un enfant, s'acharnait à voir le verre à moitié rempli. Et quelque part, cela faisait du bien à Thompson... Un bien fou.

Et quand Derek reprit la parole en s'arrêtant à mi-chemin de sa phrase, cherchant ses mots, Thompson finit pour lui avec cet éternel sourire bienveillant qu'il savait si bien faire...

« Qu'un type comme moi vienne perturber ta petite vie tranquille. J'avais cru comprendre Derek. »

Il l'avait dit d'une voix très douce, très calme, absolument pas vexé ou en colère que le milliardaire pense cela. Après tout, n'était-ce pas la vérité ? Et puis, il devait jouer la comédie, il devait passer pour l'homme bon qui subissait la tyrannie d'une société où le regard primait sur les sentiments.
Même si, quelque part, tout au fond de lui, il devait bien admettre qu'il n'y avait qu'en présence de Derek qu'il réagissait ainsi... Que le masque tombait parfois durant quelques secondes et qu'il était enfin lui-même.

Un soupir lui échappa à la question de Derek et il secoua la tête pour briser ses illusions. Oh que non, il était bien décidé à rester, surtout quand un homme comme le brun admettait qu'il voudrait le revoir.
Son cœur rata un battement et il ne pu retenir son sourire de triomphe en l'entendant : c'était trop beau pour être vrai... Trop facile surtout ! Il lui avait suffit de réapparaître pour que Derek lui succombe à nouveau.
Tout n'était pas perdu et il allait peut-être enfin avoir droit à la vie qu'il méritait. Celle qu'il n'aurait jamais dû perdre si les maudites rejetonnes de Derek ne s'étaient pas rappelées à lui.

Il prit le temps de laisser mijoter le milliardaire, passant sa langue sur ses lèvres dans un mouvement sensuel avant de répondre calmement, comme détaché de tout ce qui n'était pas Derek :

« Tu es adorable mais je suis ici pour un moment. Et... »

Il était plus que temps de tendre le piège, sans quoi sa proie risquait de se défiler :

« J'ai rencontré quelqu'un ce soir prêt à me payer généreusement pour mes... services. J'ai besoin d'argent et je ne peux pas refuser, tu comprends ? Mais te revoir m'a fait énormément de plaisir : tu as illuminé ma soirée Derek. »

S'il avait pu, il aurait clôturer cette phrase digne des meilleures pièces de théâtre d'un baiser, mais le fait est qu'ils avaient un peu trop de public pour cela, alors il se contenta de lui sourire avec une tendresse inégalée, envoyant toute son affection au brun.

Que ferait Derek si l'homme lui disait rester? Leur chemin était-il fait pour simplement se croiser pour cette soirée, le temps de quelques battements de cœur. D'espoir et de bonheur qu'on ne pourrait jamais que convoiter. Tant d'envie gagnait cet homme de pouvoir, qui peinait de plus en plus à ne pas démontrer tout son bonheur de revoir Thompson. Il faut l'avouer, physiquement il lui plaisait fortement, et qui plus est, son regard espiègle, les petits mots qu'il lui lâchait, comme le fait de dire qu'il était adorable. Un commentaire qui fit ballotter la tête sur le côté droit. Ce qu'il pouvait être sexy quand il lui disait ce genre de parole. Bien qu'apprendre qu'on était ici pour plus longtemps que la soirée fit grimacer Derek. Une moue désagréable baigna son visage, il n'apprécia aucunement entendre qu'il risquait de le revoir ou même de ne plus qu'avoir comme pensée de le revoir, car il serait dans la même ville. Derek l'avait fuit aisément, comme il l'avait toujours fait lors de relation trop sérieuse. Le savoir tout prêt, à porter de main pour quand il aurait...

La nouvelle que Thompson était accompagné lui tomba comme une massue sur la tête.

''- Que... quoi? Tu oses venir ici accompagner? Me dire que tu n'es pas seul et prévoit me... rem...''

Le remplacer? Était-ce le mot exact? Il était celui qui avait rejeté son petit Tom comme s'il ne représentait rien à ses yeux. Avait-il le droit de le juger de souhaiter refaire sa vie? Lui-même l'avait bien fait, et sans trop perdre de temps. Derek s'était remis en couple et avait promis de ne jamais blesser cette jeune femme, alors peut-être ne devrait-il pas se permettre de faire la morale à Thompson. Au fond de lui, ce n'était pas cette envie qu'il avait. Il savait qu'il ne voulait pas le laisser aller rejoindre cet homme qui devait attendre le retour de ce si beau et tendre jeune homme.

''- remplacer?''

Mal à l'aise, la lèvre du bas fut légèrement mordillée, Derek tentait de ne pas trop s'énerver, bien que la nouvelle ne pouvait que lui déplaire. Le pire, c'était encore cette question d'argent. Il détestait savoir qu'on vendait ce corps pour de l'argent, non pas qu'à une époque il n'en avait pas profité, bien loin de là. Il avait fait de Thompson, sa muse et un passe-temps avec qui passer du bon temps tout en dépensant sans jamais compter le moindre sous. Devait-il le jugé? Non, il connaissait les problèmes d'argent que l'homme avait, mais il ne pouvait pas le laisser faire.

''- Quitte-le, va lui dire que tu refuses. Je veillerai sur toi, le temps que tu resteras à Miami.''

D'un geste brusque et puissant, il avait capturé le poignet de son ex-amant pour le garder fermement près de lui. Il devait peut-être lui faire mal, tordant un peu la chair, mais pour Derek rien n'était plus important que d'empêcher cette union de la soirée.

''- Je refuse que tu te donnes à un autre aussi longtemps que je serai là pour toi.''

Était-se une erreur que de lui promettre cela? Il faut dire que Derek ne réfléchissait jamais quand il était question de donner. Thompson le rendait vraiment dingue, presque con et imbécile. Que ne ferait-il pas pour lui? En fait, la moindre demande avait toujours été accepter, il avait fait de cet être, une sorte de reine à qui il ne refusait jamais rien. Pour Derek, l'avoir quitté avait été un fardeau comme une délivrance, car on avait souvent aspiré toute son énergie et son temps libre, même le temps réservé au travail. Combien de jours de congé Thompson lui avait fait prendre? Combien de jour on avait décroché de ces contraintes? Même en ce moment, le gala était devenu une fable, quelque chose d'éphémère qui ne comptait plus.

Et Derek tomba dans le piège tendu. Un peu trop facilement d'ailleurs. Thompson en aurait jubilé s'il l'avait pu : en quelques secondes, le milliardaire venait de trahir les sentiments qui lui restaient et mieux que tout, des sentiments qui étaient loin d'avoir diminué. Il suffisait de voir avec quelle violence il venait de réagir !
Il avait toujours cette morgue et cette arrogance incroyable : Thompson avait toujours trouvé cela charmant, voire même rassurant, mais pour une fois, il fut surpris de le détester pour oser lui dire qu'il était venu ici accompagné. Et alors, n'en avait-il pas le droit ? Derek était venu à Miami, l'avait abandonné sans un regard en arrière, le jetant comme on se débarrasse d'un jouet usé et avait probablement retrouvé une petite vie parfaite et posée ici, et il venait le critiquer de l'avoir remplacé ? Il aurait dû faire quoi ? Devenir chaste et vivre en moine jusqu'à la fin de sa vie ? Sérieusement ?

S'il en fut vexé, Thompson le cacha parfaitement bien et se contenta de pencher la tête de côté avec ce petit sourire doux qui aurait désarmé quiconque. Cela dit, il n'avait guère à se forcer devant Derek : le milliardaire était un tel enfant en amour que Thompson sentait ses défenses habituelles fondre comme neige au soleil. Quand il lui avait dit qu'il était adorable, il le pensait véritablement : Derek était un joyau brut et... Bon sang, il serait à lui ! Et à lui seul !

Il s'était attendu à ce que le milliardaire réagisse à son annonce comme quoi il avait trouvé un nouveau partenaire, mais certainement pas aussi violemment ni avec autant de fougue. En quelques secondes, le Derek mal à l'aise et tremblant qu'il affrontait depuis le début fit place à un homme décidé, au caractère entier et.... jaloux.
Thompson se retrouva prisonnier de sa poigne solide et il releva un regard étonné sur son ancien amant. Mais il ne fit aucun geste pour se détacher du milliardaire, bien au contraire. Ces doigts chauds faisaient courir de délicieux frissons le long de son bras qu'il savourait en silence, lui-même légèrement déstabilisé par le rapprochement de Derek.
De là, il pouvait sentir son parfum haut de gamme, ces notes légères de bois de santal qui lui rappelaient d'autres moments, une intimité au creux des draps et la chaleur d'un corps pressé contre le sien... Il dû cligner des yeux pour se reprendre et lui décocha cette fois-ci un sourire mal assuré :

« Tu veux veiller sur moi ? C'est... c'est fort charitable de ta part. »

Se reprenant, il tenta de dégager sa main mais Derek le tenait trop fort et ne semblait pas décidé à le lâcher, alors il abandonna ses tentatives et leva son regard pour le plonger droit dans le sien. Dans un murmure, ne s'adressant qu'à Derek et lui seul, il lâcha alors :

« Mais je ne veux pas d'un protecteur Derek. Tu ne l'as pas compris ? Ce que je veux... »

Il se rapprocha de quelques centimètres, suffisamment pour que son souffle vienne effleurer la peau tendre du cou du brun, et souffla pour lui seul :

« C'est un amant. »

Une tension palpable et presque érotique commençait à se glisser entre les deux hommes. Derek ne su pas pour Thompson mais pour son cas, le dernier rapprochement venait à tirailler quelques instincts des plus primaires. Il était prêt l'un de l'autre, les souffles se mélangeant presque, calme et reposé, les craintes de l'homme de pouvoir n'était plus. Sa peur d'être repéré était oubliée, car seuls comptaient les yeux dans lesquelles il était plongé. La tête un peu penchée, car même si notre convive était grand, Derek lui mesurait encore un bon 9 cm de plus. Il aurait pu aisément déposer un baiser sur le front qui était si prêt.

Le corps parsemé de frisson, de la base des pieds jusqu'à la nuque, il ferma quelques instants les yeux. Cette promesse, ce rêve d'être un amant était fort attirant, mais était-ce une demande? Thompson avait dit en avoir trouvé un autre, et Derek lui était maintenant en couple. Que faire, que choisir? Son esprit lui disait ne rester serein, de se décoller, mais son cœur lui dictait de l'embrasser, ici et maintenant. C'était comme avoir un ange et un démon sur l'épaule, bien que la dispute n'était pas si importante, car au fond de lui, Derek savait ce qu'il désirait. On ne peut pas dire qu'il réfléchissait vraiment avec son cerveau en ce moment, mais plutôt avec ce feu ardent qui baignant son cœur et son ventre. Voilà de quoi il avait peur, il craignait ses sentiments envers Tom. Il savait que son choix ne serait pas un refus et là, il couina.

''- Pourquoi me fais-tu cela?''

La poigne de fer sur le poignet diminua, d'une caresse les doigts frôleront la paume de la main de notre gentilhomme qui nous tourmentait de la sorte.

''- Serais-tu prêt à abandonner celui que tu accompagnes pour moi?''

Une demande, mais au fond de Derek, si jamais il apprenait qui était celui qui osait toucher à Thompson, il le lui ferait payer très cher. Bien que d'un autre côté, la conscience de Derek lui fit comprendre qu'il ne devrait pas. Il n'était pas dans le bon endroit pour faire une scène de colère et de jalousie. En avait-il le droit, cela il savait bien que non. Il ne pouvait empêcher Thompson de voir d'autres personnes. Lui-même ne s'était pas privé de voir quelques femmes, ou plusieurs.

Un mordillement de lèvre, il n'avait pas le droit d'être aussi égoïste, donc il grimaça, il comprit, jamais il ne pourrait interdire à cet homme d'en voir d'autres quand lui-même était présentement en couple, et qui plus est, il avait même fait réserver une chambre dans cet hôtel. Au cas, où il aurait eut une envie soudaine ou que sa copine n'en vienne à lui rendre visite à cette soirée.

''- Tom... on... ne devrait pas... ''

Pas se montrer aussi ouvert en public, la main ne quittait plus la paume dans laquelle elle s'était posée, depuis tout à l'heure, on y dessinait de petits cercles. Peut-être un message que lui aimerait avoir de la tendresse ou en donner. Le pire c'était que de nouveau, le doute était présent, cette douleur que de vouloir se perdre dans des bras qu'il aimait et plutôt se reculer pour retourner à ces devoirs d'hôtes de la soirée.